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mardi 24 juin 2025

Antoine Bello - Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet

Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet, Antoine Bello, 2010, 252 pages

Émilie Brunet a disparu en compagnie de son amant. C'est son mari, Claude Brunet, qui a signalé la disparition, mais il se révèlera rapidement le principal suspect. Pour aider à résoudre l'affaire, il est fait appel à Achille Dunot, un enquêteur qui a la particularité de souffrir d'amnésie antérograde, ce qui l'oblige à tenir un journal quotidien pour pouvoir se remémorer chaque matin ses avancées sur l'enquête.

Ce cas rare d'amnésie a le mérite de donner une raison à la narration de type journal, ce qui correspond à une présentation classique des romans d'Agatha Christie. Cette comparaison n'est pas qu'un détail puisque Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet est un hommage aux romans policiers classiques et à ceux d'Agatha Christie en particulier.

Mais plus qu'un hommage, c'est une grande restitution de connaissances et d'analyses sur les oeuvres de l'autrice anglaise, divulgâchage d'un grand nombre d'intrigues inclus. Cela plaira peut-être aux spécialistes mais cela aura sinon de grands risques de ressembler à un vain étalage de savoirs. Et ce n'est pas l'intrigue qui pourra rattraper ça. Elle n'est là que pour permettre des digressions sur Agatha Christie mais n'est absolument pas un bon polar en elle-même. Il ne faut en fait presque pas considérer Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet comme un roman : c'est entre l'essai et l'exercice de style. Et ce n'était pas pour moi.

Couverture : Pauline Daniel - Picturetank
D'autres avis : TmbM (dont j'aurais mieux fait de me souvenir de l'avis), ...

lundi 19 mai 2025

Stuart Turton - Dernier meurtre au bout du monde

Dernier meurtre au bout du monde, Stuart Turton, 2024, 435 pages

Toute la Terre a été recouverte par un mystérieux brouillard tuant tout sur son passage. Toute ? Non, une dernière île résiste encore et toujours à l'envahisseur. Une centaine d'habitants y survit dans une ambiance paisible. Jusqu'à ce qu'un meurtre y soit commis et que le système de protection entourant l'île soit désactivé. Le seul moyen de le remettre en place ? Résoudre le meurtre.

Dernier meurtre au bout du monde prend place dans un univers post-apo qui n'a rien de révolutionnaire mais qui fait le boulot et qui comporte quelques surprises de plus que ce pitch, comme un narrateur réellement omniscient. Ce n'est de toute façon pas un roman post-apo : c'est un polar prenant place dans un univers post-apo. Ce dernier a une fonction essentiellement utilitaire, c'est un cadre permettant de créer des situations inédites et de complexifier l'intrigue.

Assez logiquement, Dernier meurtre au bout du monde n'est donc pas un très bon roman post-apo. Ce n'est pas non plus un très bon polar, étant sur ce point aussi un peu trop limité. Mais l'alliance des deux parvient tout de même à en faire un bon roman, créant quelque chose d'assez différent. Et puis il conserve le plaisir de voir toutes les pièces finir par s'imbriquer.

De tous les romans de Stuart Turton, Dernier meurtre au bout du monde reste toutefois à mon sens le moins bon des trois, notamment parce qu'il ne parvient pas à se départir d'un certain côté trop artificiel, créant une distance et un manque de passion. S'il est à déconseiller à celleux ayant déjà trouvé L'Étrange Traversée du Saardam trop faible, il reste néanmoins tout à fait envisageable pour celleux que ça n'a pas dérangé.

Couverture : Rémi Pépin - David Mano / Traduction : Cindy Colin Kapen
D'autres avis : Le Maki, ...

mardi 10 décembre 2024

Stuart Turton - L'Étrange Traversée du Saardam

L'Étrange Traversée du Saardam, Stuart Turton, 2020, 576 pages

En 1634, le Saardam, un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, quitte Batavia pour retourner à Amsterdam. À son bord se trouve le gouverneur général, ses proches, une mystérieuse cargaison et un prisonnier, le célèbre détective Samuel Pipps. Mais juste avant le départ, le bateau subit un avertissement de la part d'un lépreux à la langue coupée : le Saardam est maudit. Et l'étrange symbole qui apparait sur la grand-voile au moment de l'appareillage n'est que le premier d'une série de phénomènes inexpliqués.

Comme il se doit, L'Étrange Traversée du Saardam étant un roman policier et non un roman fantastique, tout le sel sera de découvrir comment tout cet apparat démoniaque peut avoir des causes bien plus terre à terre. Tout n'est pas parfait au final mais le déroulé m'a happé et la résolution m'a satisfait, ce qui est à mon avis l'essentiel avec ce genre de livre. Livre qui propose avant ça tout ce qu'on peut attendre de lui : des personnages qui ont tous des secrets, des révélations régulières, un duo d'enquêteurs totalement holmésien, une suspicion envers tous et toutes et même quelques bons petits fusils de Tchekhov.

