samedi 30 novembre 2013

Hiromi Kawakami - Abandons

Abandons, Hiromi Kawakami, 1999, 153 pages.

La lecture japonaise du mois de novembre, toujours dans le cadre du Challenge Écrivains Japonais d'Adalana. Ce mois-ci est consacré à Hiromi Kawakami.

Abandons est un recueil de 8 nouvelles sur le thème... du couple, et plus généralement de l'amour sous toutes ses formes. On pourrait peut-être, en trifouillant un peu les mots, se dire que le thème de l'abandon est présent (les personnages cherchent très souvent à être aimé, et donc à ne pas être abandonner), mais "Abandons" est surtout le titre d'une des nouvelles.

Outre le thème commun, les 8 textes sont comparables pour leur structure : des récits courts (une vingtaine de pages) racontés d'un point de vue interne par une narratrice. Le résultat en est un panorama de situations à la fois toujours différentes et toujours identiques. Deux textes penchent vers le fantastique, les autres sont des instants de vie communs, faisant parfois penser à une photographie. Le tout sent le minimalisme.

Il y avait du potentiel dans ce recueil, mais le plaisir n'a pas été au rendez-vous. Outre quelques histoires franchement bizarres, à la limite d'être mal à l'aise, les autres manquent d'un petit truc pour être bonnes. Dû en grande partie au format très court, il n'y a pas de sympathie pour les personnages et les histoires s'enchaînent, répétitives, sans qu'il se passe véritablement grand chose. À vous donner envie d'abandonner.


Une participation de plus pour le JLNN

jeudi 28 novembre 2013

Leigh Brackett - La Route de Sinharat

La Route de Sinharat, Leigh Brackett, 1963, 42 pages.

La Route de Sinharat est une nouvelle de Leigh Brackett, extraite du recueil Le Grand Livre de Mars, offerte gratuitement par Le Bélial' pendant le mois de novembre (pour célébrer ce qui aurait dû être la sortie d'un recueil de nouvelles de l'auteure, Stark et les rois des étoiles, finalement repoussée en mars). L'occasion pour moi de découvrir une précurseur de la science-fiction américaine qui a notamment écrit le script originel de L'Empire contre-attaque.

Je dois avouer que j'avais un peu peur de cette lecture. Je me l'imaginais comme une sorte de nouvelle hard-science, avec de la science-fiction "exploration de planètes" qui n'est pas vraiment mon fort. Et voilà que j'ai tout faux, pour mon plus grand plaisir.

La Route de Sinharat est une aventure qui porte bien son nom. L'histoire se passe sur Mars, que l'on comprend avoir été conquis par les terriens qui y vivent en cohabitation avec les martiens. On y suit Carey, un archéologue terrien, dans sa quête pour rejoindre Sinharat, une ancienne cité mystérieuse qui recèlerait des informations importantes.

Je reste volontairement assez vague pour ne rien vous gâcher. Sachez seulement qu'il s'agit d'une aventure avec un peu d'action. Le trio de personnes principaux est sympathique, presque tout comme le "méchant" de l'histoire. Le style de Brackett est un très bon accord entre des dialogues qui donnent du rythme et font avancer le récit et des descriptions qui posent efficacement le paysage en peu de mots. J'ai trouvé que l'écriture était très visuelle, qu'on imaginait facilement l'univers décrit, et c'est très agréable.

Mais la grande force de cette nouvelle, ce sont les sujets qu'elles abordent. Entre réflexions sur le colonialisme et interrogations sur la technologie, c'est une nouvelle très écologique que nous livre l'auteure. Pourtant écrite en 1963, La Route de Sinharat n'a absolument pas pris une ride et est toujours d'actualité. Aucune raison pour que sa lecture ne soit pas la vôtre, d'actualité.
« - Pourquoi vous tracasser à ce point pour de la poussière et de vieux os ?
- Question de curiosité. Je ne connaîtrai jamais la fin de l’histoire, mais je saurai au moins comment elle a commencé. »
Une participation de plus pour le JLNN

lundi 25 novembre 2013

Thomas Day - Du sel sous les paupières

Du seul sous les paupières, Thomas day, 2012, 288 pages.

