samedi 26 novembre 2016

Mack Reynolds - Les Gaspilleurs

Les Gaspilleurs, Mack Reynold, 1967, 102 pages.

Il n'y a fondamentalement rien de SFFF dans cette nouvelle de Mack Reynolds. Si ce n'est une troublante lucidité sur les enjeux de notre monde capitaliste. Car par le biais de l'infiltration de Paul Kosloff, agent secret américain qui voue une haine aux communistes, dans un nouveau milieu gauchisant, Mack Reynolds nous donne une leçon de politique, d'écologie et de sémantique.

Mais attention, la leçon est loin d'être pompeuse ou ennuyante. De manière simple, l'auteur nous livre les bases de notre monde actuel et de notre société de consommation. L'histoire est quasiment insignifiante et pourtant la lecture se fait avec plaisir car le ton n'est absolument pas moralisateur.

Étonnamment, malgré la maigreur de l'intrigue, Les Gaspilleurs est une bonne lecture, intelligente et toujours d'actualité. Si ce n'est en aucun cas une baffe littéraire, il ne peut pas faire de mal de se remettre en mémoire le message diffusé par cette nouvelle.

mardi 22 novembre 2016

Laurent Alexandre & David Angevin - L'Homme qui en savait trop

L'Homme qui en savait trop, Laurent Alexandre & David Angevin, 2015, 332 pages.

Mathématicien et cryptologue, entre autres qualités, de la première moitié du XXème siècle, Alain Turing est notamment le fondateur conceptuel de l'ordinateur et l'un des participants au décryptage d'Énigma, la machine à coder nazie. Il aura pourtant fallu attendre les années 2000 pour que ses actions pendant la guerre soient officialisées et qu'il soit réellement sur le devant de la scène : des excuses publiques du gouvernement anglais en 2009, une grâce en 2013 par la reine Élisabeth II pour sa condamnation en 1952 pour homosexualité, un film à succès sur sa période de cryptologue en 2014 (l'excellent - bien qu'imparfait historiquement - "Imitation Game") et donc ce livre.

À la différence de "Imitation Game", L'Homme qui en savait trop s'emploie à décrire l'ensemble de la vie d'Alan Turing, passant finalement rapidement sur le décryptage effectif d'Énigma. En cela, les deux œuvres ne sont pas redondantes et se complètent même agréablement.

L'Homme qui en savait trop est un roman efficace. Écrit comme un thriller, les chapitres sont courts et sont surtout portés par la passionnante vie d'Alan Turing. Très prenant au démarrage, le récit a pourtant tendance à s’essouffler. Car si les chapitres concernant Alan Turing restent intéressants, le désintérêt pointe rapidement concernant la seconde trame du livre. En effet, jouant sur le doute concernant la mort du mathématicien et le contexte politique de l'époque, les auteurs proposent une petite chasse à l'assassin.

Finalement, le seul véritable problème de ce livre est qu'il a tendance à ne pas trouver son style, ou en tout cas à ne pas l'assumer jusqu'au bout. Le titre, le bandeau de couverture, la quatrième de couverture,... laissent à penser qu'il va y avoir plus que la simple vie d'Alan Turing. Or cette partie-là est franchement faible et globalement inutile. Et si l'intérêt de l'oeuvre se trouve juste d'être une bonne biographie romancée d'Alan Turing, alors elle se serait suffit en soi et toute la partie "sensationnaliste" se trouve être de trop.

Je reconnais parfaitement que ma légère déception provient d'une mauvaise attente de ma part vis-à-vis de ce livre - une attente bien guidée par les atours du roman - m'attendant à quelque chose de plus qu'une simple biographie romancée. Malgré ça, la lecture reste globalement passionnante tant il est intéressant d'en apprendre plus sur Alan Turing. N'hésitez donc pas à le lire si vous avez envie d'en savoir plus - si vous avez aimé "Imitation Game" par exemple. Mais lisez-le bien en tant que biographie romancée, et ayez bien à l'esprit que finalement, vous ne serez jamais certain de ce qui est vrai et de ce qui est inventé...

vendredi 18 novembre 2016

Pierre Pevel - Le Royaume immobile

Le Royaume immobile, Pierre Pevel, Tome 3/3 du Paris des Merveilles, 2015, 377 pages.

Après Les Enchantements d'Ambremer et L'Élixir d'oubli, Le Royaume immobile est le troisième et dernier tome du cycle du Paris des merveilles. Et il est parfaitement au niveau de ses prédécesseurs !

Anecdotiquement, ce roman a été écrit et est paru 12 ans - ! - après le second tome. Je l'écris vraiment pour le caractère surprenant de l'information car cela ne se ressent absolument pas à la lecture tant il n'existe aucune rupture de style entre les deux livres. C'en est prodigieux de maîtrise.