Certes, L'Étrange Traversée du Saardam n'a pas l'éclat et l'originalité de Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle et il ne faut pas le lire en s'attendant à prendre la même claque. Certes, Stuart Turton a pris quelques libertés et il est difficile de ne pas se dire qu'il fallait tout de même une bonne dose de chance pour que tout se déroule aussi bien. Certes, malgré le côté dramatique de la situation, c'est un roman qui reste gentillet. Certes. Mais heureusement pour moi, je suis facilement passé outre, trop pris que j'étais par l'envie de découvrir le truc suivant. Et j'en suis sorti en ayant passé un agréable moment avec un bon petit roman policier et un huis-clos maritime très plaisant à lire.

Couverture : David Mann - Rémi Pépin / Traduction : Fabrice Pointeau
D'autres avis : TmbM, Zina, Gromovar, Le nocher des livres, Sometimes a book, Yuyine, ...

dimanche 18 août 2024

Adam-Troy Castro - La Troisième Griffe de Dieu

La Troisième Griffe de Dieu, Adam-Troy Castro, Tome 2/3 d'Andrea Cort, 2009-2018, 456 pages

Suite à ses aventures dans Émissaires des morts, Andrea Cort est désormais Procureure extraordinaire, jouissant d'une liberté totale dans ses missions. Sur une invitation des propriétaires (et le conseil avisé de "proches"), elle se rend cette fois sur Xana, la planète-entreprise de la famille Bettelhine, les plus grands marchands d'armes de la galaxie. Sauf qu'avant d'y mettre les pieds, elle devra éviter une tentative d'assassinat et en résoudre un autre.

L'un des seuls petits bémols que j'avais concernant Émissaires des morts était l'évolution du caractère d'Andrea Cort. Un adoucissement (relatif) et le début d'une romance qui faisait craindre la perte de son caractère entier et cynique qui font le sel de ses aventures. C'est là qu'intervient l'avantage d'avoir laissé passer plus de deux ans depuis ma lecture du premier tome : j'avais bien moins d'éléments de comparaison et j'ai pu pleinement apprécier le personnage tel qu'il est désormais, un peu plus humain mais toujours aussi unique. Toujours aussi Andrea 'Sherlock' Cort.

La Troisième Griffe de Dieu est, une nouvelle fois, un excellent roman. C'est en majeure partie un mystère en chambre close qui est totalement maitrisé, faisant la part belle aux développements de personnages jusqu'à la fameuse révélation finale où tout s'imbrique logiquement sans pour autant sortir de nulle part, certains éléments étant devinables. Mais ce qui est encore mieux, c'est que ce n'est pas juste une enquête lambda. Elle s'inscrit dans la continuité des révélations et de l'évolution du personnage d'Andrea Cort, amenant à une deuxième scène de révélation finale.

Mon seul petit bémol, c'est que la toute fin, post-révélation, tombe un peu à plat, pas par déception mais plutôt avec un goût de "ah, c'est fini ?". C'est en même temps un bon signe puisque cela montre qu'on voudrait en lire encore plus. Ça s'explique aussi en partie par le fait qu'arrivé à la fin du roman, il reste un paquet de pages dans l'ouvrage. Et pour cause, il y a ensuite une nouvelle, Un coup de poignard, qui fait chronologiquement sens à cet emplacement et qui permet un intéressant pas de côté, aidant à bien visualiser l'aura des personnages d'un point de vue externe. Un texte agréable qui vient clore un excellent ouvrage.

Couverture : Manchu / Traduction : Benoît Domis
D'autres avis : Tigger Lilly, Zina, FeyGirl, Sabine, FeydRautha, Lune, Lhisbei, Brize, shaya, Vert, Xapur, Le Maki, Le chien critique, Gromovar, Yuyine, Le nocher des livres, Célinedanaë, Apophis, Sometimes a book, lutin82, JMG, Herbefol, Cédric, ...


Quatrième escale pour le Summer Star Wars Ahsoka

jeudi 13 juin 2024

Mary Robinette Kowal - L'Homme superflu

L'Homme superflu, Mary Robinette Kowal, 2022, 470 pages

Dans un gigantesque vaisseau de croisière, Tesla Crane, une ingénieure faisant partie des femmes les plus célèbres et riches du monde, est en direction de Mars pour y passer sa lune de miel. Tout se passe bien jusqu'à ce qu'un meurtre soit commis et que le coupable désigné soit Shal, son mari, détective à la retraite.

L'Homme superflu est un petit whodunit dans l'espace, avec tous les éléments les plus classiques du genre, notamment la galerie de personnages ayant tous leurs petits secrets. L'aspect science-fictionnel, même s'il semble (à la lecture des remerciements de l'autrice) reposer sur de solides bases, reste cependant assez anecdotique, l'intrigue pouvant assez facilement être transposée lors d'une croisière terrienne classique.

Une intrigue qui n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel. Elle est correcte, voire sympathique, mais elle est loin d'être ciselée comme un excellent polar, utilisant notamment quelques artifices et facilités. Cela n'est pas forcément grave si vous prenez plaisir à suivre les personnages. Ce qui ne fut pas mon cas, en tout cas pas concernant Tesla Crane, une héroïne que j'ai trouvé hautaine et insupportable (et dont la backstory ne rattrape rien, au contraire). L'Homme superflu a certainement le potentiel d'être une sympathique lecture, mais pour moi ce fut un livre seulement "ok sans plus".

