samedi 28 novembre 2020

Bulles de feu #29 - Tillie Walden

Dans un rayon de soleil, Tillie Walden, 2017, 535 planches

Quelque part dans les étoiles, quelque part dans le futur. Mia se voit engager au sein d'un vaisseau arpentant l'espace pour accomplir des missions de rénovation sur des bâtiments délabrés et laissés à l'abandon. Elle y fera connaissance - et se nouera d'amitié - avec les quatre autres membres d'équipage, tout en se remémorant ses dernières années d'internat, en particulier sa rencontre avec Grace.

Ce pitch de départ n'est pas nécessairement engageant. Ses premières pages non plus d'ailleurs, déstabilisantes tant par les designs étonnants de ce monde que par une intrigue floue, voire inexistante. Et par premières pages, je veux dire sa première centaine - Dans un rayon de soleil n'est pas une brique, c'est un mur tout entier. Heureusement, celles-ci coulent malgré tout très facilement, en étant très visuelles sans demander une grande concentration dans le détail.

Et puis, sans m'en rendre compte, le petit quelque chose qui manquait est apparu, le mélange a pris et je me suis retrouvé happé par l'ambiance créée par ce dessin si particulier et encore plus par le destin de ces attachants personnages. Car ce sont bien eux qui portent le récit : pas de grands rebondissements ou d'actions à gogo ici, juste une belle aventure et une jolie histoire pleine de tolérance, tendre et touchante.

Quelques planches ici.

J'adore ce passage, Tillie Walden, 2016, 60 planches

Avec une case par page, résumer l'intrigue - enfin, "intrigue" - reviendrait à divulgâcher l'entièreté du récit. On peut y voir des idées, un propos, une proposition, un style, un concept. Mais ça reste surtout parfaitement anecdotique. Ça ne prend que 5 minutes à lire, certes, mais bon.


Spinning, Tillie Walden, 2017, 392 planches

Spinning est un ouvrage autobiographique de Tillie Walden. Elle y raconte son adolescence avec comme point d'ancrage principal le patinage artistique, une passion qui évolue au fil des ans et des évènements, qui évolue en même temps que sa pratiquante. Car plus qu'une histoire sportive, c'est une histoire humaine, de découverte, de lutte et d'apprentissage.


Tillie Walden est en effet cette autrice-là. Elle ne semble jamais chercher à faire passer un message, rien ne semble jamais forcé ou exagérément appuyé. Au contraire, Tillie Walden se raconte simplement, honnêtement, personnellement et intimement. Le résultat n'en est que plus universel, un récit attachant où se nouent au fil des pages de nombreux sujets - l'acceptation de soi, la pression sociale, les normes, les agressions quotidiennes et tant d'autres - au combien importants. Comment être soi dans un monde qui semble tout faire pour le refuser ? Tillie Walden n'apporte pas la solution mais un témoignage. Un sublime témoignage.

Quelques planches ici.

lundi 23 novembre 2020

Graham Joyce - Comme un conte

Comme un conte, Graham Joyce, 2012, 443 pages

Le jour de Noël, des coups se font entendre à la porte de Dell et Mary. Dehors attend Tara, leur fille, disparue depuis 20 ans, légèrement changée mais qui ne semble pas avoir vieillie de plus de 6 mois. Et ce pour une bonne raison : elle aurait été enlevée par des fées.

Comme un conte est un bon livre sur le thème de l'enlèvement par les fées. Assez classique dans l'intrigue comme dans la forme, Graham Joyce traite bien plus l'histoire en tant que telle que les thématiques de vérité et de réalité - présentes évidemment, mais en second plan.

Il est en cela bien différent de - l'excellent - La Fracture de Nina Allan (auquel je n'ai pu m'empêcher de penser durant toute ma lecture) qui traitait lui aussi du retour d'un être disparu mais en jouant à fond la carte du flou et de l'incertitude. Comme un conte est en cela bien plus clair, plus simple, plus frontal. Il est dans le même temps bien moins excitant et enthousiasmant. S'il aura pâti de la comparaison, il reste néanmoins un bon livre, un peu froid mais facile et plaisant à lire.

Couverture : Fabrice Borio/Shutterstock / Traduction : Louise Malagoli
D'autres avis : Vert, Lune, Xapur, Elhyandra, Lullaby, ...

mercredi 18 novembre 2020

Écran de fumée #15 - Pépites françaises

Moah, Saison 1, 2020, 10 épisodes de 20-25 minutes

Moah conte l'histoire de Moah, un jeune homme préhistorique vivant au sein d'une petite tribu. Né ailleurs, Moah est différent, sensiblement plus malin que ses comparses, ce qui va tout autant lui amener des contrariétés que des solutions à ces mêmes problèmes.

