samedi 19 avril 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Sept

Le Sang des 7 Rois : Livre Sept, Régis Goddyn, Tome 7/7 du Sang des 7 Rois, 2016, 430 pages

Après les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième tomes, voici venue l'heure de la conclusion pour Le Sang des 7 rois. Avec un tome globalement dans la lignée de son prédécesseur direct, c'est-à-dire à la fois dans une tranquille continuité sans grande surprise mais avec pourtant d'énormes bouleversements.

Ce qui est pratique, c'est que mon avis sur cet ultime livre correspond assez bien à mon avis sur l'ensemble de la série. Le point le plus flagrant, et peut-être le meilleur résumé des deux, c'est qu'ils comportent plein de qualités et plein de défauts. Qui se rapportent d'ailleurs le plus souvent aux mêmes éléments, comme si tous les choix faits par Régis Goddyn sont à la fois appréciables et critiquables, sans que l'un ne prenne réellement le pas sur l'autre. Entendons-nous bien : on ne lit pas près de 3000 pages sans que le positif soit supérieur au négatif. Mais si je devais résumer mon sentiment global, ma réponse la plus honnête serait : je ne sais pas.

Ce que je sais c'est que Régis Goddyn a le mérite d'aller au bout de ses idées et de son projet pour proposer quelque chose d'assez radical et unique. À tel point que, au-delà de mon paragraphe précédent, je ne sais pas du tout à qui cette série est conseillable et je serais assez curieux de connaître les retours que sa fin a pu susciter. Qu'on apprécie ou non cette évolution, le fait de proposer quelque chose de différent est en tout cas respectable. Ça ne compense pas totalement le manque d'émotion et de tension dramatique que j'ai pu ressentir alors que les évènements ont tout pour être marquants vu leur ampleur, ni mon doute concernant certains choix, mais je dois lui reconnaître un certain côté fun quand on se détache de ces préoccupations. Le Sang des 7 Rois n'aura pas eu ce côté 'wahou' qu'il aurait dû avoir, mais il aura tout de même été une bonne aventure.

Couverture : Yann Tisseron
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dimanche 13 avril 2025

Wendy Delorme - Viendra le temps du feu

Viendra le temps du feu, Wendy Delorme, 2021, 252 pages

Viendra le temps du feu prend place dans une dystopie tout ce qu'il y a de plus classique : les frontières sont fermées, la population est contrôlée, la parole n'est pas libre, ... C'est cette société que présente le roman, par la voix de plusieurs narratrices tentant d'y survivre voire d'y résister, pour la plupart issue d'une ancienne communauté de femmes qui vivait à ses abords avant d'être éradiquée.

Le mot-clé est "présente". Il n'y a pas réellement d'intrigue dans ce roman, pas de destination claire et concrète, au-delà de la croisée des chemins des personnages. Viendra le temps du feu est surtout une grande exposition d'une dystopie bien trop crédible. Et comme souvent dans les dystopies, l'important n'est pas la dystopie en elle-même mais la résistance qui s'y oppose, à base ici de sororité, de livres et de mémoire.

Il m'a manqué quelque chose pour être vraiment transporté par le roman, pour qu'il décolle et ne reste pas juste au stade de l'exposition. J'en ressors malgré tout avec un sentiment assez positif. Parce que c'est un ouvrage très respectable dans ce qu'il raconte et parce que l'écriture est accrocheuse, ayant cette capacité à rester fluide tout en étant teintée de poésie.
« Souvent, c'est moins le sens des mots qui rend pleinement ce qu'ils tentent de décrire, que le rythme qu'ils prennent à l'oreille qui entend, sans même qu'on les prononce. Car les mots qu'on écrit présentent ceci d'étrange qu'ils s'égrènent en musique résonnant seulement pour l'être qui les lit. Et c'est cette musique silencieuse et secrète qui dessine le mieux la forme de ce qu'ils disent. »
Couverture : Karine Rougier
D'autres avis : Yuyine, Zoéprendlaplume, Shaya, ...

lundi 7 avril 2025

Margaret Killjoy - L'Agneau égorgera le lion

L'Agneau égorgera le lion, Margaret Killjoy, Tome 1/? de Danielle Cain, 2017, 132 pages

Danielle Cain débarque à Freedom, une ancienne ville délabrée où vit désormais une communauté anarchiste. Elle est à la recherche de réponses sur ce qui a pu pousser son ami Clay, ancien citoyen de Freedom, à se suicider. Sa quête commencera par la découverte d'Uliksi, un cerf rouge à trois bois qui rend la justice et est suivi par un cortège d'animaux morts-vivants.

