jeudi 27 février 2020

Lidia Yuknavitch - Le Roman de Jeanne

Le Roman de Jeanne, Lidia Yuknavitch, 2017, 330 pages

Suite à la dévastation de la Terre, les derniers humains vivent dans le CIEL, une station orbitale, sous la houlette de Jean de Men, tyran cherchant à faire perdurer une race transformée et condamnée à l'extinction. Artiste du griphe, une sorte de scarification avancée, Christine Pizan entreprend de remémorer Jeanne, la dernière à s'être battue contre Jean, présumée morte sur le bucher mais dont les rumeurs disent qu'elle serait encore vivante.

Quel livre. Et je dis ça alors que je ne l'ai nullement apprécié. Le Roman de Jeanne est un livre qui ne peut pas laisser indifférent et qui est indéniablement particulier. Pour le meilleur et pour le pire. C'est un roman riche qui se nourrit de nombreuses thématiques et dans lequel chacun pourra trouver son propre angle de compréhension et d'appréciation. J'y ai aperçu du potentiel, mais ses atours m'ont rebuté, notamment une noirceur et un côté trash très - très - prononcés. Sachez où vous mettez les yeux.

Le problème est malheureusement plus profond et la difficulté proposée par ce livre encore plus grande. En lisant Le Roman de Jeanne, j'ai eu l'impression de lire la conclusion d'une trilogie dont je n'aurais pas lu les deux premiers tomes. Ce qui empêche, sans surprise, d'en savourer pleinement le déroulé et les enjeux. Sans compter que l'attachement aux personnages a énormément de mal à se faire, si jamais il se fait à un moment.

Le Roman de Jeanne est un OLNI - Objet Livresque Non Identifié - qui ne pourra plaire qu'à une minorité de lecteurs tant il est particulier. Sans concession, c'est un livre qui deviendra soit un top (Gromovar, Lhisbei, Tigger Lilly), soit un flop (Lune, Lorhkan, Cédric). À vous de voir si vous vous sentez de prendre le risque.

Couverture : ? / Traduction : Simon Kroeger

dimanche 23 février 2020

Rivers Solomon - L'Incivilité des fantômes

L'Incivilité des fantômes, Rivers Solomon, 2017, 392 pages

Le Matilda est un gigantesque vaisseau-monde, transportant les derniers survivants de la Terre vers une hypothétique nouvelle planète. Aster y fait partie des ponts inférieurs - des ponts où s'entasse une population noire avilie servant de main-d’œuvre - tout en étant liée au Chirurgien, éminent membre des ponts supérieurs. Entre sa propre survie et l'aide apportée à ses consoeurs, Aster se retrouvera sur les traces de sa mère, disparue 25 ans auparavant.

La métaphore, si tant est qu'on puisse encore appeler ça une métaphore, est claire. Pourtant, l'expression de cette oppression des minorités n'est jamais grossière et s'avère même discrète dans toute la première partie. L'occasion de se concentrer sur les protagonistes, et plus particulièrement Aster et Giselle, des personnages déstabilisants au premier abord, notamment de par leurs réactions et psychologies inhabituelles. Au premier abord et même au-delà en ce qui concerne Giselle, difficile à appréhender et apprécier, mais qui s'avèrera un personnage extraordinaire qui nous obligera à faire face à nos notions de tolérance d'une manière impressionnante et remarquable.

Ainsi la première partie nous laisse nous immerger dans ce monde nouveau et pourtant si présent, nous donne le temps de quelque peu l'appréhender et d'être happé par l'histoire et la destinée de son héroïne. Le procédé est intelligent et le texte en sort grandit. Car par la suite, l'oppression se fera de plus en plus marquante, jusqu'à devenir implacable au terme d'une remarquable montée en puissance, faisant de L'Incivilité des fantômes une source de saine rage et de colère nécessaire, tout en étant son propre fantôme pour ne jamais oublier. Grandiose.

Couverture : Elena Vieillard / Traduction : Francis Guévremont
D'autre avis : Lune, Gromovar, FeydRautha, Yogo, Lorhkan, Marc, Vert, ...

jeudi 20 février 2020

Peter Watts - ZeroS

ZeroS, Peter Watts, 2017, 99 pages

Kodjo Asante est pisciculteur. Il trouve la mort, avec tous ses collègues, lorsqu'il est attaqué par des Sāhilites. Il se voit néanmoins donner une nouvelle chance, une deuxième vie, en échange d'un engagement de 5 ans en tant que soldat dans l'unité ZeroS. Mais à quel prix ?

