mardi 26 décembre 2023

Terry Pratchett - Mécomptes de fées

Mécomptes de fées, Terry Pratchett, Tome 12/35 des Annales du Disque-Monde, 1991, 345 pages

Après La Huitième fille et Trois soeurcières, Mécomptes de fées est le troisième volume du Disque-Monde mettant en scène les sorcières, et tout particulièrement Mémé Ciredutemps. Avec Nounou Ogg et Magrat Goussedail, elles mettent le cap sur Genua - à l'étranger ! - pour résoudre une histoire de marraines, de citrouilles, de miroirs, de prince charmant et de contes de fées.

Les sorcières ne sont pas mon arc préféré du Disque-Monde, mais plus j'en lis et plus j'apprécie. Cela vaut autant pour l'enchaînement des romans qu'au sein même de celui-ci, avec ses personnages qui gagnent en sympathie au fur et à mesure des pages. Comme à l'habitude des tomes sur les sorcières, il y a une dose non-négligeable, même sur une échelle de Terry Pratchett, de jeux de mots et d'à-peu-près-isme pas toujours évidents - oui, il m'a fallu l'ensemble des répétitions de la blague sur les crocodiles pour la comprendre. C'est plus contextuel et moins citable, ce n'est pas ce que je préfère, mais c'est resté tout à fait digeste et appréciable. Un bon tome, loin des balbutiements des débuts, toujours plaisant même quand ce n'est pas enthousiasmant.

Couverture : Josh Kirby / Traduction : Patrick Couton

mercredi 20 décembre 2023

Louise Roullier - Grain de sable

Grain de sable, Louise Roullier, 2022, 470 pages

Depuis la mort de son père, un illustre mage, lors du tournoi des Sept Oriflammes, la vie de Lidia va de mal en pis. Quinze ans plus tard, alors que sa famille est aux bords de la ruine, son frère est tué, ce qui entraîne le suicide de sa mère. Elle-même devenue une jeune mage, Lidia découvre une vieille légende qui évoque la possibilité de modifier le passé. Elle part en quête de ce pouvoir pour sauver son père et changer son destin.

Grain de sable est un roman mélangeant fantasy et voyage dans le temps. C'est clairement son point fort, ce qui dénote le plus et en fait une lecture à part. Une particularité qui ne se restreint d'ailleurs pas au fond du récit mais agit aussi pleinement sur sa forme, Louise Roullier ayant trouvé une manière habile pour présenter ces luttes pour le contrôle du passé et les modifications en résultant au travers de la typographie.

Pour le reste, Grain de sable fait bien le boulot. Il n'est pas parfait, tire parfois un chouïa en longueur et possède quelques facilités pour arriver au final, mais c'est avant tout une lecture satisfaisante, maline dans son ensemble et porté par son mélange des genres très bien réussi.

Couverture : Sébastien Annoni
D'autres avis : L'ours inculte, Zoé, Sometimes a book, Le nocher des livres, Boudicca, ...

jeudi 14 décembre 2023

Keigo Higashino - Les Sept Divinités du bonheur

Les Sept Divinités du bonheur, Keigo Higashino, 2013, 303 pages

Après Les Doigts rouges et Le Nouveau, Les Sept Divinités du bonheur est la troisième enquête de l'enquêteur Kaga Kyōichirō parue en France. Elle porte sur l'assassinat d'un père de famille, poignardé en pleine rue mais qui a étonnamment fait l'effort de venir mourir au pied d'un qilin sur le pont de Nihonbashi à Tokyo.

Dans la lignée de ses deux prédécesseurs, et de manière générale de tous les autres livres de l'auteur, Les Sept Divinités du bonheur est un très bon roman. Il possède le ton habituel de Keigo Higashino, tout en simplicité, avec une prédominance des dialogues et sans fioriture, sans jamais donner pour autant l'impression de survoler les choses ou de manquer de consistance. Avec Keigo Higashino, tout est dosé et millimétré. Comme cette nouvelle enquête qui n'a rien d'époustouflant, qui n'est aucunement basée sur des scènes d'action, qui ne tient qu'à la sensibilité aux détails et à la persévérance de son héros et qui est absolument captivante du début à la fin.

En plus de ce mystère imprévisible, maitrisé et hautement efficace, c'est - pour le lecteurice occidental - une plongée dans une culture légèrement différente. Si elle n'est pas diamétralement opposée à la nôtre, elle conserve d'indéniables particularités, notamment dans ses traditions. Cela participe d'un changement de ton et d'atmosphère appréciable, achevant de faire de Les Sept Divinités du bonheur un excellent roman.