La première qualité de L'Agneau égorgera le lion, c'est de parvenir à rendre ce pitch parfaitement normal et logique dès les premières pages. Ça fait bien lever un sourcil à la première mention d'Uliksi - voire un deuxième à la vue de la vitesse d'intégration de l'héroïne, même si cela peut se justifier - mais il se rebaisse très rapidement tant cela laisse immédiatement place à une très bonne histoire fantastique, simple et efficace, à l'intrigue resserrée mais qui n'a aucun goût de 'pas assez'.

Mais ce qui fait passer la novella dans une autre dimension et lui donne tout son intérêt, c'est que cette part fantastique n'est pas juste là pour faire jolie, elle sert un propos. Avec tact et par petites touches, L'Agneau égorgera le lion questionne les fondements de la liberté, du pouvoir et de la justice. Elle traite d'anarchisme en somme, sans tomber dans le dithyrambique ou le prosélytisme. C'est donc tout autant une bonne base de réflexion qu'une plaisante histoire à lire, ce qui est globalement la définition d'une excellente novella.

Couverture : Anouck Faure / Traduction : Mathieu Prioux
D'autres avis : Vert, Yuyine, Le nocher des livres, Boudicca, Célinedanaë, ...

mardi 1 avril 2025

Bulles de feu #72 - Mars 2025

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Mouais


Deep It, "Deep" T.2/? - Marc-Antoine Mathieu

La suite du très marquant Deep Me. Sauf que ça ne reprend pas le côté fascinant du premier, seulement son aspect philosophique entrevu dans la conclusion et qui m'avait moins plu. Ce n'est pas mauvais mais ce n'est pas pour moi, j'ai trouvé ça assez vain.
Bien / Ok / Correct


Le Bateau de Thésée T.3-7/10 - Toshiya Higashimoto

Une bonne série, pas extraordinaire mais prenante et qui se lit toute seule. Malheureusement le fort potentiel laisse de plus en plus place a un côté assez artificiel.


Demeus Lor - Lewelyn et Sylvain Guinebaud

Un petit tome spin-off de l'excellente série Les 5 Terres prenant place entre les cycles 2 et 3. C'est tout à fait correct mais son format plus réduit fait que ça n'a pas l'ampleur et l'impact de la série principale.


Slam Dunk T.3-5/20 - Takehiko Inoue

Ça serait toujours mieux en pur manga de sport mais l'aspect "bastons lycéennes" a le mérite de faire sens dans cette partie. Le seul bémol c'est l'excentricité du héros, lassante et énervante.


Vagabond T.7-10/37 - Takehiko Inoue

Un manga de pur combat avec aussi peu d'actions et de mouvements et pourtant tellement de tension et d'intensité, c'est quelque chose d'assez unique.
Très bien

Au loin, une montagne - Chongrui Nie

Un très bon récit autobiographique où l'auteur retrace quelques moments marquants de sa jeunesse en tant qu'ouvrier dans la campagne chinoise. Ça parle d'amour de la montagne et de la nature mais surtout des affres de la Révolution culturelle, le tout dans un style crayonné beau et puissant, particulièrement dans les grands paysages magnifiés par le format à l'italienne.

mercredi 26 mars 2025

Catriona Ward - Mirror Bay

Mirror Bay, Catriona Ward, 2023, 395 pages

Etats-Unis, 1989. Wilder Harlow et ses parents partent en vacances au bord de la mer. Adolescent solitaire, harcelé et mal dans sa peau, il s'y fait rapidement deux amis, Harper et Nat. Tout semble idyllique, si ce n'est la disparition d'une femme et la légende du Rôdeur, qui photographie les enfants dans leurs chambres.

Mirror Bay est un roman difficile à présenter et à résumer. Contrairement à ce que le pitch ci-dessus peut laisser penser, ce n'est ni réellement une histoire d'éveil adolescent ni un thriller avec un trio de jeunes enquêteurs. Ça l'est dans une certaine mesure mais ce n'est pas là le plus important. Car Mirror Bay est surtout un roman surprenant, où les cartes sont plusieurs fois rebattues et viennent remettre en question ce que le lecteurice est en train de lire. Disons que plus qu'un livre sur des adolescents, c'est un livre sur les livres.

