jeudi 26 août 2021

Priya Sharma - Ormeshadow

Ormeshadow, Priya Sharma, 2019, 170 pages

Contraint de quitter Bath avec ses parents, Gideon va désormais vivre dans la région d'Ormeshadow. Loin de son ancienne vie citadine, il va découvrir la ferme d'Ormesleep, dont la légende dit qu'elle est située sur les flancs de l'Orme, un dragon endormi depuis des siècles et qui cacherait un trésor.
« - C"est une histoire triste. Tout ce que tu racontes sur l'Orme est triste.
- Triste, joyeux : cela n'a pas de sens. Les choses sont ainsi.
»
Et ainsi est Ormeshadow. C'est dur et c'est triste, certes, c'est beau aussi par moment, mais c'est surtout très vrai.

La plupart des textes sont écrits pour paraitre plausibles, mais Priya Sharma parvient à rendre son récit et ses personnages, jusqu'à l'Orme, tout à fait réels, existants. Palpables. Il n'est pas question ici de paraître plausible : les choses sont, de toute évidence. Cela donne un superbe texte sur un garçon qui doit devenir homme au milieu de l'amertume et des non-dits des adultes qui l'entourent. Et c'est poignant.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Anne-Sylvie Homassel
D'autres avis : Gromovar, FeydRautha, Yuyine, Lhisbei, Célinedanaé, Vert, Boudicca, Anouchka, ...

vendredi 20 août 2021

David Mitchell - Cartographie des nuages

Cartographie des nuages, David Mitchell, 2004, 660 pages

Après avoir mené à bien des affaires en Océanie, Adam Ewing attend que le navire qui le transporte soit en état de le ramener à San Francisco. Il en profite pour faire la rencontre du docteur Goose et en apprendre un peu plus sur les peuples autochtones de la région.

Ainsi commence Cartographie des nuages. Sauf que ce bout d'intrigue du XIXème siècle n'est en fait qu'1/6ème - et pas le plus attractif - de ce qui constitue l'ouvrage. Car Cartographie des nuages est un livre étonnant qui multiplie les temporalités et localités, chacune ayant son intrigue propre tout en étant aussi liée de manière intradiégétique aux autres.

Toutes évoquent pourtant des histoires d'avidité et de cupidité, de pouvoir, de cette folie humaine de contrôler et posséder toujours plus. Les cas sont extrêmement variés, dans la forme et dans le fond, mais ils reviennent toujours à ça. Et ce n'est guère brillant pour l'humanité, plus réaliste que pessimiste malheureusement, même si dans le brouillard de l'idiotie collective pointe quelques éclaircies d'espoir individuel.

Si je pense avoir préféré L'Âme des horloges du même auteur, plus excitant à la lecture immédiate, Cartographie des nuages n'en demeure pas moins une oeuvre admirable, au sens premier du terme. Elle est comme un tableau dont le spectateur peut admirer la composition, de la finesse du moindre détail jusqu'au somptueux panorama qui se dégage de l'ensemble. Et David Mitchell est un excellent peintre.

Couverture : Cédric Scandella / Traduction : Manuel Berri
D'autres avis : Vert, Yogo, Brize, FeyGirl, Alys, ...

samedi 14 août 2021

Bulles de feu #33 - Gipi et compagnie

Aldobrando, Gipi et Luigi Critone, 2020, 200 planches

Aldobrando est un jeune orphelin confié dès son plus jeune âge à un vieux sorcier chargé de l'élever. Garçon simple, voire simplet, et peu dégourdi, ne connaissant rien en dehors de la cabane où il vit, Aldobrando va pourtant, après une préparation magique ayant mal tournée, devoir prendre la route pour chercher de l'herbe du loup, seule plante pouvant guérir l'oeil blessé de son maître.

Aldobrando a indéniablement des airs de conte de fées très classique, en reprenant des thèmes et éléments habituels. Et pourtant elle a aussi une indéniable fraicheur et une vraie sensation d'inédit à la lecture. C'est solide de bout en bout, c'est très prenant avec notamment un héros étonnamment attachant, et ça se dévore avec un immense plaisir.

