jeudi 27 février 2025

Terri Windling - L'Épouse de bois

L'Épouse de bois, Terri Windling, 1996, 309 pages

À la mort de Davis Cooper, un poète avec qui elle correspondait régulièrement, Maggie Black hérite de sa maison située au milieu du désert de Sonora, en Arizona. L'occasion pour elle d'enfin écrire la biographie de son ami, et de chercher à comprendre comment il a pu être retrouvé mort noyé dans le lit d'une rivière asséchée.

Je ne suis pas à l'aise avec les classifications de genre mais je pense pouvoir dire que L'Épouse de bois appartient à la mythopoétique et au réalisme magique tant il correspond bien aux termes en eux-mêmes. Il y a une création de mythes, il y a de la poésie, il y a du réalisme et il y a de la féérie. Ces quatre éléments étant tout aussi importants les uns que les autres, s'amalgamant pour former quelque chose de plus grand et de plus beau : L'Épouse de bois.

Tout commence par la découverte d'un cadre moderne et crédible, les abords désertiques de Tucson, un cadre naturel qui n'est pas pour autant déconnecté de la vie citadine. Un cadre où vivent des personnages eux-aussi crédibles, pas forcément ordinaires mais réalistes. J'insiste un peu trop sur ce début de roman mais je crois que c'est un élément important de sa réussite, au moins sur moi qui ne suis pas un grand amateur de littérature merveilleuse : avant même l'apparition de l'imaginaire, c'est une première découverte via les yeux de l'héroïne - aux réactions tellement appréciables - qui permet de rentrer facilement dans le roman et de s'y attacher. Et qui donne encore plus de sens et de compréhension à l'apparition du fantastique, nous mettant dans le même état d'acceptation que Maggie.

L'Épouse de bois a été une excellente surprise. C'est un livre à l'ambiance tout à fait unique, avec sa propre mythologie inspirée des oeuvres de Brian Froud - illustrateur de la couverture et cité dans le récit lui-même, pour un côté méta qui va très bien avec les frontières floues de ce réalisme magique. C'est un récit sans grande péripétie qui va à l'essentiel tout en construisant un univers marquant et vrai, qui fait la part belle à la poésie et à l'imaginaire tout en restant toujours logique et palpable. C'est un tour de force et un excellent roman.

Couverture : Brian Froud / Traduction : Stéphan Lambadaris
D'autres avis : Vert, Valériane, Zoéprendlaplume, ...

vendredi 21 février 2025

Marlon James - Brève histoire de sept meurtres

Brève histoire de sept meurtres, Marlon James, 2014, 846 pages
« Est-ce le trac, ou serais-je en train de comprendre que même si le Chanteur est au coeur de cette histoire, ce n'est pas réellement la sienne ? Comme s'il en existait une autre version, qui ne le concerne pas lui mais concerne son entourage, ceux qui gravitent autour de lui et qui pourraient fournir un tableau plus intéressant que moi lui demandant pourquoi il fume de la ganja. »
Le 3 décembre 1976, deux jours avant un concert pour la paix auquel il doit participer, sept hommes font irruption au domicile de Bob Marley pour l'abattre. Cet évènement historique est le point de départ de cette Brève histoire de sept meurtres qui évoque, de 1976 à 1991, les possibles raisons et conséquences de cette tentative d'assassinat, fictionnalisant sur ce qui semble être une très solide base historique.

Au contraire de ce qu'indique son titre, Brève histoire de sept meurtres est un ouvrage massif qui détaille les luttes de pouvoir jamaïcaines où les factions politiques sont étroitement liées aux gangs qui font la loi dans les quartiers pauvres de Kingston et dont l'influence s'étendra au fil du temps en dehors du pays. C'est un récit violent où se mélangent drogues, meurtres, viols, corruption et tout ce qui va avec. C'est surtout une somme de travail impressionnante qui a une grande qualité et un grand défaut.

