dimanche 29 décembre 2019

Ursula Le Guin - Le Vent d'ailleurs

Le Vent d'ailleurs, Ursula La Guin, Tome 6/6 du Cycle de Terremer, 2001, 225 pages

Ainsi s'achève la saga de Terremer. Sans tristesse, avec seulement la pleine satisfaction d'un cycle qui aura conté ce qu'il avait à conter, qui aura apposé une empreinte durable dans la fantasy et qui aura, surtout, impérialement bouclé la boucle. Car si chaque histoire narrée jusque-là par Ursula le Guin était plus ou moins indépendante, ou tout du moins voguait librement, Le Vent d'ailleurs vient en apporter une conclusion générale, réussissant l'exploit de mêler tous les éléments vus précédemment pour en écrire un final en apothéose. Le tout, comme d'habitude, dans le style doux et humain de l'autrice, où les feux d'artifice ne sont pas dans les airs mais bien dans les regards.

Si parfois quelques passages peuvent sembler ardus, presque flous, comme c'était déjà quelque peu le cas dans le final de L'Ultime Rivage, peu importe. Le tout est lui à la hauteur, toujours plus proche des sommets. Un grand cycle, digne de sa réputation mais qui mériterait une reconnaissance populaire plus importante. Un cycle qui aura su me séduire au fil du temps jusqu'à s'imposer comme l'un des plus beaux que j'ai pu lire. Une ode à la simplicité et à l'humain. Merci Madame Le Guin.

Les tomes précédents : Terremer, Les Contes de Terremer, Tehanu
D'autres avis : Vert, ...

mercredi 25 décembre 2019

Paolo Bacigalupi - Water Knife

Water Knife, Paolo Bacigalupi, 2015, 486 pages

États-Unis, dans un futur où l'eau est la denrée la plus précieuse, où les pénuries sont nombreuses et où les États s'affrontent à coup de tribunaux et de milices pour le contrôle des fleuves. Angel est un "water knife" pour le compte de la Direction de l'Eau du Sud Nevada. Il envoyé en mission à Phoenix, une ville qui se meurt. Il y croisera Lucie, une journaliste intrépide ne pouvant s'empêcher de mettre son nez dans de dangereuses affaires, et Maria, jeune femme en proie à la misère espérant trouver une porte de sortie pour quitter l'Arizona.

Water Knife est certainement un bon thriller dans son genre, calibré par des chapitres courts et des changements de points de vue réguliers, avec un rythme tout en pression et essoufflement, à défaut d'un énorme suspense. Dans son genre disais-je ? Oui, car plus qu'un thriller, Water Knife est quasiment un blockbuster d'action où le réalisateur l'auteur n'a pas lésiné sur les doses d'hémoglobines, de tortures et de sexe. Que le lecteur soit prévenu.

Mais la vraie question, outre l'intérêt de ces scènes, est de savoir si Water Knife est plus qu'un thriller bourrin. Beaucoup diront - ont dit - qu'il s'agit d'un excellent livre. Je suis plus mitigé. Le cadre est indéniablement réfléchi et basé sur des projections possibles de notre monde. Mais le cadre reste un cadre, et à mon sens il sonne moins fort que dans d'autres ouvrages de l'auteur. Il se résume malheureusement en un simple "le dérèglement climatique va bouleverser, en plus que mal, notre univers". Le lecteur pourra y extrapoler ce qu'il souhaite, Paolo Bacigalupi lui ne dit rien de plus. C'est frappant, certes, mais ça ne prêchera que des convaincus et ça n'apporte rien de plus.

À l'exception peut-être d'une autre idée : tout ça ne sert à rien, c'est la loi du plus fort, il n'y a aucun espoir. Et c'est peut-être là mon problème avec ce roman, moi qui ne suis adepte ni de dystopie ni de post-apo : Water Knife est un livre désespérant et il m'a désespéré.

D'autres avis : Lhisbei, Yogo, Cédric, Lorhkan, Xapur, Lune, Gromovar, Le chien critique, ...

samedi 21 décembre 2019

N.K. Jemisin - Les Cieux pétrifiés

Les Cieux pétrifiés, N.K. Jemisin, Tome 3/3 des Livres de la Terre Fracturée, 2017, 434 pages

Suite et fin de la trilogie historiquement primée, après La Cinquième Saison et La Porte de Cristal. Autant le dire tout de suite : la conclusion est à la hauteur du chemin parcouru.