Thomas Day est génial (entre autres superlatifs). C'est ce que je pensais avant de lire Du sel sous les paupières. Et puis, une fois ma lecture terminée, j'ai pensé : Thomas Day est génial. Le fait n'avait pas vraiment besoin d'être confirmé, mais ça fait quand même toujours plaisir de s'en rendre compte en dévorant un de ses bijoux.

Selon moi, la force de Thomas Day repose sur deux éléments importants. Premièrement, sa capacité à faire évoluer son histoire à chaque fois dans un univers différent. Ici, c'est la Bretagne et l'Irlande qui sont à l'honneur, dans un entre-deux-guerres aux accents légèrement uchroniques. Personnellement, encore plus que d'habitude, je me suis retrouvé conquis et en immersion dans ce décor dès les premières pages, visualisant parfaitement l'ambiance décrite.

La deuxième chose qui rend le travail de Thomas Day toujours aussi impressionnant, c'est justement son travail, et cette impression que rien n'est laissé au hasard, que tout est porteur de références et de réflexions. Comme toujours, Thomas Day offre un livre qui donne envie de lire plein de pages Wikipédia (et d'ouvrir une carte de la région de Saint-Malo).

La particularité de Du sel sous les paupières, outre de raconter une belle histoire, c'est d'arriver à parfaitement mélanger les genres. La première partie du livre a des sonorités de science-fiction, alors que la deuxième partie se rapporte clairement plus d'une affiliation de fantasy aux accents mythologiques. À la fois on a l'impression de lire deux livres en un, et à la fois l'enchaînement se fait plutôt en douceur, sans que l'on ait l'impression en tout cas que ce soit deux histoires raccrochées artificiellement. Cela donne un roman hybride qui fonctionne parfaitement.

Encore une fois Thomas Day parvient à se renouveler tout en faisant du Thomas Day. Une belle plongée dans les contrées celtiques autour d'une histoire d'amour étonnante mais qui ne tombe jamais dans le niaiseux.

Une nouvelle lecture pour le Challenge Francofou

samedi 23 novembre 2013

Robert Charles Wilson - Les fils du vent

Les fils du vent, Robert Charles Wilson, 1989, 316 pages.

J'ai découvert Robert Charles Wilson avec Darwinia, un roman pour lequel je respecte l'auteur tant j'ai le souvenir d'avoir été très longtemps berné. Serais-je surpris une deuxième fois ? En un sens oui, mais pas pour les mêmes raisons.

Les fils du vent (fils comme enfants, pour ceux qui se demanderaient) commence plutôt bien. Un mystère d'entrée, agrémenté d'un personnage étrange, et le livre semble partir pour développer un sujet bien connu de la science-fiction : les mondes parallèles. Sauf que l'idée ne va finalement pas être si développé que ça.

Les voyages entre diverses dimensions vont apporter le peu d'actions que ce roman comporte. Mais finalement, plus qu'un livre axé sur la science-fiction, c'est presque plus un livre sur les liens familiaux que nous livre Robert Charles Wilson. On suit en fait la vie et les relations d'une famille qui a son lot de secrets, comme beaucoup d'autres familles, à la seule différence que les implications sont ici un peu plus bizarres.

Les fils du vent est un des premiers romans de l'auteur, et cela explique peut-être certaines choses. L'histoire est sympa, mais sans plus. On n'a pas forcément plus de sympathie que ça pour les personnages, et on aimerait voir plus développer l'univers et l'intrigue qu'on entraperçoit dans les interludes (qui sont quasiment les moments les plus intéressants du livre...). Malgré tout, l'écriture est simple et fluide, et le livre se lit plutôt facilement.

Vous l'aurez compris, ce n'est pas à mon avis un grand roman ni un premier choix à conseiller. Mais cela peut tout de même rester à disposition pour un petit moment de détente, loin des histoires compliquées et des flopées de personnages.

jeudi 21 novembre 2013

Xavier Mauméjean - American Gothic

American Gothic, Xavier Mauméjean, 2013, 397 pages.