Couverture : © Getty Images / Traduction : Sophie Refle

vendredi 8 décembre 2023

Claire North - Le Voleur

Le Voleur, Claire North, Tome 2/3 de La Maison des jeux, 2015, 153 pages

Après Le Serpent, Le Voleur est la deuxième novella de Claire North mettant en scène l'univers de la Maison des jeux, cet établissement où les parties se jouent à l'échelle mondiale et où les enjeux ne se limitent pas à un peu d'argent et d'honneur. La Maison des jeux ouvrent cette fois ses portes à Bangkok, en 1938, pour une gigantesque partie de cache-cache dans toute la Thaïlande entre Rémy Burke et Abhik Lee.

Le Voleur est une novella différente de Le Serpent, mais tout aussi excellente. Là où la première était presque strictement un jeu de manipulation et de luttes de pouvoir, Le Voleur est bien plus une course-poursuite et se lit comme un thriller. Un très bon thriller tant la lecture est tendue et haletante - ce qui donne encore plus de poids à la rencontre entre Rémy et Fon, une très belle parenthèse et l'un des plus beaux passages du récit.

C'est donc déjà un très bon texte sur ses 100 premières pages. Puis vient le dernier tiers, et son ampleur explose. D'haletant, ça devient exaltant. De manière très fluide, on en revient à un jeu d'anticipation et d'atouts, autant à l'échelle du cache-cache en cours que de l'intrigue plus globale de la Maison des jeux. Car Le Voleur n'est pas juste une petite partie lambda. C'est un exemple parfait pour apercevoir les dessous de la Maison des jeux et voir les pièces de la table finale se mettre en place. Après deux excellentes novellas, tout est en place pour que le troisième tome, Le Maître, soit une apothéose.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Michel Pagel
D'autres avis : Yuyine, Boudicca, Dionysos, FeydRautha, Gromovar, Xapur, Le Maki, OmbreBones, Célinedanaë, lutin82, ...

samedi 2 décembre 2023

Bulles de feu #56 - Novembre 2023

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Kaiju n°8 T.9/? - Naoya Matsumoto

Bim, bam, boum !


L'Homme à tête de lion - Xavier Coste

Une vie de freak. Ça a un style tant sur la forme que sur le fond, mais aucun des deux ne m'a particulièrement accroché. C'est quasiment la définition du "correct", sans plus mais sans vrai moins non plus.


Tempête de cristal T.1-3/3 - Aki Aoi

Une courte série étonnante, au cadre intéressant (des tempêtes de sable qui cristallisent des paysages) mais pleine de défauts (arrière-plans inexistants, successions de cases trop brusques, gouttières trop importantes, manque de développement, ...) pour un sentiment pourtant assez positif en fin de lecture. Ça donne envie de voir d'autres oeuvres de l'autrice.


Le Bel Âge T.1-3/3 - Merwan

Une trilogie sur l'entrée dans la vie adulte de trois jeunes filles un peu perdues. Pas forcément enthousiasmant à lire, mais c'est accrocheur et surtout ça sonne vrai, tant par les difficultés rencontrées que dans l'imperfection des personnages.


La Boîte lumineuse T.2/? - Seiko Erisawa

Un peu moins bon que le premier tome - qui avait été une excellente surprise et qui aurait pu rester un one-shot - mais tout de même sympa et très fluide à lire.


L'Espoir malgré tout T.1-4/4 - Émile Bravo

Une bonne série pour avoir un grand résumé de la Seconde Guerre Mondiale vu de Belgique à hauteur de personnes lambdas, avec toutes les problématiques associées qui peuvent résonner n'importe où, n'importe quand. Parfait pour devenir misanthrope - et pas seulement à cause de Fantasio.


Radium Girls - Cy

Une BD importante pour mettre en lumière le scandale éponyme.
Très bien


Hirayasumi T.1/? - Keigo Shinzô

Franchement sympa, doux et agréable. À voir comment ça va tourner, mais c'est pour l'instant une bonne tranche de vie feel-good avec de sympathiques personnages.


