lundi 27 décembre 2021

Écran de fumée #18 - Séries animées

Hilda, Saison 1 & 2, 2018-2020, 13 épisodes de 24 minutes par saison

Adaptée de la bande dessinée du même nom de Luke Pearson, Hilda est une série animée contant les péripéties d'Hilda, une jeune fille aventurière. Habituée à explorer la campagne et à rencontrer ses fantastiques habitants (elfes, trolls de pierre, géants, ...), elle va, dans les premiers épisodes, déménager dans la ville de Trollbourg avec sa mère et Twig, son animal de compagnie, un jeune renard-cerf. Elle y rencontrera Frida et David, et vivra plein de belles aventures.

Hilda est une série très simple sur le papier et très simple dans les faits, chaque épisode proposant une nouvelle intrigue. Elle n'en est pas moins très riche. Riche d'excellents personnages humains diversifiés. Riche d'excellentes créatures fantastiques - Wood Man ! - fascinantes à découvrir et qui offrent un vrai grand sense of wonder de fantasy. Riche de très beaux dessins et de couleurs pétillantes. Riche d'intrigues variées et d'un rythme toujours bon, ni trop lent ni trop rapide. Riche d'un univers qui se développe d'épisode en épisode et où le spectateur se sent chez lui. Riche de messages intelligents et positifs. Riche de sympathie et d'amusement. Riche de sourires qui se posent inévitablement sur les visages et dans les coeurs des spectateurs. Riche d'excellence tout simplement.

Arcane, Saison 1, 2021, 9 épisodes de ~40 minutes

Vi et Powder sont deux soeurs vivant dans les bas-fonds de Piltover. La vie est difficile, mais elle va le devenir encore plus après un cambriolage raté chez un scientifique, un cambriolage qui va les mettre dans le viseur des Pacifieurs, la police de la partie riche de la cité.

Arcane est la série qui a cartonné en cette fin d'année. À raison tant elle est exceptionnelle. C'est certainement la plus grosse baffe en matière d'animation depuis le chef d'oeuvre Spider-Man : New Generation.

Tout en étant largement différente, Arcane partage d'ailleurs de nombreux points communs avec ce film Spider-Man. Le premier étant que les deux se déroulent dans des univers préexistants - en l'occurrence celui du jeu vidéo League of Legends pour Arcane - dont la connaissance préalable n'est absolument pas nécessaire, n'apportant au mieux que quelques clins d'oeil aux connaisseurs mais n'excluant jamais les néophytes, qui pourront même découvrir plus librement l'univers et l'histoire.

À cela s'ajoute deux autres similitudes : un récit consistant, intelligent et sans rien à jeter ainsi qu'un style graphique inventif et possédant une vraie patte. Si l'intrigue est prenante et les personnages très bien écrits avec des motivations crédibles, c'est certainement l'animation qui reste la plus marquante. Sur un décor relativement classique mais très beau, les personnages sortent du lot avec leurs traits précis et détaillés, quasi-réalistes, mais parvenant tout de même à s'intégrer admirablement dans l'ensemble. Ajoutez à cela quelques effets de rupture habiles et créatifs, notamment lors des combats très rock, et vous obtenez une série unique, alliant complètement fond et forme, d'une qualité exceptionnelle.

D'autres avis : OmbreBones, ...

mardi 21 décembre 2021

Olga Tokarczuk - Histoires bizarroïdes

Histoires bizarroïdes, Olga Tokarczuk, 2018, 182 pages

Histoires bizarroïdes est un recueil de 10 nouvelles d'Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature 2018. Un recueil qui porte bien son nom, avec ses histoires qui tendent vers l'imaginaire, que cela soit de petits éléments sortant de l'ordinaire à des univers entiers. Dans tous les cas, les explications et la clarté ne seront pas au rendez-vous, le bizarre étant là pour le rester.

Que retenir alors de ces Histoires bizarroïdes ? C'est bien là la question que je me pose et à laquelle je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante - si ce n'est en relisant, après coup, la chronique de Gromovar. Les textes sont indéniablement bien écrits, avec un style assez riche, et sont prenants à lire. Pourtant, ça n'a guère fonctionné pour moi, n'arrivant que rarement à m'emporter et à me créer des émotions, restant bien souvent au stade de l'anecdotique ou au premier chapitre d'un roman n'existant pas.

Dans le même temps, tout n'est pas à jeter, loin de là. Sans atteindre une pleine satisfaction, Les Coutures, La Montagne de Tous-les-Saints ou Le Calendrier des fêtes humaines possèdent un truc, une aspiration. Quant à La Visite et Le Transfugium, ce sont deux nouvelles de belle qualité. Suffisamment pour me marquer sur la durée ? C'est loin d'être sûr.

