vendredi 20 mai 2022

Neal Stephenson - [anatèm]

[anatèm], Neal Stephenson, Tomes 1 et 2, 2008, 652 et 492 pages
« "Vos voisins se brûlent-ils vifs les uns les autres ?" voilà comment fraa Orolo entama la conversation avec artisan Flec. »
Fraa Erasmas vit à Saunt-Edhar, une concente où demeurent reclus des fraas et des soors, plongés dans l'étude des mathématiques et de la philosophie - comme deux faces d'une même pièce. Ils n'ont aucun contact avec l'extérieur, si ce n'est lors des apertes, tous les un, dix, cent ou mille ans selon la math à laquelle appartiennent les avôts. Pour Erasmas, l'aperte décénarienne arrive justement dans quelques jours. Et elle va entraîner de grands changements pour la congrégation.

Comment ? Vous ne comprenez pas la moitié des mots employés dans ce succinct pitch ? C'est normal. Et ça ne sera pas expliqué beaucoup plus clairement dans le roman, si ce n'est au cours des quelques extraits du dictionnaire qui parsèment les chapitres. Est-ce que c'est un peu compliqué au démarrage ? Certainement. Est-ce qu'on s'y fait relativement vite et est-ce qu'un grand plaisir du livre est de découvrir et comprendre le monde d'Arbre ? Certainement aussi. Est-ce qu'en plus ce n'est pas juste là pour faire exotique et est-ce que cela fait sens au sein de l'intrigue, au même titre que les différents débats idéologiques ? Certainement toujours.

[anatèm], c'est une plongée sous-marine. Il y a d'abord l'entrée dans l'eau, et le choc qui va avec. Un peu déboussolé, on cherche ses repères. Difficile, puisque l'eau n'est pas la terre. Alors on s'en crée des nouveaux et on finit par s'habituer à ce nouvel environnement, à y être bien. Vient alors le moment de s'enfoncer plus loin, tranquillement, palier après palier. Jusqu'à finir, sans presque s'en rendre compte, au milieu d'abysses étourdissants.

Cette manière d'agrandir toujours plus l'angle du récit et d'aller vers des destinations inattendues, mais toujours en toute logique - le contraire aurait été impensable vu les thématiques du récit - est l'autre grande force du roman. Avec aussi la capacité de Neal Stephenson à traiter des sujets complexes et à les rendre presque passionnants. Je ne m'attendais clairement pas à être happé par des maths et de la philo. Je ne peux pas dire que j'ai tout saisi - je ne vous en ferai pas une calca - ni que c'est toujours évident, mais l'essentiel est toujours accessible - et intéressant/fascinant, le plus souvent. Et rendu digeste tant par une volonté d'expliquer les bases que par l'intelligence de laisser régulièrement respirer les réflexions par des passages plus légers, voire amusants.

[anatèm] est un livre si étonnamment plaisant dans sa complexité que c'est lors des passages plus voués à l'action - notamment une bonne partie du tome 2 français (le livre est d'un seul tenant en VO) - que mon intérêt a un peu fluctué. Pas de quoi pour autant amoindrir l'intérêt général du roman. [anatèm] reste indéniablement un très bon livre, intelligent tant dans ses idées que dans son déroulé, plein de passion pour les sciences et la pensée scientifique. Un solide roman, dans tous les sens du terme.

Couverture : Gaëlle Marco / Traduction : Jacques Collin
D'autres avis : Gromovar 1 et 2, FeydRautha 1 et 2, Lhisbei, Lorhkan 1 et 2, Lune, Marc 1 et 2, Le Maki 1 et 2, Célinedanaë, Mariejuliet, Herbefol, lutin82, Apophis 1 et 2, Feygirl 1 et 2...

24 commentaires:

  1. Une belle lecture, alors. Il ne me tente pas du tout, mais qui sait.

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    1. @Alys : Et il vaut mieux avoir un minimum d'envie vu sa taille. 😅

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  2. Nous l'avons lu en même temps !
    Un roman qui en vaut vraiment la peine.

