jeudi 30 mai 2019

Edmond Hamilton - Les Loups des étoiles

Les Loups des étoiles, Edmond Hamilton, 1967-1968, 523 pages.

Morgan Chane est un Loup des étoiles, ces êtres venus de la planète Varna, sortes de vikings interstellaires, ne vivant que pour le pillage d'autres planètes et redoutés dans de nombreuses galaxies. Enfin, il était un Loup, lui qui se retrouve désormais banni et poursuivi par les siens. Heureusement pour lui, Chane n'est pas originaire de Varna mais de la Terre, ce qui lui permet d'échapper à ses poursuivants en se faisant recruter par une bande de mercenaires terriens.

Cette intégrale Les Loups des étoiles comprend les trois romans écrits par Edmond Hamilton sur le personnage de Morgan Chane. Si ces trois romans content chacun une aventure du héros et de ses compagnons mercenaires, ils forment surtout un véritable ensemble qui s'enchaîne très agréablement et pourrait presque faire croire qu'il ne s'agit que de trois grandes parties d'un même grand roman.

Les Loups des étoiles est fortement axé action et aventure, cette dernière prenant d'ailleurs franchement le pas sur la première. Mais ce n'est pas le livre bourrin que la couverture ou le pitch de départ pourrait laisser à penser. C'est avant tout un livre où tout est très bien dosé, que cela soit dans le rythme, dans l'écriture ou dans l'intrigue. C'est surtout un livre où le sense of wonder est éminemment présent, tant dans l'émerveillement à parcourir ces galaxies que dans les mystères se cachant au coeur de chaque aventure.

L'Arme de nulle part ouvre cette intégrale. Edmond Hamilton pose rapidement les bases de son univers et envoie le lecteur dans une intrigue qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Peut-être - surement - le meilleur des trois romans. Les Mondes Interdits renvoie les mercenaires dans une nouvelle mission. Si la montée en puissance est réussie et culmine dans une découverte enivrante, ce deuxième roman s'avère peut-être le plus faible à cause d'une séquence post-mystère trop longue à se conclure. Le Monde des Loups termine l'ouvrage en traitant d'un sujet attendu, mais sous une forme plus inattendue. Si ce n'est pas le roman le plus réussi du point de vue sense of wonder, il fonctionne grâce aux 400 pages précédentes et à l'attachement désormais acquis pour ce personnage principal à la limite entre héros et anti-héros.

Les Loups des étoiles n'est pas le livre du siècle et il manque certainement d'un peu de profondeur pour être conseillé à tout un chacun. Mais c'est néanmoins - et c'est déjà beaucoup - un très bon divertissement, aussi intelligemment écrit que dépaysant.

samedi 25 mai 2019

Bulles de feu #15 - Disparitions

Ces jours qui disparaissent, Timothé Le Boucher, 2017, 190 planches

À la suite d'un choc, Lubin, jeune acrobate, est confronté à un trouble dissociatif de l'identité cyclique : une autre personnalité prend possession de son corps un jour sur deux. Comment cohabiter avec soi-même ?

Ouvrage multiplement primé et acclamé, Ces jours qui disparaissent est à la hauteur de sa réputation. C'est une très bonne bande dessinée dont l'histoire tient en haleine et ne donne pas envie de la lâcher avant d'en avoir tourné la dernière page - une page qui d'ailleurs vous laissera la BD en tête pendant encore quelques minutes, au minimum. Le tout dans un style "épurée mais pas simpliste" qui apporte une vraie identité au livre.

Le seul petit bémol - outre la quatrième de couverture qu'on évitera de lire pour se garder un vrai plaisir de découverte (presque un cas de #SyndromeActesSud) - le seul bémol donc est une certaine sensation de manque d'un petit quelque chose, peut-être d'un vrai but (autre que "tourner les pages parce que c'est bien"). C'est ce qui retient Ces jours qui disparaissent d'être une extraordinaire BD. Mais cela ne doit absolument pas vous retenir de la lire parce qu'elle reste une très bonne BD !

L'Homme qui tua Lucky Luke, Matthieu Bonhomme, 2016, 60 planches
« J'l'ai eu bon dieu ! C'est moi, regardez ! C'est moi qui l'ai tué ! Haha ! J'ai détruit la légende ! J'ai tué Lucky Luke ! »
Ainsi commence L'Homme qui tua Lucky Luke, avec un Lucky Luke gisant mort, face contre terre, au milieu d'une troupe de badauds aussi choqués que nous. Comment cela a-t-il bien pu arriver ? Retour quelques jours auparavant, lorsque Luke arrive à Froggy Town...

