lundi 17 mars 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Six

Le Sang des 7 Rois : Livre Six, Régis Goddyn, Tome 6/7 du Sang des 7 Rois, 2015, 429 pages

Après les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième livres, on se rapproche de la fin de l'heptalogie de Régis Goddyn. Avec un tome que j'ai entamé en croyant avoir trouvé une bonne formule pour le résumer, lui et ses prédécesseurs : routinier. Un terme qui ne doit pas être vu que par son aspect négatif de manque de surprise mais aussi par le côté plus positif du plaisir de retourner en terrain connu où les choses vont bien se passer.

Mais ça, c'était avant que j'avance dans ce sixième livre. Sans rien divulgâcher, disons qu'il propose un petit changement de paradigme. Ce n'est pas une révolution étant donné que c'est la suite logique d'éléments aperçus puis explicités dans les cinq tomes précédents. Là où c'est surprenant, c'est le poids et la part du récit qui y est désormais consacrée. C'est très clairement devenu le point d'attention principal.

Ce changement a un côté très positif : cela crée un peu de nouveauté et rebooste l'intérêt, surtout que je trouve l'écriture de Régis Goddyn plus vive et vivante dans ces parties-là. Il apporte par contre un aspect plus négatif : bien que je comprenne le projet, il diminue quelque peu l'importance des récits suivis depuis cinq livres et donne à certains fils un côté assez vain. C'est tout le paradoxe assez unique de ce Livre Six : c'est un livre qui est bon en lui-même mais qui est plus discutable en tant que sixième tome.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

mardi 11 mars 2025

Ursula K. Le Guin - Le Langage de la nuit

Le Langage de la nuit, Ursula K. Le Guin, 1973-1979, 312 pages

Le Langage de la nuit est un recueil de 24 courts textes d'Ursula K. Le Guin composé d'essais, de préfaces et de discours. La thématique principale est surement la place et le rôle de la littérature d'imaginaire mais l'autrice y évoque aussi la manière d'en écrire, la place des femmes et la psychologie jungienne.

Les textes évoquant directement les oeuvres d'Ursula K. Le Guin sont surement ceux qui m'ont le plus parlé mais tous sont intéressants. Pour leurs idées en elles-mêmes mais encore plus pour voir à l'oeuvre la pensée de l'autrice, qui parvient à être à la fois ouverte et compréhensive tout en ayant des idées très affirmées. Ce qui fait presque regretter que le recueil se concentre sur une courte période de temps : ça permet une belle unité du recueil mais empêche de voir une potentielle évolution de ces idées.

S'il est certainement à réserver aux personnes déjà conquises par l'autrice ou à celles qui s'intéressent à l'analyse littéraire, Le Langage de la nuit est un bon recueil dont les propos sont, dans leur écrasante majorité, toujours d'actualité. Une nouvelle preuve de la brillance de l'autrice.

Couverture : Elena Vieillard / Traduction : Francis Guévremont
D'autres avis : Vert, Alys, ...

mercredi 5 mars 2025

Bulles de feu #71 - Février 2025

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Mouais


Blue Corner - Caribu Marley et Jirô Taniguchi

Un personnage charismatique et mystérieux et un début d'intrigue malin pour un one-shot de boxe, mais malheureusement plus ça avance et plus les choix sont discutables. Un très gros potentiel, un fil principal et un dessin solide, mais un résultat mitigé.
Bien / Ok / Correct


Vagabond T.6/37 - Takehiko Inoue

Un bon tome pour la moitié consacrée à Musashi, moins pour l'autre consacrée à l'antipathique Matahachi.


Fends le vent ! T.4-5/5 - Wataru Midori

Une bonne fin pour cette série qui n'a rien d'exceptionnel mais qui est agréable à lire et qui a surtout le mérite de mettre en avant le para-athlétisme.


La Revanche des bibliothécaires - Tom Gauld

Un paquet de bonnes idées et un paquet de références littéraires (globalement abordables) pour des strips entre "pas mal" et "très sympa". Du Tom Gauld quoi.