La longue marche des dindes - Kathleen Karr et Léonie Bischoff

Adaptation d'un roman jeunesse américain qui voit Simon, un garçon pas très doué à l'école, prendre la route pour l'autre bout du pays avec un convoi de 1000 dindes. C'est du jeunesse mais c'est tout de même consistant, c'est simple à lire mais c'est surtout très agréable avec de bons messages. Très bien autant pour les petits que pour les grands !

dimanche 26 novembre 2023

Une Heure-Lumière - Hors-Série 2023 (Christian Léourier - Le Trophée)

Le Trophée, Christian Léourier, 2023, 64 pages

Comme chaque année, l'opération UHL permettait d'obtenir ce hors-série gratuit pour l'achat de deux titres de l'excellente collection Une Heure-Lumière. En plus de l'édito d'Olivier Girard et de la présentation de la collection par Camille Vanille Vinau sous forme de parcours touristiques, l'édition 2023 propose une nouvelle de Christian Léourier, Le Trophée.

Le Trophée raconte l'histoire d'Ilann, un mesk, un sang-mêlé issu d'un Haelite et d'une Étrangère, qui participe à une chasse traditionnelle aux mattor pour tenir une parole de jeunesse et prouver qu'il vaut autant qu'un Haelite. Cette phrase est un résumé des premières pages dans une version un peu plus claire que l'originale, ce qui laisse imaginer le petit côté ardu du démarrage. Mais on s'y fait assez vite et l'on suit un peu aveuglément, comme Ilann, le chemin proposé par le trophée et Le Trophée.

C'est un peu le problème de cette nouvelle : même une fois arrivé à destination, on ne sait pas trop pourquoi on a fait tout ce chemin. Il y a certainement une notion de métissage et d'union, avec un respect et une compréhension à acquérir pour tous les êtres vivants. Des thèmes chers à l'auteur mais qui ne sont pas forcément présentés ici de la manière la plus limpide et claire. Il n'en reste pas moins une petite aventure correcte mais qui n'est pas le texte le plus marquant ou enthousiasmant de l'auteur.

Couverture : Aurélien Police
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lundi 20 novembre 2023

Claire Duvivier - L'Armée fantoche

L'Armée fantoche, Claire Duvivier, Tome 6/6 de la Tour de Garde, Tome 3/3 de Capitale du Nord, 2023, 537 pages

Après Citadins de demain et Mort aux geais !, L'Armée fantoche conclut la trilogie Capitale du Nord et clôt définitivement la saga de La Tour de Garde.

À l'image de Les Contes suspendus pour la trilogie de Guillaume Chamanadjian, L'Armée fantoche est un troisième tome dans la lignée des deux précédents, avec les mêmes qualités. Les mêmes petits défauts aussi, mais rares et minimes sur l'ensemble. Amalia y est ainsi toujours un peu trop plaintive par moment, même si les circonstances sont difficiles, a des pulsions de divulgachâge de la suite du récit et n'est peut-être pas aussi bien connecté au mystère sous-jacent de la Tour de Garde que peut l'être Nox.

À bien y réfléchir, ce ne sont même pas réellement des défauts. C'est bien plus une histoire de goût, ayant préféré l'aventure sudiste. Ce qui ne doit pas donner une image négative de l'épopée nordiste. J'ai préféré Nox à Amalia de la même manière qu'on préfère remporter 10.000€ au loto plutôt que 9000€. Ce qu'il faut retenir, c'est que les deux sont très bien. Et qu'ils se complètent admirablement bien, sans se marcher dessus. Il n'y a guère que la rencontre entre les deux personnages principaux - et c'est parfaitement normal - qui a des airs de redite pour quiconque a lu Les Contes suspendus récemment, mais cela ne dure que quelques pages et la suite s'imbrique parfaitement.

L'Armée fantoche est une très bonne conclusion à une excellente saga. Une oeuvre unique sur la forme et extrêmement plaisante sur le fond. Une réussite totale, jusque dans les couvertures d'Elena Vieillard et les titres des livres remarquablement bien choisis, fondamentaux sans être divulgâcheurs. À coup sûr une oeuvre majeure de la fantasy française. Et maintenant que tout est paru, vous n'avez aucune excuse de ne pas vous lancer.

Couverture : Elena Vieillard
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jeudi 9 novembre 2023

Guillaume Chamanadjian - Les Contes suspendus

Les Contes suspendus, Guillaume Chamanadjian, Tome 5/6 de la Tour de Garde, Tome 3/3 de Capitale du Sud, 2023, 501 pages

Après Le Sang de la Cité et Trois lucioles, Les Contes suspendus est la conclusion de Capitale du Sud et le début de la fin pour l'inédite saga de La Tour de Garde menée avec Claire Duvivier. Et si quelqu'un hésitait encore à se lancer en se demandant si la qualité serait au rendez-vous jusqu'au bout, iel peut maintenant commencer sans crainte.