Le meilleur résumé que je peux faire de Mirror Bay, c'est de dire qu'il est conçu comme des poupées russes. C'est un jeu d'entremêlement qui est objectivement bien réalisé et maitrisé, notamment parce qu'il pousse le concept jusqu'au bout et offre un vrai bon nombre de tiroirs. Mon problème, c'est que si la forme est au top, je n'ai pas trouvé le fond à la hauteur. Il y a quelques bonnes réflexions sur le travail d'un écrivain et sur la vérité, mais je l'ai trouvé assez répétitif dans son discours - contrecoup de son format - et il ne m'a pas procuré de grand enthousiasme. Ce qui ne l'empêche pas d'être un ouvrage agréable à lire et tout à fait respectable, sans toutefois dépasser pour moi le stade du 'ok'.

Couverture : Rémi Pépin - Mathieu Rivrin - Moment - Getty Images / Traduction : Pierre Szczeciner
D'autres avis : Le Maki, Gromovar, ...

lundi 17 mars 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Six

Le Sang des 7 Rois : Livre Six, Régis Goddyn, Tome 6/7 du Sang des 7 Rois, 2015, 429 pages

Après les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième livres, on se rapproche de la fin de l'heptalogie de Régis Goddyn. Avec un tome que j'ai entamé en croyant avoir trouvé une bonne formule pour le résumer, lui et ses prédécesseurs : routinier. Un terme qui ne doit pas être vu que par son aspect négatif de manque de surprise mais aussi par le côté plus positif du plaisir de retourner en terrain connu où les choses vont bien se passer.

Mais ça, c'était avant que j'avance dans ce sixième livre. Sans rien divulgâcher, disons qu'il propose un petit changement de paradigme. Ce n'est pas une révolution étant donné que c'est la suite logique d'éléments aperçus puis explicités dans les cinq tomes précédents. Là où c'est surprenant, c'est le poids et la part du récit qui y est désormais consacrée. C'est très clairement devenu le point d'attention principal.

Ce changement a un côté très positif : cela crée un peu de nouveauté et rebooste l'intérêt, surtout que je trouve l'écriture de Régis Goddyn plus vive et vivante dans ces parties-là. Il apporte par contre un aspect plus négatif : bien que je comprenne le projet, il diminue quelque peu l'importance des récits suivis depuis cinq livres et donne à certains fils un côté assez vain. C'est tout le paradoxe assez unique de ce Livre Six : c'est un livre qui est bon en lui-même mais qui est plus discutable en tant que sixième tome.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

mardi 11 mars 2025

Ursula K. Le Guin - Le Langage de la nuit

Le Langage de la nuit, Ursula K. Le Guin, 1973-1979, 312 pages

Le Langage de la nuit est un recueil de 24 courts textes d'Ursula K. Le Guin composé d'essais, de préfaces et de discours. La thématique principale est surement la place et le rôle de la littérature d'imaginaire mais l'autrice y évoque aussi la manière d'en écrire, la place des femmes et la psychologie jungienne.

Les textes évoquant directement les oeuvres d'Ursula K. Le Guin sont surement ceux qui m'ont le plus parlé mais tous sont intéressants. Pour leurs idées en elles-mêmes mais encore plus pour voir à l'oeuvre la pensée de l'autrice, qui parvient à être à la fois ouverte et compréhensive tout en ayant des idées très affirmées. Ce qui fait presque regretter que le recueil se concentre sur une courte période de temps : ça permet une belle unité du recueil mais empêche de voir une potentielle évolution de ces idées.

S'il est certainement à réserver aux personnes déjà conquises par l'autrice ou à celles qui s'intéressent à l'analyse littéraire, Le Langage de la nuit est un bon recueil dont les propos sont, dans leur écrasante majorité, toujours d'actualité. Une nouvelle preuve de la brillance de l'autrice.

Couverture : Elena Vieillard / Traduction : Francis Guévremont
D'autres avis : Vert, Alys, ...

mercredi 5 mars 2025

Bulles de feu #71 - Février 2025

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Mouais


Blue Corner - Caribu Marley et Jirô Taniguchi

Un personnage charismatique et mystérieux et un début d'intrigue malin pour un one-shot de boxe, mais malheureusement plus ça avance et plus les choix sont discutables. Un très gros potentiel, un fil principal et un dessin solide, mais un résultat mitigé.
Bien / Ok / Correct


Vagabond T.6/37 - Takehiko Inoue

Un bon tome pour la moitié consacrée à Musashi, moins pour l'autre consacrée à l'antipathique Matahachi.


Fends le vent ! T.4-5/5 - Wataru Midori

Une bonne fin pour cette série qui n'a rien d'exceptionnel mais qui est agréable à lire et qui a surtout le mérite de mettre en avant le para-athlétisme.


