mardi 30 avril 2019

Stéphane Przybylski - Le Château des millions d'années

Le Château des millions d'années, Stéphane Przybylski, Tome 1/4 d'Origines, 2015, 337 pages.

Irak, juillet 1939. En mission pour le Troisième Reich, l'officier SS Friedrich Saxhäuser voit un objet volant non identifié s'écraser devant lui. Une découverte qui pourrait modifier le cours de la guerre à venir...

Présenté ainsi, la Seconde Guerre mondiale du point de vue nazi à la sauce occulte-extraterrestre, ça n'augure pas nécessairement du bon. Et pourtant, Le Château des millions d'années est bien plus subtil que ce pitch de base peut le laisser entendre. Car bien plus qu'une oeuvre de science-fiction, c'est avant tout un roman doté d'un fond historique éminemment précis et documenté, à la table duquel tous les pontes du régime nazi sont conviés. Et si le personnage principal est nazi, ce qui pose d'évidents problèmes, l'objet - et donc l'intérêt - n'est pas de le réhabiliter mais bien de comprendre comment la montée du nazisme a pu se faire si naturellement, comment Saxhäuser et d'autres en sont arrivés là.

Le plus fort dans tout ça, c'est que Stéphane Przybylski ne donne jamais l'impression de nous dispenser un cours d'Histoire. Avant tout, il nous offre un récit fluide d'aventure ponctué sans cesse de sauts temporels. Si le procédé est agréable pour le rythme et assez facile à suivre - à condition de toujours bien lire les changements de dates ! - il apparait néanmoins parfois un peu forcé, tant dans la manière de l'amener que dans le séquençage des révélations. Un des rares bémols de ce livre, outre le fait, quasi-obligatoire en tant que premier tome d'une tétralogie, qu'il serve surtout de présentation et d'introduction à la série.

Sur une idée de départ qui me laissait plus que dubitatif, Le Château des millions d'années a réussi à me séduire par son mélange d'aventure mystérieuse et d'Histoire intelligente, avec en prime le bon goût de s'arrêter au moment où la lassitude commençait à pointer - avant l'emballement final, certes. L'idée de prolonger l'expérience avec la suite est loin d'être exclue, au contraire. C'est certainement un bon signe, non ?

D'autre avis : Vert, L'Ours inculte, Herbefol, Apophis, lutin82, Dionysos, Xapur, Mariejuliet, Shaya, Alys, Lhotseshar, Gromovar ...

jeudi 25 avril 2019

Edmond Hamilton - Comment c'est là-haut ?

Comment c'est là-haut ?, Edmond Hamilton, 1952, 26 pages (pdf)

Le sergent Frank Haddon vient de revenir d'une expédition sur Mars. Avant de rentrer chez lui, il fait quelques détours pour rencontrer les proches de trois camarades qui eux ne sont pas revenus. L'occasion de se remémorer cette aventure spatiale.
« Alors, me demanda-t-il, comment c’est là-haut ? »
C'est là toute la question, et rarement un titre n'aura été aussi parfait. Que raconter à des gens qui ont des images et des idées déjà bien arrêtées en tête ? Que raconter à des proches qui attendent du réconfort ? La vérité ou leur vérité ? La cruelle réalité ou un beau mensonge ? C'est tout l'enjeu et le questionnement proposés très joliment par Edmond Hamilton.

Mon seul reproche tient sur l'ultime paragraphe qui, bien que je puisse y voir un sens, me parait faire un peu tâche avec le reste. Mais ce détail ne doit pas venir ternir le portrait d'une nouvelle qui reste une très belle réussite.

D'autre avis : Yogo, Lhisbei ...

samedi 20 avril 2019

Joëlle Wintrebert - Les Olympiades truquées

Les Olympiades truquées, Joëlle Wintrebert, 1998, 313 pages.

Sphyrène est une nageuse se préparant pour les Jeux Olympiques, avec tout ce que cela implique du culte du corps. Maël, elle, est une clone, réplique d'une grande musicienne disparue dans un accident, dont le père - du clone - est l'ancien mari - du modèle. Les Olympiades truquées est un roman qui traite du corps dans tous ses états, et pas nécessairement les plus ragoûtants. Ce qui donnera le droit à quelques scènes forts crues et sexuées qui m'auront personnellement quelque peu sorti du livre.

Mais Les Olympiades truquées est aussi, évidemment, un roman qui parle du sport et plus précisément du "toujours plus", des enjeux qui explosent et du développement du dopage. Des idées intéressantes, toujours d'actualité même si leur écho est sensiblement différent - mais pas moindre - du moment de l'écriture, malgré un certain manichéisme et une vision très sombre qui amoindrissent quelque peu le constat.

Tout ça, et même plus, via des chapitres courts et des points de vue changeant sans cesse, en seulement 300 pages. Malheureusement, cela ne laisse pas la place nécessaire au bon développement de l'histoire ou des idées. C'est le problème du livre : il y a trop de choses, beaucoup trop de choses, et du coup tout parait survolé, et un peu plat, jusqu'à une partie finale - les JO, enfin ! - bouclée en si peu de pages. C'est d'autant plus dommage que ça aurait pu être vraiment bien.

lundi 15 avril 2019

Thierry Di Rollo - Brumes fantômes

Brumes fantômes, Thierry Di Rollo, 2018, 19 pages (pdf).