Moah est surtout un petit OSNI - Objet Sériel Non Identifié - car il ne comporte ni musique, ni dialogue dans une langue connue. Un mélange forcément déroutant au démarrage mais qui s'avère rapidement assez hypnotisant. Les bruits de la nature, seul fond sonore (ou presque), apportent une ambiance suffisante et les acteurs, les excellents acteurs, parviennent à faire comprendre tout ce qu'il y a à comprendre, en plus d'une réalisation très maline, vraiment accrocheuse et qui ne fait nullement cheap.

L'histoire quant à elle est forcément plus limitée que d'autres séries mais développe tout de même un fil principal et quelques secondaires. Sorte de comédie dramatique, la série démarre de manière assez grave pour ensuite se tourner vers quelque chose de plus comique - de manière assez cru par moment, à éviter de regarder en prenant ses repas - et loufoque pour la majorité de ses épisodes. Si cela fonctionne bien car les épisodes sont courts, c'est peut-être le petit bémol pour le moment : la série aurait quasiment pu être plus ambitieuse et développer plus amplement une intrigue "sérieuse" qui reste sous-exploitée mais dont on sent le potentiel. Cela ne doit néanmoins pas venir ternir cette première saison : le pari Moah est tout à fait réussi.

À voir sur OCS.

18h30, Saison 1, 2020, 22 épisodes de 5 minutes

18h30, c'est l'heure à laquelle Éric et Mélissa, qui vient d'être embauchée, sortent du boulot. Allant au même arrêt de bus, ils ont un trajet de 5 minutes à passer ensemble tous les soirs. Ce sont ces 5 minutes qui sont mises en scène dans 18h30.

22 épisodes pour 22 trajets lors desquels la relation entre Éric et Mélissa évoluera, des débuts tendus à une certaine amitié - et quelques surprises, car si 18h30 donne l'impression d'être une comédie romantique, elle dévoilera aussi une part de drame. Si la relation entre les deux personnages, très bien incarnés par Pauline Etienne et Nicolas Grandhomme, est primordiale, c'est aussi et surtout la communication et ses difficultés qui sont au coeur de la série. Et ça sonne terriblement vrai.

18h30 est une petite pépite d'une excellente qualité, aussi intelligente sur la forme - tout en plan-séquence - que sur le fond, fraiche, jolie, tendre, plaisante et prenante. Websérie disponible gratuitement sur le site d'Arte, prévoyez deux heures pour dévorer d'une traite tous les épisodes.

Un grand merci à Zina pour la découverte ; à lire aussi la très bonne chronique de Dorothée Barba sur France Inter.

vendredi 13 novembre 2020

Claire Duvivier - Un long voyage

Un long voyage, Claire Duvivier, 2020, 314 pages

Banni de son village lorsqu'il était jeune, Liesse est parvenu à se faire une place dans le comptoir commercial qui sert d'avant-poste à l'Empire dans l'Archipel. C'est là qu'il fera la connaissance de Malvine Zélina de Félarasie, personnage d'importance de l'Empire, qu'il suivra pendant de nombreuses années. C'est cette rencontre et cette vie qu'il couche sur le papier dans un long récit à destination d'une certaine Gémétous.

Un long voyage est tout autant l'histoire, le parcours de vie, de Malvine que celle de Liesse, les deux étant aussi importantes et entrainantes l'une que l'autre. C'est aussi l'histoire d'un Empire sur le déclin, ainsi que celle d'une terre à ses confins. Le tout, même si la joie n'est pas toujours au rendez-vous - loin de là - dans une ambiance plutôt douce, un cocon de personnages attachants et un récit prenant, tout en simplicité et à taille humaine, où la part de fantasy est mineur - mais indispensable.