La Revanche des bibliothécaires - Tom Gauld

Un paquet de bonnes idées et un paquet de références littéraires (globalement abordables) pour des strips entre "pas mal" et "très sympa". Du Tom Gauld quoi.


Une nuit de contes ordinaires - Ersin Karabulut

Un recueil de 23 nouvelles d'imaginaire (entre SF et léger fantastique) qui existent parfois pour l'idée en elle-même mais le plus souvent ont une portée sociétale et politique, dénonçant le totalitarisme et l'uniformisation. Plus de détails dans les avis de Gromovar, ici et .
Très bien


Teenage Mutant Ninja Turtles - The Last Ronin - Kevin Eastman, Peter Laird, Tom Waltz, Isaac Escorza, Ben Bishop et Luis Antonio Delgado

Un très bon comics de pure action, très cinématographique, dans un univers post-apo/dystopie futuriste, accessible sans connaissance préalable des Tortues ninjas.


Slam Dunk T.1-2/20 - Takehiko Inoue

Un manga qui sonne très années 80, surtout dans son aspect furyô et peu sérieux, mais toute la partie sportive/sérieuse - qui j'espère deviendra largement majoritaire - est vraiment très solide, ça envoie !


Luminary T.1-3/3 - Luc Brunschwig et Stéphane Perger

Une BD de superhéros sans beaucoup de passages superhéroiques, qui parle notamment d'oppression des minorités et de l'engrenage de la violence, dans un contexte américain des années 70 qui résonne fortement avec le présent. Seul bémol : une fin qui doit se dépêcher de conclure et qui reste très ouverte, un peu frustrante mais qui n'enlève rien à la qualité générale de la trilogie. Plus d'infos dans les avis complet de Gromovar : tome 1, tome 2 et tome 3.


Le Bateau de Thésée T.1-2/10 - Toshiya Higashimoto

Une mise en place un peu facile - un voyage dans le passé aléatoire et une intégration très simple du héros - qui se mue rapidement en un thriller qui commence très bien, une enquête tendue et prenante.


Friday T.1-3/3 - Ed Brubaker et Marcos Martin

Une relecture (aussi plaisante que la première fois) des tome 1 et tome 2 pour profiter pleinement de ce dernier tome. Une excellente trilogie, un polar fantastique qui rend un très bel hommage à ces enquêtes fantastiques de jeunes détectives des années 80. Un chouïa de "facilités" dans ce dernier tome l'empêche d'atteindre le rang de chef-d'oeuvre mais ça n'enlève rien à toutes ses qualités : un scénario léché, une narration fluide et agréablement contée, un joli dessin parfaitement dans l'ambiance et une héroïne attachante.

jeudi 27 février 2025

Terri Windling - L'Épouse de bois

L'Épouse de bois, Terri Windling, 1996, 309 pages

À la mort de Davis Cooper, un poète avec qui elle correspondait régulièrement, Maggie Black hérite de sa maison située au milieu du désert de Sonora, en Arizona. L'occasion pour elle d'enfin écrire la biographie de son ami, et de chercher à comprendre comment il a pu être retrouvé mort noyé dans le lit d'une rivière asséchée.

Je ne suis pas à l'aise avec les classifications de genre mais je pense pouvoir dire que L'Épouse de bois appartient à la mythopoétique et au réalisme magique tant il correspond bien aux termes en eux-mêmes. Il y a une création de mythes, il y a de la poésie, il y a du réalisme et il y a de la féérie. Ces quatre éléments étant tout aussi importants les uns que les autres, s'amalgamant pour former quelque chose de plus grand et de plus beau : L'Épouse de bois.

Tout commence par la découverte d'un cadre moderne et crédible, les abords désertiques de Tucson, un cadre naturel qui n'est pas pour autant déconnecté de la vie citadine. Un cadre où vivent des personnages eux-aussi crédibles, pas forcément ordinaires mais réalistes. J'insiste un peu trop sur ce début de roman mais je crois que c'est un élément important de sa réussite, au moins sur moi qui ne suis pas un grand amateur de littérature merveilleuse : avant même l'apparition de l'imaginaire, c'est une première découverte via les yeux de l'héroïne - aux réactions tellement appréciables - qui permet de rentrer facilement dans le roman et de s'y attacher. Et qui donne encore plus de sens et de compréhension à l'apparition du fantastique, nous mettant dans le même état d'acceptation que Maggie.