Couverture : Pascal Guédin / Traduction : Patrick Imbert
D'autres avis : L'ours inculte, Yuyine, Le Maki, Le nocher des livres, Chut... maman lit, ...

mercredi 8 mai 2024

Vlad Eisinger - Du rififi à Wall Street

Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger, 2020, 309 pages

Ancien journaliste, Vlad Eisinger est devenu un romancier dont la carrière végète. Il est heureusement contacté pour écrire la biographie d'un grand patron. Sauf que cela ne se passe pas très bien, Vlad ayant des envies de Littérature, et le projet s'arrête. Vlad va alors répondre à une autre commande et écrire un roman noir très codifié, mettant en scène un écrivain travaillant sur la biographie d'un grand patron et y découvrant des choses louches. Du rififi à Wall Street conte autant l'histoire vécue par Vlad que l'histoire écrite par Vlad.

Jusque-là, tout semble à peu près normal. Surtout si on ne sait pas que Vlad Eisinger était un des personnages de Roman Américain d'Antoine Bello. Antoine Bello qui est le traducteur de ce livre, expliquant en préface avoir reçu ce texte de Vlad Eisinger, aujourd'hui porté disparu. Il n'y a donc pas seulement un roman dans le roman, il y a un auteur d'un auteur d'un auteur.

Pourtant tout est extrêmement fluide et compréhensible à la lecture, bien plus que mes premiers paragraphes. Du rififi à Wall Street est un ouvrage très joueur, brouillant les frontières entre l'écrivain et sa création, questionnant sans cesse la frontière entre fiction et réalité (avec notamment une très intéressante explication de la "non-fiction" de Truman Capote). Le tout en rendant hommage au roman noir, en en décortiquant les codes et en les appliquant parfaitement. C'est d'une manière générale un roman très riche, mais qui ne perd jamais le lecteurice, restant simple en toutes circonstances.

Il y a énormément de points que je pourrais évoquer, mais Antoine Bello le fait bien mieux que moi. Car l'auteur est si lucide (et taquin) que les réactions que peut provoquer Du rififi à Wall Street se trouvent à l'intérieur même du livre. Rien ne vaut donc mieux que de le lire. Mais c'est en résumé une très grande réussite, un ouvrage très intelligent et bien mené, et ça l'est peut-être encore plus en connaissant le reste de la bibliographie de l'auteur. Ça m'aura en tout cas confirmé dans mon idée de continuer à la découvrir.

Couverture : / Traduction : Antoine Bello
D'autres avis : Alys, TmbM, ...

vendredi 19 janvier 2024

Benjamin Stevenson - Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un

Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un, Benjamin Stevenson, 2022, 435 pages

Le titre est clair : tous les membres de la famille d'Ernest Cunningham, le narrateur/auteur du livre, ont déjà tué quelqu'un. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que quelque chose pourrait mal se passer quand ils se retrouvent tous rassemblés à l'occasion d'une réunion de famille dans un hôtel isolé en montagne. Enfin, pas tant qu'une tempête de neige ne s'abat pas sur le lieu et qu'un cadavre n'y est pas découvert...

Tous les membres (...) est un hommage à ce qui est considéré comme l'Âge d'or des romans policiers, les années 1930, avec comme cheffe de file Agatha Christie. Une époque marquée par un style d'écriture basé sur l'honnêteté du narrateur. C'est explicité dès les premières pages, citant le serment du Detection Club et le Décalogue de Knox. Mais pas d'inquiétude : nul besoin d'être un spécialiste ou un lecteur assidu des polars d'antan pour apprécier. Benjamin Stevenson explique tout ce qu'il est nécessaire de savoir et réactualise tout ça avec le bagou de son narrateur. Mais un bagou honnête, toujours. Une preuve : Ernest nous annonce dès le premier chapitre les numéros de pages où sont évoqués des meurtres.

Tous les membres (...) est un excellent roman. Au-delà du jeu avec tous les codes du genre, c'est surtout une intrigue millimétrée qui mène à la fameuse scène de révélation finale - dans la bibliothèque, évidemment, il faut penser à une éventuelle adaptation hollywoodienne. C'est extrêmement malin et c'est porté par une écriture vive qui joue constamment avec le lecteur. Un pur plaisir de lecture, autant pour les vétérans du genre que pour les lecteurices plus ponctuels de romans policiers.

Couverture : Rémi Pépin / Traduction : Cindy Colin-Kapen
D'autres avis : Le Maki, ...

jeudi 14 décembre 2023

Keigo Higashino - Les Sept Divinités du bonheur

Les Sept Divinités du bonheur, Keigo Higashino, 2013, 303 pages

Après Les Doigts rouges et Le Nouveau, Les Sept Divinités du bonheur est la troisième enquête de l'enquêteur Kaga Kyōichirō parue en France. Elle porte sur l'assassinat d'un père de famille, poignardé en pleine rue mais qui a étonnamment fait l'effort de venir mourir au pied d'un qilin sur le pont de Nihonbashi à Tokyo.

