dimanche 26 mai 2024

Nina Allan - Conquest

Conquest, Nina Allan, 2023, 329 pages

Frank est un jeune homme un peu différent psychologiquement. Codeur informatique, passionné de Bach, il passe énormément de temps sur un forum, LAvventura, où il peut partager ses certitudes sur l'imminence d'une invasion extraterrestre. Jusqu'à devenir proche de certains membres et se rendre à Paris pour les rencontrer. Depuis ce jour, Frank a disparu. Rachel, sa petite amie, va alors engager Robin, une détective privée, pour le retrouver.

Conquest est un roman de Nina Allan. Ce qui veut dire que, malgré ce pitch assez limpide, les choses sont évidemment bien plus embrouillées et complexes que ça. Il n'y a qu'à voir le premier chapitre, qui rend très bien le point de vue de Frank mais qui laissera plus d'un lecteurice confus. La suite est stylistiquement plus simple - même si Nina Allan en change régulièrement, subtilement, pour mieux s'accorder à ses personnages - et relativement linéaire, même si un essai ou une novella peuvent toujours s'intercaler sans crier gare.

Il y a un fourmillement unique qui parcourt les livres de Nina Allan, une incompréhensibilité qui résonne et raisonne, jusqu'à finir par être palpable. Mais ce n'est pas juste un style d'écriture pour être un style d'écriture, ça a en plus du sens vis-à-vis de la thématique de prédilection de l'autrice, à savoir les frontières de la réalité. C'est encore le cas ici, avec un accent particulier mis cette fois sur les théories complotistes et sur la faculté, le besoin de l'être humain de trouver du sens à ce qui l'entoure.

Le complotisme, les théories farfelues, la paranoïa sont des sujets qui collent parfaitement bien au style de l'autrice. Elle en propose une vision intéressante, avec indéniablement de bonnes idées, et le tout s'avère troublant. Trop troublant peut-être. Ou troublant pour les mauvaises raisons. Conquest est un livre dont il est difficile de saisir les conclusions, s'il y en a. C'est une constante chez Nina Allan, et ça n'est pas fondamentalement une mauvaise chose. Mais avec un tel sujet ça parait presque dangereux et ça m'a laissé bien plus dubitatif que d'habitude. C'est en tout cas réellement perturbant. Du Nina Allan en somme.

Couverture : Thierry Dubreuil / Traduction : Bernard Sigaud
D'autres avis : ...

lundi 20 mai 2024

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Deux

Le Sang des 7 Rois : Livre Deux, Régis Goddyn, Tome 2/7 du Sang des 7 Rois, 2013, 400 pages

Après le Livre Premier, ce Livre Deux conte la suite des aventures d'Orville, de Rosa et de tous les autres. Et il y en a un paquet, des autres, car les points de vue se multiplient encore un peu plus. Ça a pour avantage de procurer du rebond régulier et de faire passer tout naturellement des petits sauts dans le temps. Le contrecoup c'est que, malgré la présence d'un résumé en début d'ouvrage, il vaut mieux ne pas trop traîner entre les tomes, au risque d'en oublier une bonne partie des personnages. Surtout qu'ils ne sont pas tous très marquants et différenciés, même en pleine lecture.

Ce Livre Deux est totalement dans la lignée du premier. C'est une bonne aventure, agréable à suivre même si elle est régulièrement (très) violente, dans ce qu'elle raconte et parfois même dans ce qu'elle montre. Ce deuxième tome est aussi le lieu de mon dernier grand souvenir de la saga - une des raisons qui m'a poussé à enfin la terminer - un chapitre de quelques pages qui laisse penser que la série n'est pas exactement ce qu'elle prétend être depuis le début. Il fait même plus que le laisser penser, étant étonnamment clair sur certaines surprises que va nous réserver cet univers. Mais il faudra poursuivre pour savoir exactement quand et comment cela interviendra.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

mardi 14 mai 2024

Stéphane Arnier - La Brume l'emportera

La Brume l'emportera, Stéphane Arnier, 2024, 364 pages

Depuis la fin de la guerre, huit ans auparavant, entre les Daks et les Ta’moaza, une brume monte inexorablement à la surface du monde, faisant disparaitre tout ce qu'elle engloutit. Keb est un berger Dak grimpant inlassablement de plus en plus haut pour échapper à la brume. Jusqu'au jour où il rencontre Maramazoe, une guerrière Ta’moaza qui semble avoir une piste sur l'origine de la brume et va l'entraîner dans sa quête pour la stopper.

Ces deux personnages, anciens ennemis qui vont peu à peu devenir amis, sont les piliers du roman. Leur dynamique est assez classique mais elle fonctionne parfaitement bien car, au-delà d'être extrêmement attachants et touchants, les deux ont des personnalités fortes, imparfaites et crédibles. Cette crédibilité se retrouve aussi chez les antagonistes qu'ils rencontrent, aux motifs plausibles et concevables.

C'est là que se trouve la vraie particularité de La Brume l'emportera, au-delà de son cadre : la crédibilité du problème induit par la brume et l'absence de bonne réponse évidente à y apporter. Tout le roman est une longue opposition entre deux points de vue compréhensibles. Et derrière ce questionnement concret sur les conséquences de la modification du passé se cache la véritable thématique du livre : le deuil. Je dis "se cache", mais elle ne se cache en fait pas vraiment. Elle est assez limpide à appréhender tout en étant parfaitement bien intégrée et en ne prenant jamais le pas sur le récit. Ni en étant pesante d'ailleurs, en tout cas pas au-delà de la bonne tension d'un roman.