Son défaut, c'est d'être aussi volumineux sans pour autant avoir un grand fil narratif clair. Brève histoire de sept meurtres ressemble souvent plus à une fresque qu'à un roman et cela peut parfois faire un peu décrocher. C'est heureusement rattrapé par sa plus grande qualité : l'écriture de ses personnages. Tout est narré via les points de vue internes de plus d'une dizaine de narrateurs différents. Et chacun a sa voix propre, sa manière de réfléchir et de s'exprimer, ce qui donne une lecture très vivante malgré l'éventuel manque de finalité romanesque. Un manque, une ampleur, qui est d'ailleurs admis et justifié à l'intérieur même du livre :
« Euh, à un moment donné on doit développer l'histoire. On ne peut pas seulement lui donner de la cohérence, il faut aussi de l'ampleur. Les choses n'arrivent pas dans le vide, il y a des conséquences, des répercussions, et parallèlement la planète continue à tourner, qu'on participe ou pas. Sinon, c'est juste le récit d'un truc qui s'est passé quelque part, et ça on peut le voir tous les jours au JT. »
C'est là que se situe cette Brève histoire de sept meurtres. Marlon James n'enchaîne pas juste des faits, il leur donne une réalité et un impact. J'ai mis un peu de temps à connaître mon propre avis sur ce livre et à savoir exprimer ce qu'est finalement ce roman. J'ai fini par trouver une comparaison : c'est une sorte de The Wire version jamaïcaine. Il m'a peut-être manqué un petit quelque chose pour atteindre le coup de coeur mais je ne peux dans le même temps qu'admirer et respecter tout le travail et l'intelligence de Marlon James. C'est une fresque oui, mais quelle fresque !

Couverture : d'après le design de Gregg Kulick - © Rolf Nussbaumer - Getty Images / Traduction : Valérie Malfoy
D'autres avis : Gromovar, ...

samedi 15 février 2025

Adrian Tchaikovsky - Le Dernier des aînés

Le Dernier des aînés, Adrian Tchaikovsky, 2021, 175 pages

Lynesse Quatrième Fille, princesse de Praimesite, déplore le manque de réaction de sa famille à l'annonce d'une présence démoniaque à l'orée de leur royaume. Bravant la montagne, elle va requérir l'aide de Nyrgoth, un puissant sorcier. Nyrgoth qui s'appelle en fait Nyr Illim Tevitch et qui est un anthropologue terrien en mission d'observation et qui n'est pas censé interférer avec la vie locale.

Le Dernier des aînés est une mise en application concrète de la troisième loi de Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ». L'histoire est racontée en alternance selon les deux points de vue de Lynesse et de Nyr et peut se rattacher à un genre différent selon le ou la protagoniste : le récit de Lynesse est une histoire de fantasy quand le récit de Nyr est une histoire de science-fiction.

Au-delà de l'astucieuse idée, bien rendue par Adrian Tchaikovsky, Le Dernier des aînés est une bonne aventure qui n'a rien de spectaculaire mais qui est efficace et bien menée. Peut-elle réconcilier les personnes ne jurant que par l'un des deux genres ? J'en doute. Mais elle prouve bien que les frontières entre les genres n'ont que peu de sens, les deux étant aussi à même de développer des personnages et des réflexions. C'est notamment le cas ici concernant le rapport à soi et aux autres, un questionnement qui porte tout autant qu'il soit entouré de magie ou de technologie.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Henry-Luc Planchat
D'autres avis : Tigger Lilly, Vert, Le Maki, Gromovar, FeydRautha, Célinedanaë, Anudar, Apophis, Lectures du panda, Herbefol, ...

dimanche 9 février 2025

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Cinq

Le Sang des 7 Rois : Livre Cinq, Régis Goddyn, Tome 5/7 du Sang des 7 Rois, 2015, 413 pages

Après les premier, deuxième, troisième et quatrième livres, ce cinquième tome poursuit toutes les aventures entamées précédemment, de manière quasiment routinière. Tout suit son cours presque trop normalement, laissant l'impression finale que le récit n'a pas grandement avancé alors qu'il s'est pourtant passé un paquet de choses. Et je ne sais honnêtement pas dire ce qu'il en est vraiment. Un peu des deux sûrement.