Parfois les rencontres ne se font pas. Alors que j'aime les nouvelles d'Haruki Murakami, pleines elles aussi d'incompréhension et d'éléments bizarres jamais clarifiés, les nouvelles d'Olga Tokarczuk ne m'ont pas parlé. Étonnamment, malgré cette lecture en demi-teinte, je n'en ressors pourtant pas avec l'idée de ne plus jamais lire l'autrice, tant les qualités restent visibles. Qui sait, la rencontre se fera peut-être une prochaine fois ?

Couverture : Björn Wylezich / Traduction : Maryla Laurent
D'autres avis : Gromovar, ...

mercredi 15 décembre 2021

Guillaume Chamanadjian - Le Sang de la Cité

Le Sang de la Cité, Guillaume Chamanadjian, Tome 1/6 de la Tour de Garde, Tome 1/3 de Capitale du Sud, 2021, 394 pages
« Et dans une ville dont on disait que le sang des habitants était fait de vin, un épicier dévoué était plus précieux qu'un corps de garde dans son entier. »
Nohamux, dit Nox, est commis d'épicerie à Gemina, une gigantesque ville portuaire très vivante où chaque quartier est dirigé par une famille ducale. Pupille du Duc de la Caouane, Nox va par hasard être pris dans les jeux de pouvoirs de la Cité.

La Tour de Garde est un projet singulier, un univers partagé par deux auteurices, Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier. Chacun y propose une trilogie qui peut - à priori - se lire de manière indépendante, centrée chacune sur une des deux villes de ce monde, Gemina et Dehaven. Le Sang de la Cité est le premier volume de la trilogie de Guillaume Chamanadjian. Et ça commence fort, car c'est un très bon premier tome.

Ça commence moins fort niveau action, mais ce n'est nullement grave. Au contraire, car l'imprégnation de ce qu'est la cité de Gémina fait partie intégrante de la singularité de la lecture. Le livre démarre donc comme une visite de la ville, une ville florissante et débordante, où les rues sont encombrées tant de bâtiments que de populations et où les bruits et les odeurs sont tous aussi importants que les apparences. Une ville indéniablement vivante. Pour cette balade, Nox est un agréable et sympathique guide auquel on prend le temps de s'attacher.

Peu à peu, une part de mystère et une autre d'intrigues de pouvoir vont se développer et monter en puissance, jusqu'à donner au roman, dans son dernier quart, un ton étonnamment plus sombre que la promenade de santé initiale. Et ça fonctionne parfaitement, pour au moins deux raisons : la ville de Gemina qui est un personnage à part entière ; la galerie de personnages crédibles, avec en tête Nox, ayant à la fois des caractéristiques classiques des héros de romans d'apprentissage tout en étant suffisamment lucide et intelligent pour comprendre rapidement son rôle et ses limites et agir en conséquence. Est-ce que j'ai vibré pour lui ? Oui. Est-ce que j'ai envie de me jeter sur la suite ? Oui. J'imagine que ça donne quelques indications sur la réussite qu'est Le Sang de la Cité.

Couverture : Elena Vieillard
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, Lune, Sometimes a book, Cédric, Le nocher des livres, Boudicca, Yuyine, Célinedanaë, Lianne, Le Chroniqueur, Vanille, Sabine, ...

jeudi 9 décembre 2021

Adam-Troy Castro - Émissaires des morts

Émissaires des morts, Adam-Troy Castro, Tome 1/3 d'Andréa Cort, 2002-2016, 709 pages

Témoin et actrice d'un génocide lorsqu'elle était enfant, Andréa Cort est depuis la propriété du Corps Diplomatique où elle travaille en tant que représentante du Procureur général du Corps Diplomatique de la Confédération humaine. Sous ce titre pompeux, Maître Andréa Cort parcourt la galaxie pour résoudre des problèmes de juridictions concernant des crimes impliquant des êtres humains. Et elle est très douée pour ça.

Le livre Émissaires des morts se divise en deux grandes parties. La première propose 4 nouvelles - Avec du sang sur les mains, Une défense infaillible, Les Lâches n'ont pas de secret et Démons invisibles - qui sont autant de petites énigmes juridiques à résoudre pour l'héroïne. Après une mise en place où tous les éléments sont rapidement à disposition, Andréa Cort pourra faire preuve de son intelligence et de son sens de la déduction surdéveloppés pour trouver la clé du mystère - à la Sherlock Holmes pour faire un parallèle facile. C'est très efficace tout en présentant et développant le personnage dans des proportions essentielles pour la suite.