Dans la lignée de ses deux prédécesseurs, et de manière générale de tous les autres livres de l'auteur, Les Sept Divinités du bonheur est un très bon roman. Il possède le ton habituel de Keigo Higashino, tout en simplicité, avec une prédominance des dialogues et sans fioriture, sans jamais donner pour autant l'impression de survoler les choses ou de manquer de consistance. Avec Keigo Higashino, tout est dosé et millimétré. Comme cette nouvelle enquête qui n'a rien d'époustouflant, qui n'est aucunement basée sur des scènes d'action, qui ne tient qu'à la sensibilité aux détails et à la persévérance de son héros et qui est absolument captivante du début à la fin.

En plus de ce mystère imprévisible, maitrisé et hautement efficace, c'est - pour le lecteurice occidental - une plongée dans une culture légèrement différente. Si elle n'est pas diamétralement opposée à la nôtre, elle conserve d'indéniables particularités, notamment dans ses traditions. Cela participe d'un changement de ton et d'atmosphère appréciable, achevant de faire de Les Sept Divinités du bonheur un excellent roman.

Couverture : © Getty Images / Traduction : Sophie Refle

dimanche 22 janvier 2023

Keigo Higashino - Les Doigts rouges

Les Doigts rouges, Keigo Higashino, 2006, 237 pages

Maehara Akio est appelé par sa femme, paniquée, qui lui demande de rentrer immédiatement. Chez eux, il découvre le corps d'une petite fille, étranglée par leur fils de 14 ans. Pour le protéger, ils décident de déplacer le corps dans des toilettes publiques et d'effacer toutes les traces. Mais est-il possible d'échapper à la justice quand Kaga Kyōichirō fait partie de l'enquête ?

Les Doigts rouges met donc en scène Kaga Kyōichirō, l'enquêteur holmésien découvert dans l'excellent Le Nouveau. Mais si Kaga y apparaissait sympathique et agréable, ce n'est pas forcément le cas ici, lui qui dédaigne son père qui est aux portes de la mort. De manière générale, Les Doigts rouges est un roman moins engageant que Le Nouveau, avec notamment cette première moitié quasi-entièrement consacrée au point de vue des coupables.

Une fois n'est pas coutume, j'ai gagné à ne pas lire les romans dans leur ordre de publication. Connaissant le personnage de Kaga, je savais qu'il allait forcément se passer quelque chose de remarquable et qu'il fallait passer outre cette étonnante situation de base. J'ai bien fait. Tout semblait pourtant cousu de fil blanc : on connait les coupables, la méthode et l'enquêteur qui va résoudre l'affaire. Comment rendre la lecture intéressante et impactante ? C'est peut-être le plus grand défi pour un auteur de polar. Ça tombe bien, Keigo Higashino en est un excellent.

Malgré toute l'apparente prévisibilité de l'enquête, il y a donc bien un final tout en surprises. Rien de réellement flashy, mais d'une simplicité diablement efficace et admirable. Et en plus de ça, il y a en toile de fond un questionnement sur la place et la gestion des personnages âgées, une problématique particulièrement prégnante dans la société japonaise. Encore une belle réussite de la part de Keigo Higashino.

Couverture : Billy and Hells / Traduction : Sophie Refle

lundi 26 septembre 2022

Keigo Higashino - Le Nouveau

Le Nouveau, Keigo Higashino, 2009, 330 pages

Keigo Higashino est un auteur japonais de polars dont j'ai déjà lu un bon et un très bon roman dans son genre de prédilection : Un café maison et La Maison où je suis mort autrefois. Plus récemment, je l'ai retrouvé en SF avec l'excellent Les Miracles du bazar Namiya. Qui m'a motivé à lire Le Nouveau. J'ai bien fait : c'est certainement ma meilleure lecture de l'auteur.

Le pitch du roman est on ne peut plus simple : une femme est retrouvée morte étranglée dans son appartement. La préfecture de police de Tokyo est chargée de l'enquête, aidée par le commissariat de Nihonbashi, petit quartier commerçant où se déroule l'affaire. C'est dans ce commissariat qu'a été récemment muté Kaga Kyōichirō - le nouveau - un enquêteur au sens de l'observation très développé - ce n'est pas aussi flashy qu'un Sherlock Holmes, mais l'esprit est là.

Dit comme ça, Le Nouveau semble être un polar lambda. Mais le ton et la construction du récit font la différence. Chaque courte partie va ainsi se concentrer sur un groupe de personnages, le plus souvent lié à une des boutiques traditionnelles de Nihonbashi, qui a un lien indirect avec l'affaire. Les pérégrinations de Kaga - un personnage très simple, profondément gentil, avec une vraie présence malgré sa discrétion - vont lui faire résoudre des éléments à priori anecdotiques de l'affaire tout en démêlant d'autres petits mystères liés aux personnes rencontrées. Évidemment, ce sont des petits détails qui finiront par faire la différence et tout viendra se combiner admirablement lors du dénouement.

