jeudi 25 juillet 2024

GennaRose Nethercott - La Maison aux pattes de poulet

La Maison aux pattes de poulet, GennaRose Nethercott, 2022, 520 pages

Bellatine et Isaac sont frère et soeur. Séparés depuis des années, ils vont se retrouver à l'occasion d'un héritage. Pas n'importe quel héritage : une maison, vivante, aux pattes de poulet, ayant appartenu à Baba Yaga, leur ancêtre ukrainienne. Et comme si les choses n'étaient pas assez étranges, il semble qu'un mystérieux individu en ait après la maison et soit sur leurs traces.

Comme toute bonne urban fantasy, l'improbabilité de cette maison disparait rapidement et cet univers - notre monde ponctué d'un peu de mythologie slave et juive - apparait tout à fait crédible et logique. C'est un peu comme un spectacle de marionnettes : si la marionnettiste est bonne, il ne faut pas longtemps pour ne plus voir les artifices et être simplement emporté par une bonne histoire. Et GennaRose Nethercott est une excellente marionnettiste.

La Maison aux pattes de poulet est un excellent roman de bout en bout et sur tous les aspects. Les personnages sont vivants et touchants, crédibles dans leurs failles et leurs faiblesses sans jamais être gémissants. L'intrigue est solide, elle ne repose pas sur de nombreux rebondissements mais parvient pourtant à conserver de l'incertitude et à ne dévoiler que tardivement sa véritable finalité. Dans un final qui justement est très réussi, utilisant astucieusement tous les éléments développés auparavant et parvenant à laisser le lecteurice avec à la fois la larme à l'oeil et le sourire aux lèvres.

Si tout ça fait déjà de La Maison aux pattes de poulet un très bon roman, il y a encore (au moins) une autre grande composante qu'il faut évoquer : sa portée. La Maison aux pattes de poulet est la preuve - non-nécessaire mais toujours bonne à rappeler - qu'au-delà de faire vivre des aventures la fantasy peut avoir une grande portée sociétale. Il est ici question d'Histoire et de mémoire, et GennaRose Nethercott utilise admirablement les frontières entre conte et réalité pour amener ça de manière à la fois subtile et évidente (comprendre : ça ne prend pas le pas sur une bonne histoire mais il n'y a pas besoin d'avoir un doctorat en lecture entre les lignes pour saisir le message). C'est absolument remarquable, à l'image du roman dans son ensemble.

Couverture : Anouck Faure / Traduction : Anne-Sylvie Homassel
D'autres avis : Tigger Lilly, FeyGirl, Gromovar, FeydRautha, Zina, Célinedanaë, Le nocher des livres, Boudicca, Sometimes a book, ...

vendredi 19 juillet 2024

Laurent Genefort - Opexx

Opexx, Laurent Genefort, 2022, 114 pages

Le Blend - une union pacifiée de millions de mondes s'étendant sur plusieurs galaxies - a récemment contacté la Terre. Avant une éventuelle intégration à sa communauté, le Blend a besoin que la Terre mette à sa disposition des soldats pour aller combattre à sa place. C'est au sein de cette unité Opexx que travaille le narrateur, atteint du syndrome de Restorff qui lui vaut un déficit d'empathie mais lui permet aussi de conserver la mémoire de toutes ses missions.

Opexx n'est pas ce qu'il semble être. Ce n'est pas exactement un texte de science-fiction militaire tel qu'on l'imagine basiquement. S'il apporte évidemment une réflexion sur la guerre au sens large, les combats y ont une place infime et ce n'est pas forcément sur ce thème qu'il est le plus marquant. Il ne faut en tout cas pas le laisser de côté par peur d'y voir un cliché d'oeuvre militariste.

Mais il ne faut pas non plus s'attendre à une grande intrigue. Pas vraiment à une intrigue tout court en fait. Il faut attendre la deuxième moitié du récit pour vraiment voir où va le texte. C'est un peu perturbant, mais c'est compensé par deux choses : la capacité - qui n'étonnera personne ayant déjà lu l'auteur - de Laurent Genefort à créer de vastes mondes et de l'altérité ainsi que le destin évocateur et touchant de ce narrateur anonyme.

Opexx n'est pas une novella palpitante ou exaltante. Elle m'a longtemps laissé de côté avant de me rattraper sur la fin et me convainc quasiment plus après sa lecture que pendant. Je n'ai pas adoré ce texte mais je suis encore plus incapable d'en dire du mal que du bien. Il me faudrait certainement une relecture pour en saisir plus de subtilités, et ce n'est pas inenvisageable.

Couverture : Aurélien Police
D'autres avis : Tigger Lilly, Vert, FeyGirl, Xapur, Le Maki, FeydRautha, Yuyine, Jean-Yves, Herbefol, Célinedanaë, OmbreBones, lutin82, Dionysos, Sometimes a book, Apophis, ...


Première escale pour le Summer Star Wars Ahsoka

samedi 13 juillet 2024

Colson Whitehead - L'Intuitionniste

L'Intuitionniste, Colson Whitehead, 1999, 366 pages

Au sein du service des inspecteurs d'ascenseurs de la ville de New-York, deux philosophies s'affrontent : les empiristes et les intuitionnistes. Lila Mae Watson, la seule femme noire - la seule femme tout court - du service est elle-même une intuitionniste. Il lui suffit de voyager à bord d'un ascenseur pour connaître son état. Et elle ne se trompe jamais. Jusqu'au jour où un appareil qu'elle a inspecté quelques jours auparavant s'écrase. Est-ce sa première erreur ou est-elle la victime collatérale d'une bataille politique ?