ZeroS est une nouvelle qui appartient à un univers habituel de l'auteur, sur une Terre future à tendance cataclysmique et à la technologie avancée. C'est peut-être la raison pour laquelle l'arrière-plan de cette nouvelle semble quelque peu flou et ne sera jamais pleinement explicité. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas été très emballé.

C'est peut-être aussi parce que mon seul point d'empathie avec le protagoniste principal, c'est cette même sensation d'être aveugle, de suivre des évènements à moitié sans en comprendre les tenants et les aboutissants. La nouvelle se lit malgré tout plutôt bien, mais je n'ai jamais réussi à ressentir un grand intérêt pour l'intrigue, ce qui forcément ne donne pas plus envie de se concentrer sur les idées développées. Malgré tout cela, ZeroS n'apparait pas comme une mauvaise nouvelle. Elle ne m'a juste pas touché et j'en suis ressorti absolument neutre.

Lauréate du Prix des Lecteurs Bifrost 2019 dans la catégorie nouvelle étrangère, cette nouvelle est téléchargeable gratuitement jusqu'au 29 février sur le site du Bélial'.
Couverture : Nicolas Fructus / Traduction : Gilles Goullet

lundi 17 février 2020

Estelle Faye - Thya

Thya, Estelle Faye, Tome 1/3 de La Voie des Oracles, 2014, 337 pages

Gaule aquitaine, Vème siècle. L'empire romain commence à décliner mais le christianisme, lui, continue de se propager, annihilant les anciennes croyances. Fille d'un général romain, Thya est une oracle, vivant cachée loin de Rome. Mais lorsque son père est en danger de mort, trahi par son propre fils, elle doit fuir et suivre ses visions pour tenter de le sauver.

Nous lasserons-nous un jour de l'éternelle lutte et passation entre anciennes et nouvelles religions ? Le sujet est habituel mais il fonctionne bien ici, une nouvelle fois. Estelle Faye propose une histoire qui ne révolutionne rien mais qui fait le boulot et fait passer un bon moment, la plume limpide de l'autrice y étant certainement pour beaucoup.

Si l'histoire et la narration sont là, le point faible se trouve peut-être du côté des personnages, dont les réactions et évolutions sont assez faciles et/ou grossières, manquant globalement de profondeur - n'y connaissant rien, je m'abstiendrai d'y voir un aspect young adult. C'est un peu trop simple - sans être simpliste - dans l'ensemble. Si cela peut empêcher de leur être pleinement attaché, cela n'est heureusement pas au point ne pas les apprécier, d'autant plus qu'ils ont le bon goût de ne pas être "têtes à claques".

Un bon premier tome, une lecture correcte - tout de même loin des meilleurs ouvrages de l'autrice - qui donne néanmoins envie de poursuivre, notamment car la suite de l'aventure n'est absolument pas définie et les personnages semblent capables de prendre un peu d'ampleur. Et aussi, avouons-le, parce qu'on a envie d'en voir plus sur ces anciennes divinités, un certain petit Sylvain en tête.

Couverture : Aurélien Police
D'autres avis : Acr0, Lianne, Cédric, Xapur, Célindanaé, Elhyandra, Boudicca, ...

vendredi 14 février 2020

Christian Léourier - La Longue Patience de la forêt

La Longue Patience de la forêt, Christian Léourier, 2019, 25 pages

Kred rêve d'ailleurs, de quitter la forêt où il vit pour en découvrir d'autres, plus loin, au-delà de la terre des morts. Mais comment faire alors que la forêt est ce qui leur permet, à lui et à son peuple, de vivre, leur fournit tout, jusqu'à l'air qui n'existe pas sur la lande stérile qui entoure l'écrin de verdure.

La solution est à la fois simple et gigantesque. Elle est en tout cas belle et prenante à suivre, à l'image de la nouvelle dans son ensemble. En peu de pages, Christian Léourier arrive à faire naître un monde attachant, à le faire évoluer, pour le meilleur et pour le pire, à lui donner une finalité immédiate mais aussi un futur au-delà de ces quelques lignes. C'est simplement admirable dans la construction, mais aussi dans le fond, étonnamment riche malgré sa relative discrétion. Un texte qui invite à aller respectueusement de l'avant. Une ode terriblement humaine à la nature et à l'espoir.