L'Épouse de bois a été une excellente surprise. C'est un livre à l'ambiance tout à fait unique, avec sa propre mythologie inspirée des oeuvres de Brian Froud - illustrateur de la couverture et cité dans le récit lui-même, pour un côté méta qui va très bien avec les frontières floues de ce réalisme magique. C'est un récit sans grande péripétie qui va à l'essentiel tout en construisant un univers marquant et vrai, qui fait la part belle à la poésie et à l'imaginaire tout en restant toujours logique et palpable. C'est un tour de force et un excellent roman.

Couverture : Brian Froud / Traduction : Stéphan Lambadaris
D'autres avis : Vert, Valériane, Zoéprendlaplume, ...

vendredi 21 février 2025

Marlon James - Brève histoire de sept meurtres

Brève histoire de sept meurtres, Marlon James, 2014, 846 pages
« Est-ce le trac, ou serais-je en train de comprendre que même si le Chanteur est au coeur de cette histoire, ce n'est pas réellement la sienne ? Comme s'il en existait une autre version, qui ne le concerne pas lui mais concerne son entourage, ceux qui gravitent autour de lui et qui pourraient fournir un tableau plus intéressant que moi lui demandant pourquoi il fume de la ganja. »
Le 3 décembre 1976, deux jours avant un concert pour la paix auquel il doit participer, sept hommes font irruption au domicile de Bob Marley pour l'abattre. Cet évènement historique est le point de départ de cette Brève histoire de sept meurtres qui évoque, de 1976 à 1991, les possibles raisons et conséquences de cette tentative d'assassinat, fictionnalisant sur ce qui semble être une très solide base historique.

Au contraire de ce qu'indique son titre, Brève histoire de sept meurtres est un ouvrage massif qui détaille les luttes de pouvoir jamaïcaines où les factions politiques sont étroitement liées aux gangs qui font la loi dans les quartiers pauvres de Kingston et dont l'influence s'étendra au fil du temps en dehors du pays. C'est un récit violent où se mélangent drogues, meurtres, viols, corruption et tout ce qui va avec. C'est surtout une somme de travail impressionnante qui a une grande qualité et un grand défaut.

Son défaut, c'est d'être aussi volumineux sans pour autant avoir un grand fil narratif clair. Brève histoire de sept meurtres ressemble souvent plus à une fresque qu'à un roman et cela peut parfois faire un peu décrocher. C'est heureusement rattrapé par sa plus grande qualité : l'écriture de ses personnages. Tout est narré via les points de vue internes de plus d'une dizaine de narrateurs différents. Et chacun a sa voix propre, sa manière de réfléchir et de s'exprimer, ce qui donne une lecture très vivante malgré l'éventuel manque de finalité romanesque. Un manque, une ampleur, qui est d'ailleurs admis et justifié à l'intérieur même du livre :
« Euh, à un moment donné on doit développer l'histoire. On ne peut pas seulement lui donner de la cohérence, il faut aussi de l'ampleur. Les choses n'arrivent pas dans le vide, il y a des conséquences, des répercussions, et parallèlement la planète continue à tourner, qu'on participe ou pas. Sinon, c'est juste le récit d'un truc qui s'est passé quelque part, et ça on peut le voir tous les jours au JT. »
C'est là que se situe cette Brève histoire de sept meurtres. Marlon James n'enchaîne pas juste des faits, il leur donne une réalité et un impact. J'ai mis un peu de temps à connaître mon propre avis sur ce livre et à savoir exprimer ce qu'est finalement ce roman. J'ai fini par trouver une comparaison : c'est une sorte de The Wire version jamaïcaine. Il m'a peut-être manqué un petit quelque chose pour atteindre le coup de coeur mais je ne peux dans le même temps qu'admirer et respecter tout le travail et l'intelligence de Marlon James. C'est une fresque oui, mais quelle fresque !

Couverture : d'après le design de Gregg Kulick - © Rolf Nussbaumer - Getty Images / Traduction : Valérie Malfoy
D'autres avis : Gromovar, ...

samedi 15 février 2025

Adrian Tchaikovsky - Le Dernier des aînés

Le Dernier des aînés, Adrian Tchaikovsky, 2021, 175 pages

Lynesse Quatrième Fille, princesse de Praimesite, déplore le manque de réaction de sa famille à l'annonce d'une présence démoniaque à l'orée de leur royaume. Bravant la montagne, elle va requérir l'aide de Nyrgoth, un puissant sorcier. Nyrgoth qui s'appelle en fait Nyr Illim Tevitch et qui est un anthropologue terrien en mission d'observation et qui n'est pas censé interférer avec la vie locale.