Les personnages sont excellents. Le fond est excellent. Et l'histoire en elle-même ? Excellente, évidemment. C'est un récit prenant, avec des rebondissements et surprises bien dosées, qui garde ses concepts de "fantasy temporelle" toujours compréhensibles et très visuels. La Brume l'emportera est une réussite sur tous les aspects. C'est très bien dès le début, et ça ne cesse de s'améliorer. Jusqu'à une fin absolument parfaite, pleinement dans le ton de l'ensemble, vibrante et émouvante, et qui donne encore plus de sens à tout ce que l'on vient de lire. Kiza pe !

Couverture : Cyrielle Foucher
D'autres avis : L'ours inculte, Sometimes a book, Boudicca, ...

mercredi 8 mai 2024

Vlad Eisinger - Du rififi à Wall Street

Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger, 2020, 309 pages

Ancien journaliste, Vlad Eisinger est devenu un romancier dont la carrière végète. Il est heureusement contacté pour écrire la biographie d'un grand patron. Sauf que cela ne se passe pas très bien, Vlad ayant des envies de Littérature, et le projet s'arrête. Vlad va alors répondre à une autre commande et écrire un roman noir très codifié, mettant en scène un écrivain travaillant sur la biographie d'un grand patron et y découvrant des choses louches. Du rififi à Wall Street conte autant l'histoire vécue par Vlad que l'histoire écrite par Vlad.

Jusque-là, tout semble à peu près normal. Surtout si on ne sait pas que Vlad Eisinger était un des personnages de Roman Américain d'Antoine Bello. Antoine Bello qui est le traducteur de ce livre, expliquant en préface avoir reçu ce texte de Vlad Eisinger, aujourd'hui porté disparu. Il n'y a donc pas seulement un roman dans le roman, il y a un auteur d'un auteur d'un auteur.

Pourtant tout est extrêmement fluide et compréhensible à la lecture, bien plus que mes premiers paragraphes. Du rififi à Wall Street est un ouvrage très joueur, brouillant les frontières entre l'écrivain et sa création, questionnant sans cesse la frontière entre fiction et réalité (avec notamment une très intéressante explication de la "non-fiction" de Truman Capote). Le tout en rendant hommage au roman noir, en en décortiquant les codes et en les appliquant parfaitement. C'est d'une manière générale un roman très riche, mais qui ne perd jamais le lecteurice, restant simple en toutes circonstances.

Il y a énormément de points que je pourrais évoquer, mais Antoine Bello le fait bien mieux que moi. Car l'auteur est si lucide (et taquin) que les réactions que peut provoquer Du rififi à Wall Street se trouvent à l'intérieur même du livre. Rien ne vaut donc mieux que de le lire. Mais c'est en résumé une très grande réussite, un ouvrage très intelligent et bien mené, et ça l'est peut-être encore plus en connaissant le reste de la bibliographie de l'auteur. Ça m'aura en tout cas confirmé dans mon idée de continuer à la découvrir.

Couverture : / Traduction : Antoine Bello
D'autres avis : Alys, TmbM, ...

jeudi 2 mai 2024

Bulles de feu #61 - Avril 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Le ciel dans la tête - Antonio Altarriba et Sergio García Sánchez

La migration d'un enfant-soldat congolais vers l'Europe, désespérant comme il se doit, malgré le style graphique plutôt lumineux. Une BD tout à fait ok mais un peu trop décousue.
Très bien


Frieren T.10-11/? - Kanehito Yamada et Tsukasa Abe

Deux volumes qui prolongent le tome 9 et constituent quasiment un seul même grand arc. Et c'est peut-être le meilleur de la série, une histoire portée par des personnages forts, qui font sens, une vraie réussite.


Vinland Saga T.27/? - Makoto Yukimura

Un tome complètement dans le thème de la série, questionnant le pacifisme et la peur de l'autre, aussi juste qu'énervant.


Giant T.1-2/2 - Mikaël

Un très bel hommage à l'émigration irlandaise qui a contribué à la construction du New-York moderne, avec une histoire qui sonne vraie et une belle place laissée à la narration par l'image.


Hirayasumi T.4/? - Keigo Shinzô

Toujours du pur bonheur, doux et attachant.


Friday T.2/3 - Ed Brubaker, Marcos Martín et Vicente Muntsa

Un deuxième tome aussi réussi que le premier. Une enquête très prenante qu'on relira avec grand plaisir quand sortira le dernier volume.


Zero - Taiyô Matsumoto

Un excellent manga de boxe, un one-shot volumineux qui ne plaira pas à tout le monde, qui ne prône pas les grandes valeurs du sport, mais qui s'est avéré une lecture puissante et haletante.


Perpendiculaire au soleil - Valentine Cuny-Le Callet et Renaldo McGrith

Un ouvrage massif à tous les niveaux, dont ni l'épaisseur (plus de 400 planches, mais c'est aéré et ça se lit tout seul) ni le thème (la relation épistolaire entre l'autrice et un condamné à mort aux USA, en parallèle de la création de cette BD) ne doivent effrayer. C'est une grande oeuvre, qui donne à réfléchir et qui est graphiquement très riche.