dimanche 28 octobre 2018

Bulles de feu #11 - Votre BD, avec ou sans morale ?

L'Ombre d'Hippocrate, Undertaker Tome 4, Xavier Dorison et Ralph Meyer, 2017, 48 planches.

Suite et fin du deuxième diptyque d'Undertaker, après le gros suspens laissé à la fin de L'Ogre de Sutter Camp. Et la qualité ne diminue pas, que cela soit au scénario ou au dessin. Une autre chose qui ne diminue pas, c'est la "violence", surtout morale. Cela reste parfaitement lisible, sans presque broncher, mais on est très loin d'un western spaghetti et les personnages sont loin d'être des enfants de chœur...
Quoiqu'il en soit, ce quatrième tome prouve, s'il en était encore besoin, qu'Undertaker est l'une des meilleurs séries de ces dernières années.
« - La mère a le pouvoir de donner la vie, le soldat, de donner la mort. Le médecin est le seul à pouvoir donner les deux.
- Pas selon Hippocrate.
- J'emmerde Hippocrate ! »

 Miami, Tyler Cross Tome 3, Fabien Nury et Brüno, 2018, 88 planches.

Oubliez ce que j'ai dit : Undertaker est un enfant de choeur à côté de Tyler Cross. Et ça ne s'arrange pas dans ce troisième tome, car même si Tyler voudrait bien pouvoir se reposer un peu, les ennuis semblent le suivre à la trace. Des ennuis qui laissent des traces de sang et des corps dans la nature.

Tyler Cross est une série violente où la morale n'existe pas et où personne n'est à l'abri, même les innocents (mais y'a-t-il vraiment des innocents dans le monde de Tyler Cross ?). C'est du polar noir des années 60, jubilatoire là où ça ne le devrait pas. Cela fonctionne parce que le scénario et la narration de Fabien Nury sont millimétrés. Mais cela fonctionne surtout parce que le dessin si particulier de Brüno vient parfaitement contrebalancer cette violence, apportant à la fois un style graphique fort et une échappatoire mentale.

Ce troisième tome reste exactement dans la lignée des deux premiers. Vous en trouverez une très bonne chronique sur Bédéthèque. Il n'y a rien à ajouter : lisez Tyler Cross. Car si Undertaker est l'une des meilleures séries récentes, Tyler Cross est peut-être la meilleure.

lundi 22 octobre 2018

Robert Silverberg - L'Homme programmé

L'Homme programmé, Robert Silverberg, 1972, 316 pages.

Après quatre ans de thérapie, Paul Macy sort du Centre de Réhabilitation pour commencer sa vie. Créé de toute pièce, son esprit occupe le corps appartenant jadis à Nat Hamlin, sculpteur de génie mais aussi violeur en série, dont l'esprit a été totalement annihilé suite à son jugement. Sauf que ce dernier n'a peut-être pas tout à fait disparu...

Plusieurs esprits en un corps ? Comment ne pas penser à un trouble dissociatif de l'identité ? Bien qu'il s'agisse ici d'un cas créé - malencontreusement - scientifiquement et que tous les "codes" ne soient pas complètement respectés, le parallèle est inévitable. Si ce trouble est assez régulièrement utilisé en fiction - notamment dans des oeuvres dont on doit taire les noms au risque de divulgâcher le twist - cela évoque pour moi principalement le fascinant Les mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes. Mon avis est de ce point de vue quelque peu "faussé" car L'Homme programmé ne peut tenir la comparaison sur le sujet.

Malgré cela, L'Homme programmé possède des qualités propres et offre une réflexion intéressante sur ce qui fait l'humain. Néanmoins, le récit est loin d'être parfait, notamment à cause de l'accumulation de scènes sexuelles, dont certaines assez violentes. Si je peux envisager le pourquoi de ces scènes (et encore...), j'ai tout de même l'impression que beaucoup ne sont pas nécessaires. Ajoutez à cela une résolution peu satisfaisante et vous obtenez un roman qui m'a laissé un goût un peu amer. Ce n'est pas mauvais, loin de là, mais c'est très imparfait.

mardi 16 octobre 2018

Jean-Pierre Andrevon - Šukran

 
Šukran, Jean-Pierre Andrevon, 1989, 296 pages.