S'il y avait peu de doute, après deux excellents premier romans, que Guillaume Chamanadjian allait nous offrir un nouveau très bon livre, la seule petite interrogation qui subsistait concernait la rencontre concrète entre les personnages des deux trilogies parallèles et comment chaque histoire allait se raconter, et encore plus se conclure, sans empiéter sur le récit de l'autre. Toute inquiétude est à dissiper : comme tout le reste de la série, c'est parfaitement maitrisé. Les espaces libres pour l'histoire de Claire Duvivier sont évidents et visibles, mais cela ne semble jamais forcés, chaque personnage gardant son histoire propre au sein de cet univers partagé, d'une manière qui fait totalement sens.

C'est admirable, au même titre que tout ce que propose Guillaume Chamanadjian ici. Les Contes suspendus est une nouvelle fois un tome qui se dévore - quasi-littéralement tant il conserve jusqu'au bout son ambiance unique où la nourriture est importante. Les personnages sont mémorables, les petits rebonds et surprises sont régulières, la temporalité est palpable et l'ensemble fait sens en toutes occasions. Jusqu'au final qui parvient à la fois à être absolument logique, ne pouvant que se conclure ainsi, tout en ne faisant jamais ressentir un quelconque "passage obligé" plus faible, gardant de la fraîcheur jusqu'au bout pour un aboutissement parfait.

La fraîcheur, c'est un terme qui caractérise très bien cette lecture. Le confort aussi, tant il est confortable de retourner à Gemina et ses environs, où quelques pages seulement sont nécessaires pour s'y retrouver pleinement à l'aise. Et puis il y a le plaisir. Capitale du sud est simplement un immense plaisir de lecture, de la première à la dernière page. Et je n'ai même pas évoqué l'habileté avec laquelle Guillaume Chamanadjian utilise la notion de conte, entre invention et réalité, et joue avec jusqu'au terme d'un intelligent épilogue. Il y aurait beaucoup à dire tant tout ce qui fait les trois tomes de cette série est excellent. Mais aucun mot ne vaudra la lecture de ceux de l'auteur.

« Une pièce d'argent pour un conte en or » dit l'adage repris régulièrement durant la trilogie. Nul doute que le conte de Guillaume Chamanadjian est fait de l'or le plus pur, mais il vaut certainement bien plus d'une pièce d'argent.

Couverture : Elena Vieillard
D'autres avis : Tigger Lilly, Le Nocher des livres, Célinedanaë, Boudicca, Sometimes a book, ...

jeudi 2 novembre 2023

Bulles de feu #55 - Octobre 2023

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Stern T.4/? - Frédéric Maffre et Julien Maffre

Ce n'est pas le tome le plus marquant de la série mais ça reste une agréable aventure qui nous fait retrouver avec plaisir notre croque-mort préféré.
Très bien


Dans la tête de Sherlock Holmes - L'Affaire du ticket scandaleux T.1-2/2 - Cyril Liéron et Benoit Dahan

Une solide enquête à la Sherlock, où chaque détail compte, mais surtout une mise en scène graphique incroyable et ingénieuse, pleine de petites trouvailles qui en font une BD absolument unique.
Tigger Lilly et Gromovar en parlent plus longuement.


Frontier - Guillaume Singelin

Un très bon space-opera avec un fond limpide sur notre présent/futur mais surtout une vraie bonne histoire aux personnages attachants. Une BD massive qui se lit très facilement et dont l'ampleur permet de donner du temps aux développements et de vraiment s'imprégner de l'univers. Une BD qui mérite le détour et de passer outre le côté un peu chibi des personnages qui pourra en rebuter certain.e.s mais qui s'oublie très vite.


L'Attaque des titans T.28-34/34 - Hajime Isayama

La fin d'une incroyable série qui aura été de grande qualité du premier au dernier tome. Il y a certainement des défauts mais ça reste une lecture excitante qui ose aller au bout de son propos, va bien au-delà de son titre finalement réducteur et n'est jamais dans la demi-mesure. Simplement titanesque.

vendredi 27 octobre 2023

Ted Chiang - Expiration

Expiration, Ted Chiang, 2007-2019, 463 pages

Expiration est un recueil de 9 nouvelles où Ted Chiang prouve, cette fois pleinement, qu'il est l'un des meilleurs nouvellistes au monde. Au coeur de chaque texte se trouve une idée forte, une théorie scientifique (voyage dans le temps, mondes parallèles, création de l'univers, ...) ou un concept plus philosophique (libre arbitre, imperfection de la mémoire, vacuité de la vie, ...), l'un n'excluant pas l'autre.

