Les Hommes frénétiques, Ernest Pérochon, 1925, 345 pages.
« Les hommes n'avaient pas compris qu'une ère nouvelle commençait, où la prudence, à défaut de bonté, deviendrait une vertu essentielle. »
Suite à la désolation laissée par la guerre mondiale de la fin du XXIIème siècle, l'ère chrétienne a pris fin et le monde est entré dans l'ère universelle. Une ère où toute la planète a atteint une certaine aisance économique, bien aidée en cela par une nouvelle source d'énergie dont l'installation quadrille le globe. Une ère où, pour ne pas reproduire les erreurs du passé, la norme est à la prudence et à la modération, où toute ardeur et exaltation doit être réprimée. Mais le temps passe et les hommes oublient...
Autant le dire tout de suite, Les Hommes frénétiques n'est pas un grand livre sur le plan romanesque. Les (rares) personnages sont fades et très peu caractérisés. L'intrigue ne tourne d'ailleurs pas réellement autour d'eux, Ernest Pérochon préférant plutôt conter les péripéties de la planète à un niveau international, comme des chroniques historiques de notre futur. Si l'approche est compréhensible, elle reste dommageable puisque l'ensemble manque de simple plaisir de lecture, et ce d'autant plus que l'auteur, Prix Goncourt en 1920, prouve dans la dernière partie du roman qu'il est capable de proposer autre chose.
Mais s'il peut y avoir à redire sur le plan romanesque, peut-être encore plus pour un lecteur du XXIème siècle, Les Hommes frénétiques n'est pas un livre à jeter pour autant et reste un roman fort dans sa dimension historique et visionnaire. S'il ne décrit évidemment pas précisément notre présent, Ernest Pérochon met tout de même en garde sur, entre autres, l'utilisation détournée des découvertes scientifiques, les menaces de guerres biologiques et chimiques ou encore les dangers d'un monde où règnent les réactions vives et exaltées. Des préoccupations toujours plus d'actualité alors que ce roman a été écrit en 1925...
Bien que très imparfait - on l'appréciera bien plus après lecture que pendant - Les Hommes frénétiques reste une belle curiosité historique qui n'aura malheureusement pas servi de leçon. Un livre qui, certes, parle exclusivement au cerveau mais qui parvient encore à le faire près de 100 ans plus tard et en ayant pris peu de rides.
« Il n'y avait à terre ni vainqueurs ni vaincus ; seulement des morts, des blessés hurlants, quelques fuyards à demi fous. »
Ne jamais écrire un article pendant l'apéro : le premier Goncourt est remporte par John Antoine Nau pour force ennemie en 1903, roman de l'imaginaire.
RépondreSupprimerMais bon, je ne t'en veux pas, ayant ces hommes frénétiques dans mes prochaines lectures. Tu refroidis un peu mes ardeurs, mais qui lira verra.
C'est la couverture originale ?
@Le chien critique : Ne jamais commenter pendant le digestif : je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. (merci pour la vigilance, je ne sais pas du tout comment ce "premier" est arrivé ici. =O)
SupprimerC'est peut-être un mal pour un bien, en baissant tes attentes tu n'en seras que plus agréablement surpris ? Tu me remercieras plus tard. =P
Pour la couverture, c'est celle, magnifique, de la toute récente réédition chez Snag Fiction.
A 20h27, j'étais encore à l'apéro, ce qui explique avoir lu des mots qui n'existent pas dans ta chronique !
SupprimerJ'ai bien aimé ce livre. Il est très pessimiste et a su parler au misanthrope qui sommeille en moi.
RépondreSupprimer@TmbM : C'est clairement parfait pour les misanthropes. Ça a d'ailleurs bien failli m'en dégouter en cours de route, vu que ce n'est pas du tout ma tasse de thé, mais il y a heureusement un côté "déconnecté/froid" qui m'a permis de le prendre seulement pour ses idées - sans compter la fin.
Supprimer(j'avais zappé ta chronique, je rajoute ça en fin d'article. ^^)
Bonjour,
RépondreSupprimerOui, il s'agit d'une œuvre profondément pessimiste ett très réaliste quant à la propension de l'homme à faire le mal.
Je l'avais chroniqué ici : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2015/06/22/32257066.html
@Lekarr : Ce n'est clairement pas optimiste. C'est généralement quelque chose qui me gêne un peu d'ailleurs, mais ici je l'ai pris comme une démonstration par l'extrême et c'est tout de même fort intelligent.
Supprimer(merci d'être passé par ici - et hop, je rajoute ta chronique à la liste. ^^)
Comme je venais de le dire dans mon billet sur Les trois yeux, devinez qui sont les 4 gérontophiles blogueurs ?
RépondreSupprimerEn tout cas, si c'est vraiment pessimiste, cela devrait me plaire.
@Le chien critique (bis) : Ça manque un peu de panache comme nom de secte par contre, à retravailler.
SupprimerJe n'ai en effet pas assez insisté sur ça, mais c'est clairement pessimiste, ta misanthropie sera satisfaite, tu peux foncer.
Je te laisse trouver une expression anglaise
SupprimerUn petit classique de la SF française ! Il déborde tellement d'idées qu'on lui pardonne aisément ses défauts. Mention spéciale aux "féériques" (des armes de destruction massive pré-bombe A) et leurs effets très imaginatifs.
RépondreSupprimer@Nomic : Aisément je ne sais pas, mais bien plus après lecture que pendant dans mon cas. ^^ Et l'imagination morbide d'Ernest Pérochon est en effet assez incroyable, la série de descriptions des conséquences est terrifiante. =O
SupprimerIntéressant! :)
RépondreSupprimer@Alys : Ça l'est oui, une vraie curiosité historique. ^^
SupprimerMerci pour ce feedback je ne le lirai pas mais c'est bon à savoir que ce genre de livre existe. C'est fou comme certains sont à ce point capables d'être visionnaires. Je me demande si en 2100 on redécouvrira les auteurs du début des années 2000 de la même façon (j'espère que non, ça voudra dire que le monde aura très très mal tourné).
RépondreSupprimer@Tigger Lilly : En SF oui, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'optimistes, c'est rarement bon signe quand un livre s'avère visionnaire. ^^'
SupprimerJe suis assez fascinée par la capacité de certains auteurs a posé un regard très lucide sur les humains et l'avenir du monde et l'humanité.
RépondreSupprimerPour la réflexion et ce regard (même s'il est pessimiste -en même temps, y a de quoi!) je suis plus qu'intriguée.
Et encore une fois un auteur à découvrir!
Merci
(nb, superbe couverture)
@itenarasa : Oui, c'est assez dingue... et presque un peu effrayant. ^^'
SupprimerL'avantage c'est que toute la bibliographie SF de l'auteur tient dans cet unique roman, ça aura été sa seule incursion dans le domaine. ^^
Et cette nouvelle couverture est effectivement magnifique. =D