Couverture : Romain Étienne
Lauréate du Prix des Lecteurs Bifrost 2019 dans la catégorie nouvelle francophone, cette nouvelle est téléchargeable gratuitement jusqu'au 29 février sur le site du Bélial'.

mardi 11 février 2020

Tout feu tout flamme #3 - Binti

"Tout feu tout flamme", ou "Nos éditeurs ont du talent", c'est une petite rubrique de billets d'humeur sur la sphère SFFF. À prendre pour ce que ça vaut, c'est à dire pas grand chose, mais surtout avec plus d'amusement que d'énervement. Sauf si on parle de Pygmalion bien sûr. Ou peut-être de crowdfunding.
Avec l'aimable, et involontaire, participation des membres du Dernier Discord Avant la Fin du Monde, précieuse source d'informations et de débats.
Avis aux associations : aucun éditeur ou auteur n'a été maltraité pour les besoins de ces articles. En tout cas pas volontairement.

Il était une fois un lecteur, qu'on appellera Lecteur λ. Lecteur λ aime lire des livres - quelle surprise, n'est-ce pas ? Un jour, il entre dans une librairie* bien achalandée en ouvrages d'une catégorie qu'il apprécie tout particulièrement : les livres d'imaginaire. Heureux, il parcoure les rayons et tombe sur une sublime couverture d'un profond bleu-vert rehaussé d'un éclatant jaune-or mettant en avant une femme à la peau sombre. Lecteur λ jette un oeil à la quatrième de couverture et s'avère tenté. Il embarque donc l'ouvrage - après l'avoir payé, bien entendu.
*Note pour le futur (NPLF) : une librairie était, dans l'ancien temps, un magasin qui vendait exclusivement des livres.

Une fois rentré chez lui, Lecteur λ ne résiste pas à la tentation d'entamer immédiatement la lecture de son dernier achat (oui, Lecteur λ est un être étrange qui aime lire ses livres rapidement et ne pas se laisser submerger par l'éventuelle croissance incontrôlée d'une Pile à Lire - ne le jugeons pas, tâchons d'être tolérant). Et là, surprise :

Photo garantie sans trucage.
Lecteur λ ferme le livre, inspecte la couverture puis la quatrième de couverture et s'étonne qu'il ne soit nulle part mentionné que cet ouvrage n'est pas un one-shot. "Puisque je l'ai acheté, autant le lire", se dit Lecteur λ. Il le lit donc et apprécie le moment qu'il passe. Suffisamment pour avoir envie d'en savoir plus sur ce qui semble être une série. Lecteur λ s'assoit donc devant son ordinateur** et part à la recherche d'informations.
**NPLF : un ordinateur était un très grand téléphone portable smartphone qui comportait généralement un clavier physique ainsi qu'un instrument, appelé souris, pour se déplacer sur l'écran.

Il cherche donc sur le site des Éditions ActuSF, ici ou , mais sans trouver satisfaction. Il se rabat alors sur le site d'ActuSF, qu'il pense forcément quelque peu lié à la maison d'édition du même nom. Il ne trouve rien ici mais tombe sur un élément intéressant :


"Parfait ! Il y a donc encore deux tomes à sortir", pense Lecteur λ, "je me tiendrai au courant des futures sorties".
FIN

Cette histoire pourrait s'arrêter ici. Mais, dans un univers parallèle, elle pourrait aussi se réécrire avec une nouvelle héroïne-lectrice, qu'on appellera Lectrice α - oui, vous vivez le début d'un Lecteur.ice Universe. Lectrice α est ce qu'on appelle une lectrice informée, elle s'intéresse un peu au milieu, suit les actualités, lit des blogs, ... Elle sait donc que Binti est une série de novellas. Elle a aussi vu passer l'information qu'il n'y aurait pas une mais deux novellas au sein de cette publication française. Étonnée en ne voyant aucune indication sur son ouvrage - enfin, pas trop non plus, car Lectrice α sait que les Éditions ActuSF ne sont pas à leur coup d'essai en matière de tomaison peu ou pas visible et qu'elles ne sont malheureusement pas les seules en France*** - elle part en quête de compréhension, un indice à la main :
***NPLF : Voir "Tout feu tout flamme #X - Cachez cette série que je ne saurais voir"

Nota : doigt vendu séparément.
Elle compare cette table des matières aux titres des novellas en version originale : Binti, Binti : Home et Binti : The Night Masquerade. Se basant sur "l'hypothèse des deux novellas", elle conjecture que Binti : Retour est sûrement la traduction de Binti : Home. Reste deux entrées pour une seule novella. "Pas impossible", se dit-elle, "mais cela mérite tout de même de continuer à fouiller un peu".

