dimanche 28 mars 2021

Colson Whitehead - Zone 1

Zone 1, Colson Whitehead, 2011, 338 pages
« (...) tout le monde souffrait du SPAC. Selon Herkimet, il touchait soixante-quinze pour cent de la population survivante ; quant aux vingt-cinq pour cent restants, ils étaient en butte à des problèmes mentaux préexistants, évidemment exacerbés par la grande catastrophe. Bref, selon les dernières estimations, cent pour cent des gens étaient fous. Ça avait l'air assez juste. »
Survivant de la Dernière Nuit, Mark Spitz est désormais un ratisseur. Avec ses deux partenaires de l'unité Oméga, ils arpentent les secteurs qui leur sont confiés au sein de la Zone 1, l'île de Manhattan, pour débusquer les derniers zombies et préparer la zone à un possible retour à une vie normale.

Zone 1 est donc un roman de zombies à la sauce Colson Whitehead. Comme souvent, l'auteur y met en scène un personnage principal lambda, moyen, normal, pour évoquer de manière plus générale la masse, les gens qui ne font pas de vagues mais réfléchissent tout de même à leur sort. Évidemment, l'écriture de Colson Whitehead est toujours une grande force. Si elle comporte quelques fulgurances, elle ne repose pas spécialement sur les formules mais bien sur un certain sens de la narration, des mots bien agencés qui évoquent et provoquent des choses à la lecture.

Néanmoins, Zone 1 est certainement ma moins bonne expérience avec l'auteur jusqu'à présent. S'il reste d'un très bon niveau, je l'ai trouvé moins percutant, manquant d'un petit truc en plus, d'un aspect historique ou émotionnel que Colson Whitehead propose habituellement. Peut-être est-ce parce que ce sont les zombies qui doivent faire ici office de "valeur ajoutée" et que je ne suis pas très porté sur ce type de créatures ? C'est fort probable. Ça ne m'empêchera pas en tout cas de continuer à parcourir l'oeuvre de l'auteur.

Couverture : ? / Traduction : Serge Chauvin

lundi 22 mars 2021

Dave Hutchinson - Acadie

Acadie, Dave Hutchinson, 2017, 108 pages
« Or le premier venu, c'est moi, et ce pour les trois ans et demi à venir environ. Président de la Colonie : le type qui se tape le boulot que personne d'autre n'a la volonté ou la patience de faire et prend les décisions merdiques que personne ne veut assumer. »
La Colonie est installée dans un lointain système stellaire, vivant en autonomie loin du reste de l'humanité. Au sein de cette communauté, Duke Faraday est le président, élu car... il était celui qui le souhaitait le moins. Par chance, le poste est surtout honorifique. Sauf quand une sonde terrienne parvient à franchir les frontières de la Colonie, mettant en danger son avenir.

Acadie est une sympathique novella portée par son personnage principal. À première vue laconique et désabusé, Duke va se révéler un héros attachant, travailleur et efficace. Si la découverte du monde et de la clique de personnages qu'il côtoie est intéressante, c'est bien pour lui qu'on tourne rapidement les pages. Si la conclusion est aussi bonne qu'un peu décevante, il n'en reste pas moins un agréable texte qui se lit tout seul.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Mathieu Prioux
D'autres avis : Vert, FeydRautha, Gromovar, L'Ours inculte, OmbreBones, Lorhkan, Elhyandra, Elessar, Yogo, Apophis, Alias, Célindanaé, Dionysos, Yuyine, Marc, Laird Fumble, Le chien critique, ...

mercredi 17 mars 2021

Octavia E. Butler - La Parabole des talents

La Parabole des talents, Octavia E. Butler, Tome 2/2 des Paraboles, 1998, 582 pages
« Le ton eut vite fait de remonter ici et là. Quelques provocations entraînèrent des violations de cessez-le-feu en cascade. Là où des gouvernements, brusquement lucides, avaient entamé des pourparlers de paix, ceux-ci furent bientôt mis en lambeaux. La négociation exige courage et persévérance, la guerre est à la portée du premier imbécile. »
La Parabole des talents reprend le récit de La Parabole du semeur peu de temps après sa conclusion. Si cette dernière concluait de manière satisfaisante l'aventure, elle laissait une place évidente pour prolonger le récit. Ce qui est fait ici par l'autrice, toujours avec talent et réussite. Retour donc dans ces États-Unis d'un futur proche où le chaos règne et les oppressions fleurissent.

