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dimanche 26 juin 2022

Lavie Tidhar - Aucune terre n'est promise

Aucune terre n'est promise, Lavie Tidhar, 2018, 253 pages

En 1903, lors du sixième Congrès sioniste, Théodore Herzl propose la création d'un état juif en Afrique. C'est le "Projet Ouganda", projet qui sera rejeté après l'envoi d'une mission sur place. Et si... Et si l'État d'Israël ne s'était pas créé au Moyen-Orient mais en Afrique ?

"Et si... ?". La phrase synonyme d'uchronie. Aucune terre n'est promise est une uchronie, indéniablement. Mais si l'expression n'était pas irrémédiablement galvaudée, on pourrait presque dire qu'elle est plus qu'une uchronie. Car si l'on s'attend à juste découvrir ce qui aurait pu se passer avec une installation juive massive en Afrique, on risque d'être surpris devant la tournure des évènements qui fait appel à d'autres tropes de la SF. En tout cas moi j'ai été surpris. Agréablement, je crois.

Aucune terre n'est promise a une qualité primordiale : bien qu'il s'agisse d'un ouvrage à message, ou tout du moins à réflexion, son récit tient la route et s'apprécie pour lui-même, sans que l'enjeu intellectuel prenne le pas sur l'enjeu 'physique'. C'est un roman agréable à lire, qui a de légères tendances mindblowing, notamment dans ses petites mises en abyme, mais qui réussit l'exploit de rester toujours suffisamment palpable.

Aucune terre n'est promise m'a un peu rappelé Ring Shout de P. Djèli Clark. Plus pour mon ressenti à la lecture que pour les histoires en elles-même - et encore, les deux se servant finalement des codes de l'imaginaire pour évoquer de manière flagrante une situation de notre réalité. Ainsi, si je ne peux pas dire que j'ai eu un attachement immense pour les personnages, le récit m'a gagné à sa cause au fil des pages. Et si ce n'est pas le grand coup de coeur, j'ai un profond respect pour cette oeuvre dont je n'ai certainement pas réussi à saisir toutes les subtilités et intelligences. La "faute" à une certaine nébulosité qui - et c'est un peu un comble - est aussi l'élément qui m'a sûrement permis de trouver mon chemin et mon plaisir entre ses pages. Une seule chose compte : c'est très respectable et très recommandable.

Couverture : Kévin Deneufchatel / Traduction : Julien Bétan
D'autres avis : Tigger Lilly, Lhisbei, Gromovar, TmbM, Yuyine, Cédric, Marc, Sometimes, ...

mardi 19 avril 2022

Christian Chavassieux - Je suis le rêve des autres

Je suis le rêve des autres, Christian Chavassieux, 2022, 168 pages

Malou a 7 ans et il a fait un rêve. Un rêve qui pousse les anciens de son village à le considérer comme un potentiel réliant, un être qui peut communiquer avec les esprits. Mais pour en être sûr, il doit faire un long voyage pour rencontrer un conseil de sages. Il sera accompagné par Foladj, un vieil homme ayant l'expérience du voyage.
« Ainsi commença le voyage du petit Malou et du vieux Foladj. Aventure qui ne bouleversa d'autres destins que les leurs, n'entraîna aucune guerre ou révolution, ne fut même pas exemple de sagesse ou de piété, pas plus que source d'embarras ou d'indignation. Aventure qui ne concerna que ces deux-là, fut pour eux d'un prix élevé, leur apporta une grâce qu'on ne trouve dans la plupart des âmes qu'en miettes et en souillures. »
Tout est résumé dans cette conclusion du premier 'chapitre'. Je suis le rêve des autres est un ouvrage très simple, une balade initiatique que l'on vit avec l'émerveillement du petit Malou et l'expérience du vieux Foladj. C'est un véritable voyage qui a la qualité d'aller en se bonifiant sans cesse. Les premiers kilomètres m'ont pourtant presque refroidi : j'ai trouvé ça assez naïf, voire trop bienveillant - ce que je ne savais pas pouvoir penser. Malou est trop extraordinaire et parfait et Foladj est lui trop mielleux. Heureusement, la route est longue.

Car à force de pérégrinations, et surtout grâce à l'apparition de quelques éléments perturbateurs, toujours légers mais apportant une nécessaire aspérité, l'alchimie se met à opérer. La montée en puissance est totale jusqu'à une excellente fin douce-amère, loin de la mièvrerie initiale, pleine d'espoir et de positif. Trouver sa voie, choisir sa voie, changer sa voie, c'est là l'un des thèmes principaux de ce très bon Je suis le rêve des autres. Christian Chavassieux a pour sûr depuis maintenant plusieurs ouvrages trouvé la sienne : nous partager émotions et réflexions à travers son agréable plume.
« C'est ce qu'on appelle un paradoxe : il faut commencer à connaître les choses pour mesurer à quel point les ignorer était mal. »
Couverture : Kévin Deneufchatel
D'autres avis : Yuyine, ...

mercredi 2 février 2022

Amal El-Mohtar & Max Gladstone - Les Oiseaux du temps

Les Oiseaux du temps, Amal El-Mohtar et Max Gladstone, 2019, 189 pages

Rouge appartient à l'Agence. Bleu appartient au Jardin. Deux entités qui luttent dans une guerre sans fin pour le contrôle du monde, des mondes, en agissant par petites touches à travers l'espace et le temps. Profondément ennemies, Rouge et Bleu vont pourtant entamer une correspondance qui va les rapprocher plus intimement que toutes deux auraient pu l'imaginer.