Par rapport aux deux premiers tomes, il n'y a ici rien à ajouter, ni à enlever. Toutes les qualités d'écriture de Pierre Pevel sont au rendez-vous : c'est fluide, il n'est pas possible de s'ennuyer et les personnages sont appréciables. Les péripéties et thématiques sont peut-être un peu plus graves, mais cela apporte simplement une petite touche de nouveauté, sans bouleverser le plaisir existant. Surtout, Pierre Pevel n'est pas redondant. Ce n'est pas l'histoire de trop, ça ne commence pas à devenir lassant. Au contraire, cette histoire apparait comme essentielle et se lit avec le même plaisir que le premier volume.

Le lecteur qui aura apprécié le(s) (deux) premier(s) tome(s) pourra sans hésitation se jeter sur celui-ci sans prendre aucun risque : Pierre Pevel sait construire des trilogies de qualité et d'intérêt égaux jusqu'à la fin. D'ailleurs, au petit jeu des comparaisons, la trilogie du Paris des Merveilles se place en bonne position dans la bibliographie de Pierre Pevel : bien meilleure que Les Lames du Cardinal, elle se situe juste derrière la Trilogie de Wielstadt, qui aurait dû partager son rang si le chevalier Kantz ne la rendait pas intouchable.

Amateurs de magie discrète, d'univers à taille humaine, de personnages sympathiques et d'aventures aux relents d'enquêtes saupoudrées d'actions qui sentent bon le fer et la poudre, n'hésitez plus : le Paris des Merveilles vous attend !

lundi 14 novembre 2016

Jean-Philippe Jaworski - Chasse Royale

Chasse Royale, Jean-Philippe Jaworski, Tome 2a/3 de Rois du Monde, 2015, 282 pages.

Clash Royale poursuit l'exploration de l'univers découvert dans Clash of Clans. Sur une base de personnages similaires, l'aventure prend ici une tournure plus simple ou tout du moins plus abordable pour le joueur casual. Supercell continue de faire ce qu'il sait faire, et il le fait bien, voire très bien, continuant de s'imposer comme une référence - si ce n'est pas la référence - du genre !

Hein ? Quoi ? Ce n'est pas de Clash Royale que je dois parler mais de Chasse Royale ? Oh. D'accord, je me suis peut-être légèrement mélangé, mais relisez-bien - et remplacez quelques mots - car c'est finalement exactement ce que je viens de faire.

Étonnamment, le démarrage de Chasse Royale se passe très bien. Malgré la densité de l'univers et du premier tome, les souvenirs reviennent bien vite. S'il m'a peut-être manqué quelques subtilités qu'une relecture de Même pas mort m'aurait offertes, les premières pages redonnent astucieusement tous les éléments nécessaires pour nous replonger pleinement en Gaule.

Plus linéaire que son prédécesseur, Chasse Royale en devient plus facile à la lecture, mais sans perdre pour autant sa densité. À celle-ci s'ajoute une intensité incroyable : les 250 pages se déroulent pourtant quasiment en une seule journée, mais sans baisse d'intérêt ou de tension. Une performance en soi.

Chasse Royale est donc un très bon roman, peut-être moins fort stylistiquement que le premier tome mais surement meilleur en matière de plaisir pur. Son seul défaut est d'être seulement la première moitié du second tome tel que Jean-Philippe Jaworski le conçoit. Sans fin digne de ce nom, la lecture laisse véritablement le sentiment de ne pas être achevée. Cela donne évidemment l'envie de lire la suite, mais laisse en attendant un goût amer en bouche, à l'instar des découpages en deux tomes de L'Assassin Royal par Pygmalion. Dommage.

jeudi 10 novembre 2016

L.C. Tyler - Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex

Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex, L.C. Tyler, Tome 3/? des Aventures d'Elsie et Ethelred, 2010, 287 pages.

Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex (dont on ne citera le nom entier qu'une fois car c'est tout de même un peu long - ce qui n'empêche pas de souligner l'excellent travail de l'éditeur au niveau des titres qui compensent allégrement les jeux de mots intraduisibles des originaux), Mort mystérieuse... donc, est la troisième aventure d'Ethelred, écrivain de polar de troisième zone, et d'Elsie, son agent littéraire.

L.C. Tyler poursuit sa série de polars humoristiques en s'attaquant cette fois à deux nouveaux classiques du genre : le meurtre en chambre close et... le Cluedo. Comme d'habitude, les idées de base sont bonnes et l'humour est présent dans les dialogues et remarques des deux narrateurs tout comme une certaine dose de métafiction, souvent simple et efficace (et ce dès le début : alors que le chapitre 1 vante les mérites de ne pas utiliser de flashback dans un roman, le chapitre 2 commence évidemment par un flashback...).

Si les éléments habituels sont bien présents, Mort Mystérieuse est pourtant clairement le moins bon tome de la série car deux défauts principaux viennent entacher le tableau. Premièrement, l'impression d'être pris pour un idiot ou, au choix, le sentiment que les personnages sont complètement idiots, assez frustrant à la longue. Deuxièmement, la compréhension de la résolution de l'histoire après seulement un tiers du roman. Si quelques détails et explications ne sont découverts que logiquement à la fin du récit, les grandes lignes ne sont presque jamais mystérieuses. Et un polar sans mystère, ça perd grandement de son charme.