Le Dernier des aînés est une mise en application concrète de la troisième loi de Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ». L'histoire est racontée en alternance selon les deux points de vue de Lynesse et de Nyr et peut se rattacher à un genre différent selon le ou la protagoniste : le récit de Lynesse est une histoire de fantasy quand le récit de Nyr est une histoire de science-fiction.

Au-delà de l'astucieuse idée, bien rendue par Adrian Tchaikovsky, Le Dernier des aînés est une bonne aventure qui n'a rien de spectaculaire mais qui est efficace et bien menée. Peut-elle réconcilier les personnes ne jurant que par l'un des deux genres ? J'en doute. Mais elle prouve bien que les frontières entre les genres n'ont que peu de sens, les deux étant aussi à même de développer des personnages et des réflexions. C'est notamment le cas ici concernant le rapport à soi et aux autres, un questionnement qui porte tout autant qu'il soit entouré de magie ou de technologie.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Henry-Luc Planchat
D'autres avis : Tigger Lilly, Vert, Le Maki, Gromovar, FeydRautha, Célinedanaë, Anudar, Apophis, Lectures du panda, Herbefol, ...

dimanche 9 février 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Cinq

Le Sang des 7 Rois : Livre Cinq, Régis Goddyn, Tome 5/7 du Sang des 7 Rois, 2015, 413 pages

Après les premier, deuxième, troisième et quatrième livres, ce cinquième tome poursuit toutes les aventures entamées précédemment, de manière quasiment routinière. Tout suit son cours presque trop normalement, laissant l'impression finale que le récit n'a pas grandement avancé alors qu'il s'est pourtant passé un paquet de choses. Et je ne sais honnêtement pas dire ce qu'il en est vraiment. Un peu des deux sûrement.

Le vrai problème de la série, et qui induit l'impression ci-dessus, c'est qu'elle manque d'émotions. La valse des personnages - des pions - sur le plateau du monde est indéniablement maitrisée, tout comme l'alternance des points de vue qui permet de faire vivre l'univers sur un temps long, mais je ne vibre pour aucun d'eux. Je suis leurs aventures avec plaisir et avec l'envie de savoir comment cela va finir, mais il me faut toujours un moment pour me souvenir de qui est qui - et encore, pour celleux qu'on voit régulièrement. Tout est un peu trop plat et mécanique, ce qui fait que même l'élément surprenant entraperçu dans les premiers tomes, maintenant dévoilé au grand jour, a déjà perdu tout sentiment d'excitation alors qu'il devrait être époustouflant. À voir si les deux derniers tomes permettront de rebooster un peu tout cela.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

lundi 3 février 2025

Bulles de feu #70 - Janvier 2025

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Thermae Romae T.1/6 - Mari Yamazaki

Un manga improbable essentiellement consacré aux thermes romains, avec une dose de voyage dans le temps pour faire un astucieux parallèle avec l'importance des bains dans la culture japonaise. Je ne sais pas comment ça peut ne pas devenir lassant vu que c'est déjà répétitif dans ce premier tome, mais l'idée reste incroyable.


Fends le vent ! T.3/? - Wataru Midori

L'histoire suit son bonhomme de chemin et s'ancre pleinement dans son époque avec l'apparition du covid.


L'An zéro, 2ème partie, Batman DC Renaissance T.5/9 - Scott Snyder, James Tynion IV, Greg Capullo et Andy Clarke

Une bonne BD d'action.


Vagabond T.4-5/37 - Takehiko Inoue

Le tome 5 est particulièrement impressionnant, un unique combat qui se termine sur un cliffhanger et qui se lit en apnée du début à la fin.


Doomboy - Tony Sandoval

Une sympathique BD, tout en rondeur et en douceur, sur fond de deuil et de doom metal.


Le Piano oriental - Zeina Abirached

Une très sympathique double biographie de l'autrice et d'un de ses aïeuls, inventeur du piano oriental. Un peu chargé graphiquement au début mais on s'y fait et ça recèle plein de bonnes petites trouvailles et d'astucieux agencements. Ce n'est pas parfait mais c'est un vrai bon moment de lecture.
Très bien


Hirayasumi T.6/? - Keigo Shinzo

Un tome qui touche juste sur la question de l'inutile et la manière d'être heureux.


The Bugle Call T.3/? - Mozoku Sora et Higoro Toumori

Un nouveau très bon tome qui continue de développer l'histoire tout en augmentant le focus sur les personnages.