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    1. @FeyGirl : Ce qui était hautement improbable pour un livre qui ne vient pas de sortir. ^^
      Oui, il mérite sa réputation.

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  3. Ah enfin !!!
    Cela reste pour moi le livre indispensable de ces dernières années. C'est un monument.
    Content que tu aies trouvé du plaisir. :)

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    1. @Le Maki : Mieux vaut tard que jamais. ^^
      Je comprends maintenant pourquoi il est aussi encensé, à raison.

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    2. Prochaine étape Gnomon, La chose en soi ou La nuit du faune

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    3. @Le Maki : Le plus probable étant "La chose en sol", je ne l'ai même pas classé dans "les livres qui font peur" dans ma tête. ^^ "Gnomon" peut-être un jour, "La Nuit du faune" jamais.

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    4. La chose en soi est moins exigeant mais il faut probablement une bonne culture pour appréhender toutes les subtilités (et je n'ai pas tout saisi. lol)

      Gnomon est le plus difficile, plus qu'anatem

      Pour La nuit du faune, c'est dommage, c'est vraiment dans la lignée d'anatem. C'est juste par rapport à l'auteur ?

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    5. @Le Maki : Si les subtilités sont vraiment subtiles, je ne remarquerai même pas que je les ai ratées. =P
      Pour "La Nuit du faune", c'est surtout que j'ai tenu 20 pages sur "Latium". Et vu les retours ce n'est pas pour moi.

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    6. Il est beaucoup plus facile d'accès que Latium (que j'ai abandonné assez vite aussi !), plus court et peut être plus grandiose !

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    7. @Le Maki : Sa taille c'est bien le seul argument qui ne l'élimine pas définitivement. On verra, peut-être qu'un jour je lirai des chroniques qui me motiveront. ^^

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  4. Plus on en parle, plus ça me convainc que ça n'est pas pour moi, mais c'est cool si tu as aimé ta lecture ;)

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    1. @shaya : Ça n'était pas forcément pour moi non plus, et finalement... Mais tant mieux si ça t'évite un possible raté. ^^

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  5. " presque passionnants" -> pas tout à fait passionnant du coup ?
    C'est super que tu aies apprécié ta lecture.
    Faut que je lise ce livre un jour, c'est terrible je ne sais pas quand.

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    1. @Tigger Lilly : Disons que le mot "passionnant" est peut-être un peu fort vu la complexité de certains passages, qui perdent un peu. Mais je chipote, c'est globalement très bien et prenant.
      Et oui, c'est assurément à lire. Ce n'est qu'un gros millier de pages, ça va, ça se cale facilement. 🙈

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  6. Tu nous préviens qu’il y a des écueils au début de la lecture. Avis aux lecteurs et lectrices opiniâtres. Je m’y collerais cet été.

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    1. @Melvin : Oui, le démarrage est particulier, abrupt et peut faire peur. Mais ça vaut clairement le coup de faire un petit effort.

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  7. Il est dans ma PàL, limite si j'étais courageuse je le lirais cet été avant de reprendre Ada Palmer 🤣
    Tu en avais lu d'autres de l'auteur ? J'avais beaucoup aimé L'âge de diamant (qui m'a l'air TRES accessible en comparaison)

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    1. @Vert : Franchement à côté d'Ada Palmer, c'est un petit livre de talle raisonnable. Ça fera parfaitement office d'échauffement. ^^
      C'était mon premier de l'auteur. Je note "L'Âge de diamant" du coup, et j'attends ta lecture prochaine d' "Anatèm" pour confirmer qu'il est plus évident. =P

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  8. Tu m'as tiré un grand sourire avec le début de ton 2ème paragraphe, parce qu'après le 1er, me suis dit "qu..qu..quoi qu'est-ce donc? dans quel état gère?". Il semble hyper costaud et demandé une grosse concentration et suis pas sûre de l'avoir suffisante depuis des mois.

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    1. @ite : Ahah. Un pitch complexe et désarçonnant est le résumé le plus honnête qu'on puisse faire de ce livre je crois. Ça demande un investissement, c'est sûr, il faut choisir son moment, mais ça vaut le coup. Faut le garder de côté pour plus tard.

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