Le Nouveau ne propose pas un casse-tête très ardu qui entraînera une résolution excitante et mindblowing. C'est un puzzle, une combinaison de puzzles même, dont on ressent la douce satisfaction de voir toutes les pièces s'emboiter parfaitement. Une douce satisfaction qui s'étend au-delà du mystère. L'ambiance du quartier, les personnages, le ton : tout est calme, agréable, doux. Et c'est pourtant bien un polar. Un polar cosy d'excellente facture.

Couverture : Yoshito Hasaka / Traduction : Sophie Refle
D'autres avis : Yuyine, ...

mardi 16 juin 2020

Gaston Leroux - Le Mystère de la chambre jaune

Le Mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux, 1907, 446 pages

Première aventure du reporter Rouletabille - un mélange de Tintin et de Sherlock Holmes - Le Mystère de la chambre jaune est aussi sa plus connue. Et pour cause. En cherchant à surpasser Edgar Allan Poe et Arthur Conan Doyle, Gaston Leroux propose un mythique mystère en chambre close : comment Mathilde Stangerson a-t-elle pu être victime d'une tentative d'assassinat dans la chambre jaune alors que la porte était fermée de l'intérieur, tout comme la fenêtre, qu'il n'y a pas de cheminée et que l'assassin est introuvable ?

Le déroulé, conté par Sainclair - ami et suiveur de Rouletabille - tout comme Watson conte les aventures d'Holmes, est carré et mathématique - au risque d'être un peu froid, ce qui l'empêche d'être pleinement enthousiasmant sur le plan émotionnel. Il est surtout fort efficace et fonctionne toujours aussi bien même plus d'un siècle après son écriture. Et son dénouement, à défaut d'être flamboyant à l'image du reste du récit, est à la hauteur de l'attente, rigoureux et rationnel. Une oeuvre qui n'a pas démérité son statut de classique.

Couverture : Faucheux (dessin de Michel Siméon)

lundi 6 avril 2020

Tom Sweterlitsch - Terminus

Terminus, Tom Sweterlitsch, 2018, 440 pages

Shannon Moss, agente du NCIS, est appelée sur la scène d'un crime sanglant lié à un ancien Navy SEAL. Pour s'aider, elle pourra voyager dans le futur, au sein de TFI - trajectoires futures inadmissibles -, des futurs possibles. Mais, en parallèle, un plus grand problème rode : le Terminus, une terrible fin du monde, dont la date semble inexorablement se rapprocher dans les différentes TFI.

Terminus est un très bon polar, haletant et captivant. Terminus est un très bon livre sur le voyage dans le temps, renversant et fascinant. Et la combinaison de ces deux aspects est tout aussi bonne, si ce n'est meilleure.

Dans une ambiance qui n'est pas sans rappeler True Detective pour un certain côté mystique et violent, Terminus tient en haleine du début à la fin, parvenant à effleurer des contrées extrêmes sans jamais basculer dans le trop. C'est violent, mais cela reste soutenable. C'est ardu, mais cela reste compréhensible. Ça retourne le cerveau, mais cela reste parfaitement plaisant. C'est peu tumultueux, mais cela reste extrêmement fluide et engageant. Une admirable maitrise, sur ces points et sur d'autres, qui font de Terminus une lecture très recommandable.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Michel Pagel
D'autres avis : Xapur, FeydRautha, Apophis, Lune, Yogo, Brize, TmbM, Lorhkan, Gromovar, Lutin82, Célindanaé, Cédric, Dionysos, Marc, Le chien critique, Valériane, Chut maman lit, ...


Troisième escale, dimension parallèle/timeline divergente, pour le #DéfiCortex

mercredi 4 septembre 2019

Stuart Turton - Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle

Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle, Stuart Turton, 2018, 537 pages

Evelyn Hardcastle sera assassinée ce soir à 23h. Par qui et comment ? C'est ce que doit découvrir notre protagoniste principal. Il a pour cela 8 jours... 8 fois cette même journée cruciale, en prenant à chaque fois place dans un hôte différent.

Difficile de ne pas jouer au jeu des comparaisons et du mash-up en parlant de ce roman tant ses éléments principaux sont caractéristiques : une boucle temporelle complètement timey-wymey, une intrigue en un seul lieu, des personnages ayant tous des secrets, un polar aux rebondissements en série, ... Pour autant, Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle n'est pas une pâle copie d'un Agatha Christie ou d'Un Jour sans fin. Au contraire, Stuart Turton a su prendre le meilleur de chaque élément, les mixer et aller encore plus loin en ajoutant sa propre touche. Le résultat est magistral.

Digne des plus grands whodunits, Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle tient en haleine de la première à la dernière page. La lassitude ne pointe jamais, bien au contraire : le plaisir et l'intérêt parviennent même à augmenter encore dans la seconde moitié du récit.

Un excellent roman, utilisant astucieusement la SF pour proposer une très belle variation - et même plus - d'un thème pourtant déjà traité plus que de raison. Le tout maîtrisé à la perfection par l'auteur. Magistral, c'est le mot.

