Conquest, Nina Allan, 2023, 329 pages
Frank est un jeune homme un peu différent psychologiquement. Codeur informatique, passionné de Bach, il passe énormément de temps sur un forum, LAvventura, où il peut partager ses certitudes sur l'imminence d'une invasion extraterrestre. Jusqu'à devenir proche de certains membres et se rendre à Paris pour les rencontrer. Depuis ce jour, Frank a disparu. Rachel, sa petite amie, va alors engager Robin, une détective privée, pour le retrouver.
Conquest est un roman de Nina Allan. Ce qui veut dire que, malgré ce pitch assez limpide, les choses sont évidemment bien plus embrouillées et complexes que ça. Il n'y a qu'à voir le premier chapitre, qui rend très bien le point de vue de Frank mais qui laissera plus d'un lecteurice confus. La suite est stylistiquement plus simple - même si Nina Allan en change régulièrement, subtilement, pour mieux s'accorder à ses personnages - et relativement linéaire, même si un essai ou une novella peuvent toujours s'intercaler sans crier gare.
Il y a un fourmillement unique qui parcourt les livres de Nina Allan, une incompréhensibilité qui résonne et raisonne, jusqu'à finir par être palpable. Mais ce n'est pas juste un style d'écriture pour être un style d'écriture, ça a en plus du sens vis-à-vis de la thématique de prédilection de l'autrice, à savoir les frontières de la réalité. C'est encore le cas ici, avec un accent particulier mis cette fois sur les théories complotistes et sur la faculté, le besoin de l'être humain de trouver du sens à ce qui l'entoure.
Le complotisme, les théories farfelues, la paranoïa sont des sujets qui collent parfaitement bien au style de l'autrice. Elle en propose une vision intéressante, avec indéniablement de bonnes idées, et le tout s'avère troublant. Trop troublant peut-être. Ou troublant pour les mauvaises raisons. Conquest est un livre dont il est difficile de saisir les conclusions, s'il y en a. C'est une constante chez Nina Allan, et ça n'est pas fondamentalement une mauvaise chose. Mais avec un tel sujet ça parait presque dangereux et ça m'a laissé bien plus dubitatif que d'habitude. C'est en tout cas réellement perturbant. Du Nina Allan en somme.
Couverture : Thierry Dubreuil / Traduction : Bernard Sigaud
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