Ma compréhension et ma vision de ce texte est assez simple. C'est une relation, d'abord haineuse puis amoureuse, entre deux Seigneurs du temps. Leurs déplacements, leurs actions, leurs vies tout entièrement, sont hors du commun et totalement wibbly wobbly, timey wimey. Et c'est aussi inenvisageable que fun.

Les Oiseaux du temps est un bon roman. Je suis néanmoins bien loin du coup de coeur - hormis pour le sublime titre VO This is how you lose the time war - pour la principale raison qu'il s'agit essentiellement, strictement, d'une romance. Si elle est originale et bien menée, notamment de par sa forme symétrique et pour moitié épistolaire, elle ne m'aura pas touchée pleinement et m'aura un peu lassée sur le long terme, n'ayant pas un attachement total aux deux personnages. La faute surement à des évènements toujours plus, toujours trop, qui m'auront perdus en route.

Les Oiseaux du temps reste néanmoins une lecture intéressante, dotée d'une très belle forme, qui propose quelque chose qui sort de l'ordinaire. Avec pour point d'orgue l'amour de ces deux êtres, mais aussi l'amour de la correspondance, l'amour du temps qui passe, l'amour d'une certaine désuétude, l'amour d'un temps que les moins... Vous connaissez la chanson :
« Très chère Bleu, da ba dee, da ba da »
Couverture : Kévin Deneufchatel / Traduction : Julien Bétan
D'autres avis : Yuyine, Lune, Yogo, Lianne, L'Ours inculte, Célinedanaë, Vanille, Elessar, Lianne, Le Chroniqueur, Vanille, Sabine, ...

samedi 2 octobre 2021

Pierre Léauté - Je n'aime pas les grands

Je n'aime pas les grands, Pierre Léauté, 2020, 369 pages

Augustin Petit est un soldat français, blessé lors de la Première Guerre Mondiale et revanchard. Revanchard ? Oui, car la guerre s'est terminée en 1919 par une victoire allemande. Pour Augustin, les coupables ne font aucun doute : les grands. Et il va, petit à petit, imposer sa vision au reste du monde.

Toute ressemblance avec des faits ayant existé n'est absolument pas fortuite. Car si le monde décrit par Pierre Léauté est uchronique, il n'en demeure pas moins un quasi-copier/coller de la montée du nazisme, très documenté et référencé, où Petit remplace Hitler et les grands remplacent les juifs. Cet improbable décalage accentue le caractère absurde des totalitarismes et apporte une légèreté bienvenue qui permet de réviser plaisamment les mécanismes nationalistes et la manière dont ils peuvent se porter aisément au pouvoir, n'importe où, de la même manière que le lecteur se laisse porter par le récit.

Si les deux premiers tiers du roman suivent une trame connue, Pierre Léauté s'offre un peu plus de liberté dans le dernier, amenant à réfléchir sur la capacité humaine à oublier les horreurs du passé et à les réitérer. Le tout en accentuant encore plus le côté humoristique de son livre, multipliant les utilisations étonnantes de personnages connus ou les références cinématographiques - jusqu'à Star Wars mais principalement vers du plus ancien comme Don Camillo ou La Traversée de Paris. Cet aspect reste toutefois fait de manière assez intelligente et tient plus du clin d'oeil, n'entachant pas le bon déroulé de la lecture s'il n'est pas remarqué.

Je n'aime pas les grands est, aussi étonnant que cela puisse paraitre, un amusant et agréable livre sur la montée des nationalismes et des dictatures. Un rappel qui ne peut jamais faire de mal, surtout à notre époque où l'oubli fait son chemin.

Couverture : Kévin Deneufchatel
D'autres avis : Gromovar, ...

mercredi 23 septembre 2020

Emmanuel Brault - Walter Kurtz était à pied

Walter Kurtz était à pied, Emmanuel Brault, 2020, 243 pages

« La route dessinait notre futur, qui tiendrait tout entier en une règle : avancer, toujours. »
Dany et Sarah vivent avec leur père, parcourant le monde dans leur Peugeot 203. Ce sont des Roues, une humanité liée corps et âme à l'automobile, ne vivant plus que pour rouler, pleinement épanouie. Mais tous les hommes ne sont pas des Roues. Il existe aussi des Pieds, vivant en communauté sédentaires, une engeance haïe par les Roues pour les accidents de la route qu'elle peut provoquer.

Walter Kurtz était à pied était un ouvrage étonnant, déroutant, qui vaut tant dans la métaphore évidente qu'il propose que par son aspect premier degré, satisfaisant en soi - et ce même si on n'est pas porté sur les voitures. Emmanuel Brault n'assène pas, ne prêche pas, il déroule et conte un monde si différent et si proche à la fois.

L'intrigue est mince - mais suffisante - l'ouvrage étant plus l'exposé d'une dégénérescence qu'un véritable récit classique. Cela importe peu car tout fonctionne, dans une montée en puissance de plus en plus crue et violente qui captive du début à la fin. Walter Kurtz était à pied est assurément une route à emprunter.
« Nous avions choisi cette vie à courir le k-plat. Nous sentions combien cela était dérisoire, mais il nous semblait encore plus dérisoire de demeurer dans la même maison une vie durant. Il y avait tant de routes ! »
Couverture : Kévin Deneufchatel
D'autres avis : Gromovar, Yogo, ...