Si, présenté ainsi, cela peut faire peur ou impressionner, Ted Chiang parvient à rendre tout ça parfaitement digeste. Il y a à la fois un vrai effet "wahou" et un aspect très palpable, concret, de ce qui est évoqué. Si les concepts sont sûrement plus marquants que les personnages, ces derniers ne sont pas pour autant des plantes vertes et sont franchement agréables à suivre. À cela s'ajoutent des formes de narration variées qui donnent un caractère unique à chaque texte.

Deux (courtes) nouvelles sont un peu en-dessous du reste (La Nurse automatique brevetée de Dacey et Le Grand silence), ce qui n'est guère surprenant quand on apprend dans les intéressantes notes de l'auteur en fin d'ouvrage qu'elles ont été conçues dans le cadre d'autres projets pluridisciplinaires. Et il n'y a de toute façon aucune honte à être un peu inférieur au regard de la qualité générale du recueil, très bon au minimum pour tous les autres textes.

Voire plus pour la nouvelle qui ouvre le livre, Le Marchand et la porte de l'alchimiste, un récit façon contes des milles et nuits qui parle de voyage dans le temps, un mélange rare qui fonctionne parfaitement à tous les niveaux, tant pour l'intrigue que pour les réflexions apportées. Une nouvelle si excellente qu'elle vaudrait à elle-seule la lecture du recueil même si le reste était mauvais. Et comme il ne l'est pas, loin de là, il n'y a vraiment aucune raison de ne pas lire Expiration.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Théophile Sersiron
D'autres avis : TmbM, Lorhkan, Vert, Gromovar, FeydRautha, Le chien critique, Le Maki, Xapur, Célinedanaë, ...

samedi 21 octobre 2023

Audrey Pleynet - Rossignol

Rossignol, Audrey Pleynet, 2023, 131 pages

En plein milieu de l'espace, la Station est un lieu unique où se côtoient de nombreuses espèces extraterrestres. Un brassage rendu possible grâce aux Paramètres qui permettent à chacun d'adapter les conditions de vie à son patrimoine génétique. Mais ce qui ressemble à un havre de paix et de tolérance cache un conflit de plus en plus prégnant entre Spéciens, partisans de la séparation des espèces, et Fusionnistes, favorables au métissage.

C'est par les yeux d'une femme, par son présent et son passé, que l'on découvre assez nébuleusement cette station. Rien n'est clair pendant les premières dizaines de pages, rien n'est explicite. Et pourtant, à l'image de son énigmatique intrigue, c'est mystérieusement accrocheur et tout juste assez compréhensible pour que se dévoile peu à peu ce surprenant et intelligent cadre et les problématiques qui en découlent.

Mais Rossignol n'est pas qu'un univers remarquable. C'est aussi une réflexion de fond aux parallèles bien terrestres, notamment sur la question de la mixité. C'est aussi une intrigue de plus en plus concrète, qui prend quasiment des airs de thriller et se conclut sur un final puissant. C'est aussi un récit qui a des passages dignes de la poésie de son titre. C'est de manière générale une jolie novella et une franche réussite.

Couverture : Aurélien Police
D'autres avis : Gromovar, FeydRautha, Yuyine, Lorhkan, Le Maki, Alias, Célinedanaë, Apophis, ...

samedi 14 octobre 2023

Jack Finney - Le Voyage de Simon Morley

Le Voyage de Simon Morley, Jack Finney, 1970, 473 pages

Simon Morley est un jeune dessinateur new-yorkais dont l'existence n'a rien de particulière. Jusqu'au jour où un homme lui propose d'intégrer un projet ultra secret dont le but est le voyage dans le temps. Avec une méthode inédite qui ne nécessite pas de machine, seulement le conditionnement de l'esprit.

Si une vieille histoire de famille servira d'excuse à créer une petite intrigue au sein de ce voyage temporel, Le Voyage de Simon Morley est surtout un guide touristico-historique du New-York de 1882, clichés à l'appui. Jack Finney y promène le lecteurice en long, en large et en travers, avec un luxe de détails sur les bâtiments et technologies de l'époque. C'est sans conteste un impressionnant travail de recherche et de restitution.