Une nuit de contes ordinaires - Ersin Karabulut

Un recueil de 23 nouvelles d'imaginaire (entre SF et léger fantastique) qui existent parfois pour l'idée en elle-même mais le plus souvent ont une portée sociétale et politique, dénonçant le totalitarisme et l'uniformisation. Plus de détails dans les avis de Gromovar, ici et .
Très bien


Teenage Mutant Ninja Turtles - The Last Ronin - Kevin Eastman, Peter Laird, Tom Waltz, Isaac Escorza, Ben Bishop et Luis Antonio Delgado

Un très bon comics de pure action, très cinématographique, dans un univers post-apo/dystopie futuriste, accessible sans connaissance préalable des Tortues ninjas.


Slam Dunk T.1-2/20 - Takehiko Inoue

Un manga qui sonne très années 80, surtout dans son aspect furyô et peu sérieux, mais toute la partie sportive/sérieuse - qui j'espère deviendra largement majoritaire - est vraiment très solide, ça envoie !


Luminary T.1-3/3 - Luc Brunschwig et Stéphane Perger

Une BD de superhéros sans beaucoup de passages superhéroiques, qui parle notamment d'oppression des minorités et de l'engrenage de la violence, dans un contexte américain des années 70 qui résonne fortement avec le présent. Seul bémol : une fin qui doit se dépêcher de conclure et qui reste très ouverte, un peu frustrante mais qui n'enlève rien à la qualité générale de la trilogie. Plus d'infos dans les avis complet de Gromovar : tome 1, tome 2 et tome 3.


Le Bateau de Thésée T.1-2/10 - Toshiya Higashimoto

Une mise en place un peu facile - un voyage dans le passé aléatoire et une intégration très simple du héros - qui se mue rapidement en un thriller qui commence très bien, une enquête tendue et prenante.


Friday T.1-3/3 - Ed Brubaker et Marcos Martin

Une relecture (aussi plaisante que la première fois) des tome 1 et tome 2 pour profiter pleinement de ce dernier tome. Une excellente trilogie, un polar fantastique qui rend un très bel hommage à ces enquêtes fantastiques de jeunes détectives des années 80. Un chouïa de "facilités" dans ce dernier tome l'empêche d'atteindre le rang de chef-d'oeuvre mais ça n'enlève rien à toutes ses qualités : un scénario léché, une narration fluide et agréablement contée, un joli dessin parfaitement dans l'ambiance et une héroïne attachante.

jeudi 27 février 2025

Terri Windling - L'Épouse de bois

L'Épouse de bois, Terri Windling, 1996, 309 pages

À la mort de Davis Cooper, un poète avec qui elle correspondait régulièrement, Maggie Black hérite de sa maison située au milieu du désert de Sonora, en Arizona. L'occasion pour elle d'enfin écrire la biographie de son ami, et de chercher à comprendre comment il a pu être retrouvé mort noyé dans le lit d'une rivière asséchée.

Je ne suis pas à l'aise avec les classifications de genre mais je pense pouvoir dire que L'Épouse de bois appartient à la mythopoétique et au réalisme magique tant il correspond bien aux termes en eux-mêmes. Il y a une création de mythes, il y a de la poésie, il y a du réalisme et il y a de la féérie. Ces quatre éléments étant tout aussi importants les uns que les autres, s'amalgamant pour former quelque chose de plus grand et de plus beau : L'Épouse de bois.

Tout commence par la découverte d'un cadre moderne et crédible, les abords désertiques de Tucson, un cadre naturel qui n'est pas pour autant déconnecté de la vie citadine. Un cadre où vivent des personnages eux-aussi crédibles, pas forcément ordinaires mais réalistes. J'insiste un peu trop sur ce début de roman mais je crois que c'est un élément important de sa réussite, au moins sur moi qui ne suis pas un grand amateur de littérature merveilleuse : avant même l'apparition de l'imaginaire, c'est une première découverte via les yeux de l'héroïne - aux réactions tellement appréciables - qui permet de rentrer facilement dans le roman et de s'y attacher. Et qui donne encore plus de sens et de compréhension à l'apparition du fantastique, nous mettant dans le même état d'acceptation que Maggie.

