Royaume de vent et de colères, Jean-Laurent Del Socorro, 2015, 270 pages
Le royaume, c'est le royaume de France. En 1596, en pleine guerre de religion, le roi Henri IV est sur le point d'achever la reconquête totale de son pays, commencée après la mort d'Henri III en 1589, face à la Ligue catholique. Il ne reste qu'un grand bastion à résister : Marseille.
Le vent, c'est le mistral qui souffle à Marseille, tout aussi réel que symbolique. La révolte gronde sous le pouvoir du consul Charles de Casaulx et les événements sont proches d'un changement radical.
Les colères, ce sont particulièrement celles de Gabriel, Axelle, Victoire et Armand (mais comment oublier Silas et Gabin ?), les quatre narrateurs de cette histoire dans l'Histoire. Quatre univers, quatre personnalités bien différentes et bien marquées. Quatre personnages dont les destins se croisent à la Roue de la Fortune, une auberge marseillaise, en ce 16 février 1596 qui changera à jamais le cours de leurs vies.
Royaume de vent et de colères est un roman vif et enlevé. Les points de vue, tous à la première personne (ce qui en rebutera peut-être certains, mais on s'y habitue aisément et cela fait plutôt sens avec l'ensemble), s'enchaînent rapidement dans de - très - courts chapitres. Les mots résonnent, se répondent, s'interpellent. On sent de la théâtralité dans l'art des dialogues et du rebond, tout comme dans la structure générale du roman (en 3 actes : exposition, péripéties explicatives, résolution), sans parler du personnage de Silas.
Outre le théâtre, difficile de ne pas penser aussi à une partie d'échecs, auxquels quelques personnages font même explicitement référence. Et encore, je n'ai pas la connaissance nécessaire pour reconnaître les références faites au tarot. Mais la force la plus marquante de cette "fantasy historique", c'est bien l'Histoire. L'Histoire de la république de Marseille, des guerres de religion et du début de règne d'Henri IV. Avec la douce sensation d'apprendre en se divertissant. Le tout à peine modifié pour les besoins de l'intrigue, des intrigues.
En terme d'importance et d'influence, Royaume de vent et de colères est bien plus un roman historique qu'un roman de fantasy. La fantasy est bien là, mais seulement à la marge, autant excuse pour développer un personnage qu'élément essentiel de l'intrigue. Car l'essentiel, ce sont les personnages et leurs destins, leurs révoltes et leurs parcours, leurs survies et leurs développements. Des personnages colorés, vivants, marquants.
Si les grandes sagas de fantasy sont comme de longues guerres, Royaume de vent et de colères est lui une escarmouche qui prouve qu'il n'y a pas forcément besoin de trois fois 600 pages pour décrire un vrai univers et enchanter le lecteur. Pour un court roman, Royaume de vent et de colères foisonne d'idées et Jean-Laurent Del Socorro parvient à être autant inspiré sur la forme que sur le fond. Un excellent premier roman, une très belle plume à suivre, une réussite évidente.