jeudi 27 août 2020

Feux Divers #12 - Les incontournables récents en SFFF

Avec un joli logo fleuri par Anne-Laure de Chuuuut... maman lit !

Pour contrebalancer les habituelles listes des médias généralistes bloqués dans les années 70/80, Vert, l'influenceuse Vert, a demandé à quiconque le souhaite de partager sa propre liste d'incontournables récents en SFFF, c'est-à-dire publiés après l'an 2000. Informations complètes ici.

Qu'il soit d'abord rappelé :

  • Qu'un incontournable n'existe pas, car aucun livre ne peut plaire à tout le monde. Le terme est à prendre de manière évidemment raisonnée et intelligente.
  • Qu'un maximum de 10 ouvrages est imposé, parce qu'il faut bien s'arrêter quelque part, mais qu'il existe évidemment bien plus de 10 excellents livres parus depuis l'an 2000. C'est déchirant, mais il faut faire des choix - oui, je vous montre du doigt, vous qui avez triché, boouuh.
  • Que cette liste est donc purement personnelle, combinaison, à un instant I, de mes (non-)souvenirs, de l'impact que ces livres ont pu avoir sur moi et de mon envie de les mettre en avant ; elle est donc totalement imparfaite et vouée à changer - mais lisez quand même les titres qui s'y trouvent.
  • Que comme je n'arrivais définitivement pas à me décider entre quelques lectures trop lointaines, auxquelles je n'aurais pas pu rendre les honneurs mérités, cette liste ne comporte que 8 titres, des évidences claires et nettes. Cela vous laisse encore moins d'excuses pour ne pas les lire.

 
 
Le Dragon Griaule
Lucius Shepard
(2011 pour le recueil, 2000+ pour 3 des 6 nouvelles)

Car Griaule est tout, il est aussi du XXIème siècle. Quant à son caractère incontournable, il est évident. De toute façon, si vous pensez le contraire, c'est aussi la volonté de Griaule.

Deux tentatives pour vous convaincre plus abondamment : ici et ici. Ainsi que la très belle de Sam Lermite dans Bifrost, ici.




Vita Nostra
Marina & Sergueï Diatchenko
(2007)

Ma très grande baffe de 2020, un livre exceptionnel, une prouesse d'écriture incommensurable pour placer le lecteur dans l'exacte même situation et (in)compréhension que l'héroïne.

Mon engouement en version longue ici.



Mes Vrais Enfants
Jo Walton
(2014)

Le seul roman qui peut se targuer de jouer dans la même cour que Des Fleurs pour Algernon dans mon esprit. Recommandable pour absolument n'importe quel lecteur, d'imaginaire ou non.

J'en parle de manière trop lacunaire ici, vous pouvez compléter en lisant l'avis de Lune et de tant d'autres sur les internets.







 
Un Pont sur la brume
Kij Johnson
(2011)

Une sublime novella, la plus belle de toute l'excellente collection Une Heure-Lumière. Sensible, humaine, la preuve - s'il en fallait - qu'il n'est pas nécessaire de faire compliqué pour faire excellent.

Un bijou qui brille un peu plus longuement ici.




 
La Course
Nina Allan
(2016)

Un roman aussi étonnant que sa couverture. Foisonnant et ébouriffant, quasiment impossible à définir ou expliquer sans en amoindrir l'essence, c'est une expérience qui se découvre et se vit.

Ma version course de fond ici.



 
 
Anamnèse de Lady Star
L.L. Kloetzer
(2013)

Peut-on faire un livre encore plus déstabilisant que La Course ? Anamnèse de Lady Star peut y prétendre. Mais la récompense, si on parvient à s'accrocher aux mailles du filet, est à la hauteur. Avez-vous l'âme d'un explorateur et d'un aventurier ?

Je mets plus de mots les uns à la suite des autres ici dans une vaine tentative de capturer un fantôme.
 
 
Mausolées
Christian Chavassieux
(2013)

Tout est bon chez Christian Chavassieux, SFFF ou non. Comme il ne faut en garder qu'un, commencez par le commencement avec Mausolées, une oeuvre où atmosphère et écriture se disputent le titre de meilleur élément.

Oui, moi aussi la couverture m'a fait penser à Enki Bilal, la preuve ici.
 
