mercredi 27 novembre 2019

Philip Pullman - La Tour des Anges

La Tour des Anges, Philip Pullman, Tome 2/3 d'À la croisée des mondes,1997, 446 pages

Suite de Les Royaumes du Nord, La Tour des Anges poursuit les aventures de Lyra et Pantalaimon. Mais alors que le premier tome suivait quasi exclusivement leur point de vue, ce deuxième volume voit se multiplier les fils narratifs. Le tout reste très simple à suivre et limpide à lire, mais apporte un peu plus d'ampleur à un univers qui ne cesse de s'agrandir et de se complexifier - toute mesure gardée bien entendu.

La Tour des Anges est une lecture plaisante, si l'on excepte plusieurs passages loin d'être amusants. Moins surprenante dans son univers que le premier volume, l'intrigue fonctionne par sa logique - même si certains enfants n'ont pas grand chose d'enfantin ; mais le monde des enfants n'est lui-même pas enfantin, n'est-ce pas ? -, son rythme régulier de révélations et sa capacité à garder un mystère constant sur ce qui arrivera dans le chapitre suivant.

Outre une certaine froideur ressentie pour les personnages, le seul bémol provient une nouvelle fois de l'aspect théologique. Si sa présence est mieux dosée et laisse entrevoir une vraie idée de la part de l'auteur, il reste pour l'instant des doutes sur sa nécessité et son apport à l'oeuvre. La réponse se trouvera dans le troisième tome, qui sera lu avec plaisir.

D'autre avis : AcrO, Vert, ...

samedi 23 novembre 2019

Louisa Hall - Rêves de machines

Rêves de machines, Louisa Hall, 2015, 378 pages

En route pour le désert où elle doit être laissée à l'abandon, un babybot, robot à l'intelligence artificielle la plus aboutie, se remémore cinq voix, cinq histoires du passé, de Mary Bradford en 1663 à Stephen R. Chinn en 2040, en passant par Alan Turing.
« À la fin, j'ai seulement leurs voix. Je ne comprends pas ce qu'elles signifient »
Tout est là. Rêves de machines est une cacophonie de voix dont on ne comprend guère le but. Individuellement chaque histoire est inactive et répétitive, n'avançant presque jamais. Collectivement... Y'a-t-il vraiment une somme à tirer de ces individualités ?

Pourtant il y aurait pu avoir de bonnes choses dans ce roman, notamment avec ce modèle de construction qui est plutôt malin et intéressant. Mais la réflexion sur la place de l'intelligence artificielle est quasiment inexistante. À la place Louisa Hall préfère se concentrer sur des couples, des binômes, et la difficulté de s'apprivoiser et se comprendre. Pourquoi pas. Sauf que ça n'est guère réussi, ne captant pas l'attention et ne se montrant jamais touchant. Un roman qu'on évitera à coup sûr si on veut un roman de SF, et qu'on pourra surement éviter tout autant si on cherche un bon livre de littérature blanche.

D'autres avis : Yogo, ...

mardi 19 novembre 2019

John Scalzi - Deus in machina

Deus in machina, John Scalzi, 2009, 140 pages

Le dieu est dans la machine. Littéralement. Il sert de moteur au vaisseau spatial commandé par Ean Tephe. Pas de bonne grâce certes, mais il est contraint d'obéir. Pour combien de temps encore ?

Des dieux et des vaisseaux spatiaux, oui, c'est l'étonnant programme de Deus in machina. Mais ce sont surtout sur ces premiers que va reposer le texte et ses réflexions sur la place et l'impact du divin. Ce n'est pas mauvais, les idées ne sont pas inintéressantes, mais ça ne réveille pas non plus Griaule la nuit.

Heureusement Deus in machina c'est aussi, et avant tout, un récit vif, tout en dialogues et actions, qui se lit sans mal et donne envie d'avoir le fin mot de l'histoire. Et la conclusion est à la hauteur du reste : acceptable. C'est le résumé de cette novella : ce n'est pas le texte le plus marquant de John Scalzi, mais c'est une lecture acceptable.