Marseille, futur proche. Roland Cacciari est un "démo", un militaire démobilisé de la dernière guerre/croisade contre la fédération panislamique, survivant comme il peut en jouant de son guitarion devant les restaurants. Jusqu'à ce qu'un concours de circonstances le fasse engager comme vigile pour un patron d'extrême-droite et que sa vie bascule dans un engrenage de complications.

Je ne peux pas dire que le démarrage fut glorieux. La faute peut-être à un cadre qui m'a mis un peu mal à l'aise, sans que je ne sache expliquer pleinement pourquoi. Parce qu'il se rapproche bien trop d'une certaine réalité ? Peut-être. Là est finalement le génie de Jean-Pierre Andrevon, où ce futur imaginé en 1989 a des consonances très actuelles, malheureusement. Et aussi parce que, comme le héros, je n'avais surement pas envie de me faire rattraper par des questions de géopolitique. Pourtant, comme lui, on se retrouve obligé de les prendre en pleine tête. Sauf que lui prend aussi des coups, des vrais, dans la figure et ailleurs.

Šukran est un roman qui monte en puissance au fil des pages, jusqu'au bout, pour notre plus grand plaisir. Une fois passée la première impression, on s'attache à Roland et sa gouaille. Cela se lit comme un thriller noir, avec une certaine tension qui augmente sans cesse et un fort penchant pour la castagne et le sexe. Ça peut paraitre un peu cru par moment, et on se demande ce que l'on doit en tirer/comprendre. Peut-être rien après tout, si ce n'est un reflet, anticipé, de ce que devient notre monde. Reste à apprécier l'histoire, et c'est déjà très bien.

mercredi 10 octobre 2018

Cory Doctorow - Dans la dèche au Royaume Enchanté

Dans la dèche au Royaume Enchanté, Cory Doctorow, 2003, 230 pages.

Livre lu il y a plusieurs mois, mais non-chroniqué ici-bas. Par souci d'exhaustivité, en voici quelques bafouilles encore plus courtes que d'habitude, sur la base de mes souvenirs.

Dans la dèche au Royaume Enchanté est un roman indéniablement étonnant, et fascinant, pour son cadre et son concept. Tout se déroule à Disney World, dans une société où l'argent a disparu et où tout tourne autour du Whuffie, un indice de réputation/sociabilité qui régit toutes les relations et interactions entre individus dans un "nouveau" monde hyperconnecté.

Ce n'est pas toujours hyper simple à saisir au départ, mais c'est innovant et cela vaut pour cela seul le coup d'oeil, tant cela regorge d'idées. D'autant plus que, bien qu'écrit en 2003, tout semble de plus en plus réel sur certains points...

De vrais avis : Gromovar, Lorhkan, ...

jeudi 4 octobre 2018

Écran de fumée #8 - Luke Cage S2

Luke Cage, Saison 2, 2018, 13 épisodes de ~60 minutes.

C'était bien. Si, je vous jure, cette saison 2 était bonne. Remarquez, moi aussi si on m'avait dit avant de la regarder que j'en penserais ça, je n'y aurais pas cru. Il faut dire que la première saison était tellement mauvaise...

Le fameux "Syndrome Superman" : comment créer un intérêt quand le héros est invincible ? Cette saison 2 y répond de deux manières : avec un ennemi et des personnages secondaires intéressants, comme on peut s'y attendre, mais surtout avec un héros qui trouve son style, qui se démarque.

Alors oui, on se serait passé de revoir Mariah en pièce centrale - même si cela permet d'avoir Shades par la même occasion - mais heureusement le personnage est lui aussi un peu mieux réussi que dans la saison 1. Et puis, la compensation est à la hauteur : Bushmaster.

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Les parties musicales, excellentes, donnent un style à la série mais apparaissent aussi souvent artificielles - sans même parler d'une certaine chanson au piano. Un élément (indice non-divulgâcheur : bras) est totalement sous-utilisé. Et on aurait facilement pu faire tenir le tout avec 2/3 épisodes de moins. Mais ne nous plaignons pas trop : le rythme reste bon dans l'ensemble, gardant de l'intérêt et du sens, surtout, jusqu'au bout - un chouïa moins dans le dernier tiers peut-être, mais ça passe.

Et cette fin. Cette fin ! Ce n'est peut-être pas grand chose, ça fera peut-être un flop, mais peu importe. Le moment était très bon à vivre, c'est bien là l'essentiel.