mardi 31 juillet 2018

Kij Johnson - Un Pont sur la brume

Un Pont sur la brume, Kij Johnson, 2011, 124 pages.
« Kit arriva à Procheville avec deux malles et un porte-documents en tissu huilé contenant les plans du pont sur la brume. »
Et ainsi je fus conquis, allez savoir pourquoi. Peut-être car toute la simplicité de cette novella tient dans cet incipit, qui résume - presque - entièrement l'intrigue : un ingénieur, Kit Meinem d'Atyar, vient construire un pont, le premier entre l'Ouest et l'Est de l'Empire, au-dessus d'une dangereuse et mystérieuse brume navigable.

Mais ne croyez pas que cette "simplicité" soit un défaut. Bien au contraire, surtout quand elle est proposée avec un tel talent. Ajoutez à cela une belle sensibilité dans l'aspect humain, et vous n'avez aucune raison de ne pas vous y précipiter. Cerise sur le gâteau, j'ai ressenti un même sentiment d'intérêt et de fascination envers la construction du pont que j'en avais eu pour la cathédrale de Les Piliers de la Terre de Ken Follett. Amis auteurs, n'hésitez pas : les constructions de grands ouvrages font de parfaits sujets de livres.

Comme Kij Johnson, disons-le simplement : Un Pont sur la brume est un grand livre, bien plus grand que son petit format.
« C'est à cette époque que Kit remarqua qu'une grande partie de la structure constituant un pont ou une tour était faite de gens. »

mercredi 25 juillet 2018

Ugo Bellagamba - Tancrède

Tancrède, une uchronie, Ugo Bellagamba, 2009, 374 pages.

Connaissez-vous Tancrède de Hauteville, chevalier normand et membre de la première croisade ? Si ce n'est pas le cas, Tancrède pourra vous le faire découvrir. Enfin, en partie. Mettons jusqu'à Jérusalem. Car après, l'histoire diffère quelque peu de l'Histoire : Tancrède est une uchronie.

Je ne livre jamais ici de grandes analyses de livre, trouvant même souvent le principe ennuyant chez mes "confrères". Pourtant, j'aurais aimé ici savoir le faire, ou au moins pouvoir livrer un avis pertinent, tant Tancrède est un livre érudit qui mériterait d'être décortiqué et analysé.

Notez que malgré cela, et malgré un manque d'émotions et un ton quasi-didactique bien que le récit soit à la première personne, Tancrède est un livre abordable et plaisant, parole de lecteur inculte sur les croisades. On y découvre un pan de l'Histoire dans ses différentes facettes religieuses et politiques, vu d'un peu tous les angles, au fil d'une histoire et d'un personnage intéressants.

Et même si mon cerveau a du mal a posteriori à se faire une idée de ce récit et de ses implications, j'ai apprécié la lecture sur le moment - c'est là le plus important - même si elle n'est pas exempte de quelques défauts, notamment un changement de sensibilité étonnamment rapide. Quant à l'analyse... vous serez obligé de le lire ! ;-)

samedi 21 juillet 2018

Bulles de feu #10 - Pluto

Pluto, Naoki Urasawa, 2003-2009, 8 tomes

Pluto est la réécriture d'un arc narratif, "Le robot le plus fort du monde", d'Astro Boy, célèbre manga d'Osamu Tezuka, par Naomi Urasawa. Ou la rencontre, virtuelle, de deux mangakas mythiques : Tezuka est LA légende du manga japonais quand Urasawa est l'un des plus fameux mangakas de l'ère "moderne" (Monster, 20th Century Boys, Billy Bat, ...). Néanmoins, si les références au manga d'origine sont forcément présentes, Pluto est parfaitement lisible sans en connaître la source (et sans en ressentir un manque).

L'histoire suit l'inspecteur Gesicht, robot de haute technologie, qui enquête sur des meurtres commis sur les robots les plus forts du monde ainsi que sur leurs concepteurs. Le tout donne un thriller SF sur fond d'une géopolitique qui ne peut manquer de rappeler une situation actuelle ou un passé proche.

Pluto est un bon manga dans tous ses aspects. L'enquête est prenante et mystérieuse, avec un mindfuck typique d'Urasawa. Les messages, la morale, sont certes souvent évidents, mais il n'est jamais mauvais de rappeler des évidences quand cela est fait de belle manière. Et la réflexion sur les robots, leur place dans la société et leurs sentiments, est un classique indémodable de la science-fiction.

Plaisant, intelligent, touchant. Pourquoi se priver ?

lundi 16 juillet 2018

J.M. Erre - Le Grand n'importe quoi

Le Grand n'importe quoi, J.M. Erre, 2016, 294 pages.