Frnck T.1/? - Olivier Bocquet et Brice Cossu

Un très bon premier tome, fun et dynamique (et la preuve que les voyelles ne sont pas si importantes que ça).


Adieu Eri - Tatsuki Fujimoto

Ce n'est pas aussi touchant que Look Back mais c'est un nouveau très bon one-shot de l'auteur. Un manga surprenant sur la postérité et l'image qu'on laisse de nous, jamais déprimant malgré l'omniprésence du thème de la mort. Très malin sur le fond et sur la forme, Tatsuki Fujimoto proposant un manga qui se regarde vraiment comme un court-métrage.


La Malédiction de Gustave Babel, Les contes de la Pieuvre T.1/? - Gess

Un étrange mélange de début du XXème siècle, de mafia tentaculaire, de tueurs aux légers pouvoirs, d'onirisme, d'un peu de fantastique et de poésie baudelairienne. L'opacité se dévoile très rapidement et ça devient un pur plaisir, une histoire classique mais solidement contée dans un univers qui a une âme.


Evol T.2-3/? - Atsushi Kaneko

C'est brut, c'est violent, ce n'est pas sain mais c'est très bien et ça fait malheureusement sens.

mardi 28 janvier 2025

Francis Scott Fitzgerald - L'Étrange Histoire de Benjamin Button

L'Étrange Histoire de Benjamin Button, Francis Scott Fitzgerald, 1922, 101 pages

Tout le monde (ou presque) connait le pitch de L'Étrange Histoire de Benjamin Button : au lieu d'être un bébé normal, Benjamin Button nait en ayant l'allure d'un vieillard. Puis, au lieu de vieillir, il rajeunira tout au long de sa vie.

Et une fois que vous savez cela, vous savez tout de cette nouvelle de Francis Scott Fitzgerald. Il ne s'y passera rien de plus. L'idée de base est remarquable mais elle n'amène à rien : ni péripéties ni réflexions réellement intéressantes. Ça se lit facilement et sans déplaisir mais cela ne l'empêche pas d'être un texte insignifiant au-delà de son idée initiale.

Cette nouvelle ne faisant qu'une soixantaine de pages, ce petit recueil est complété d'un deuxième texte, La lie du bonheur. Un récit là aussi plutôt agréable à lire mais dont je cherche encore à savoir à quoi il mène et quel est son objectif. Je l'ai trouvé malheureusement vain.

Couverture : Biljana Nikolic - EyeM - Getty Images / Traduction : Véronique Béghain
D'autres avis : ...

mercredi 22 janvier 2025

Chris Vuklisevic - Du thé pour les fantômes

Du thé pour les fantômes, Chris Vuklisevic, 2023, 439 pages

Félicité et Agonie sont deux soeurs qui ne se sont pas vues depuis des dizaines d'années. Deux soeurs un peu particulières : l'une dialogue avec les fantômes pour leur permettre de partir en paix quand l'autre est une sorcière recluse au fond des montagnes. Mais la mort de leur mère va réunir les jumelles et les mettre en quête de leurs origines.

C'est peu dire que Du thé pour les fantômes commence de manière déstabilisante. Les personnages sont peu sympathiques, les capacités d'Agonie font frissonner, la place et le rôle du narrateur est peu clair, l'enjeu du récit n'est pas évident et le tout n'est pas conté de manière linéaire. L'ensemble donne une sensation vraiment étrange qui a eu du mal à m'accrocher. Mais pourquoi autant de personnes ont bien pu adorer ce roman ? C'est en poursuivant que j'ai compris.

Du thé pour les fantômes est un roman qui ne cesse de s'améliorer au fil de ses pages. Il m'aura défintivement acquis à sa cause lors d'un sublime passage à deux voix, aussi réussi sur le fond que sur la forme, qui dit parfaitement les rancoeurs et les points de vue différents que deux personnes peuvent acquérir, sans que l'une ait plus raison que l'autre. C'est un point de bascule pour moi mais ce n'est pas une rupture, c'est seulement l'aboutissement - le premier aboutissement - d'une grande maitrise de la part de Chris Vuklisevic dans sa construction du récit.

Du thé pour les fantômes est donc un livre qui se dévoile peu à peu, au niveau de ses personnages comme de son histoire. Si tout parait d'abord un peu bizarre, l'impression finale est tout autre : chaque mot est dosé, chaque mot compte, chaque mot est utilisé à bon escient. D'une manière extrêmement satisfaisante, tout finit par faire totalement sens et avoir ses raisons d'être jusqu'à se terminer en apothéose.