 C'est en lisant la chronique de Julien, le Naufragé Volontaire, que j'ai découvert American Gothic, l'inclassable oeuvre de Xavier Mauméjean. Entre beaucoup d'autres raisons, je dois avouer que le fait que cela parle de la Warner Bros m'a donné envie de le lire. Il s'est avéré que son impact s'estompe après quelques dizaines de pages, mais la déception n'était pas au rendez-vous.

Je vais déjà me répéter, mais American Gothic est vraiment inclassable. Pour être honnête, je ne sais toujours pas s'il s'agit d'une fiction ou d'une recherche romancée sur un personnage réel. Le livre se présente sous la forme d'un enchaînement de divers documents (conversations, rapports, témoignages, ...) rassemblés par François Parisot, auteur de ce livre, pour comprendre et retracer la vie de Daryl Leyland, auteur d'un recueil de contes célèbre aux Etats-Unis. Ça peut paraître compliqué (et encore, j'ai fait simple, je n'ai pas évoqué Jack Sawyer), mais cela ne pose aucun problème à la lecture.

La quatrième de couverture conte bien le début du roman, avec l'apparition des frères Warner, les recherches de Sawyer et le maccarthysme ambiant. Mais on s'éloigne rapidement de ce début en forme d'enquête pure pour se consacrer entièrement à la découverte de la vie de Daryl Leyland. Une vie chaotique et pleine de souffrances, mais absolument prenante.

Je prends conscience que je suis absolument incapable de rendre compte de toute l'étendue de ce livre tant il foisonne d'idées différentes. C'est premièrement la biographie de Daryl Leyland, ainsi que l'enquête de Jack Sawyer. C'est aussi un tour d'horizon d'une certaine période de l'histoire américaine (c'est à un tout autre niveau, notamment parce que l'ambition est différente, mais j'ai été obligé de penser à Forrest Gump). On peut aussi y voir une certaine réflexion sur la littérature en elle-même, ainsi que sur la mythologie américaine (et là je suis obligé de penser à American Gods). Sans évoquer ce flou et ce doute qui planent au-dessus de l'oeuvre. Et j'omets forcément des aspects, que cela soit par oubli ou parce que je ne les ai pas compris.

Ce foisonnement peut faire peur, mais il ne m'a personnellement posé aucun problème. Au contraire, c'est ce qui fait la force de ce livre. On est face à une histoire principale intrigante et attirante qui rencontre de nombreuses voies secondaires, en les empruntant toujours juste le temps qu'il faut, jamais trop, jamais pas assez. À l'image d'un Thomas Day, Xavier Mauméjean propose un roman qu'on sent intelligent et recherché. Et qui nous donne envie à notre tour de faire plein de recherches pour approfondir et comprendre entièrement notre lecture.

samedi 16 novembre 2013

Jean-Laurent Del Socorro - La Mère des mondes

La Mère des mondes, Jean-Laurent Del Socorro, 2012, 20 pages.

La Mère des mondes est le premier texte publié de Jean-Laurent Del Socorro. Lauréate d'un concours du Bélial' pour la sortie de Points Chauds et Aliens Mode d'emploi, cette nouvelle se déroule dans le même univers que l'histoire de Laurent Genefort. Elle est (en ce moment) en téléchargement gratuit sur le site du Bélial', avec une très belle et souriante couverture du Cédric Bucaille.

Ayant lu Points Chauds, je ne saurais pas vous dire si cette nouvelle peut se lire indépendamment. Je pense que c'est fortement possible, mais il ne faudra pas vous étonner de ne pas voir de grandes descriptions du monde. C'est l'avantage d'écrire une histoire dans un univers déjà créé : les bases sont déjà posées, et le lecteur arrive avec son expérience préalable.

Je ne garde pas forcément un énorme souvenir de Points Chauds - un bon livre grâce à un questionnement sur l'autre, mais une histoire assez froide et en retrait - mais j'ai été étonnamment heureux de retrouver son monde. Surtout que Del Socorro apporte vraiment de la nouveauté par rapport au travail de Genefort.