Prenez un personnage qu'on pourrait cruellement définir comme un "raté". Mettez-le dans un petit village, Gourdiflot-le-Bombé, pour une soirée chez des culturistes. Expulsez-le de cette même soirée - tout en se faisant larguer par sa copine - puis faites apparaitre des extraterrestres kidnappant un habitant. Ajoutez des personnages tous plus dingues les uns que les autres et secouez bien fort. N'oubliez pas d'agrémenter votre livre avec des éléments de science-fiction et quelques surprises.

Alors, vérité ou mensonge que ce supposé "grand n'importe quoi" ? Eh bien, étonnamment, la promesse est plutôt bien tenue : c'est absurde, c'est loufoque ou c'est grotesque, voire les trois à la fois par moment, mais ça fonctionne et c'est marrant, les bons mots s'enchaînant sans cesse. Surtout, ça ne tombe pas dans le lourdingue et ça parvient à ne pas se répéter et à maintenir l'intérêt.

Difficile de dire si Le Grand n'importe quoi est vraiment un livre de science-fiction. Mettons que la question importe peu. En tout cas, il apporte une initiation, ou un rappel, de quelques concepts basiques de science/SF. Il m'a même semblé vouloir donner une bonne image de la SF à des lecteurs non-initiés, mais je ne pourrais jurer que c'est bel et bien le cas ou tout du moins savoir si le lecteur lambda en sortira avec une vision améliorée.

Peu importe. Le livre est plaisant à lire, c'est là l'essentiel. Certains trouveront peut-être la fin un peu trop facile, mais elle reste bien amenée et bien réalisée. Je n'ai qu'un reproche à faire à ce roman : un name dropping trop important, une pratique que je déteste. Mais à part ça, c'est une bonne surprise !
« Tu ne trouves pas curieux que beaucoup de gens refusent d'en lire a priori ? Quand j'entends "j'aime pas la science-fiction", ça me fait penser à ceux qui disent "j'aime pas les légumes", comme si tout avait le même goût. »

mercredi 11 juillet 2018

Jack Vance - La Planète Géante

La Planète Géante, Jack Vance, 1951, 277 pages.

Une commission terrienne se rend sur la Planète Géante, une planète "anarchique", aux dimensions gigantesques, où se sont installés tous ceux qui n'ont pas trouvé leur place sur notre Terre. Problème : au lieu d'atterrir dans l'Enclave terrienne, elle se retrouve à l'autre bout de la planète avec 65000 kilomètres à faire en territoires hostiles et un possible traitre dans ses rangs.

La Planète Géante est un pur roman d'aventure et d'exploration, saupoudré d'un léger aspect "thriller". La raison du voyage n'est quasiment qu'une excuse pour parcourir cette Planète Géante où se côtoient des ethnies et des environnements étonnants. Le fin mot de l'histoire apporte quelques petites surprises qui, bien qu'anticipables si l'on garde son cerveau sur ON pendant toute la lecture, restent satisfaisantes.

Le roman n'est malheureusement pas exempt de défauts, notamment des descriptions un peu floues (mais cela n'est peut-être que personnel) et des personnages trop peu développés (si l'on peut même dire qu'ils sont développés). Rien d'exceptionnel donc, mais La Planète Géante reste un roman d'aventures lisible, sympa, qu'on appréciera si on aime le style de Jack Vance.

À noter que si ce roman peut se lire seul, Jack Vance a plus tard écrit un autre livre dans le même univers : Les Baladins de la Planète Géante.

mercredi 4 juillet 2018

Ursula Le Guin - Tehanu

Tehanu, Ursula Le Guin, Tome 4 du Cycle de Terremer, 1990, 258 pages.

Tehanu est le quatrième tome du Cycle de Terremer après Le Sorcier de Terremer, Les Tombeaux d'Atuan et L'Ultime rivage. On y retrouve les personnages rencontrés précédemment ainsi qu'un nouveau personnage principal, Therru, jeune fille sévèrement brulée, entre autres monstruosités subies. On y retrouve surtout la plume d'Ursula Le Guin qui fait toujours des merveilles. Et même plus que des merveilles : qui d'autre pourrait rendre intéressant, fascinant, un roman de 250 pages où il ne se passe rien ? Pas grand monde, surtout à un tel niveau de qualité.

Le calme est donc au rendez-vous, à l'exception d'une tornade finale dans les toutes dernières pages. Une nouvelle fois, le chemin est bien plus important que la destination. Ce qui ne veut pas dire que l'ennui est là, au contraire. Il est envoutant de suivre ces personnages en construction ou en reconstruction, dans leurs peines et leurs joies, le tout filé de réflexions diverses sur, notamment, la nature humaine, toujours discrètement et humblement.

Ursula Le Guin, tout simplement.