mercredi 28 octobre 2015

René Barjavel - La Faim du tigre

La Faim du tigre, René Barjavel, 1966, 215 pages.

La Faim du tigre n'est pas un roman. C'est un essai sur la condition humaine. Son titre est extrait d'une citation de Charles-Louis Philippe, citation qui donne bien le ton et la thématique de l'essai de Barjavel :
« La faim du tigre est comme la faim de l'agneau. C'est la faim naturelle et implacable, mais douloureuse, de vivre. C'est cet appétit insatiable de provoquer ou d'endurer l'atrocité au quotidien, pour perdurer, toujours, ce sinistre théâtre où s'illustrent souffrances, crimes, terreur et esclavage, auxquels seule la Mort peut mettre fin. La Faim du tigre, c'est enfin et surtout la recherche rageuse de la raison pour laquelle, dans un cynisme sordide, ce sont la grâce, la beauté, l'innocence et l'amour, qui ont été choisis pour rythmer cette tragédie. »
Pas de récit politique ici mais un monologue sur les raisons de la vie humaine et sur son apparition, avec comme point d'orgue la recherche du "Créateur" et la redéfinition du terme "Dieu" à une entité primaire non galvaudée par les religions. C'est purement philosophique et métaphysique, et c'est pourtant facile d'accès et grand public grâce à un style très imagé et limpide, accompagné de nombreux exemples et phrases qui font mouche.

De par l'objectif initial du livre et pour quelques idées, je ne peux pas dire que j'ai apprécié ma lecture et que je la recommande. Pour autant, ça reste agréable à lire dans sa grande majorité, il y a de l'intelligence et de belles démonstrations dans un phrasé percutant. Barjavel se fait plaisir et ça se ressent. Un livre bien particulier, étonnant et détonant.
« Coupez en deux un petit ver flamaire, sa tête va reconstituer une queue, et sa queue une tête, et vous aurez deux vers. Essayez d'en faire autant avec un caniche... »

CITRIQ

mercredi 21 octobre 2015

Ken Liu - La Ménagerie de papier

La Ménagerie de papier, Ken Liu, 2004-2014, 424 pages.

19 nouvelles, pour la très grande majorité inédite en France, d'un auteur qui apparait comme incontournable dans le domaine au vu des diverses critiques élogieuses s'y rapportant. Notons que deux nouvelles ont déjà été "chroniquées" par ici : L'Erreur d'un seul bit et Faits pour être ensemble. Pas de baffes à l'époque. Pas de baffes aujourd'hui.

Peut-être faut-il y voir l'expression d'une attente trop importante. Le fameux "tout le monde trouve ça génial, du coup je vais prendre une claque, et en fait euh...". Je ne crois pas, notamment parce que le format de la nouvelle permet de continuellement remettre les choses en perspective. Et donc non, je n'ai eu aucun "coup de coeur" au sein de ce recueil, pas même la nouvelle éponyme, La Ménagerie de papier, pourtant auréolée de tout ce qui peut s'auréoler.

Mais ne restons pas fixé sur l'aspect "négatif" et ayons une vision plus positive : ce recueil est bon. Au fil des 19 nouvelles, Ken Liu varie les genres et les thématiques, même si le cerveau, le langage et d'une manière générale le rapport à l'autre (notamment dans sa version extraterrestre) sont bien souvent sur le devant de la scène. Il est plaisant de ne pas avoir l'impression de relire sans cesse une même idée, d'avoir vraiment la sensation de changer d'histoire à chaque nouveau récit. Il n'y a qu'une seule constante : la bonne plume de Ken Liu, à l'écriture fluide et agréable.

Je ne rentrerai pas dans le fastidieux détail des 19 nouvelles. En relisant la liste, je n'en vois pas une à faire particulièrement ressortir, la qualité est globalement constante. Étonnamment, la seule que je pourrai avoir envie de souligner serait Le Livre chez diverses espèces, une "nouvelle" très particulière, à l'inventivité folle.

Pas de coup de coeur, pas de sentiment exceptionnel. Mais La Ménagerie de papier reste un bon recueil, une bonne découverte de l'éclectisme de Ken Liu et un bon moment à passer. Juste bon. Mais n'est-ce pas déjà tout ce qu'on demande à un livre ?


Troisième participation pour le CRAAA

CITRIQ

lundi 12 octobre 2015

John Lang - Chaos sous la montagne

Chaos sous la montagne, John Lang, Tome 4/4 ou 5/5 du "Donjon de Naheulbeuk", 2014, 379 pages.

La fin de l'aventure (ou des aventures) de la compagnie des Fiers de Hache ! Après deux premières saisons audio (regroupées sous le roman À l'aventure, compagnons !) et trois romans (La Couette de l'oubli, L'Orbe de Xaraz et Le Conseil de Suak), Chaos sous la montagne vient clore l'épopée romanesque du Donjon de Naheulbeuk, une oeuvre devenu multi-surfaces, même si la Terre de Fangh réserve encore bien des surprises.

On retrouve notre troupe d'aventuriers quelques jours après la fin des évènements du Conseil de Suak et l'histoire se poursuit logiquement, même si l'ambiance est un peu particulière. Le fait que l'histoire se déroule pendant la guerre et que les héros soient au sein d'une masse plus importante y est surement pour quelque chose, tant on est habitué à les suivre de manière "intimiste" et à les voir évoluer "juste" ensemble. Cette minime séparation entraîne moins de dialogues et plus d'actions, perdant un peu du charme de la série et créant un petit coup de moins bien.