D'autres avis : Célindanaé, ...

vendredi 15 novembre 2019

Richard Adams - Watership down

Watership down, Richard Adams, 1972, 541 pages

Hazel et Fyveer, deux lapins, vivent paisiblement dans leur garenne lorsque Fyveer a une prémonition : un grand danger arrive, il faut fuir. Mais comment convaincre les autres de partir ? Et pour aller où ?

Watership Down est une histoire de lapins. De vrais lapins, dont les préoccupations essentielles sont de manger, dormir et faire raka. Il y a une certaine simplicité, une certaine normalité au sein de ces pages... et pourtant c'est terriblement prenant. Sans avoir le temps de s'en rendre compte, on se retrouve happé par le destin hors du commun de cette troupe qui n'a rien à envier aux plus grandes compagnies de fantasy.

Évidemment l'histoire a aussi ses côtés extraordinaires - au sens premier du terme. C'est à la fois très visuel, très réaliste, et pourtant bien souvent assez improbable. Ça pourrait faire lever les sourcils... mais ça n'y fait même pas penser parce que c'est tout bonnement génial et habilement écrit par Richard Adams.

Watership Down est à la hauteur de son statut de classique anglo-saxon. C'est une grande épopée digne de Shraavilshâ, une œuvre intelligente, gentille, bienveillante. Et ça fait du bien.

D'autres avis : Valériane, TmbM, Lorhkan, L'Ours inculte, ...

lundi 11 novembre 2019

Walter Tevis - L'Oiseau d'Amérique

L'Oiseau d'Amérique, Walter Tevis, 1980, 387 pages
« Spofforth avait été conçu pour vivre éternellement et ne rien oublier. Et les hommes à l'origine de ce projet ne s'étaient même pas interrogés sur le drame qu'une telle existence pouvait représenter. »
Robot de classe 9, les plus sophistiqués jamais créés par l'homme, Robert Spofforth est le dernier de son espèce sur une Terre déclinante. Et il veut mourir, bien que cela lui soit impossible. Doyen de l'université de New York, il reçoit un appel d'un homme, Paul Bentley, prétendant savoir lire. Une anomalie.

L'Oiseau d'Amérique pourrait être présenté comme une dystopie. Une dystopie aux accents quasi-post-apo tant ces États-Unis sont en déclin. Une dystopie douce car son système dirigeant apparait en roue libre, présent plus par habitude que par conviction.

Mais présenter L'Oiseau d'Amérique ainsi serait une erreur. Car l'essentiel de son propos n'est absolument pas là. Car cela pourrait faire hésiter certaines personnes à le lire, moi le premier, et elles passeraient à côté d'un excellent roman.

Avec L'Oiseau d'Amérique, Walter Tevis aborde de très nombreux sujets - un foisonnement parfaitement maîtrisé qui ne donne jamais une impression de "liste de courses" - liés notamment à l'évolution possible de la société. Mais le point central du roman, ce sont les livres. Les livres et leurs mots, ceux qui ouvrent à l'imagination, ceux qui ouvrent à la liberté, ceux qui ouvrent à la vie. C'est une implacable déclaration d'amour à la lecture qui ne peut laisser indifférent.

Pour faire passer ce message, Walter Tevis passe notamment par l'évolution de son protagoniste principal, Paul Bentley. Une évolution qui ne manquera pas de rappeler, toutes proportions gardées, l'évolution et l'éveil de Charlie dans Des fleurs pour Algernon.

De l'autre côté se trouve Spofforth, le robot aux pensées suicidaires, qui ne manquera pas lui de faire penser à Marvin, l'androïde dépressif du Guide du voyageur galactique, sans le côté tragicomique. Un personnage touchant et marquant. Si Bentley est central dans le déroulé de l'intrigue et des idées, Spofforth reste la pièce maîtresse du livre, lui qui brille d'un éclat puissant à chacune de ses apparitions, lui le robot plus humain que les humains.