D'autre avis : Gromovar, Yuyine, TmbM, Yogo, Lune, Tigger Lilly, FeydRautha, ...

jeudi 23 août 2018

Fabien Clavel - Feuillets de cuivre

Feuillets de cuivre, Fabien Clavel, 2015, 329 pages.
« - Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. (...) Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ? »
Ainsi parle, pense et agit Ragon, le policier héros des Feuillets de cuivre, un livre où tout tourne, d'une manière ou d'une autre, autour de la littérature. Tout en restant, fort heureusement, parfaitement lisible pour qui n'a pas les références : Fabien Clavel n'étale pas son savoir, il l'utilise à bon escient en n'oubliant pas ses lecteurs et en ne les rabaissant pas.

Mais avant Fabien Clavel, je dois remercier Étienne Barillier pour cette lecture, lui qui signe une magnifique préface m'ayant convaincu au moment où je doutais de lire un nouveau roman "steampunk lambda". Et lambda il en est loin, l'aspect steampunk, un steampunk fantastico-ésotérique, étant ici un arrière-plan et non pas l'élément primordial du livre. Mais Étienne Barillier détaille ça bien mieux que moi et vous convaincra assurément, donc n'hésitez pas à lire la préface si vous passez devant le roman !

Roman ou fix-up d'ailleurs, la frontière est mince. La première partie étant un enchainement de courts chapitres - nouvelles - détaillant chacun une enquête avant que la seconde partie ne se concentre sur un duel Moriarty-esque. Car osons la comparaison facile : lire les aventures de Ragon, c'est comme lire du Sherlock Holmes, où le plaisir n'est pas, en tant que lecteur, de résoudre l'énigme mais bien d'admirer les démonstrations d'intelligence et de logique du détective. Et elles sont ici à la hauteur.

Ces Feuillets de cuivre sont donc un grand livre - jusque dans son écrin - qui ne peut se résumer à du steampunk, du polar ou un hommage à la littérature. C'est un savant assemblage de tous ces ingrédients, et bien d'autres, par le maître horloger Clavel qui ménage ses effets et garde toujours un tour dans sa manche. Il mérite de passer outre quelques scènes un peu - très - crues : la récompense vaut très largement l'effort.

« - Et comment procédez-vous lorsque la victime ne possède pas de publications ?
- Dans ce cas, il s'agit d'un meurtre sans intérêt et sans finesse. Ces affaires ne méritent même pas d'être mentionnées. Elles reposent toujours sur les mêmes canevas primitifs. On les résout en un claquement de doigts. »

mardi 5 décembre 2017

Laurent Genefort, Laurent Whale, Pierre Bordage - Crimes, aliens et châtiments

Crimes, aliens et châtiments, Laurent Genefort, Laurent Whale et Pierre Bordage, 2016/2017, 299 pages.

Crimes, aliens et châtiments aurait pu être un simple recueil de nouvelles ou une anthologie quelconque sur le thème "Polar et ET". Mais il est un peu plus que ça grâce à son court préambule contextualisant et liant le tout. Un détail certes, insignifiant pour beaucoup sans doute, mais que je trouve pour ma part intéressant et motivant. Ne serait-ce qu'en tant que preuve d'un minimum d'implication dans le livre - et non pas la publication d'un nouveau recueil au pif.

Les extraterrestres ont donc débarqué sur Terre, cohabitant avec les terriens et mettant les auteurs de science-fiction au chômage. Trois d'entre eux ont rangé leurs crayons pour devenir détectives privés. Avec évidemment, forts de leur ancien travail, une spécialisation dans les enquêtes liées aux ETs. Nous voilà donc plongés à leur suite dans trois aventures sur cette "nouvelle Terre".

Jennifer a disparu de Laurent Genefort est la nouvelle qui est le plus dans la dérision, voire dans le pastiche. Où es-tu, mon Choo ? de Pierre Bordage est certainement la plus sérieuse des trois nouvelles tandis que L'Affaire du FBG de Laurent Whale conte l'enquête la plus aboutie - dans le sens qu'elle est la moins linéaire. Mais ne vous y trompez pas : ce recueil n'est pas axé sur le polar mais bien sur l'humour et la détente. Et s'il n'est pas le recueil de l'année, il accomplit parfaitement son objectif en étant un bon divertissement !

jeudi 10 novembre 2016

L.C. Tyler - Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex

Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex, L.C. Tyler, Tome 3/? des Aventures d'Elsie et Ethelred, 2010, 287 pages.

Mort mystérieuse d'un respectable banquier anglais dans la bibliothèque d'un manoir Tudor du Sussex (dont on ne citera le nom entier qu'une fois car c'est tout de même un peu long - ce qui n'empêche pas de souligner l'excellent travail de l'éditeur au niveau des titres qui compensent allégrement les jeux de mots intraduisibles des originaux), Mort mystérieuse... donc, est la troisième aventure d'Ethelred, écrivain de polar de troisième zone, et d'Elsie, son agent littéraire.

L.C. Tyler poursuit sa série de polars humoristiques en s'attaquant cette fois à deux nouveaux classiques du genre : le meurtre en chambre close et... le Cluedo. Comme d'habitude, les idées de base sont bonnes et l'humour est présent dans les dialogues et remarques des deux narrateurs tout comme une certaine dose de métafiction, souvent simple et efficace (et ce dès le début : alors que le chapitre 1 vante les mérites de ne pas utiliser de flashback dans un roman, le chapitre 2 commence évidemment par un flashback...).