Bersekker revient sur le lieu de sa jeunesse. L'occasion d'en finir avec une page de son passé et de se tourner vers l'avenir... s'il est possible de parler d'avenir pour une personne telle que lui ?

Brumes fantômes est une nouvelle simple et efficace. Elle ne restera pas nécessairement en tête à tout jamais, mais elle est tout à fait plaisante à lire, et ce malgré un certain ton désabusé qui n'est heureusement pas pesant. Elle est bien aidée en cela par une omniprésence des dialogues la rendant très fluide, avec en prime une certaine ironie/jeu entre personnages et lecteur. Dix minutes de lecture qu'on ne regrettera pas.
« (...) tu es de ce genre que l’on appelle humain. Le laid et le violent nous ont toujours fascinés. »
D'autre avis : Yogo, Lhisbei ...

mercredi 10 avril 2019

Christophe Lambert - Aucun homme n'est une île

Aucun homme n'est une île, Christophe Lambert, 2014, 275 pages.

2 juillet 1961. Ernest Hemingway est sur le point de se suicider quand on vient l'avertir d'un débarquement américain à Cuba. Une attaque en juillet ? Oui, car Kennedy a repoussé l'assaut d'avril et évité le fiasco de la baie des cochons. L'occasion pour Hemingway de reprendre sa casquette de correspondant de guerre et de retourner à Cuba pour tenter d'interviewer Fidel Castro et Che Guevara.

Je ne suis pas un grand amateur d'uchronies historiques, que je trouve souvent compliquées et nécessitant pas mal de connaissances pour pleinement les apprécier. Ces "problèmes" sont ici à la marge : le récit est assez minimaliste et les pré-requis sont eux-aussi minimes et généralement connus de tous, pour peu que vous sachiez ce qu'est la Guerre Froide, où est situé Cuba et qui sont Fidel Castro et Che Guevara.

D'ailleurs, si sa base est une uchronie historique, Aucun homme n'est une île est surtout l'occasion pour Christophe Lambert de proposer une courte aventure unique, dans un cadre rare, et de mettre en scène trois personnages historiques. Et si l'aspect uchronique permet de prendre des libertés et de laisser libre cours à l'imagination, ce n'est pas pour autant un livre déconnecté de la réalité. Bien au contraire même, l'auteur ayant (ré)intégré de nombreux faits/anecdotes historiques, explicités dans la très intéressante bibliographie qui conclut l'ouvrage.

Aucun homme n'est une île est un excellent livre à tous les niveaux. Il apporte d'un côté un récit d'aventures plaisant, très bien rythmé et qui ne tire pas en longueur, tout en présentant intelligemment des personnages (et des idées) complexes. Le tout avec grande simplicité. À lire que vous soyez ou non amateur d'uchronie !

D'autre avis : Gromovar, Lhisbei, Julien, ...

jeudi 4 avril 2019

Ernest Pérochon - Les Hommes frénétiques

Les Hommes frénétiques, Ernest Pérochon, 1925, 345 pages.
« Les hommes n'avaient pas compris qu'une ère nouvelle commençait, où la prudence, à défaut de bonté, deviendrait une vertu essentielle. »
Suite à la désolation laissée par la guerre mondiale de la fin du XXIIème siècle, l'ère chrétienne a pris fin et le monde est entré dans l'ère universelle. Une ère où toute la planète a atteint une certaine aisance économique, bien aidée en cela par une nouvelle source d'énergie dont l'installation quadrille le globe. Une ère où, pour ne pas reproduire les erreurs du passé, la norme est à la prudence et à la modération, où toute ardeur et exaltation doit être réprimée. Mais le temps passe et les hommes oublient...

Autant le dire tout de suite, Les Hommes frénétiques n'est pas un grand livre sur le plan romanesque. Les (rares) personnages sont fades et très peu caractérisés. L'intrigue ne tourne d'ailleurs pas réellement autour d'eux, Ernest Pérochon préférant plutôt conter les péripéties de la planète à un niveau international, comme des chroniques historiques de notre futur. Si l'approche est compréhensible, elle reste dommageable puisque l'ensemble manque de simple plaisir de lecture, et ce d'autant plus que l'auteur, Prix Goncourt en 1920, prouve dans la dernière partie du roman qu'il est capable de proposer autre chose.

Mais s'il peut y avoir à redire sur le plan romanesque, peut-être encore plus pour un lecteur du XXIème siècle, Les Hommes frénétiques n'est pas un livre à jeter pour autant et reste un roman fort dans sa dimension historique et visionnaire. S'il ne décrit évidemment pas précisément notre présent, Ernest Pérochon met tout de même en garde sur, entre autres, l'utilisation détournée des découvertes scientifiques, les menaces de guerres biologiques et chimiques ou encore les dangers d'un monde où règnent les réactions vives et exaltées. Des préoccupations toujours plus d'actualité alors que ce roman a été écrit en 1925...

Bien que très imparfait - on l'appréciera bien plus après lecture que pendant - Les Hommes frénétiques reste une belle curiosité historique qui n'aura malheureusement pas servi de leçon. Un livre qui, certes, parle exclusivement au cerveau mais qui parvient encore à le faire près de 100 ans plus tard et en ayant pris peu de rides.
« Il n'y avait à terre ni vainqueurs ni vaincus ; seulement des morts, des blessés hurlants, quelques fuyards à demi fous. »
D'autre avis : TmbM, Lekarr ...