Elle fait bien car elle découvre une nouvelle information sur le compte twitter de l'autrice :

"Nota : une nouvelle histoire de Binti intitulée "Feu Sacré" paraitra dans l'intégrale l'année prochaine."
Sacred Fire ? Cela correspond au Binti : Feu sacré de la table des matières. Le site de l'éditeur originel américain confirme l'information : après être sorties unitairement, les trois novellas ont été republiées dans une intégrale où a été ajoutée une nouvelle prenant place entre la première et la deuxième novella, et qui se retrouve donc dans l'édition française.

Abasourdie après tant de mystères révélés, Lectrice α ressent le besoin de faire le point :




Épilogue

Pendant qu'elle y est, Lectrice α décide de jeter un oeil à la pagination, se demandant si la troisième et dernière novella n'aurait pas pu s'intégrer directement dans le volume présent, volume qui comporte 320 pages. Dans les versions originales, les trois novellas culminent, dans l'ordre, à 112 pages (88 pages en français), 160 pages (167 pages en français) et 208 pages - pour une intégrale, nouvelle comprise, de 368 pages chez un autre éditeur. Lectrice α sait bien que l'édition et la traduction ont leurs raisons que la raison ignore. Mais tout de même, en admettant un chiffre raisonnable de 225 pages pour la troisième novella, cela ferait un total de 545 pages - un calcul, 320 + 225, que Lectrice α réalise de tête, car on peut être en même temps littéraire et scientifique. Si seulement il existait des ouvrages de plus de 500 pages dans la collection Naos ou dans une autre collection des Éditions ActuSF pour vérifier l'hypothétique faisabilité du projet...
"Ce n'est clairement pas le plus grave, s'il n'y avait que ça tout irait bien ou presque ; enfin, tant qu'une intégrale ne sort pas l'année prochaine**** bien sûr", se dit Lectrice α. "Quand même, quel dur métier que celui de la communication."
****NPLF : Voir "Tout feu tout flamme #X : Des envies de mettre Pygmalion à feu et sang"

Un grand merci à Lune pour l'enquête conjointe et les photos !

samedi 8 février 2020

Naomi Novik - Déracinée

Déracinée, Naomi Novik, 2015, 504 pages

Le Dragon est un puissant sorcier vivant isolé dans sa tour de pierre et protégeant la vallée des assauts du Bois, une forêt maléfique tentant de s'étendre à la place des villages voisins en kidnappant leurs habitants. Tous les 10 ans, le Dragon vient chercher dans la vallée une jeune fille pour le servir. Kasia, parfaite en tous points, semble destinée à être la prochaine choisie. Mais à la surprise générale, c'est sa meilleure amie, la maladroite Agnieszka, qui se retrouvera emmenée par le sorcier.

Déracinée est une chouette aventure aux effluves de conte : une jeune héroïne, un sorcier, un bois maudit, ... Sauf qu'en l'occurrence, tout ne se passera pas comme prévu. La prévisibilité, c'est d'ailleurs une des choses qui n'est pas présente ici, le récit parvenant à rester surprenant pendant la majeure partie de l'intrigue. À cette première qualité s'ajoute une héroïne fort intéressante, à la fois typique et différente. Si Agnieszka s'avèrera avoir un don et y être en grande partie douée, elle n'en reste pas moins imparfaite et maladroite. Pour autant, elle n'est jamais énervante et/ou pleurnicheuse, sachant apprendre et réagir intelligemment.

Tout aurait pu être parfait et pleinement plaisant. Mais arrivèrent les 100 dernières pages. Une dernière partie trop longue, moins surprenante, plus confuse. Il y a pourtant de bonnes choses et même une bonne fin, mais le tout dure bien trop longtemps, surtout en comparaison de l'agréable rythme qui existait jusque-là. N'en demeure pas moins un bon roman doté d'une héroïne qui apporte de la fraicheur et d'une vraie aura générale.