Si les éléments habituels sont bien présents, Mort Mystérieuse est pourtant clairement le moins bon tome de la série car deux défauts principaux viennent entacher le tableau. Premièrement, l'impression d'être pris pour un idiot ou, au choix, le sentiment que les personnages sont complètement idiots, assez frustrant à la longue. Deuxièmement, la compréhension de la résolution de l'histoire après seulement un tiers du roman. Si quelques détails et explications ne sont découverts que logiquement à la fin du récit, les grandes lignes ne sont presque jamais mystérieuses. Et un polar sans mystère, ça perd grandement de son charme.

Ainsi, ce troisième volume est une déception. S'il se lit malgré tout très bien et qu'il reste globalement amusant, le manque d'une intrigue forte et d'un vrai suspense en font un polar seulement passable. Mieux vaudra attendre le quatrième tome avant de se lancer sur celui-là, histoire de savoir si ce n'était qu'une petite sortie de route ou déjà la fin d'un bon procédé.
« - Ce n’est pas un diner : on recommence une partie de Cluedo.
- Seulement si l’un d’entre nous se fait assassiner, répondis-je, le sourire confiant. Quelle est la probabilité, à ton avis ? »

lundi 8 décembre 2014

L.C. Tyler - Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire

Homicides multiples dans un un hôtel miteux des bords de Loire, L.C. Tyler, Tome 2 des Aventures d'Elsie et Ethelred, 2009, 278 pages.

Dans le très bon Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, nous faisions la connaissance d'Ethelred, auteur de polar (entre autres) au succès limité, et d'Elsie, agent littéraire accro au chocolat. Les voilà de retour, dans une aventure qui les mène cette fois en France, dans un hôtel miteux des bords de Loire, à proximité d'une réunion de philatélistes, où deux homicides vont avoir lieu coup sur coup. Ceci dit, je ne vous apprends pas grand chose, vous aviez lu le titre.

Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire reprend tous les éléments qui ont fait la réussite du premier tome. C'est donc une nouvelle fois un polar en douceur, sans violence (en tout cas au premier plan), à la Agatha Christie, que nous livre L.C. Tyler. Mais l'intérêt n'est pas seulement de lire un polar, l'intrigue étant aussi bien souvent une excuse pour faire évoluer nos deux héros dans des situations amusantes ou pour jouer avec le lecteur.

Une nouvelle fois, L.C. Tyler démontre sa maîtrise des codes du genre et de l'univers de l'édition en général. Habilement, il parvient à s'en amuser, à s'en moquer, tout en les respectant parfaitement. Et si on pouvait avoir peur que le filon soit épuisé et ne fasse que se répéter, il n'y a finalement pas d'inquiétude à avoir : ce deuxième tome est encore meilleur que le premier.

Peu importe que l'on devine rapidement le fin mot de l'histoire, le récit est suffisamment divertissant en lui-même pour passer un excellent moment. Et en allant en terrain connu, en retrouvant nos deux héros-qui-n'ont-rien-de-héros, le plaisir est encore plus fort que lors de la première découverte. Un nouveau coup de génie de la part de L.C. Tyler qui nous offre un livre parfaitement drôle et très intelligent.


Je fourrai Elsie dans la voiture et lançai :
« Roulez ! »
Le chauffeur de taxi, qui connaissait mal les conventions du roman policier, se contenta de se retourner, une cigarette ballante au bord des lèvres.
« Où ça ? »

mercredi 15 octobre 2014

Craig Johnson - Little Bird

Little Bird, Craig Johnson, Tome 1 des Aventures de Walt Longmire, 2004, 409 pages.

Petit shérif tranquille dans le Wyoming, Walt Longmire vit dans sa routine et pense tranquillement à la retraite. Jusqu'à ce qu'on découvre un cadavre dans sa juridiction. Et pas n'importe quel cadavre : c'est celui de Cody Pritchard, un des quatre adolescents convaincus de viol deux ans plus tôt sur la jeune Little Bird, une indienne.

"La vengeance est un plat qui se mange froid". L'épigraphe de Little Bird laisse peu de place au doute sur le mobile de l'intrigue policière. Ce qui est bien dans l'esprit du livre, qui ne regorge pas de multiples rebondissements explosifs et suit une trame logique, presque normale. À vrai dire, s'il n'y avait pas eu le nombre de pages se réduisant, je n'avais aucune idée à 40 pages de la fin que l'histoire allait très bientôt se terminer.

Loin d'être tape à l'oeil, Little Bird est un polar calme, presque reposant, qui joue sur la sympathie plus que l'originalité. Cela cadre parfaitement avec l'environnement, l'ouest sauvage américain, entre grandes plaines et montagnes enneigées, encore en retrait par rapport au modernisme ambiant, avec ses petits comtés et ses réserves d'indiens. Un parfait cliché si ce n'était pas écrit par quelqu'un qui le vit au jour le jour.