Et c'est excellent de bout en bout, sans fausse note ou perte d'intérêt à aucun moment. Il n'y a rien à ajouter ou à retirer, tout y est déjà, parfaitement à sa place, dans une construction et un rythme admirablement maitrisés par Claire Duvivier. Preuve en est le passage du temps, des mois, des années, que l'on ressent, que l'on voit passer, sans jamais que cela soit pesant ou vecteur de longueurs. Car si le voyage est long pour les personnages, il ne l'est jamais pour le lecteur. Il est comme il doit être : parfait de la première à la dernière ligne pour un très beau voyage, et bien plus que ça.
« Si le grandiose t'intéresse tant, Gémétous, prends la peine de te pencher également sur le trivial ; rappelle-toi que ce n'est pas à l'ombre de des légendes qu'on trouve le bonheur, mais auprès de la chair et du sang. Personne ne le sait mieux que nous deux. »
Couverture : Elena Vieillard
D'autres avis : Tigger Lilly, Lune, Chut... maman lit !, Célindanaé, Gromovar, Cédric, Brize, Anouchka, Yuyine, Lhisbei, FeyGirl, Marc, Boudicca, ...

samedi 7 novembre 2020

Ray Bradbury - Chroniques martiennes

Chroniques martiennes, Ray Bradbury, 1950, 318 pages

Le titre est explicite : Ray Bradbury conte ici quelques instants de vie sur Mars, des débuts de sa colonisation par les humains jusqu'à bien loin dans son expansion. Il élabore pour cela un fix-up, format idéal et excellemment bien utilisé par l'auteur pour exprimer ce qu'il a à exprimer. Ainsi chaque nouvelle vient à la fois proposer une histoire propre, qui se tient réellement par et pour elle-même, tout en participant à l'écriture d'un récit plus global qui court tout au long du recueil.

Et si la forme est excellente, le fond l'est tout autant. En plus de récits intéressants et variés, que ce soit les nouvelles les plus conséquentes comme les plus courtes venant ponctuer la trame générale à la manière d'interludes - L'Été de la fusée, qui ouvre le recueil, est tout simplement sublime -, Ray Bradbury offre un regard acéré sur l'être humain. Un regard doux-amer, où la découverte, l'émerveillement et l'imagination de l'auteur apporte une douceur bienvenue quand l'humanité et l’inéluctabilité de sa bêtise apporte une touche d'amertume malheureusement nécessaire.

Un classique qui mérite amplement son statut - et ses innombrables rééditions - et qui, à quelques rares visions féminines vieillottes près, n'a presque pas pris une ride. Si ce n'est pas encore fait, prenez vite un ticket pour Mars.

Couverture : Mark R. Wagner / Traduction : Jacques Chambon & Henri Robillot
D'autres avis : Lune, Le chien critique, Vert, Lorhkan, Xapur, ...

lundi 2 novembre 2020

John Scalzi - L'Effondrement de l'empire

L'Effondrement de l'empire, John Scalzi, Tome 1/3 de l'Interdépendance, 2017, 331 pages
« - La question n'est pas de savoir si elle en parlera mais si elle sera crue.
- C'est la vérité.
- Oh, ma fille... laissa tomber Huma, attendrie. Ne me dis pas que tu ignores le poids que revêt cette notion de nos jours.
»
Loin de la Terre, l'humanité vit désormais sur une multitude d'étoiles au sein d'un empire nommé l'Interdépendance, dirigé par trois forces - l'Église, le Parlement et les Guildes marchandes - au-dessus desquelles trône l'Emperox. Tout cela n'est possible que grâce au Flux, un réseau de voies plus rapides que la lumière qui est le seul moyen d'unir les différentes planètes et de les rendre viables. Mais des perturbations semblent toucher le Flux et mettre tout l'Empire en danger.

Si vous avez lu le titre du livre, vous vous doutez que les choses ne vont pas bien se passer. C'est d'ailleurs un bon indicateur de ce qui se trouve dans ce premier tome : l'important n'est pas le développement d'une grande intrigue politique à suspense mais bien la découverte et le suivi des personnages. Pour la surprise, on verra (peut-être) plus tard. L'Effondrement de l'empire est en cela un pur tome 1 de mise en place qui invite à lire la suite.

Présenté ainsi, ce n'est pas forcément engageant. Et pourtant c'est excellent. C'est prenant de la première à la dernière ligne, les personnages sont sympathiques, l'univers agréable à découvrir, le rythme est parfait et la plume efficace, sympathique et moderne de John Scalzi porte le tout. En résumé : ça se lit tout seul. Et une fois la dernière page tournée, une seule hâte : dévorer la suite.
« - Je travaillais dans le marketing. Avant de devenir prophétesse. Après également, mais nous n'appelions plus ça ainsi. »
Couverture : Sparth / Traduction : Mikael Cabon
D'autres avis : FeydRautha, Lutin82, Chut... maman lit !, Lune, Yogo, Shaya, Lorhkan, OmbreBones, Anudar, Célindanaé, Gromovar, Lianne, ...