samedi 29 juin 2019

Nina Allan - La Course

La Course, Nina Allan, 2016, 428 pages

Sapphire, sud de l'Angleterre, dans un monde qui ressemble sensiblement au nôtre et qui est pourtant légèrement différent. Les courses de lévriers sont désormais des courses de smartdogs, des chiens modifiés génétiquement pour favoriser le lien empathique avec leurs pisteurs. Lorsque sa fille se fait enlever, Del Hoolman, propriétaire de smartdogs, n'a pas le choix : il doit gagner le Delawarr Triple, la plus grande course de lévriers de l'année.

Ça vous parait un peu simpliste comme intrigue ? Détrompez-vous. La Course est bien plus que ce qu'il parait être. Et à ce titre, La Course fait partie de ces livres dont on ne peut quasiment rien dire sous peine de divulgâcher le plaisir de la découverte. Je vous en ai déjà trop dit - bien plus que les éditions Tristram, félicitations à eux pour cette audace - et, au risque assumé de ne pas être assez tentateur, je n'en dirai pas beaucoup plus.

Sachez tout de même qu'en lisant La Course, on ne sait jamais où la suite de l'histoire nous mènera, à un degré rare. Sachez que La Course est un roman foisonnant d'idées et de réflexions sur des thèmes divers, au point que sa propre critique se trouve en ses pages. Sachez que La Course est à la croisée du fix-up et du roman tout autant qu'à la croisée de la littérature blanche et de l'imaginaire. S'il devait y avoir un chainon manquant entre ces termes, La Course serait celui-ci. Sachez que La Course est à la fois très particulier et pourtant étonnamment facile à lire - à l'exception de quelques rares scènes rudes. Bien plus simple à mon sens, par exemple, qu'un Laurent Kloetzer ou un Christopher Priest, mais pas moins bon, bien au contraire.

Sachez enfin que La Course est un roman où il faut se laisser entraîner, où l'on ne comprendra pas forcément tout mais où l'émerveillement sera au rendez-vous. Sachez que La Course est de ces romans inhabituels, différents, qui méritent d'être vécus et laissent une trace. Sachez que vous devez lire La Course.

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lundi 24 juin 2019

Écran de fumée #12 - Good Omens / The Umbrella Academy

Good Omens, Terminée en 1 saison, 2019, 6 épisodes de 55 minutes

Mise en image de l'excellent livre De bons présages de Neil Gaiman et Sir Terry Pratchett, Good Omens est chapeautée par Neil Gaiman lui-même. De quoi rassurer, à raison, les fans du roman : la série est fidèle à l'oeuvre originelle avec notamment cet esprit british si caractéristique.

Si l'adaptation mérite en soi d'être regardée du simple fait de sa qualité, sa plus-value provient des prestations des excellents Michael Sheen et David Tennant qui incarnent à la perfection le duo Aziraphale/Rampa. Tous les acteurs sont - très - bons et toutes les sous-intrigues autour de la belle galerie de personnages sont agréables à suivre, le dosage étant, comme dans le livre, globalement réussi, mais la performance de Sheen/Tennant est réellement stellaire.

La série pousse même la comparaison avec le livre jusque dans ses points les moins positifs. Ainsi, comme dans le roman, au plus près de la fin du monde (ah oui, synopsis ultra résumé : un démon et un ange, vivant sur Terre, doivent s'unir contre les leurs pour lutter contre l'inévitable Apocalypse qui approche), globalement l'épisode 5, l'humour est moins présent pour laisser une plus grande place à l'action. Ce n'est pas mauvais, mais c'est un tout petit peu en-dessous du reste. Deux autres bémols sont à noter : quelques - très rares - scènes un peu trop violentes/beurk inutilement et, ma plus grosse déception, la voix tout à fait normale d'un certain personnage encapuchonné.

Que ces tout petits points de détails ne vous trompent pas : Good Omens est une très bonne série, très plaisante à regarder, tout aussi drôle qu'intelligente. Une adaptation à la hauteur du matériau d'origine, le tout en seulement 6 épisodes. Vous auriez tort de vous en priver, que cela soit en série ou en livre !

D'autres avis : Lorhkan, Vert, ...

The Umbrella Academy, Saison 1, 2019, 10 épisodes de 60 minutes

Ne vous fiez pas à sa première scène qui dénote complètement du reste : The Umbrella Academy est une bonne série, avec de vrais bons morceaux de science-fiction. Elle conte l'histoire d'une famille - recomposée - de super-héros, aux pouvoirs pas nécessairement flamboyants, qui se retrouvent, adultes, suite à la mort de leur père adoptif. Six frères et soeurs qui ne s'entendent guère mais qui vont pourtant devoir faire face à une terrible menace : la fin du monde.