La suite, c'est la deuxième partie du livre, le roman Émissaires des morts en tant que tel. Plus qu'une énigme, le récit propose cette fois un véritable polar, de type whodunit. Et si les nouvelles précédentes paraissaient déjà excellentes, le roman parvient à faire franchir un nouveau palier à l'univers. Tout autant pour ce mystère précisément, bien plus massif et complexe, que pour l'intrigue plus générale qui se développe autour d'Andréa Cort. Et qui en fait encore plus la figure de proue du récit, son histoire et son évolution étant une part au moins aussi importante du livre que les mystères auxquels elle est confrontée. Et même si j'ai légèrement moins apprécié certaines composantes de cette évolution, force est de constater que cela fait sens, apporte quelque chose et participe de l'excellence de ce début de série.
« - Ce n'est pas de la timidité, mais une question de préférence. Je n'ai simplement pas une très haute opinion de formes de vie sentientes en général.
Le front de son collègue se rida davantage.
- Toutes les formes de vie sentientes ?
- Si c'est capable de penser, c'est indigne de confiance.
»
Couverture : Manchu / Traduction : Benoît Domis
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, Lhisbei, Chut maman lit, Le chien critique, Lorhkan, Célinedanaë, OmbreBones, FeydRautha, Sabine, Xapur, L'Ours inculte, lutin82, Cédric, Apophis, Brize, Shaya, Dionysos, Yuyine, Lune, Yogo, Zina, La Geekosophe, Le nocher des livres, Le Chroniqueur, ...

vendredi 3 décembre 2021

Bulles de feu #38 - Animaux exotiques

Le Discours de la panthère, Jérémie Moreau, 2020, 105 planches

Un buffle pousse de toutes ses forces sur les flancs d'une montagne, pour déplacer l'île sur laquelle il se trouve et échapper à la comète qui semble se rapprocher. Il sera bientôt rejoint par un varan. Échapperont-ils au désastre ?

Ainsi démarre Le Discours de la panthère. Viendront ensuite une autruche, un éléphanteau ou encore un bernard-l'hermite, chacun vivant ses propres aventures. Car Le Discours de la panthère est en un sens un recueil de nouvelles mettant en scène divers animaux anthropomorphisés dans des aventures "philosophiques". Les Fables de la Fontaine ? Oui, il y a de ça, indéniablement, même si les morales sont moins explicites et frappantes.

Mais Le Discours de la panthère forme aussi un tout, les divers protagonistes se recoupant à l'occasion jusqu'au fameux discours final. Si le résultat peut paraitre un peu anecdotique ou gentillet, il n'en reste pas moins une bonne idée bien mise en place et très sympa à lire, avec une entrée en matière et une fin toutes deux marquantes. Le tout sublimé, bien sûr, par les très beaux dessins de Jérémie Moreau (La Saga de Grimr, Penss et les plis du monde) dans le style caractéristique de l'auteur-dessinateur, vaporeux et aérés, avec des airs quasi-enfantins par moment, mais qui donnent à l'ouvrage un ton unique et très agréable.

Quelques planches ici.

La Bête, Zidrou et Frank Pé, Tome 1/?, 2020, 150 planches

Belgique, 1955. Un cargo arrive au port d'Anvers en provenance d'Amérique du Sud, avec à son bord une cargaison d'animaux exotiques, dont un sort du lot : le Marsupilami. Celui-ci va parvenir à s'échapper et va être recueilli par un jeune garçon, François.

La couverture dit quasiment tout ce qu'il faut savoir de cette BD. La Bête revisite la fameuse figure du Marsupilami, dans un style bien plus sombre et réaliste que la joyeuse version initiale. Et le résultat est tout à fait réussi et plus que satisfaisant. Si elle conte une intéressante origin story, elle va au-delà du simple hommage. En situant l'action dans l'après seconde guerre mondiale, Zidrou en profite pour décrire une époque trouble de reconstruction où la violence et la rancune sont omniprésentes.

Les 150 planches de La Bête se lisent toutes seules. Grâce au scénario prenant de Zidrou donc, mais aussi au travail de Frank Pé qui peut s'illustrer dans les grandes largeurs grâce à une majorité de grandes cases très belles - où il parvient même à intégrer naturellement les visages aux traits un peu exagérés de certains personnages. Une très bonne BD qui n'a peut-être qu'un seul défaut : un léger goût de trop peu. Malgré une bonne consistance et s'il peut se lire comme un one-shot triste et amer, La Bête reste un tome 1. Et la dernière page tournée, une seule envie : lire la suite.

Quelques planches ici.