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dimanche 21 août 2022

Mariana Enriquez - Notre part de nuit

Notre part de nuit, Mariana Enriquez, 2019, 760 pages

Argentine, 1981. Malade, en proie notamment à de terribles migraines, Juan doit pourtant prendre la route avec son jeune fils, Gaspar, pour un long voyage vers le Nord. Mais Juan n'est pas n'importe quel père. C'est un médium qui est capable d'invoquer l'Obscurité, une terrible puissance démoniaque, et qui fait partie malgré lui de l'Ordre, une secte cherchant à contrôler l'Obscurité.

L'histoire de Notre part de nuit est à la fois bien plus importante que ce résumé tout en n'étant guère plus grande. C'est tout le paradoxe de ce roman : son volume est énorme, son intrigue est mince, et pourtant ça se lit tout seul et ça ne donne jamais l'impression de tirer à la ligne. C'est une plongée dans l'esprit et le coeur de quelques personnages, une dissection quasi-littérale qui nous fait vivre leurs joies et, surtout, leurs peines et leurs terreurs. Et le mot est faible.

Notre part de nuit propose des passages terribles, horrifico-gores. Si une présence indicible imprègne l'ambiance à tout moment ou presque, les scènes choquantes restent relativement rares - mais pas moins marquantes. J'ai toujours du mal avec l'horreur, ne comprenant pas le plaisir ou l'intérêt qu'il y a à lire de telles choses. J'y cherche une finalité qu'il n'y a peut-être pas. Il y en a tout de même deux ici à mon sens. L'une est de servir l'intrigue en soi et permet d'aborder l'emprise familialo-sectaire. L'autre se trouve dans la comparaison entre ces extrémités et celles de la dictature argentine (entre autres).

Car si son propos principal est de traiter de personnages, en filigrane Notre part de nuit conte aussi une époque, et même des époques, des années 60 aux années 90, en Argentine principalement avec un détour par le Londres des années 70. Si ça a été pour moi l'occasion de me perdre un peu dans le péronisme, il ne m'aurait pas déplu que cet arrière-plan historique et social soit encore plus présent.

Étant donné tous les freins qui auraient pu entacher ma lecture, Notre part de nuit est une franche réussite. Si la construction du récit, admirable et intelligente, y est pour beaucoup, il y a certainement aussi un peu de magie chamanique dans les mots de Mariana Enriquez, qui parvient à créer une fascination pour ce microcosme n'ayant pourtant rien d'attrayant. Il se passe quelque chose de puissant entre ces lignes, de vivant, de vrai. Et ne vous fiez pas à ses presque 800 pages : c'est encore plus grand à l'intérieur !

Couverture : Alexandre Cabanel / Traduction : Anne Plantagenet
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, itenarasa, Lune, ...

samedi 2 juillet 2022

Mariana Enriquez - Ce que nous avons perdu dans le feu

Ce que nous avons perdu dans le feu, Mariana Enriquez, 2016, 238 pages

Ce que nous avons perdu dans le feu est un recueil de 12 nouvelles entre fantastique et horreur, où des vies déjà peu reluisantes vont basculer encore plus - et pas sur une pente positive dans la majorité des cas. C'est un recueil qui se rapproche à mon sens d'Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle. Mon avis est à l'avenant : c'est surement très bien, mais ce n'est pas pour moi, donc je ne peux pas pleinement l'apprécier.

Au-delà du côté horrifique, l'autre aspect qui me bloque un peu dans ce genre de textes, c'est l'omniprésence des non-dits, des choses laissées en suspens, soumises à interprétation. Peut-être que, justement, je surinterprète en cherchant plus que ce qu'il y a, mais j'ai ce sentiment qu'il y a un petit quelque chose que je n'arrive pas à saisir au vol. Et c'est légèrement frustrant.

Malgré cela, Ce que nous avons perdu dans le feu est un bon recueil. Au-delà d'un certain 'exotisme', tous les textes étant ancrés en Argentine, les mots de Mariana Enriquez ont ce petit quelque chose capable de rapidement vous faire plonger dans son univers. Il se dégage quelque chose de l'écriture de l'autrice, une ambiance et même une certaine puissance par moment. Notamment, car le livre est bien construit, dans les deux nouvelles qui ouvrent et concluent le recueil. Au point que même si tout ça n'est pas ma came, cela m'a conforté dans mon envie de lire Notre part de nuit.

Couverture : Micah Lidberg / Traduction : Anne Plantagenet
D'autres avis : ...