The Umbrella Academy est dans le haut du panier des séries Netflix. Si elle n'est pas parfaite, le rythme, l'un des problèmes récurrents de la plateforme, reste meilleur que chez la plupart de ses consoeurs. Elle est bien aidée par la multiplicité des personnages, le vrai point fort de cette première saison. La série prend le temps de les (re)(dé)construire pour mieux que le spectateur s'y attache et change régulièrement de chouchou. Et ça fonctionne, les acteurs faisant très bien le boulot (mais quelqu'un doutait-il vraiment d'Ellen Page ?). Le tout dans une très jolie esthétique, très soignée, qui donne une impression de film plutôt que de série.

Mais si elle se suit avec plaisir, cette première saison reste frustrante, la faute justement à sa nature de saison 1 qui appelle nécessairement une saison 2, tant dans l'intrigue principale que pour de nombreux éléments annexes. Ça reste plaisant, voire très plaisant, et tout à fait recommandable... mais quand même un peu frustrant de n'avoir quasiment qu'une introduction. Néanmoins la série est peu portée sur l'amoncellement de petits détails et de fils narratifs complexes, il ne devrait donc y avoir aucun problème à reprendre la saison 2 après une longue pause. Et comme ça vous pourrez savourer au plus tôt le bijou qu'est l'épisode 6 !

D'autres avis : Xapur, Anudar, ...

mercredi 19 juin 2019

Carolyn Ives Gilman - Voyage avec l'extraterrestre

Voyage avec l'extraterrestre, Carolyn Ives Gilman, 2016, 33 pages

Les extraterrestres, ou plutôt leurs vaisseaux, sont apparus sur Terre. Impassibles pendant plusieurs mois, un "traducteur", humain enlevé enfant, finit par sortir et demander un trajet à travers les États-Unis pour lui et l'un des extraterrestres. C'est Avery qui se chargera de les conduire et qui aura donc peut-être l'occasion d'être la première à en apprendre plus sur ces étonnants visiteurs.

Voyage avec l'extraterrestre est exactement ce que son titre laisse présager : un road-trip humano-autre qui recycle efficacement et intelligemment le thème classique du premier contact en y ajoutant une belle réflexion sur la conscience. C'est à la fois très simple, quasi-linéaire, et pour autant très surprenant - et pas qu'une fois - d'un "étonnement simple" qui laisse songeur. Une belle surprise qui vaut le coup d'oeil.

Nota : lauréate du Grand Prix de l'Imaginaire 2019, la nouvelle est téléchargeable gratuitement sur le site du Bélial' jusqu'au 10 juillet.

vendredi 14 juin 2019

Vernor Vinge - Cookie monster

Cookie monster, Vernor Vinge, 2003, 101 pages

Embauchée au sein du service clients de LotsaTech - une entreprise technologique qui ferait pâlir Microsoft, Google et leurs confrères - Dixie Mae reçoit un étrange mail contenant des informations de son enfance connues, à priori, d'elle seule.

Et rien de plus ne peut être dit sur l'intrigue de cette novella - pas de divulgâchage ici, à la différence de Vernor Vinge quand il évoque d'autres oeuvres dans son récit... - tout l'intérêt reposant sur la découverte du mystère entourant ce message. Un mystère qui s'éclaircira peu à peu et qui aura de fortes chances de laisser le lecteur bouche bée.

Malgré un fond hard-SF - comprendre : à moins d'être spécialiste ou d'avoir envie de faire de grandes recherches, vous ne comprendrez pas tous les tenants et aboutissants techniques - Vernor Vinge parvient à garder un texte fluide et appréciable par le plus grand monde, les éléments principaux de compréhension restant à portée de tous. La fin, ouverte, est propice à une certaine frustration, mais c'est certainement mieux ainsi. Et puis l'essentiel est finalement déjà accompli : Cookie monster est un texte bluffant et vertigineux. Et son titre est parfait.

dimanche 9 juin 2019

Robert Heinlein - Marionnettes humaines

Marionnettes humaines, Robert Heinlein, 1951/1990, 403 pages.

2007 (dans le futur). Sam Cavanaugh, agent secret au sein de la Section, un service de renseignement ultra secret, est envoyé à Des Moines, Iowa, sur les traces d'une soucoupe volante. La conclusion est sans appel : des extraterrestres, capable de prendre le contrôle d'êtres humains en se collant sur leur nuque, ont débarqué. Comment lutter contre cette invasion ?