Il y aurait énormément de choses à dire sur ce roman. Je n'ai pas évoqué le cadre ultra-réaliste de la région niçoise, je n'ai pas évoqué toutes les bonnes idées liées aux thés et aux fantômes, je n'ai pas évoqué ces passages qui parviennent à donner du baume au coeur malgré l'ambiance tragique, je n'ai pas évoqué la réflexion globale sur l'identité, la sérénité et l'acceptation. Je n'ai pas évoqué tout ce qui fait que ce roman est un très très beau roman. Mais je n'ai pas besoin de le faire parce qu'il n'y a qu'une seule chose que vous vous devriez faire : le lire.

Couverture : Cécilia Leroux
D'autres avis : Sabine, Yuyine, Sometimes a book, Célinedanaë, Boudicca, Snow, Vert, shaya, ...

jeudi 16 janvier 2025

TJ Klune - La Maison au milieu de la mer céruléenne

La Maison au milieu de la mer céruléenne, TJ Klune, 2020, 474 pages

Linus Baker travaille au Ministère de la Jeunesse Magique, en charge d'évaluer des orphelinats. Il mène une vie assez austère, solitaire et routinière jusqu'au jour où il est envoyé en mission sur l'île de Marsyas, dans un étrange et secret orphelinat qui accueille des enfants "particuliers", dont notamment l'Antéchrist.

La Maison au milieu de la mer céruléenne n'est pas un roman qu'on lit pour son scénario. Ses grandes lignes sont facilement prévisibles : il y aura une romance (qui m'aura laissé indifférent dès le départ), le personnage principal va s'émanciper en découvrant une vie plus heureuse et tout finira bien. C'est limpide dès le départ.

La Maison au milieu de la mer céruléenne est-il un roman ennuyant pour autant ? Pas du tout. Parce qu'il a une énorme qualité : ses personnages. Tous plus adorables les uns que les autres individuellement, ils forment collectivement un groupe encore plus attachant. Ce qui fait que les deux meilleurs moments du livre sont deux péripéties assez anodines, deux activités de groupe, qui se vivent comme des bulles de bonheur.

Si La Maison au milieu de la mer céruléenne n'est pas un coup de coeur pour moi (mais tout de même une très agréable lecture), je comprends très facilement pourquoi ça a pu l'être pour beaucoup. TJ Klune y fait preuve d'une grande représentativité et d'une aura positive, sans pour autant prétendre révolutionner le monde. Il apporte simplement sa pierre à l'édifice et offre surtout un moment de paix et d'espoir aux lecteurices, comme de belles vacances au bord d'une mer céruléenne.

Couverture : Peter Stanimirov / Traduction : Cécile Tasson
D'autres avis : Sabine, Sometimes a book, OmbreBones, ...

vendredi 10 janvier 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Quatre

Le Sang des 7 Rois : Livre Quatre, Régis Goddyn, Tome 4/7 du Sang des 7 Rois, 2014, 401 pages

Après les premier, deuxième et troisième livres, ce quatrième tome poursuit les aventure d'Orville, de Rouault, de Jof, de Fanette, de Braseline, de Rosa, de Fernest, d'Asertimas, de Pétrus, de (...). Et ceci n'est réellement qu'une petite partie des protagonistes de cet univers. C'est peu dire que c'est riche en personnages, et cela rend l'enchaînement des tomes quasi-obligatoire pour ne pas s'y perdre. Rien que plusieurs mois entre deux volumes et quelques subtilités se perdent en route.

Ce qui n'empêche pas de tout de même s'y retrouver assez vite, les différents fils étant assez différents et ponctués de scènes suffisamment marquantes pour laisser des images en tête. Le contrecoup positif de cette multiplicité des points de vue, c'est qu'il permet de se concentrer sur les moments importants et de faire plus facilement passer les temps morts. C'est doublement une bonne chose car l'écriture est parfois un peu trop mécanique dans les passages d'exposition et d'exploration, elle est bien plus vivante dès lors qu'il y a des interactions.

Après trois tomes ressemblant à une longue descente aux enfers, c'est la résistance qui s'organise plus concrètement dans ce quatrième livre. Tout n'est pas parfait mais force est de constater que ça se lit vraiment bien et surtout qu'il y a une ampleur assez folle dans l'univers développé. Ça a des conséquences terribles sur le plan humain mais ça donne un sentiment assez vertigineux qui est assez satisfaisant.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...