On dit parfois d'excellents auteurs que même leurs listes de courses doivent être passionnantes à lire. L'Intuitionniste n'a certes rien d'une liste de courses, mais réussir à écrire un livre intéressant ayant pour thème l'inspection d'ascenseurs et leur philosophie est une tâche surement aussi difficile et improbable. Et puisque c'est Colson Whitehead qui tient la plume, c'est évidemment une réussite.

L'Intuitionniste n'est ni le roman le plus marquant de l'auteur (coucou Underground Railroad et Nickel Boys), ni celui par lequel il vaut mieux le découvrir (Harlem Shuffle pour un démarrage plus en douceur). Mais c'est, malgré son statut de premier roman, totalement un livre de Colson Whitehead. Son côté thriller/roman noir préfigure un peu ce qui sera justement Harlem Shuffle. Mais c'est surtout le thème fétiche de l'auteur, qu'on retrouvera ensuite dans tous ses récits, qui est déjà ici en pleine lumière : la condition noire. Et cela va au-delà du simple fait de montrer une héroïne noire qui doit se battre contre le racisme. Cela ne surprendra pas totalement les habitués de Colson Whitehead, mais il y a quelque chose de plus entre ces pages et le dénouement n'est pas dénué d'une certaine jubilation. Une nouvelle preuve, encore et toujours, que Colson Whitehead est un très grand écrivain.

Couverture : Angela Rotaru, Freepik (détail) / Traduction : Catherine Gibert
D'autres avis : Le Maki, Le Nocher des livres,

dimanche 7 juillet 2024

Jean-Laurent Del Socorro - Peines de mots perdus

Peines de mots perdus, Jean-Laurent Del Socorro, 2024, 260 pages

France, 1593. La Compagnie du Chariot, une troupe de mercenaires, est emprisonnée. En échange de leur liberté, leur capitaine, Axelle de Thorenc, se voit confier une mission pour le compte du roi Henri IV : partir en Angleterre pour y récupérer le mystérieux sceau de l'enfer. Une mission qui aura des échos tout au long de sa vie.

Peines de mots perdus prend place dans un univers habituel de Jean-Laurent Del Socorro, où se sont déjà déroulés, entre autres, deux excellents textes : Royaume de vent et de colères et Le Vert est éternel. Je dis "univers" mais il vaudrait mieux dire "époque" tant c'est la partie historique qui est la plus prégnante dans cette fantasy historique. Malheureusement, cette troisième lecture fut bien moins enthousiasmante que les deux premières.

Peines de mots perdus est une sorte de fix-up de trois nouvelles, toutes mettant en scène Axelle se rendant en Angleterre, à quelques décennies d'intervalle, pour des missions ayant toute un socle commun. Ces textes ne sont pas mauvais. Ce sont des petites aventures sympathiques, où le travail historique est certainement grand et où le féminisme et la sororité ont une place importante. Ça se lit sans mal, sans déplaisir, mais sans véritable enthousiasme non plus.

Il y a deux problèmes. Premièrement tout se déroule trop rapidement et trop bien, c'est gentillet. Ce qui ne serait pas forcément si grave s'il n'y avait pas le deuxième souci : je n'ai eu aucun investissement émotionnel envers les personnages. Elles ont pourtant un fort potentiel mais tout va trop vite pour avoir le temps de s'attacher - même si ça ne gêne pas Axelle, la solitaire qui se fait des meilleures amies toutes les 5 minutes après deux phrases échangées - et ce d'autant plus qu'une grande partie des évènements les plus impactants ont lieu lors des entractes entre les différents textes. Tout ça fait que si Peines de mots perdus est loin d'être une mauvaise lecture, elle est tout de même assez anecdotique.

Couverture : Xavier Colette
D'autres avis : Yuyine, Célinedanaë, Le Nocher des livres, Boudicca, ...

lundi 1 juillet 2024

Bulles de feu #63 - Juin 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


The Killing Joke - Alan Moore et Brian Bolland

Une bonne idée générale, que ça soit l'origin story du Joker ou la réflexion sur la folie et le libre-arbitre, mais j'ai trouvé ça un peu vide et un peu vain (et un peu trop trash pour moi). Mais visuellement c'est beau, c'est déjà ça.


Don't call it mystery T.4-5/? - Yumi Tamura

Deux tomes ok mais moins bons que les trois premiers, des mystères moins enthousiasmants et pas mal de blablas pour pas grand chose.


Insomniaques T.11/? - Makoto Ojiro

Un tome un peu vide mais sympathique, avec une promesse de prochains tomes un peu plus mouvementés.


L'Or d'El Ouafi - Paul Carcenac, Pierre-Roland Saint-Dizier et Christophe Girard

Une bonne BD qui n'est pas parfaite mais qui complète bien l'excellent Marathon de Nicolas Debon.


Moi, ce que j'aime, c'est les monstres T.1/? - Emil Ferris

Une oeuvre impressionnante, dans tous les sens du terme. Un travail graphique incroyable, pas forcément évident au premier abord mais auquel on s'habitue très vite. L'ensemble ne m'a pas autant enthousiasmé que beaucoup, mais c'est éminemment respectable et remarquable.
Très bien


Ping Pong Intégrale T.1/2 - Taiyô Matsumoto

À l'image de Zero, Taiyô Matsumoto fait des mangas de sport différents, loin des valeurs habituelles, avec notamment pas mal de souffrance et de désillusion.


Saga T.10-11/? - Brian K. Vaughan et Fiona Staples

Une relecture du tome 10 pour profiter pleinement du tome 11. Et quel plaisir, quelle oeuvre majeure, encore et toujours.