D'un point de vue romanesque, c'est bien moins resplendissant, puisqu'il est régulièrement possible de sauter des pages entières sans rien perdre de l'intrigue, si ce n'est un déplacement de quelques rues. C'est aussi vide d'histoire que c'est plein d'Histoire. Si vous adorez Connie Willis mais que vous trouvez que ses intrigues sont si neutres qu'on pourrait les réduire sans rien y perdre, alors Le Voyage de Simon Morley est fait pour vous.

Couverture : Benjamin Carré / Traduction : Hélène Collon
D'autres avis : Lune, Xapur, Acr0, ...

dimanche 8 octobre 2023

Colson Whitehead - Harlem Shuffle

Harlem Shuffle, Colson Whitehead, 2021, 420 pages
« Carney n'était pas un voyou, tout juste un peu filou... »
Cette citation placée en exergue de la première partie résume bien le personnage de Ray Carney. Propriétaire d'un magasin de meubles à Harlem dans les années 1960, il tente de gravir l'échelle sociale dans une ville où être noir ferme la majorité des portes. Alors pour arrondir les fins de mois, il lui arrive de revendre quelques objets obtenus de manière pas tout à fait légale. Mais les choses prennent une nouvelle ampleur quand son cousin Freddy l'entraîne dans le cambriolage de l'Hôtel Theresa.

Colson Whitehead est à la fois un auteur constant et un auteur qui se réinvente sans cesse. Si la condition noire et la condition de "l'homme moyen" sont très clairement ses thématiques favorites, reprises de livres en livres et une nouvelle fois ici, il change régulièrement de cadre et de style. Avec "Harlem Shuffle", il s'essaye au roman noir, où se côtoient tripots, magouilles et malfrats.

Et c'est, comme d'habitude, une grande réussite. Bien que roman noir, ce n'est d'ailleurs pas réellement sombre, ça a même quelque chose de frais et lumineux, notamment car Ray Carney est un personnage éminemment sympathique. Ce n'est pas propret pour autant, mais c'est très plaisant à lire. C'est peut-être le roman idéal pour découvrir Colson Whitehead. Il n'a pas ce côté effrayant que peuvent avoir ses deux chefs-d’œuvre Underground Railroad et Nickel Boys, deux lectures qui peuvent être éprouvantes, tout en ayant une intrigue plus nette et accrocheuse que d'autres de ses très bons romans comme Ballades pour John Henry ou Apex.

Harlem Shuffle est un très bon roman, avec une intrigue solide et mouvementée - découpée en trois parties séparées de quelques mois/années, comme un fix-up de nouvelles - et une plongée dans le quartier de Harlem qui est quasiment un personnage à part entière. Ça se lit tout seul et on en reprendrait. Ça tombe bien, même si Harlem Shuffle se suffit à lui-même, Ray Carney reviendra dans Crook Manifesto, situé cette fois dans les années 1970. J'ai hâte !
« Un truc que j'ai appris dans ce métier, c'est que la vie ne vaut pas grand-chose, et qu'elle vaut de moins en moins à mesure que les enjeux augmentent. »
Couverture : Olivier Munday / Traduction : Charles Recoursé
D'autres avis : Le Maki, ...

dimanche 1 octobre 2023

Bulles de feu #54 - Septembre 2023

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Yojimbot T.3/? - Sylvain Repos

C'est toujours aussi joli et coloré, le cadre est sympa, mais l'histoire est malheureusement toujours aussi infime.


Toutes les princesses meurent après minuit - Quentin Zuttion

Une belle BD sur la découverte de soi et de sa sexualité, qui n'était pas particulièrement pour moi mais que j'ai tout de même trouvé touchante.
Très bien


L'Attaque des titans T.23-27/34 - Hajime Isayama

Énorme changement pour ce deuxième grand arc du manga, ça passe réellement un cap, c'est inattendu et impressionnant, titanesque. Ça peut paraitre presque disproportionné par moment mais c'est terriblement exaltant.


Le Maître des livres T.11-12/15 - Umiharu Shinohara

Toujours aussi bien, intelligemment humain, un bel hommage aux bibliothèques et aux bibliothécaires.


L'Université des chèvres - Christian Lax

Pas forcément exaltant, un peu survolé (mais avec logique) dans sa première partie et perturbant par son changement d'époque, mais ça s'avère finalement une très bonne BD qui clame l'importance d'un accès à une éducation libre pour tou.te.s. Une éducation qu'on cherche à orienter et contrôler en tous lieux et toutes époques, ce que montre très intelligemment Christian Lax dans cette BD qui ne peut qu'énerver mais qui est importante.