L'Épouse de bois a été une excellente surprise. C'est un livre à l'ambiance tout à fait unique, avec sa propre mythologie inspirée des oeuvres de Brian Froud - illustrateur de la couverture et cité dans le récit lui-même, pour un côté méta qui va très bien avec les frontières floues de ce réalisme magique. C'est un récit sans grande péripétie qui va à l'essentiel tout en construisant un univers marquant et vrai, qui fait la part belle à la poésie et à l'imaginaire tout en restant toujours logique et palpable. C'est un tour de force et un excellent roman.

Couverture : Brian Froud / Traduction : Stéphan Lambadaris
D'autres avis : Vert, Valériane, Zoéprendlaplume, ...

vendredi 21 février 2025

Marlon James - Brève histoire de sept meurtres

Brève histoire de sept meurtres, Marlon James, 2014, 846 pages
« Est-ce le trac, ou serais-je en train de comprendre que même si le Chanteur est au coeur de cette histoire, ce n'est pas réellement la sienne ? Comme s'il en existait une autre version, qui ne le concerne pas lui mais concerne son entourage, ceux qui gravitent autour de lui et qui pourraient fournir un tableau plus intéressant que moi lui demandant pourquoi il fume de la ganja. »
Le 3 décembre 1976, deux jours avant un concert pour la paix auquel il doit participer, sept hommes font irruption au domicile de Bob Marley pour l'abattre. Cet évènement historique est le point de départ de cette Brève histoire de sept meurtres qui évoque, de 1976 à 1991, les possibles raisons et conséquences de cette tentative d'assassinat, fictionnalisant sur ce qui semble être une très solide base historique.

Au contraire de ce qu'indique son titre, Brève histoire de sept meurtres est un ouvrage massif qui détaille les luttes de pouvoir jamaïcaines où les factions politiques sont étroitement liées aux gangs qui font la loi dans les quartiers pauvres de Kingston et dont l'influence s'étendra au fil du temps en dehors du pays. C'est un récit violent où se mélangent drogues, meurtres, viols, corruption et tout ce qui va avec. C'est surtout une somme de travail impressionnante qui a une grande qualité et un grand défaut.

Son défaut, c'est d'être aussi volumineux sans pour autant avoir un grand fil narratif clair. Brève histoire de sept meurtres ressemble souvent plus à une fresque qu'à un roman et cela peut parfois faire un peu décrocher. C'est heureusement rattrapé par sa plus grande qualité : l'écriture de ses personnages. Tout est narré via les points de vue internes de plus d'une dizaine de narrateurs différents. Et chacun a sa voix propre, sa manière de réfléchir et de s'exprimer, ce qui donne une lecture très vivante malgré l'éventuel manque de finalité romanesque. Un manque, une ampleur, qui est d'ailleurs admis et justifié à l'intérieur même du livre :
« Euh, à un moment donné on doit développer l'histoire. On ne peut pas seulement lui donner de la cohérence, il faut aussi de l'ampleur. Les choses n'arrivent pas dans le vide, il y a des conséquences, des répercussions, et parallèlement la planète continue à tourner, qu'on participe ou pas. Sinon, c'est juste le récit d'un truc qui s'est passé quelque part, et ça on peut le voir tous les jours au JT. »
C'est là que se situe cette Brève histoire de sept meurtres. Marlon James n'enchaîne pas juste des faits, il leur donne une réalité et un impact. J'ai mis un peu de temps à connaître mon propre avis sur ce livre et à savoir exprimer ce qu'est finalement ce roman. J'ai fini par trouver une comparaison : c'est une sorte de The Wire version jamaïcaine. Il m'a peut-être manqué un petit quelque chose pour atteindre le coup de coeur mais je ne peux dans le même temps qu'admirer et respecter tout le travail et l'intelligence de Marlon James. C'est une fresque oui, mais quelle fresque !

Couverture : d'après le design de Gregg Kulick - © Rolf Nussbaumer - Getty Images / Traduction : Valérie Malfoy
D'autres avis : Gromovar, ...