Pourtant, comme dans le deuxième tome, les explications techniques prennent parfois un peu trop, à mon goût, le pas sur l'intrigue et nécessitent de s'accrocher quelque peu. Heureusement, la récompense de ces efforts est bien là. Car la conclusion, qui parachève une montée en puissance constante tout au long de ce troisième volume, est magistrale. L'oeuvre de N.K. Jemisin est dans son ensemble admirablement construite. C'est un travail titanesque qui retombe parfaitement sur ses pieds, mais c'est surtout un récit qui arrive à développer tout aussi bien son univers que ses personnages, pour un final satisfaisant dans ces deux domaines.

On dit souvent que le chemin est plus important que la destination. Mais si les deux sont réunis, c'est encore mieux. Avec Les Cieux pétrifiés, la boucle est bouclée. Et Les Livres de la Terre Fracturée deviennent assurément une lecture très recommandable.

D'autre avis : Xapur, Gromovar, Marc, Shaya, ...

mardi 17 décembre 2019

Ursula Le Guin - Contes de Terremer

Contes de Terremer, Ursula Le Guin, "Tome" 5/6 du Cycle de Terremer, 1997-2001, 269 pages
« La loutre ne connaît pas la mort : seulement la vie jusqu'au bout. »
Les Contes de Terremer est un recueil de 5 nouvelles dans l'univers de Terremer. L'occasion d'explorer plus avant ce monde avec de petites histoires centrées sur les personnages, leurs constructions, leurs évolutions et leurs relations. On ne change pas une formule qui gagne : l'humain est toujours au centre avec Ursula Le Guin. Mais bien souvent, la petite histoire rejoint la grande.

Ainsi Le Trouvier contera les débuts de l'École de Roke quand Les Os de la terre et Dans le Grand Marais permettront, de manière détournée, de croiser la route passée de personnages déjà connus - ce sont d'ailleurs mes deux nouvelles préférées, touchantes de simplicité. Si Rosenoire et Diamant est plus anodine du point de vue de l'Histoire, elle n'en est pas moins riche d'idées. Notamment en questionnant le poids du passé sur le rôle de la magie et la place des femmes, une thématique qui sera aussi au coeur de Libellule, nouvelle qui, des mots de l'autrice elle-même, jette une passerelle entre Tehanu et Le Vent d'ailleurs.

Les Contes de Terremer est un excellent recueil, homogène en qualité, dans la droite lignée du reste de Terremer et qui vient confirmer, si cela était encore nécessaire, la grandeur de ce cycle de "fantasy humaine".

D'autres avis : Vert, ...

vendredi 13 décembre 2019

Neil Gaiman - La Mythologie Viking

La Mythologie Viking, Neil Gaiman, 2017, 293 pages

Jamais titre n'aura été plus explicite. La Mythologie viking conte, en courtes nouvelles, les mythes nordiques, ceux d'Odin, Thor et Loki et de tout un florilège de personnages plus ou moins connus, de la création du monde jusqu'au Ragnarok. À partir notamment de l'Edda poétique et de l'Edda en prose, Neil Gaiman offre une sélection des mythes fondateurs de la mythologie norroise, dans une version stylistiquement "modernisée" - mais toujours "neutre" - plus simple à lire pour le lecteur d'aujourd'hui.

Le résultat est excellent. Limpide à lire, passionnant à découvrir, ne demandant aucune connaissance préalable, c'est le livre parfait pour s'initier à la mythologie nordique avec ses personnages imparfaits et hors du commun, ses aventures improbables et extraordinaires, et ses répercussions sur Midgard, notre Terre. Plaisant et instructif, une réussite de bout en bout.

D'autres avis : Vert, Gromovar, Célindanaé, Alys, ...

lundi 9 décembre 2019

Nina Allan - Complications

Complications, Nina Allan, 2008-2011, 202 pages

En horlogerie, les complications sont toutes les fonctions des montres et horloges autres que l'affichage de l'heure. Plus habituellement, une complication désigne le caractère de ce qui est compliqué, difficile à comprendre. Dans Complications de Nina Allan, il y a un peu de ces deux définitions. Mais surtout de la deuxième.