Tout d'abord, l'écriture est plus personnelle. Je me base peut-être sur un souvenir défectueux, mais j'ai eu l'impression de suivre plus intérieurement le narrateur, de recevoir plus d'émotions et de sentiments. Et puis, l'histoire en elle-même, dans les faits (peut-être pas dans la réflexion), est à l'opposé. Ainsi, alors que Genefort traitait des conséquences sur la Terre de l'apparition des Bouches, genre de portails de téléportation pour les extraterrestres, Del Socorro fait voyager son héros à travers une de ces Bouches, pour aller porter la sainte parole.

Oui, l'histoire est centrée sur un prêtre catholique qui part évangéliser les extraterrestres. L'idée est bonne, d'autant plus que le prêtre n'est pas un imbécile (certains le trouveront peut-être trop peu croyant, mais bon). Il va rencontrer un groupe d'aliens, mais les choses ne vont pas se passer comme prévu. Une bonne histoire sur le choc des cultures aux accents théologiques bien dosés. Une ode à la compréhension et à la tolérance.
« Au-delà des Bouches, l’alien, c’est vous. »
Une participation de plus pour le JLNN
Une nouvelle lecture pour le Challenge Francofou

mardi 12 novembre 2013

Jean-Philippe Jaworski - Profanation

Profanation, Jean-Philippe Jaworski, 2013, 17 pages.

En participant, même tardivement, au JLNN de Lune, j'ai eu l'honneur de pouvoir choisir une nouvelle chez ActuSF. Malins comme vous êtes, vous aurez remarqué tout le diabolisme de la manœuvre sélène : je lis une nouvelle et je la chronique, donc je gagne une nouvelle, donc je la lis et la chronique.

Après quelques hésitations, je n'ai pas pu résister au plaisir de retrouver la plume de Jean-Philippe Jaworski avec Profanation, une nouvelle parue dans Les coups de coeur des Imaginales, l'anthologie 2013 des Imaginales. D'autant plus qu'elle se déroule dans le même univers que Gagner la guerre, plus précisément deux siècles avant, pendant la guerre des Grands Vassaux (la postface explique cela très bien, avec florilège de détails).

Profanation conte le procès de Sabaude Cufart, accusé d'être un détrousseur de cadavres. Avant tout, et Jaworski utilise à juste titre le mot à plusieurs reprises, Sabaude est un coquin. En mauvaise situation, il tente d'utiliser sa gouaille pour s'en sortir. Mais les ennemis ne sont peut-être pas là où il les attend...

Une nouvelle fois, Jaworski prouve qu'il maîtrise à la perfection les personnages de "méchants sympathiques". Le style est travaillé, mais ne fait que rendre la lecture encore plus fluide. Un bon moment de lecture, avec une histoire qui parait d'abord banale et amusante, mais qui s'avère être plus grave et étonnante dans sa conclusion.


Une nouvelle lecture pour le Challenge Francofou

dimanche 10 novembre 2013

Peter S. Beagle - Le Rhinocéros qui citait Nietzsche

Le Rhinocéros qui citait Nietzsche, Peter S. Beagle, 1997, 264 pages.

Dans la série "le titre du livre donne complètement envie de le découvrir", voici Le Rhinocéros qui citait Nietzsche, un recueil de Peter S. Beagle. Et cela fait une participation de plus pour le JLNN de Lune.

Avant toute autre chose, une précision. Malgré ce qu'en dit la quatrième de couverture, ce recueil ne contient que 6 nouvelles, et non 7. J'ai rarement vu une erreur aussi énorme, mais je crois savoir d'où elle provient. En VO, le recueil original contient effectivement 7 histoires. Mais allez savoir pourquoi, la version française n'a gardé que les 5 premières, tout en rajoutant une autre nouvelle, Une danse pour Emilia, publiée précédemment à part.