La Parabole des talents pourrait être divisé en trois parties : construction, souffrance et reconstruction. La première et la dernière laissent une grande place à Octavia Butler pour développer plus longuement et concrètement les idées déjà entrevues dans La Parabole du semeur. L'autrice y fait preuve d'une grande lucidité sur les rapports de forces et luttes de pouvoirs entre groupes sociaux, parlant tout à la fois du passé, du présent et du futur - car l'oppression et le fanatisme sont malheureusement intemporels.

Ces deux parties sont parfois rudes à lire, mais c'est sans commune mesure avec la partie centrale qui est d'une violence rare. C'est dur, très dur, mais c'est nécessaire pour montrer toute l'horreur dont est capable l'homme - et ce n'est nullement que de l'imaginaire, malheureusement (bis).

La Parabole des talents est un très bon livre dans la continuité de son prédécesseur, le prolongeant et le renouvelant admirablement. Toutes les qualités évoquées dans mon billet précédent restent valables et je ne fais ici qu'effleurer sa puissance. Tout aussi intelligent que violent, Octavia Butler parvient à livrer un récit malgré tout agréable à lire, tant parce qu'elle évite tout pathos ou condescendance que parce qu'elle préserve toujours une lueur d'espoir. Un diptyque à la hauteur de sa réputation, incontournable pour tout lecteurice d'imaginaire engagé.

Couverture : Rampazzo / Traduction : Iawa Tate
D'autres avis : JMG, ...

vendredi 12 mars 2021

Bulles de feu #31 - Un peu de SF

Mécanique céleste, Merwan, 2019, 194 planches

En 2068, la communauté rizicole de Pan vit tant bien que mal dans une France post-apocalypse nucléaire. Leur relative tranquillité est brisée lorsqu'un émissaire d'une grande puissance voisine, Fortuna, vient leur imposer un choix impossible : verser un trop lourd tribut de nourriture ou être envahi. Mais heureusement, une troisième voie, à double tranchant, existe pour Pan : régler le conflit à la Mécanique Céleste, une sorte de... balle au prisonnier.

Mécanique céleste ne brille pas réellement par l'originalité de son scénario, globalement classique, sans grande surprise et avec quelques éléments qui tombent bien. Mais malgré cela, c'est une BD qui fonctionne très bien, efficace et agréable à suivre, notamment grâce à la grande place laissée au visuel, simple, joli et expressif. Et puis il y a évidemment ces parties de balle au prisonnier qui sont au coeur du récit et qui permettent, outre le simple plaisir de voir de la balle au prisonnier, d'organiser un affrontement d'importance sans recourir à une sanglante violence. Cerise sur le gâteau, Merwan explicite intelligemment quelques cases un peu plus confuses via les commentateurs de l'épreuve et conclut son ouvrage d'une dernière planche habile et prédictive. Un plaisir simple à ne pas bouder.

Quelques planches ici.

Carbone & Silicium, Mathieu Bablet, 2020, 250 planches

Carbone et Silicium sont les deux premiers nés d'une nouvelle génération de robots, dotés d'une biochimie et d'une intelligence artificielle ultra performantes. Évoluant en vase clos dans le laboratoire de Noriko, ils rêvent de parcourir la Terre, ce qui les poussera à s'évader et à la découvrir, chacun à sa manière.

Carbone & Silicium est une volumineuse BD dont la taille est parfaitement utilisée pour poser son univers et ses personnages et les faire évoluer tous deux sur un temps long. Comme à son habitude, Mathieu Bablet décortique avec justesse, en peu de mots, les travers de la société, des humains et d'un certain avenir ultra-technologique. Si les idées sont présentes tout au long du récit, elles le sont particulièrement dans la première partie se déroulant en intérieur.