 
Le Vert est éternel
Jean-Laurent Del Socorro
(2015)

Le Vert est éternel
à l'insigne honneur de représenter le talent de Jean-Laurent Del Socorro ainsi que le genre des nouvelles, ces textes qu'on oublie trop souvent alors qu'ils sont le summum de l'écriture (#JLNN). Un texte magnifique de bout en bout. En plus il est disponible gratuitement.

J'en parle un tout petit peu plus ici.

vendredi 21 août 2020

Écran de fumée #14 - Pennyworth

Pennyworth, Saison 1, 2019, 10 épisodes de 55 minutes

Pennyworth conte la jeunesse d'Alfred Pennyworth, futur majordome de Batman, dans un Londres des années 60 où il revient après avoir passé dix ans dans le SAS, les forces spéciales britanniques, et cherche à s'établir comme conseiller en sécurité.

Le seul défaut de la série est peut-être dans ce résumé : la série semble liée à l'univers Batman, ce qui pourra rebuter plus d'une personne. Ce serait une erreur. Il n'est pas nécessaire de connaitre ou aimer l'univers Batman pour apprécier Pennyworth, tant les liens entre les deux sont ténus - deux/trois noms de personnages en fait, et c'est à peu près tout. Mieux : ne rien savoir de la mythologie batmanienne enlèverait une certaine inéluctabilité planant sur quelques personnages, et rendrait donc la série encore meilleure.

Voilà pour le défaut de la série, ne pas être pleinement indépendante. Reste le plus important : des qualités innombrables. Pennyworth est une sorte de "roman noir" prenant place dans une ambiance assez sombre. Pourtant, la série reste visuellement très lisible, n'abusant pas des habituelles - et inregardables - scènes dans la pénombre. Une série claire dans tous les sens du terme, tant dans le visuel que dans la compréhension de l'intrigue. Et pourtant une aura sombre plane bel et bien sur la série, un joli tour de force de la part des réalisateurs.

Ce côté sombre se retrouve dans quelques passages sensiblement violents, dans les actes et dans quelques visuels, mais cela reste en quantité raisonnable. Surtout, c'est compensé par d'autres moments bien plus sympathiques et agréables, dans un parfait équilibre. L'équilibre, c'est aussi le mot d'ordre de l'histoire, très bien construite et rythmée, aux rebonds réguliers, qui se déroule tout au long des 10 épisodes. Et si la fin laisse facilement de la place pour une saison 2 - quelle joie ! - l'arc ouvert dans cette saison 1 se clôt globalement au terme du dernier épisode - un peu à la manière des saisons de Peaky Blinders, série avec qui Pennyworth partage plus d'une qualité commune et dont les fans de l'une pourraient bien apprécier l'autre.

Une de ces qualités communes se retrouve d'ailleurs dans les personnages, en nombre restreint, bien caractérisés et agréablement interprétés. Jack Bannon en tête dans une excellente incarnation d'Alfred, bien plus profond et nuancé que ce que sa délicieuse morgue peut laisser imaginer.

Pennyworth est une excellente série, que cela soit au niveau de la réalisation et de l'ambiance, patinées mais résolument modernes en même temps, que des personnages ou de l'histoire. Même le générique est top. Une très bonne surprise pour cette série injustement passée sous la plupart des radars. À découvrir.

samedi 15 août 2020

Ken Liu - Le Regard

Le Regard, Ken Liu, 2014, 93 pages

Le Regard narre l'enquête de Ruth Law, ancienne policière reconvertie détective privée, sur le meurtre d'une jeune prostituée. Son récit alterne avec le point de vue du meurtrier, présentant ses ambitions et sa vision de la vie. Le fond SF y est léger mais essentiel, apportant le motif du crime ainsi que le Régulateur, un dispositif central dans la vie de Ruth.