Quoiqu'il en soit, ce sont donc 6 nouvelles qui nous sont proposées. Je m'attendais à quelque chose d'un peu fou et qui part dans tous les sens. Pas du tout. Bon, d'accord, il y a toujours un élément de fantastique qui vient déclencher une histoire qui sort de l'ordinaire. Mais ensuite, tout semble se dérouler normalement. On a l'impression que ce qui se passe est juste logique. Une sensation qui fait aussi écho aux réactions des personnages. Pas vraiment étonnés, jamais paniqués, rien de particulièrement bizarre ne semble être en train de leur arriver.

Déroutant au début, on s'habitue petit à petit à vivre ce recueil à la manière d'un conte de fée où le merveilleux à une place attitrée. C'est doux à lire (ne me demandez pas ce que ça veut dire concrètement, mais c'est ce que je ressens). Le contrecoup, c'est que je suis rentré dans un état un peu apathique. Il n'y a pas de gros rebondissements ni de grands coups d'éclats, et tout ce que je lisais me semblait couler de source. "Oui, d'accord, oui, suivant".

L'ensemble du recueil dégage tout de même une certaine beauté et une simplicité sympathique. Le Professeur Gottesman et le rhinocéros indien, une fois passée la déception de la folie non-présente, s'avère être plutôt touchante. Ma préférence ira pour Entrez, Lady Death, une poétique histoire où la Mort est invitée à un grand bal londonien.

vendredi 8 novembre 2013

David Calvo - Nid de coucou

Nid de coucou, David Calvo, 2007, 253 pages.

Attention, OVNI en approche ! Ou OLNI pour être plus exact : Objet Littéraire Non Identifié. Non, mais lisez moi cette quatrième de couverture. Si elle vous fait ouvrir de grands yeux, imaginez que ce n'est qu'un soupçon de l'incompréhension et de la folie qui se dégage de ce livre.

Avant d'essayer de parler du fond, attardons-nous un peu sur la forme. Tout commence par une carte (toujours un bon point, juste parce que j'aime bien les cartes), puis un sommaire aux allures de stratigraphie qui donne le ton : ce livre va être spécial. En parcourant l'oeuvre, on pourra se rendre compte qu'il est parsemé de diverses photos prises par l'auteur. Je ne suis pas sûr que cela amène véritablement un plus, si ce n'est que cela rend l'objet-livre encore plus particulier. Pendant que j'y suis, je peux souligner la très belle couverture de Marion Girerd, tout en couleur et en onirisme, parfaitement dans la veine des écrits de David Calvo.

Mais je m'égare, et j'évite le problème principal : qu'est-ce que Nid de coucou ? Et bien, je ne suis sûr de rien. À la base, il s'agit de plusieurs nouvelles de David Calvo, parues précédemment ailleurs et regroupées ici. Mais ce n'est pas qu'un simple recueil puisque ces nouvelles sont agrémentées d'autres textes qui les relient et créent un univers ainsi qu'une histoire plus globale sur le Gondwanaworld.

Concrètement, on n'y comprend absolument rien au début. Il y a des éléments qui reviennent régulièrement (le Gondwanaworld, Casimir, le Grand Coucou), ainsi que de très nombreuses références triturées en tout sens (de Robert Louis Stevenson à Babar, de Franck Sinatra au Capitaine Crochet,...). Cela donne des aspects très fouillis, surtout qu' on arrive pas à comprendre où l'on va. Parce qu'on ne va quasiment nulle part en fait. On se balade dans un univers, on le découvre, on le comprend petit à petit sans jamais être sûr de rien. Les narrateurs se mélangent, tout comme les types de narration, et tout comme le temps et l'espace. Cela vous semble totalement fou ? Ça l'est en quelque sorte, il faut lire Nid de coucou pour vraiment envisager Nid de coucou.

À côté de ce monde qui s'étend principalement au travers des petits chapitres, il y a aussi les grandes histoires, les nouvelles originelles, d'une trentaine de pages généralement (6 ou 7 je crois). Toutes sont surprenantes, et il y a de véritables bijoux. Iceblink blunk par exemple, enquête à la Columbo dans une communauté de bonhommes de neige. Ou John Frog, histoire d'un homme qui a un coucou dans les cheveux après un mauvais enchantement d'un sorcier, dont la chute est grandiose (dans tous les sens du terme).