Encore une fois, l'originalité n'est pas l'ingrédient principal, c'est un polar classique sur bien des aspects. Mais c'est aussi un roman sympathique, dont la valeur ajoutée provient d'un voyage au coeur d'une certaine Amérique. Dépaysement garanti.

lundi 6 janvier 2014

L.C. Tyler - Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage

Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, L.C. Tyler, Tome 1 d'Elsie & Ethelred, 2007, 229 pages.
« Il y a une différence majeure entre la fiction et la vraie vie. La fiction doit être crédible. »
Ai-je besoin d'expliquer pourquoi ce livre m'a attiré ? Quand j'ai lu ce titre chez Adalana, la question de savoir de quoi il s'agissait était presque superflue. À noter que ce titre est une totale invention de la version française, pour compenser un jeu de mots intraduisible (The Herring Seller's Apprentice en VO, puis une déclinaison sur "Herring" dans les tomes suivants). Un tel titre implique deux choses : il va attirer les gens mais il va aussi augmenter leurs attentes. Un risque donc. Un risque réussi.

Avant tout, ce roman, au titre beaucoup trop long pour être utilisé comme sujet d'une phrase, est un hommage au polar classique, symbolisé entre autres par Agatha Christie. Par l'intermédiaire d'Ethelred puis d'Elsie, les narrateurs, L.C. Tyler s'amuse des codes du genre, les détaillant et les moquant juste avant de les utiliser à son tour. Pas de méchanceté ici, l'esprit est bon enfant et respectueux, avec un tas de références aux anciens.

Mais derrière l'hommage parodique se cache un véritable polar. Bien ficelé, il atteint exactement son but : qu'on le résolve juste avant la fin, après avoir passé un bon moment à imaginé des tas de solutions. L.C. Tyler qualifie lui-même son style de "cosy crime" : pas de sang, pas de violence, pas d'insulte, c'est simple, "gentil" et globalement "traditionnel".

Outre le mystère réussi et l'hommage bien mené, la qualité du livre vient de son humour. Il vient à la fois, comme dit plus haut, de la moquerie des ficelles du genre, mais aussi des dialogues et réflexions (avec un beau lot de citations à copier !) qui ont ce côté absurde à l'anglaise, avec un ton sans rupture par rapport à l'ensemble. Et puis, l'auteur en profite pour égratigner un peu tout l'univers du livre : auteurs, éditeurs, agents et lecteurs en prennent pour leurs grades.

Au final, ce livre est une excellente découverte. Un bon polar agrémenté d'un bel hommage au genre. Le ton est moqueur et drôle, mais sans jamais se départir d'une forme de respect et de tendresse pour l'objet moqué. Un moment agréable à passer dans une ambiance cosy.
« Il serait injuste de laisser croire que mon père n’était rien d’autre qu’un universitaire raté. Bien qu’il ait eu moins de temps à y consacrer, son échec dans le domaine politique était tout aussi et infiniment plus humiliant à la fois pour lui et pour sa famille. »

jeudi 26 décembre 2013

Keigo Higashino - Un café maison

Un café maison, Keigo Higashino, 2008, 335 pages.

La lecture japonaise du mois de décembre, toujours dans le cadre du Challenge Écrivains Japonais d'Adalana. Ce mois-ci aucun auteur n'est imposé, le choix est libre (et d'autant plus compliqué). Pour boucler la boucle et parce que ma première lecture de l'auteur m'avait donné envie de recommencer, j'ai décidé de rencontrer une nouvelle fois Keigo Higashino.

La Maison où je suis mort autrefois m'avait marqué pour son ambiance très minimaliste et son quasi-huis clos. J'ai encore quelques frissons et un peu d'angoisse rien que d'y penser. Un café maison, ce n'est pas pareil. Même si on retrouve ce côté minimaliste avec finalement très peu d'éléments abordés et aucune "action", tout étant axé sur les détails et l'avancée très petit à très petit, l'ambiance n'est pas au rendez-vous. Je ne trouve qu'un mot pour la désigner : c'est plat. Les personnages n'ont pas de profondeur, j'ai parfois eu l'impression de suivre des robots.

Heureusement, l'histoire tient la route. Kusanagi et Yukawa, un duo déjà apparu dans Le Dévouement du suspect X (que je n'ai pas lu, cela ne gêne rien la lecture de celui-ci), mène l'enquête sur ce qui ressemble à un meurtre parfait. On sait assez rapidement qui a fait le coup, mais il est impossible de comprendre comment et pourquoi il a eu lieu. Même si je ne l'ai jamais lu (à vrai dire cela m'a rappelé que je devais le faire), cela m'a fait penser au Mystère de la chambre jaune (donc peut-être à tort - cette phrase est vraiment d'une utilité toute relative).

On a envie de découvrir la solution de l'énigme et cela porte entièrement le récit. La réponse est globalement satisfaisante. L'histoire va à l'essentiel et ne traite d'aucun détails inutiles ou d'histoires parallèles. Cela permet de rester toujours dans l'expectative d'une avancée et donne un suspense constant. Malheureusement, cela participe aussi d'un manque d'ambiance général et de profondeur. Un bon livre tout de même qui repose sur une ficelle dans une atmosphère bizarre.