Nota : si on regarde Doctor Who, on ne pourra s'empêcher de voir des daleks dans les extraterrestres ici présents, d'autant plus que leur capacité n'est pas sans rappeler un épisode récent...

Marionnettes humaines démarre très fort puisqu'après une vingtaine de pages seulement les extraterrestres ont débarqué et commencé à envahir les États-Unis. Y a-t-il vraiment besoin de préciser que le roman sera rythmé et dynamique ? Ce qui est l'une de ses plus grandes qualités, avec le mystère de ces êtres venus d'ailleurs et des moyens de les combattre, un thème classique mais efficace. Et si cette lutte contre l'invasion est au coeur du récit, l'aspect le plus intéressant est peut-être avant cela, dans la manière de faire prendre conscience à tous du danger imminent et d'agir politiquement en conséquence, ce qui est loin d'être une sinécure. Remplacez l'invasion par la menace écologique et vous obtenez des chapitres parfaitement d'actualité.

Comme souvent avec Heinlein, le roman est daté. Il y a beaucoup de références à l'URSS, presque toutes en comparaison des extraterrestres, mais surtout des clichés sur les femmes à la pelle - sans compter une histoire d'amour bien niaiseuse. Pour autant, et c'est là le plus étonnant, Heinlein propose dans le même temps des passages et réflexions à contrepied de tout cela, et même une héroïne présentée comme étant plus forte que le héros. Une ambivalence assez perturbante.

Marionnettes humaines alternent continuellement le bon et le moins bon, entre haussements de sourcils dubitatifs et éclats dans les yeux à la suite d'une bonne trouvaille. Si sa lecture est acceptable, voire sympathique, elle n'en reste pas moins l'une de mes moins bonnes expériences avec l'auteur.

mardi 4 juin 2019

Bulles de feu #16 - Zidrou & friends

Emma G. Wildford, Zidrou & Édith, 2017, 100 planches

Angleterre, début du XXème siècle. Emma G. Wildford attend le retour de son fiancé, parti à l'aventure en Laponie, sur les traces d'une légende samie. Après un an d'absence sans nouvelle, la jeune femme prend à son tour la direction du nord, sous le regard choqué de l'époque.

Le personnage d'Emma G. Wildford, femme n'ayant que faire du regard de la société et bien décidée à vivre sa vie comme elle l'entend, fonctionne plutôt bien. (En tout cas bien mieux qu'une certaine Valentine Pitié.) Néanmoins, plus que le personnage, la qualité d'Emma G. Wildford tient surtout dans son esprit d'aventure et son récit quasi-initiatique, très plaisant à suivre.

Une bonne BD, pas nécessairement exceptionnelle, mais qui est assurément un cran au-dessus de la normalité, et ce notamment grâce à l'excellent travail d'édition. On trouve ainsi à l'intérieur des pages d'Emma G. Wildford quelques objets - photo, ticket d'embarquement et lettre - liés au récit et l'écrin se referme d'une double couverture à rabats magnétiques. Du détail, certes, mais qui donne ce petit plus, cette impression de lire quelque chose de différent. Et c'est parfois tout ce qu'il faut pour devenir marquant.

Tourne-Disque, Zidrou & Raphaël Beuchot, 2014, 102 planches

Invité au Congo belge pour donner un concert, le violoniste Eugène Ysaÿe se retrouve bloqué par un torticolis et doit prolonger son séjour. Ce sera l'occasion pour lui de faire une rencontre inattendue et marquante avec la culture locale.

Eugène Ysaÿe est un personnage réel mais cette histoire est, à priori, une totale invention. Cela n'en reste pas moins un intéressant coup de projecteur qui donne envie d'aller en lire plus sur cet homme. Pour continuer sur ce que n'est pas cette BD, le colonialisme y est une toile de fond qui apparait en filigrane mais est très loin d'être le point focal de l'histoire.

Mais alors, qu'est-ce qu'il y a dans ce Tourne-Disque ? Une histoire très simple, la rencontre de deux hommes unis par les liens de la musique. C'est simple, certes, mais ça ne fait que renforcer la gentillesse et l'émotion qui se dégagent de ce récit. C'est beau, tout simplement. Les mêmes compliments peuvent d'ailleurs s'appliquer aux dessins, dans un style très propre, et encore plus aux couleurs, très colorées et très chaudes. C'est simple, c'est beau, c'est efficace. Un petit bijou comme une douce mélodie.