Complications est un recueil - les nouvelles étant initialement parues individuellement - mais aussi un fix-up - les nouvelles étant toutes plus ou moins liées. Malheureusement ce sont surtout les défauts de ces deux formes qui prennent le pas. Ainsi les nouvelles n'ont pas réellement de fin et de consistance en elles-même, et dans le même temps le fix-up n'apporte lui pas suffisamment de lien et de réponses d'ensemble.

Il y a pourtant de bonnes idées, un jeu et une réflexion sur le temps, mais il ne m'en reste surtout qu'un grand manque de satisfaction. À trop être dans le flou, on trébuche ; et pourquoi se relever si le chemin ne mène à rien ? Comme toutes les oeuvres atypiques, Complications souffre du syndrome "ça passe ou ça casse". C'était passé pour moi avec La Course, plus consistant et laissant le temps de s'attacher et de découvrir l'univers et ses personnages. Ça a cassé avec Complications.

D'autres avis : Shaya, ...

jeudi 5 décembre 2019

N.K. Jemisin - La Porte de Cristal

La Porte de Cristal, N.K. Jemisin, Tome 2/3 des Livres de la Terre Fracturée, 2016, 434 pages

Deuxième tome de la trilogie des Livres de la Terre Fracturée, La Porte de Cristal reprend directement là où se terminait l'excellent La Cinquième Saison. Malheureusement, le résultat est cette fois moins convaincant. Il souffre quelque peu du "syndrome du tome du milieu" : il sert de développement et prépare la conclusion du troisième volume, mais est du coup un peu moins actif et satisfaisant.

Sauf peut-être si vous aimez la hard-SF. Car La Porte de Cristal en est un peu le pendant hard-science-fantasy, prenant soin de détailler, bribe après bribe, le fonctionnement de son univers et de ce qui s'y rattache. C'est sympa, nécessaire dans une certaine mesure, mais ça prend une trop grosse part de ce tome. Parce que pendant ce temps-là, l'intrigue n'avance guère.

La Porte de Cristal reste une lecture agréable. Mais alors que le premier tome était surprenant et apportait de la fraicheur, ce deuxième volume donne l'impression de rentrer dans le rang et n'est quasiment qu'une suite classique et un peu molle. Ce qui, et c'est déjà ça, n'enlève en rien à l'envie de connaitre le fin mot de l'histoire et de lire Les Cieux Pétrifiés.

dimanche 1 décembre 2019

Jo Walton - Pierre-de-vie

Pierre-de-vie, Jo Walton, 2009, 349 pages

À Applekirk, bourgade de 800 âmes, Taveth, Chayra, Ferrand - seigneur d'Applekirk - et Ranal vivent d'un amour heureux entourés de leurs enfants Perry, Hodge, Kevan, Melly et Tydsey. Leur paisible vie sera quelque peu bouleversée par l'arrivée quasi-simultanée de Jankin, un savant avide de connaissances venant de l'Ouest, et le retour de l'Est d'Hanethe... l'arrière-grand-mère de Ferrand. Car une particularité régit le monde où se situe Applekirk : le temps s'écoule plus rapidement à l'Ouest et plus lentement à l'Est.

Pierre-de-vie est un roman calme qui n'est pas sans rappeler la douceur des oeuvres d'Ursula Le Guin. Qualifiée de "domestic fantasy" par l'autrice elle-même, l'histoire se concentre sur quelques personnages, un seul lieu et fait la part belle à des activités communes et ordinaires. Pour autant il ne se passe pas rien, loin de là. Rien de flamboyant peut-être, mais suffisamment de choses pour que jamais ne pointe l'ennui.

Pierre-de-vie est un roman qui ne plaira pas à tout le monde. Trop lent, trop mineur, trop sentimental, l'éventail des raisons de ne pas l'apprécier est large. Et pourtant, c'est aussi un roman qui peut - surtout - être hypnotisant et adorable. Une dose de fraicheur, de simplicité et de gentillesse, sans jamais être gnangnan ou inintéressant. Simplement excellent.