L'Oiseau d'Amérique est un grand, un très grand livre. Un livre à la hauteur, si ce n'est plus, de tous ses glorieux aînés qu'on nomme "classiques". Un livre complet, un livre qui allie parfaitement idées et histoire, un livre qui sait évoluer sans jamais oublier de retomber sur ses pattes. Un livre touchant, émouvant, sans être triste. Un livre qui donne envie de lire.
« L'océan est sans doute immensément vaste ; pour moi, il signifie liberté et espoir. Il ouvre un compartiment mystérieux dans mon esprit, comme le font parfois certains passages des livres que je lis et je me sens alors plus vivant que je ne l'aurais cru possible, et surtout plus humain. »

D'autres avis : TmbM, Le chien critique, ...

vendredi 8 novembre 2019

Gardner Dozois - Le Fini des mers

Le Fini des mers, Gardner Dozois, 1973, 100 pages

Les extraterrestres ont débarqué. Ou tout du moins quatre vaisseaux ont atterri. Et les humains d'attendre de voir ce qu'il va en sortir. Dans le même temps, Tommy, jeune garçon, doit faire face à la violence qui l'entoure au quotidien.

Attention : Le Fini des mers est un livre déprimant. C'est malheureusement le meilleur résumé qu'on puisse en faire, et tout ce que j'en garderai. Le lecteur pourra certes essayer de philosopher sur les liens entre les deux trames narratives. Mais toute conclusion ne pourra qu'être triste. Et déprimante.

D'autres avis : L'Ours inculte, Yogo, Xapur, Lorhkan, Elessar, FeydRautha, ...

mardi 5 novembre 2019

Fabien Cerutti - Le Testament d'involution

Le Testament d'involution, Fabien Cerutti, 2018, 437 pages

Suite directe de Le Marteau des sorcières, il est préférable de lire Le Testament d'involution juste après - de toute façon vous en aurez l'envie. Mais si ce n'est pas le cas, rassurez-vous : ce tome commence par un bon résumé - ce qui est notable vu qu'en 2019 le fait est, incompréhensiblement, encore rare.

Pas de mauvaise surprise, ce quatrième tome est à la hauteur de ses prédécesseurs et finit d'affirmer Le Bâtard de Kosigan comme l'une des meilleures séries de ces dernières années. Prenant, surprenant, malin, intelligent, accessible, ... ses qualités sont nombreuses et se retrouvent une nouvelle fois ici, tout comme la belle plume de Fabien Cerutti et sa faculté à donner une voix différente et caractéristique à tous ses narrateurs - mention spéciale à Gunthar von Weisshaupt.

Une bonne conclusion à cette série... enfin presque. Car tout n'est pas vraiment terminé, preuve en est ce « fin du premier cycle » qui conclut l'ouvrage. Si l'auteur en offre une - prévisible mais - habile explication, force est de constater qu'il est un peu décevant de voir certaines questions rester en suspens. Quoiqu'il en soit, si la suite est au niveau de ce premier cycle, on en reprendra avec grand plaisir.

samedi 2 novembre 2019

Tanith Lee - Ne mords pas le soleil

Ne mords pas le soleil, Tanith Lee, 1976, 187 pages

Il est des romans dont on passe totalement à côté. Au point de ne même pas savoir comment élaborer le début d'un résumé. Ne mords pas le soleil est, pour moi, de ceux-là.

Pourtant quelques bonnes idées et réflexions, toujours actuelles, peuvent être devinées dans le lointain. Surtout dans la deuxième moitié, voire dans le dernier tiers. Sauf que pour en arriver là, il faut emprunter une forêt vierge hostile en tongs et avec seulement un canif en main. Ou à peu près. Et lire des pages et des pages de gens se suicidant pour changer de corps et vivant oisivement en toute normalité. Sans fil rouge pour eux... comme pour nous.

Finalement, le meilleur résumé se trouve à l'intérieur même du livre :
« Ç'aurait pu être très intéressant s'il s'était arrangé pour que ça ne soit pas aussi ennuyeux »