L'intrigue se poursuit ensuite en extérieur, et le dessinateur peut y exprimer au mieux tout son talent. Si les visages sont toujours assez particuliers et si le souci du détail des plans urbains reste impressionnant, c'est bien dans la liberté des grands paysages que le travail de Mathieu Bablet est le plus somptueux. Et ce à la fois dans le dessin, légèrement pastel, que dans les couleurs, offrant des ruptures fortes de tons mais pouvant aussi être magnifique de nuances.

Carbone & Silicium est à la croisée des travaux précédents de l'auteur, tant dans le style que dans le propos, entre l'engagement de Shangri-La et la beauté de Adrastée. Si cette dernière garde ma préférence, Carbone & Silicium reste une excellente BD qui ravira les misanthropes, un impressionnant projet, maitrisé de bout en bout, qui parle tout autant au coeur qu'au cerveau.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Yuyine, Vert, Vanille, ...

samedi 6 mars 2021

Ariel Holzl - Dolorine à l'école

Dolorine à l'école, Ariel Holzl, Tome 3/3 des Soeurs Carmines, 2018, 262 pages

Troisième et dernier tome des Soeurs Carmines, après Le Complot des corbeaux et Belle de gris, Dolorine à l'école suit cette fois, comme son titre l'indique, le personnage de Dolorine et son entrée dans un petit pensionnat des Laments où elle côtoie des rejetons des grandes familles de Grisaille.

Une nouvelle fois, Ariel Holzl parvient à bien se renouveler, avec un cadre excentré et une héroïne au caractère bien différent de celui de ses soeurs, tout en conservant ce qui fait le sel et la qualité de sa série. Si Dolorine à l'école n'est pas aussi flamboyant que pouvait l'être le tome précédent dédié à Tristabelle, il reste une lecture tout à fait sympathique et agréable, avec en prime ce qui est surement l'intrigue la plus dense des trois volumes. Une bonne conclusion pour une très bonne série où chaque tome apporte sa propre patte tout en gardant une belle unité.

Couverture : Melchior Ascaride
D'autres avis : Sabine, Elhyandra, Célindanaé, Zina, Yuyine, Marc, ...

lundi 1 mars 2021

Joe Haldeman - La Guerre éternelle

La Guerre éternelle, Joe Haldeman, 1975, 283 pages

William Mandella est réquisitionné dans un contingent d'élite de l'armée pour aller combattre les Taurans, la première race extraterrestre rencontrée par l'humanité. Après un périlleux entraînement et quelques sauts spatio-temporels, Mandella va entamer la première bataille d'une longue guerre.

La Guerre éternelle est un roman de space-opera militariste et hard-SF. Sans surprise, ce ne sont pas ces deux aspects qui m'ont le plus enchanté, même s'ils comportent chacun des qualités. Ainsi l'aspect militaire a surtout - un peu à la manière de Étoiles, garde à vous ! de Robert Heinlein, en plus évident - un esprit anti-militariste montrant l'absurdité de la guerre et la bêtise humaine. Et si l'aspect scientifique pointu, surtout dans la première partie, m'est un peu passé au-dessus de la tête, il permet tout de même une dilatation temporelle bien utilisée par l'auteur pour présenter un récit sur un temps (très) long, avec les évolutions de la société qui vont avec, la sexualité en tête.

C'est, à le découvrir aujourd'hui, un récit qui se lit bien mais est finalement assez classique, jusque dans son dénouement, manquant de surprises et d'enjeux imprévus. Correct sans plus en somme. Mais le juger de ce seul point de vue serait quelque peu malhonnête : on ne demande pas à un roman de 1975 de renouveler le genre. Force est de constater que son caractère de pierre fondatrice du genre est lui tout à fait respectable.

Couverture : Christian Volckman / Traduction : Gérard Lebec & Diane Brower
D'autres avis : FeydRautha, Lorhkan, Le chien critique, Lianne, Nébal, ...