Couverture : ? / Traduction : Benjamin Kuntzer
D'autres avis : Vert, lutin82, Célindanaé, Boudicca, Mariejuliet, ...

mercredi 5 février 2020

Bulles de feu #21 - Voyages

Le Voyage de Marcel Grob, Philippe Collin & Sébastien Goethals, 2018, 178 planches

Le 28 juin 1944, Marcel Grob, alsacien, est enrôlé de force dans l'armée nazie, et plus particulièrement dans la Waffen-SS. En 2009, à 83 ans, il est l'heure de rendre des comptes et de répondre aux questions du juge.

En évoquant l'histoire de son grand-oncle Marcel Grob, Philippe Colin parle plus généralement des « malgré-nous », ces français ayant été forcés à combattre du côté nazi. Un sujet important, qu'on entend peu dans les nombreuses BD sur cette période et qui offre une place de choix à la fameuse question "qu'aurions-nous fait à leur place ?".

Le Voyage de Marcel Grob est un ouvrage accessible dans le ton et dans le style. Pas de dédiabolisation, pas de recherche de larmoyant, c'est simplement la narration d'une histoire, parmi tant d'autres, qui poursuit le devoir de mémoire en apportant un angle rare. Le tout sonne juste. Une lecture nécessaire.

Les Voyages de Jules, Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet, 2019, 164 planches

Dans la lignée de Les Voyages d'Anna et Les Voyages d'Ulysse, Les Voyages de Jules est un ouvrage atypique pouvant se lire indépendamment - vu mes souvenirs des deux premiers volumes, ce fut quasiment le cas pour moi - narrant la vie de Jules Toulet, peintre amoureux de la mer.

L'intrigue est ici quasiment inexistante, mais ce n'est pas nécessairement un mal. Les Voyages de Jules adopte pleinement son statut d'oeuvre à part en proposant une forme totale de carnet de notes, avec griffonnages en marge, où se greffent de sublimes illustrations-tableaux d'Emmanuel Lepage et René Follet qui valent à elles-seules de feuilleter ce livre. Une vraie tranche de vie et de pensées avec en filigrane la littérature d'aventures de la fin du XIXème / début du XXème siècle et, toujours, la mer.

Un ouvrage hors-norme, qui tient autant - si ce n'est plus - de l'exposition que de la BD, fort particulier mais brillant d'incroyables éclats.

Quelques planches ici.

dimanche 2 février 2020

Emmanuel Chastellière - Célestopol

Célestopol, Emmanuel Chastellière, 2017, 346 pages

C'est en fusée que l'on se rend à Célestopol - comme le protagoniste au début de la première nouvelle. Et pour cause : la grandiose cité de l'empire de Russie se situe sur la Lune, à l'abri d'un gigantesque dôme de verre. Sous l'autorité du Duc Nikolaï, la ville est devenue, en ce XXème siècle fantasmé, la pionnière en matière de technologies grâce au sélénium, une ressource lunaire, permettant notamment la création d'automates perfectionnés.

Célestopol est un recueil de 15 nouvelles steampunk. Steampunk dans l'esprit, nécessairement, avec ce sélénium, sa brume et ces automates, mais bien loin des poncifs steampunk dans le ton. Plus qu'un recueil, Célestopol est un fix-up tournant autour de la ville éponyme et du Duc Nikolaï - l'un pouvant-il vraiment aller sans l'autre ? La découverte de ces deux fascinantes figures se fait en filigrane de récits axés sur leurs personnages et leur humanité, l'auteur parvenant habilement à développer à la fois des histoires en soi et un cadre d'ampleur. Un équilibre admirable où l'arrière-plan est aussi le premier plan, mais sans faire d'ombre au premier plan originel.

Ouvrage maitrisé, Célestopol ne reste pas au stade des promesses et des présentations mais finit aussi par oser un vrai développement - même si ce dernier pourra s'avérer quelque peu frustrant, ce qui n'enlève en rien à sa qualité. Le tout est un vrai grand plaisir de lecture, à tous les niveaux. Dans ses remerciements, Emmanuel Chastellière indique que d'autres textes basés sur Célestopol pourraient voir le jour. Prolonger l'aventure et parcourir une nouvelle fois les rues et canaux de la cité lunaire ? Avec grand plaisir !

Couverture : ?