Nid de coucou est inclassable à tous points de vue. C'est un concept, une aventure. Ce n'est pas une lecture toujours facile mais, même si je ne sais pas toujours comment ni pourquoi, c'est vraiment super. Parce que je ne l'ai pas encore dit, mais ce livre fait aussi passer de très beaux messages, avec de vraies émotions.

J'aime bien les lectures décalées, j'aime l'absurde et ce qui sort du rang. David Calvo arrive à faire tout cela, d'une manière que je n'avais jamais vu. On le rapprochera peut-être parfois un peu d'un Fabrice Colin, avec qui il a déjà écrit, mais cela reste quand même bien différent. C'est unique, et c'est bien pour ça qu'il y aurait tant à dire. Mais pour finir, trois choses. Premièrement, un résumé en une phrase : je pense qu'avant tout, Nid de coucou est un éloge de l'imaginaire. Deuxièmement, un lien vers une interview de David Calvo sur le Cafard cosmique, qui donne un petit aperçu du bonhomme. Enfin, une citation, qui n'a aucune prétention si ce n'est qu'elle m'a marqué :
« N’oubliez jamais ce que je viens de vous dire. Ce que vous contemplerez, de vos yeux, sera pour vous, uniquement pour vous. Ce que vous en tirerez n’existera pour personne d’autre. ce sera votre coeur, votre âme, votre secret. Vous n’hésiterez pas à l’oublier, pour ne pas risquer de le tâcher. Les derniers espaces blancs de l’invisible sont plus précieux que tout, car leur véritable valeur n’a jamais été envisagée autrement que par rapport à nos ressources matérielles. C’est ainsi : jamais le monde n’a pensé que quelque chose qui n’existe pas pouvait nous rendre meilleur. »
Une nouvelle lecture pour le Challenge Francofou

mercredi 6 novembre 2013

John Connolly - Le Livre des choses perdues

Le Livre des choses perdues, John Connolly, 2006, 346 pages.

Il y a des livres qui attirent l'oeil. Cette tranche rouge me faisait le coup à chaque fois que je la croisais dans les rayons. Alors, bien que la quatrième de couverture ne m'enchantait pas plus que ça, je me suis laissé tenter, rien que pour me dire que c'est fait.

Le résumé (surtout celui-ci qui est la version jeunesse ; oui, il y a deux versions différentes pour les couvertures, pourquoi pas...) laisse penser à un conte. C'est le cas globalement, mais c'est un peu plus que ça. Pour deux raisons : parce que la relation au réel est un peu plus poussé et parce que certains personnages/situations se jouent légèrement des codes traditionnels.

Tout commence dans notre monde, au début de la Seconde Guerre Mondiale, peu après la mort de la mère de David, notre héros. Première surprise, le jeune homme n'est pas idiot, loin de là. Étonnamment lucide, il affronte le deuil de sa mère un peu à la manière d'un Mathias Malzieu dans Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi, notamment grâce aux livres et à l'imaginaire. S'en suit le passage dans un autre monde, une féerie tout autant habituelle qu'inhabituelle, puis diverses péripéties (avec de bonnes petites idées par moment) jusqu'à atteindre une fin attendue mais qui fonctionne.

C'est un peu le résumé de tout ce livre : pas révolutionnaire dans son approche globale, mais réussie dans ses détails. Un côté enfantin et gentillet peut-être parfois, mais le dosage reste supportable et les messages passés sont bons. En tout cas, un bel hommage aux bienfaits de la littérature et à la force de l'imagination. Et puis, ce roman comporte l'un des passages les plus drôles que j'ai jamais lu, une raison quasi-suffisante pour le lire. Cela dure une dizaine de pages, et je ne vous en dis pas grand chose pour ne rien vous gâcher, hormis qu'il pourrait s'agir de nains. Un gage de qualité.