Si la qualité du scénario en fait déjà une très bonne BD, elle passe au statut d'excellence grâce au travail de Luigi Critone, Claudia Palescandolo et Francesco Daniele. Les dessins sont beaux, d'une beauté qui n'est pas éclatante, qui ne saute pas forcément aux yeux au premier regard, mais qui s'avère simplement très plaisante à parcourir. Le découpage est lui intelligent, parvenant à donner du rythme et du mouvement, lent - ce qui n'est nullement négatif ici - mais présent, alors que chaque dessin pris individuellement pourrait sembler assez statique. Reste, last but not least, les couleurs, douces et absolument somptueuses, variant les teintes dominantes pour créer différentes atmosphères bien différenciées. Sans oublier le travail sur les lumières, lui aussi magnifique. Une excellente BD, tout simplement.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Gromovar, Yuyine, ...

Vois comme ton ombre s'allonge, Gipi, 2013, 113 planches

Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre presque indescriptible. Elle conte l'histoire d'un homme interné qui se remémore son passé, des fragments dispersés aux thèmes récurrents, arbre et station-service en tête. Le tout dans un certain désordre. Ça ne vous parait pas évident ? Ça l'est encore moins à la lecture. Tout du moins au début. Parce que si l'incompréhension règne, elle devient peu à peu compréhensible, en partie et imperceptiblement, par ressenti plus que par logique.

Vois comme ton ombre s'allonge est une BD perturbante. Mélange de superbes aquarelles, sombres mais sublimes, et de crayonnés minimalistes, il faut un peu de temps pour prendre ses marques au sein de cet univers - et soyons honnêtes : certain.e.s lecteurices ne les prendront jamais. Mais la magie peut opérer. Car de ce mélange à l'aspect foutraque, où l'on ne sait pas vraiment ce que l'auteur nous raconte, se dégage aussi, surtout, quelque chose de puissant, une vraie force étincelante.

Inclassable, inconseillable, Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre à part. Mais quelle oeuvre !

Quelques planches ici.

dimanche 8 août 2021

Émile Zola - L'Argent

L'Argent, Émile Zola, Tome 18/20 des Rougon-Macquart, 1891, 500 pages

Ayant tout perdu à la fin de La Curée, Aristide Saccard est bien décidé à se refaire. Ne pouvant pas compter sur l'aide de son frère Eugène Rougon, il va se lancer corps et âme dans un grand projet : monter une banque pour financer des projets au Moyen-Orient.

Au programme : le monde éminemment sympathique de la finance et de la Bourse, avec son lot de manigances, de spéculations et de crises. Évidemment, ça va mal finir. Enfin, pour les gens lambdas, car les gros poissons s'en sortent toujours d'une manière ou d'une autre. La constance entre cette fin du XIXème siècle et notre XXIème siècle est frappante.

L'Argent est un roman d'Émile Zola correct, marquant par sa maitrise du sujet et sa résonance moderne, en plus des qualités habituelles de l'auteur. Il ne parvient pourtant pas à dépasser ce stade, la faute à une histoire bien trop linéaire et évidente, à une technicité financière très importante et à un manque de sentiments, même négatifs, envers les personnages. Mais après tout, ça se tient : tout le monde sait qu'on ne mélange pas affaires et sentiments.

Couverture : Honoré Daumier, Panique à la Bourse, 1845
Lecture commune avec la Zolerie, Tigger Lilly et Alys.

dimanche 1 août 2021

Eoin Colfer - Mauvaise prise

Mauvaise prise, Eoin Colfer, Tome 2/? de Daniel McEvoy, 2013, 318 pages

Deuxième aventure pour Daniel McEvoy après les évènements de Prise directe. Soucieux de se ranger et de mener une vie plus calme, McEvoy s'apprête à ouvrir son club. Mais avant cela, il faut rester en vie et solder une ancienne dette, qui l'entraînera dans un puits apparemment sans fond d'improbables péripéties.

Mauvaise prise est un deuxième tome qui se lit de manière totalement indépendante. La preuve ? Je n'avais pas le moindre souvenir du premier volume. Et pourtant ça se lit très bien, de manière fluide et sans jamais donner l'impression de manquer quelque chose. De toute façon, il n'y a pas grand chose à manquer.

Mauvaise prise est un roman qui va pied au plancher du début à la fin, dans une avalanche de situations toujours plus débridées où la gouaille et les fanfaronnades du héros font le style et le plaisir du livre. Du pur divertissement, un peu (totalement) fou, qui atteint efficacement son objectif.

Couverture : © Image Source - Getty Images / Traduction : Sébastien Raizer