Le grand vide - Léa Murawiec

Il faut passer outre l'aspect "outrancier" et l'ultra-dynamisme épuisant du style graphique - qui fait parfaitement sens avec l'univers du récit mais qui peut rester un frein au démarrage - pour découvrir une critique très maline du culte de la personnalité, du besoin d'être connu, de la nécessité d'exister pour les autres.


Underwater T.1-2/2 - Yuki Urushibara

Un petit bijou qui mérite son comparatif d'oeuvre entre "Le Voyage de Chihiro" et "Quartier lointain". Une histoire simple de deuil et de souvenirs, aux touches de fantastique pour se composer sur deux époques en miroir, très belle et très touchante.

lundi 25 septembre 2023

Emily St. John Mandel - L'Hôtel de verre

L'Hôtel de verre, Emily St. John Mandel, 2020, 398 pages
« Et si vous avaliez du verre brisé ? »
C'est le graffiti qui apparait un soir sur une vitre de l'hôtel Caiette, un hôtel de luxe isolé sur une île de la région de Vancouver. Un graffiti qui perturbe les rares touristes de l'établissement tout comme les employés, Vincent la barmaid en tête mais aussi Paul, l'homme à tout faire, son demi-frère. Un graffiti qui semble destiné au propriétaire de l'établissement, le riche homme d'affaires Jonathan Alkaitis.

L'Hôtel de verre est un livre extrêmement difficile à résumer. Le pitch ci-dessus n'est pas vraiment le début du roman mais est surtout l'élément le plus saillant du récit, ce qui se rapproche le plus d'un élément perturbateur permettant de lancer l'intrigue. Sauf que l'intrigue n'évolue en fait pas particulièrement à partir de ce point, parce qu'elle n'existe pas réellement. L'Hôtel de verre est plus une addition de tranches de vies. De vies brisées.

L'Hôtel de verre n'est pas un mauvais roman. Il est dynamique, sautant de personnage en personnage, et se lit très facilement. Ce n'est pas inintéressant, je n'ai pas passé un mauvais moment, mais je ne l'ai pas non plus trouvé particulièrement intéressant. J'aurais pourtant voulu l'aimer, mais je l'ai surtout trouvé désespéramment vide. Il ne crée ni surprise ni empathie, il ne s'y passe rien. Après mes réserves concernant Station Eleven - roman avec lequel il partage le même manque d'étincelle et d'excitation - Emily St. John Mandel ne semble définitivement pas une autrice pour moi.

Couverture : © Getty images / Traduction : Gérard de Chergé
D'autres avis : Yuyine, Lune, Le Maki, Le nocher des livres, Zina, ...

mardi 19 septembre 2023

Martin Page - Je suis un dragon

Je suis un dragon, Martin Page, 2015, 278 pages

Margot est une jeune fille normale en apparence. Solitaire certes, mais rien qui ne la fasse réellement sortir du lot. Sauf que Margot a un secret qu'elle est bien déterminée à cacher : elle est indestructible, son corps ne peut pas être blessée. Mais aucun secret, surtout de cette importance, ne peut rester indéfiniment dissimulé
« - Oui, tu es un monstre. Comme pas mal de gens. Mais toi, tu es un gentil monstre.
Et Janet Xanadu pensa à elle-même, à son absence de vie sociale et sentimentale, à son attirance pour la folie et le désordre, à sa conviction que les être les plus bizarres et hors normes représentaient davantage l'universel que ceux qui entraient dans la norme.
»
Je suis un dragon reprend le thème classique de l'apparition et du développement d'un super-héros et en propose une version aussi crédible que possible, entre honnêteté et manipulation, entre popularité et haine. S'il ne s'agit pas d'un roman de super-héros à la DC/Marvel, plein de menaces universelles et de combats épiques, ce n'est pas pour autant juste un décor pour un roman de littérature blanche. Il est évidemment question, sous la figure super-héroïque, d'humanité et de normalité - comme la majorité des ouvrages de science-fiction - mais la question du super-héros, sa gestion et son impact, est aussi une part importante du roman.