Le vrai problème de la série, et qui induit l'impression ci-dessus, c'est qu'elle manque d'émotions. La valse des personnages - des pions - sur le plateau du monde est indéniablement maitrisée, tout comme l'alternance des points de vue qui permet de faire vivre l'univers sur un temps long, mais je ne vibre pour aucun d'eux. Je suis leurs aventures avec plaisir et avec l'envie de savoir comment cela va finir, mais il me faut toujours un moment pour me souvenir de qui est qui - et encore, pour celleux qu'on voit régulièrement. Tout est un peu trop plat et mécanique, ce qui fait que même l'élément surprenant entraperçu dans les premiers tomes, maintenant dévoilé au grand jour, a déjà perdu tout sentiment d'excitation alors qu'il devrait être époustouflant. À voir si les deux derniers tomes permettront de rebooster un peu tout cela.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

lundi 3 février 2025

Bulles de feu #70 - Janvier 2025

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Thermae Romae T.1/6 - Mari Yamazaki

Un manga improbable essentiellement consacré aux thermes romains, avec une dose de voyage dans le temps pour faire un astucieux parallèle avec l'importance des bains dans la culture japonaise. Je ne sais pas comment ça peut ne pas devenir lassant vu que c'est déjà répétitif dans ce premier tome, mais l'idée reste incroyable.


Fends le vent ! T.3/? - Wataru Midori

L'histoire suit son bonhomme de chemin et s'ancre pleinement dans son époque avec l'apparition du covid.


L'An zéro, 2ème partie, Batman DC Renaissance T.5/9 - Scott Snyder, James Tynion IV, Greg Capullo et Andy Clarke

Une bonne BD d'action.


Vagabond T.4-5/37 - Takehiko Inoue

Le tome 5 est particulièrement impressionnant, un unique combat qui se termine sur un cliffhanger et qui se lit en apnée du début à la fin.


Doomboy - Tony Sandoval

Une sympathique BD, tout en rondeur et en douceur, sur fond de deuil et de doom metal.


Le Piano oriental - Zeina Abirached

Une très sympathique double biographie de l'autrice et d'un de ses aïeuls, inventeur du piano oriental. Un peu chargé graphiquement au début mais on s'y fait et ça recèle plein de bonnes petites trouvailles et d'astucieux agencements. Ce n'est pas parfait mais c'est un vrai bon moment de lecture.
Très bien


Hirayasumi T.6/? - Keigo Shinzo

Un tome qui touche juste sur la question de l'inutile et la manière d'être heureux.


The Bugle Call T.3/? - Mozoku Sora et Higoro Toumori

Un nouveau très bon tome qui continue de développer l'histoire tout en augmentant le focus sur les personnages.


Frnck T.1/? - Olivier Bocquet et Brice Cossu

Un très bon premier tome, fun et dynamique (et la preuve que les voyelles ne sont pas si importantes que ça).


Adieu Eri - Tatsuki Fujimoto

Ce n'est pas aussi touchant que Look Back mais c'est un nouveau très bon one-shot de l'auteur. Un manga surprenant sur la postérité et l'image qu'on laisse de nous, jamais déprimant malgré l'omniprésence du thème de la mort. Très malin sur le fond et sur la forme, Tatsuki Fujimoto proposant un manga qui se regarde vraiment comme un court-métrage.


La Malédiction de Gustave Babel, Les contes de la Pieuvre T.1/? - Gess

Un étrange mélange de début du XXème siècle, de mafia tentaculaire, de tueurs aux légers pouvoirs, d'onirisme, d'un peu de fantastique et de poésie baudelairienne. L'opacité se dévoile très rapidement et ça devient un pur plaisir, une histoire classique mais solidement contée dans un univers qui a une âme.


Evol T.2-3/? - Atsushi Kaneko

C'est brut, c'est violent, ce n'est pas sain mais c'est très bien et ça fait malheureusement sens.