L'Homme qui tua Lucky Luke, qui ne fait pas partie de la série officielle, est un superbe hommage au héros solitaire. Matthieu Bonhomme réussit le pari de faire une histoire classique de Lucky Luke tout en apportant sa vision de l'oeuvre et sa patte, avec en prime une explication tout à fait satisfaisante d'un détail historique de la série. Une vraie réussite - même s'il faut quelques pages pour s'habituer au visage de ce "nouveau" Luke - dont on ne peut s'empêcher de penser qu'elle a parfaitement sa place dans le canon officiel !

lundi 20 mai 2019

Marie Pavlenko - La Fille-Sortilège

La Fille-Sortilège, Marie Pavlenko, 2013, 427 pages

Au milieu du désert, la Cité des Six est une Cité-État qui vit en quasi-autosuffisance autour des six clans qui la composent et qui exercent chacun une spécialité en s'aidant de la magie. Une harmonie parfaite... si ce n'est pour les orklas - les hors-clans - qui tentent de survivre en marge de ce système. L'histoire suit les traces d'Érine, une orkla, qui déterre et revend des cadavres pour survivre et qui va, bien évidemment, se voir involontairement mêler à une intrigue au coeur des arcanes de la Cité.

La Fille-Sortilège peut sembler très classique sur le papier, et il l'est sur certains points. Ce n'est d'ailleurs pas un défaut en soi, puisqu'il faut bien des oeuvres un peu "classiques" pour que puissent exister des oeuvres atypiques. C'est encore moins un défaut quand ces aspects classiques sont bien menés, comme c'est le cas ici : un bon rythme qui ne tire pas inutilement à la ligne, des révélations logiques et bien dosées, une visualisation et une caractérisation très efficaces, ... Même la partie finale, nécessairement un peu plus dans de l'action, est suffisamment courte pour ne pas tomber dans l'ennui.

Tout cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucune surprise ni trouvaille, bien au contraire. Surtout, l'histoire commence bien après ce qui aurait pu être le début du récit, un choix intelligent qui permet d'avoir une héroïne ayant déjà du vécu et de recentrer l'intrigue sur une plus courte durée.  

La Fille-Sortilège est un bon roman, simple et efficace, porté tout autant par une intéressante cité que par une sympathique héroïne. Un livre à taille humaine qui ne perd jamais le lecteur en évitant l'écueil de la grandiloquence, avec en prime un fond évoquant, tout en finesse et discrétion, l'écologie et l'égalité. Une réussite, peu importe l'étiquette qu'on lui colle.

D'autre avis : Xapur, Mariejuliet, ...

mercredi 15 mai 2019

Bulles de feu #14 - Disney 2018

Mickey et l'Océan perdu, Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni, 2018, 56 planches.

La couverture annonce tout de suite la couleur : Mickey et l'Océan perdu est une magnifique BD. Vous pouvez vérifier (ici), toutes les pages sont du niveau de cette couverture. Des personnages dessinés précisément mais surtout un cadre extrêmement riche et admirablement colorisé (par Jessica Bodart et Gaspard Yvan). C'est beau et ça donne envie de s'y replonger plus d'une fois.

Si c'est déjà une raison suffisante pour lire ce livre, ce n'est pas tout. Car le duo Filippi/Cambioni, déjà à l'oeuvre sur l'excellent Le Voyage extraordinaire, nous offre une intéressante, et étonnante, histoire de Mickey version steampunk - même si la source d'énergie est ici la "coralite". Si on peut douter à première vue de l'utilité de la présence de Mickey et compagnie dans ce récit, l'intérêt est finalement là dans l'absence de besoin de présenter les personnages et de les caractériser. Sans compter la simple joie de voir mixer Mickey et steampunk. L'histoire vaut certes plus pour son cadre que pour ses rebondissements, mais qu'importe, l'essentiel est là : un pur plaisir de lecture.

D'autres avis : Gromovar, ...

Donald's Happiest Adventures, Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas, 2018, 42 planches.

La première chose qui frappe dans Donald's Happiest Adventures, c'est - une nouvelle fois, mais de manière bien différente - le style graphique (à découvrir ici) : pages jaunies/vieillies - l'histoire ayant été retrouvée au fin fond d'un grenier - et dessins absolument infidèles à l'original. C'est choquant au démarrage... et puis on s'y fait, au moins un peu.

On s'y habitue surtout car l'histoire capture l'intérêt. Et pour cause : envoyé dans une nouvelle aventure par Picsou, Donald doit cette fois découvrir le secret du bonheur ! Un périple de par le monde où chaque page sera l'occasion d'un "épisode" à chute, car Donald's Happiest Adventures est tout autant une histoire complète de 42 planches qu'un enchainement d'amusants strips d'une page. C'est intelligent sur la forme, gentil sur le fond et franchement amusant dans l'ensemble. Peut-on vraiment ne pas être satisfait d'une BD qui donne le sourire ?

D'autres avis : Gromovar, ...

vendredi 10 mai 2019

Terry Pratchett & Stephen Baxter - La Longue Terre

La Longue Terre, Terry Pratchett et Stephen Baxter, Tome 1/5 de La Longue Terre, 2012, 381 pages.

Suite à la propagation sur internet du schéma d'un mystérieux engin, le Passeur, composé d'éléments électroniques autour d'une pomme de terre, l'humanité est désormais capable d'accéder à une infinité de Terres parallèles, la "Longue Terre", vierges de toute présence humaine. C'est dans ce nouveau contexte que Josué Valienté, capable de passer d'une Terre à une autre sans Passeur, et Lobsang, un réparateur de motocyclettes tibétain réincarné dans une intelligence artificielle, partent explorer les confins de la Longue Terre.