On ne peut même pas dire qu'il y a un aspect métaphorique tant il est clair que l'anormalité de Margot permet de parler de l'anormalité de tout un chacun, et de la difficulté de trouver sa place dans le monde. Un caractère explicite, une clarté, que j'ai trouvé très agréable et qui n'empiète pas sur un récit prenant basé pourtant essentiellement sur l'évolution du personnage de Margot. Un personnage fondamentalement bon et gentil pour un roman globalement à son image. Il pourrait presque paraitre un peu gentillet par moment, notamment au début, mais il cache en fait de véritables accès de violence et un effet d'ensemble loin d'être mièvre, tout en conservant une certaine aura de douceur et en dégageant quelque chose de réconfortant. Un très bon roman.
« Margot raconta une vie d'abandon, de trahison et de coups. Factuellement elle mentait, mais émotionnellement elle disait la vérité. L'imagination est parfois ce qui rend le mieux compte de la réalité. »
Couverture : Sandrine Bonini et Merwan
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mercredi 13 septembre 2023

P. Djèli Clark - Le Mystère du tramway hanté

Le Mystère du tramway hanté, P. Djèli Clark, 2019, 101 pages

Égypte uchronique, où les djinns sont une présence quasi-normale, début du XXème siècle. Hamed et Onsi sont deux agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. Ils sont appelés pour traiter le cas d'une rame de tramway hantée par une mystérieuse présence - oui, le titre est vraiment très explicite.

Le Mystère du tramway hanté est une novella se déroulant dans le même univers que L'Étrange affaire du djinn du Caire et Maître des djinns. Elle se déroule chronologiquement entre ces deux textes, même si elle peut autant se lire en découverte de l'univers qu'après la lecture des deux autres récits - la preuve. P. Djèli Clark y développe une nouvelle fois son monde légèrement uchronique où des entités surnaturelles ont ouvertement pris place sur Terre, changeant quelque peu les rapports de force et les évolutions de la société.

Le Mystère du tramway hanté est une bonne novella. C'est une enquête simple, sans rien d'époustouflant, mais qui permet de revenir avec joie dans un univers appréciable et de côtoyer de sympathiques personnages. Et un bon moment, ça ne se refuse pas.

Couverture : Stephan Martinière / Traduction : Mathilde Montier
D'autres avis : Sabine, L'ours inculte, Jean-Yves, Célinedanaë, Le nocher des livres, Apophis, Elessar, lutin82, Marc, Boudicca, ...

jeudi 7 septembre 2023

Bulles de feu #53 - Août 2023

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Terukan Boys - Yû Nakahara

Une bonne petite histoire qui tient la route, sur notamment le passage à la vie d'adulte, mais qui aurait mérité de compter 2-3 tomes pour être pleinement développée.


March comes in like a lion T.3-4/16 - Umino Chica

Deux nouveaux tomes qui laissent un sentiment aussi mitigé et étrange que les deux premiers : c'est parfois ennuyant et exubérant pour pas grand chose (même si j'imagine que ça peut servir à contrebalancer l'amoncellement de drames que recèle ce manga), parfois prenant comme un bon manga de sport.


Soloist in a cage T.1/3 - Shiro Moriya

Un manga sombre et violent, quasiment un battle royale, porté surtout par son dessin qui arrive à être parfois lumineux dans toute cette noirceur.


Nettoyage à sec - Joris Mertens

Une BD qui commençait très bien, des personnages qui sonnaient vrais, une vraie patte dans le dessin (surtout dans les pleines pages), une attente qui montait comme un thriller... et puis ça se termine brutalement, de manière assez désespérante à tout point de vue.


Speed Ball - Florian Pigé et Étienne Gerin

Un récit loufoque et assez violent/trash qui n'est pas ce que je préfère mais ça reste correct, porté surtout par l'ambiance graphique Funky Cops/Tyler Cross sous acide.
Très bien


La Dernière Reine - Jean-Marc Rochette

Une très bonne BD "à la Rochette", peut-être un chouïa moins marquante que "Ailefroide Altitude 3954" et "Le Loup" mais néanmoins captivante de bout en bout. Un hymne à la nature et à la bêtise humaine qui ravira les misanthropes.


L'Attaque des titans T.20-22/34 - Hajime Isayama

La fin de la première grande partie du manga avec d'énormes révélations qui ne déçoivent pas.


Les Chimères de Vénus T.1-2/3 - Alain Ayroles et Étienne Jung

Une très bonne surprise que cette histoire dans l'univers du "Château des étoiles" d'Alex Alice. Proche et différent de "l'original" tout à la fois, mais parfaitement dans l'esprit. Une solide aventure très plaisante.