Le Regard - qui aurait très bien pu s'appeler Le Choix, mais c'était déjà pris - est un thriller efficace qui se lit d'une traite. À partir de la même idée, certains auraient déroulé un ouvrage de 400 pages. Ken Liu en fait autant, si ce n'est plus, en moins de 100 pages, dans un numéro de maitrise propre à l'auteur. Une très bonne histoire qui, en plus, sert habilement une réflexion sur les émotions et le libre-arbitre. Tout simplement admirable.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Pierre-Paul Durastanti

dimanche 9 août 2020

Ellen Klages - Passing Strange

Passing Strange, Ellen Klages, 2017, 240 pages

Au crépuscule de sa vie, Helen Young fait une escapade à Chinatown pour récupérer un coffre caché là bien longtemps auparavant. À l'intérieur, un tableau - ressemblant fort à la couverture de ce livre, mais malheureusement pas de manière tout à fait identique. Pourquoi aller le chercher maintenant ? Et qui sont ces deux personnes dansant sous le ciel étoilé de San Francisco ? La réponse à ces deux questions représente la suite de cette novella, après un premier chapitre introductif qui pourrait quasiment être une jolie nouvelle à elle-seule.

Joli, c'est un qualificatif qui peut d'ailleurs s'appliquer à l'ensemble du récit. C'est doux et plaisant car, malgré l'impossibilité évidente pour les protagonistes d'être libres, les choses se passent plutôt bien pendant la majorité de l'histoire, l'élément réellement perturbateur arrivant finalement bien tard, dans le dernier tiers seulement. Avant cela, on prend plaisir à suivre ces attachants personnages et à découvrir la condition lesbienne à San Francisco dans les années 40 grâce au grand travail de reconstitution historique réalisé par Ellen Klages. Au point que la dernière partie, où l'aspect fantasy entre réellement en jeu, n'est clairement pas ma favorite.

Passing Strange est suivie d'une courte nouvelle, Caligo Lane, qui développe de manière plus précise un élément fantasy aperçu auparavant. Trop technique à mon goût, elle m'a bien moins emporté. Mais elle n'a pas réussi à entamer mon plaisir d'avoir découvert cette charmante novella qu'est Passing Strange.

Couverture : Eiko Ojala / Traduction : Éric Holstein

lundi 3 août 2020

Bulles de feu #26 - Tomes 1 aux fortunes diverses

Miss Bengalore, Xavier Dorison et Félix Delep, Tome 1/4 du Château des animaux, 2019, 66 planches

Le Château des animaux s'inspire librement de La Ferme des animaux, la classique fable de George Orwell, en reprenant l'idée d'une communauté animale autonome dans un monde d'hommes. Mais plus qu'une adaptation, c'est quasiment une suite que propose Xavier Dorison. Le pouvoir autoritaire de certaines races d'animaux - taureau et chiens en l'occurrence - étant déjà en place au début de l'histoire, ce n'est pas le passage d'une révolution à un régime dictatorial qui se jouera sous nos yeux mais la lutte contre ce totalitarisme. Tout cela est mieux expliquée par le scénariste lui-même en préambule :


L'ambition est pleinement accomplie lors de ce premier tome qui est loin d'être une simple introduction tant il comporte déjà de la matière à la fois en action qu'en réflexion. Positif sans être naïf, prônant l'espoir mais pas l'utopie, c'est un bel hymne à la lutte pacifique, à l'intelligence et à être meilleur que son ennemi. Et si les choses se passent plutôt bien dans ce premier volume, le lecteur est prévenu que le plus dur reste à venir. Malgré l'avertissement, le rendez-vous est pris avec grand plaisir.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Brize, ...

Le Vol de la Sigillaire, Pierre Pevel et Étienne Willem, Tome 1/3 des Artilleuses, 2020, 46 planches

Pierre Pevel revient dans son univers du Paris des merveilles en mettant cette fois sa plume au service d'une trilogie de bandes dessinées qui peut se lire de manière totalement indépendante. Le focus est sur un trio d'héroïnes, les Artilleuses, voleuses de haut vol et as de la gâchette. Tout démarre justement par un vol... et en dire plus reviendrait quasiment à divulgâcher l'ensemble de la BD tant l'intrigue est mince.

Car Le Vol de la Sigillaire est un tome 1 qui reste malheureusement au niveau de l'introduction. Le potentiel est là, une fun aventure cartoonesque pleine de pétarades, mais la consistance est elle encore absente. Si Les Artilleuses sera peut-être une sympathique histoire lorsque les trois volumes pourront être enchaînés, cela reste pour le moment trop léger pour être satisfaisant.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Yuyine, Alias, Célindanaé, ...