Ainsi, ce troisième volume est une déception. S'il se lit malgré tout très bien et qu'il reste globalement amusant, le manque d'une intrigue forte et d'un vrai suspense en font un polar seulement passable. Mieux vaudra attendre le quatrième tome avant de se lancer sur celui-là, histoire de savoir si ce n'était qu'une petite sortie de route ou déjà la fin d'un bon procédé.
« - Ce n’est pas un diner : on recommence une partie de Cluedo.
- Seulement si l’un d’entre nous se fait assassiner, répondis-je, le sourire confiant. Quelle est la probabilité, à ton avis ? »

dimanche 6 novembre 2016

Pierre Pevel - L'Élixir d'oubli

L'Élixir d'oubli, Pierre Pevel, Tome 2/3 du Paris des Merveilles, 2003, 379 pages.

Deuxième tome des aventures de Griffont et Isabel de Saint-Gil dans le Paris des Merveilles. Si vous avez aimé le premier, celui-ci devrait de la même manière vous ravir. Et prolonger la visite de Paris, en en parcourant de nombreux lieux et rues, agrémentés parfois de quelques éléments historiques. On n'ira pas jusqu'à citer Neverwhere de Neil Gaiman, mais presque.

Pour autant, L'Élixir d'oubli n'est pas simplement une redite des Enchantements d'Ambremer car Pierre Pevel en fait plus. Il reprend certes son écriture fluide et son narrateur sympa, mais il densifie son intrigue pour en faire une vraie enquête digne d'un polar, tout en gardant, sans le rendre omniprésent, cet univers magique si particulier. Cette densité provient aussi de l'ajout d'un second fil narratif, approfondissant autant la grande histoire des personnages que la présente aventure.

L'Élixir d'oubli est une nouvelle réussite. Il parvient à prolonger le plaisir du premier tome et même à le surpasser grâce à une intrigue plus dense. Intelligemment, Pierre Pevel propose un certain renouvellement avant même qu'une quelconque habitude - et son risque de lassitude - puisse s'installer. L'envie de lire le troisième tome s'en trouve grandie !

mercredi 2 novembre 2016

Pierre Pevel - Les Enchantements d'Ambremer

Les Enchantements d'Ambremer, Pierre Pevel, Tome 1/3 du Paris des Merveilles, 2003, 382 pages.

Si la couverture de ce premier tome du Paris des Merveilles - anciennement Cycle d'Ambremer - est magnifique, elle est aussi quelque peu effrayante. Quelle nouvelle histoire pleine de clichés de steampunk (ou de fantasy urbaine) va-t-on bien pouvoir lire ? Et pourtant, pas de panique à avoir car un nom doit vous rassurer : Pierre Pevel.

Paris au début du XXème siècle, la Belle Époque. Tel que vous avez pu l'apprendre dans les livres d'Histoire. Ou presque. Car ici, le monde ancien de la magie - avec ses fées, ses dragons, ses gnomes et toute sa ménagerie - ne s'est pas éloigné petit à petit avec le passage des siècles. Au contraire, les deux univers, la Terre et l'Outremonde, sont plus que jamais unis et se côtoient ouvertement. C'est dans ce bi-univers que se déroulent les aventures de Griffont, mage et héros de cette trilogie.

La première qualité des Enchantements d'Ambremer est de ne pas être une simple visite guidée où l'auteur servirait toutes ses trouvailles les unes à la suite des autres au détriment d'une vraie histoire. Si l'univers est riche, il n'est pas foisonnant et ne donne ni sensation d'overdose ni la lecture d'une suite sans répit de péripéties et d'actions.

Construit à partir de cours chapitres, presque des scénettes, le récit est pourtant complet et facile à suivre. Il en est de même avec les personnages : brossés rapidement, sans longues descriptions, ils sont pourtant très visuels et facilement sympathiques. L'écriture de Pierre Pevel fait son oeuvre : c'est subtil, clair et délié. Avec en petit bonus un narrateur externe sympa qui, quelque fois, n'hésite pas à prendre à partie le lecteur pour donner un peu de peps à la lecture.

Les Enchantements d'Ambremer est donc un très bon premier tome avec une intrigue simple mais bien menée qui alterne les scènes de recherche et les quelques scènes d'action. Un sympathique moment à passer dans un style bien fluide qui ne peut que donner envie de retrouver les personnages dans un deuxième tome.

À noter que cette réédition de Bragelonne est complétée d'une courte nouvelle : un petit hommage à Jules Verne qui n'a rien d'extraordinaire ou de bien particulier mais se laisse lire. On préfèrera largement retenir le récit principal qui est, rappelons-le une dernière fois, de très bonne facture !