Pas d'inquiétude pour autant, le cours normal des choses reprend assez vite et on peut de nouveau savourer les saillies verbales de nos protagonistes et suivre avec joie les seconds rôles en arrière-plan, dans des parties souvent plus mordantes que le récit principal. Il n'y a ici pas de hasard : si l'on a apprécié la série jusque là, on aimera ce dernier tome. Peut-être pas pour la force de sa narration ni pour le style extraordinaire de John Lang. Mais bien pour le simple plaisir de voir évoluer cette bande que l'on suit depuis des années et d'entendre leurs répliques assassines en imaginant les voix de la saga mp3 d'origine. Un plaisir de fan déjà conquis qui n'en demande pas plus et sait à quoi s'attendre.

Quatrième lecture francophone pour le Challenge Francofou

CITRIQ

vendredi 9 octobre 2015

Chloé Chevalier - Véridienne

Véridienne, Chloé Chevalier, Tome 1/? des Récits du Demi-Loup, 2015, 376 pages.

Le royaume du Demi-Loup, composé des deux régions de Véridienne et des Éponas, repose sur une coutume particulière : chaque enfant royal se voit doté d'un Suivant, un enfant du même sexe né un jour après lui, qui devient son ombre, ne fait qu'un avec lui et doit le pousser dans le droit chemin. Le royaume en est-il pour autant paisible et florissant ?

Véridienne suit le destin de toute la royauté du Demi-Loup, et plus particulièrement des princesses Malvane et Calvina, à travers les yeux de leurs Suivantes Cathelle, Nersès et Lufhilde. Un récit polyphonique qui mélange les points de vue et les types de narration, alternant journaux, lettres, compte-rendus, ... Pourtant, si la variation est agréable et donne des angles de compréhension différents, on pourra reprocher un style trop uniforme et froid : on ne sent pas évoluer les personnages grâce à leurs narrations, seulement par le regard porté sur eux par les autres narrateurs.

Malgré cela, les personnages et leurs évolutions sont bien le coeur du récit et sa force principale. Même si elles apparaissent par moment un peu tête à claques et trop égocentrées, les héroïnes restent de forts caractères et donnent étonnamment envie de les suivre. Un mécanisme, à une moindre échelle, qu'on pourrait définir comme fiztchevalierien, en l'honneur de l'emblématique personnage de Robin Hobb.

Véridienne est une très bonne surprise. Il bénéficie de personnages forts dans un univers qui donne envie d'être exploré, dévoilant peu à peu une profondeur et de fortes possibilités. Surtout, il n'est pas un simple tome d'introduction où les pions se mettraient en place. Ici, les pions sont déjà bien en mouvement, il se passe des choses et on ne sait pas où cela nous emmènera. Une raison supplémentaire de vouloir en lire plus et de retourner dans ce royaume du Demi-Loup. Et quand l'envie de revenir à un univers est présent, c'est souvent bon signe.

Troisième lecture francophone pour le Challenge Francofou

CITRIQ

mardi 6 octobre 2015

Fabien Cerutti - L'Ombre du pouvoir

L'Ombre du pouvoir, Fabien Cerutti, Tome 1/? du Bâtard de Kosigan, 2014, 352 pages.

En 1339, Pierre Cordwain de Kosigan, dit « Le Bâtard de Kosigan », est le chef d’une troupe de mercenaires. Aidant les plus hautes sphères du pouvoir à comploter, il a aujourd’hui envie d’utiliser ses talents de comploteur pour un bénéficiaire bien particulier : lui-même.

Le Bâtard de Kosigan fait partie de ses personnages d’assassins/voleurs qui sont éminemment sympathiques malgré le côté moralement mauvais de leurs actions. On aime ou pas le genre ; si on l’apprécie, Le Bâtard de Kosigan est absolument à lire puisqu’il offre une manipulation de haute qualité.

L’histoire du Bâtard est vive et rythmée. Et pour cause : un second fil narratif, en 1899, permet d’alterner les scènes et sert de transition parfaite pour rester dans le vif du sujet. Mieux, il apporte une histoire tout aussi intéressante, une raison au récit à la première personne et un mystère encore plus important.

Mais n’allez pas croire que tout cela n’est qu’un enchaînement d’actions sans profondeur. Car du fond, il s’en crée petit à petit, notamment par la découverte de ce monde à la croisée de l’histoire de France et de la fantasy. Un cadre fort sympathique et surtout un mélange qui fonctionne à merveille, les touches de fantasy s’intégrant tout naturellement dans cette ambiance historique.

Le Bâtard de Kosigan est un « mauvais garçon » très attachant et surtout un excellent roman qui peut en grande partie se suffire à lui-même mais aura tout de même une forte tendance à donner envie de lire la suite, pour découvrir quelques réponses supplémentaires. Avec joie !


Deuxième lecture francophone pour le Challenge Francofou

CITRIQ

samedi 3 octobre 2015

Jean-Pierre Andrevon - Salut, Wolinski !

 Salut, Wolinski !, Jean-Pierre Andrevon, 1975, 23 pages (pdf).

La nouvelle gratuite du mois d'octobre offerte par Le Bélial' est Salut, Wolinski !, une nouvelle de Jean-Pierre Andrevon, à télécharger ici. Une nouvelle à l'origine du roman Le Travail du Furet, dont une réédition vient de paraitre chez ActuSF.

Dans Salut, Wolinski !, le lecteur suit la journée du narrateur dans sa tête. Il pourra ainsi profiter de monologues de plusieurs pages sur ses activités diurnes : tuer des gens.

En soi, Salut, Wolinski ! est une nouvelle très étrange et surtout inutile, qui n'apporte rien et n'est pas plaisante à lire. La postface permet d'en apprendre un peu plus sur les raisons de ce récit : symbole d'une époque où la liberté était totale et où la parole était libre, ainsi qu'hommage à Wolinski. Oui, soit. Mais bon, on ne passe pas pour autant un bon moment.


Première lecture francophone pour le Challenge Francofou