Il n'y a pas à réfléchir longtemps pour voir l'influence des deux auteurs, avec cette trame "scientifique" qui va bien à Stephen Baxter sur laquelle viennent immanquablement éclore des loufoqueries à la Terry Pratchett. C'est d'ailleurs l'une des forces de La Longue Terre : réussir à conjuguer parfaitement les styles des deux auteurs, dans un ensemble cohérent et équilibré qui sait toujours garder de la simplicité.

L'autre grande force de ce roman, c'est le sense of wonder, via la découverte de ce multivers qui dévoilera peu à peu ses surprises. Et heureusement que cet émerveillement est là car La Longue Terre repose essentiellement sur lui, un véritable enjeu "concret" n'arrivant pas avant 250 pages. C'est étonnant et un peu perturbant mais ça fonctionne.

La Longue Terre aurait pu être un excellent one-shot de 250/300 pages. Mais il en fait près de 400, grâce/à cause d'une "intrigue" secondaire qui est essentiellement là pour préfigurer la suite de la série et qui oblige le lecteur à poursuivre l'aventure s'il veut connaître le fin mot de l'histoire. C'est en partie tentant, la qualité étant ici au rendez-vous, mais c'est aussi un peu effrayant, le sense of wonder ayant une fâcheuse tendance à disparaitre avec le temps. C'est aussi frustrant, la qualité du présent roman dépendant donc désormais en partie des tomes suivants. La Longue Terre aurait pu être un excellent one-shot : c'est seulement un très bon premier tome.

D'autre avis : Lorhkan, Lune, Lhisbei, Xapur ...

dimanche 5 mai 2019

Bulles de feu #13 - Emmanuel Lepage

Ar-Men, l'Enfer des enfers, Emmanuel Lepage, 2017, 88 planches

Magnifique. Il n'y a pas d'autres mots pour qualifier le travail d'Emmanuel Lepage en général, et cet album en particulier. Un album qui parvient à parler du phare d'Ar-Men en lui-même, de son histoire, tout en évoquant la vie d'un gardien de phare, sans oublier de convier à la fête quelques légendes du passé. C'est riche mais ce n'est jamais trop, le tout s'enchaînant naturellement.

Mais surtout, il y a le dessin d'Emmanuel Lepage et des planches plus majestueuses les unes que les autres, qu'on ne refuserait pas à avoir en grand format encadré chez soi. Juste sublime et une raison plus que suffisante pour lire Ar-Men, qu'on soit attiré ou non par la Bretagne - mais qui ne l'est pas ?

D'autres avis : Lorhkan, Boudicca, ...

Les Voyages d'Ulysse, Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet, 2016, 221 planches

Fin du XIXème siècle. Salomé Ziegler, capitaine du navire L'Odysseus, est à la recherche du peintre Ammôn Kazacz. Elle est aidée par Jules Tourlet, peintre lui aussi, et tous deux partent pour un périple dans le bassin méditerranéen qui sera l'occasion d'en apprendre plus sur le passé de la jeune femme.

Comme le titre l'indique, l'histoire va tourner en filigrane autour d'Ulysse, personnage important pour l'héroïne. La BD est érudite et les références sont multiples, allant jusqu'à l'insertion d'extraits de L'Odyssée sur des feuillets intercalés dans l'ouvrage. L'ensemble reste malgré tout compréhensible et plaisant pour quelqu'un n'étant pas forcément à l'aise avec l'histoire d'Ulysse, notamment car l'essentiel reste l'histoire de Salomé et sa propre quête.

Si Les Voyages d'Ulysse n'est pas nécessairement facile d'accès, le prologue étant assez étrange, il finira par être immersif, emportant le lecteur pour un voyage consistant de plus de 200 pages où la patte graphique d'Emmanuel Lepage fait toujours des merveilles, en adéquation avec celle de René Follet à l'oeuvre pour les peintures d'Ammôn Kazacz. Un ouvrage qui sort de l'ordinaire et tente des choses, en plus d'un récit intelligemment écrit et de superbes dessins.

La Lune est blanche, François Lepage et Emmanuel Lepage, 2014, 221 planches

Direction l'Antarctique pour les frères Lepage - François le photographe et Emmanuel le dessinateur - à la découverte de la base polaire Dumont d'Urville et la participation au ravitaillement de la base Concordia, à plus de 1000 kilomètres dans les terres - enfin, dans les glaces.

La Lune est blanche retrace l'histoire de ce projet fou où les rebondissements semblent avoir été minutieusement préparés par un scénariste qui ne rechercherait pas trop la crédibilité. Et pourtant, c'est une histoire vraie et surtout une histoire fascinante à suivre avec en filigrane la découverte de cette terre lointaine.

Oeuvre commune des deux frères, La Lune est blanche est un livre massif où se mêlent bande dessinée et photographies. Si l'idée est sympathique, elle apporte aussi le seul bémol de cet ouvrage : la BD prend très - trop - largement le dessus et on déplorera le manque de photos. Un point de détail qui ne doit pas venir masquer l'essentiel : c'est un très bon livre !

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