Jours de sable, Aimée de Jongh, 2021, 257 planches
États-Unis, 1937. John Clark, jeune photographe, est engagé par la Farm Security Administration pour aller prendre des clichés de la situation en Oklahoma, dans la Dust Bowl, cette région en proie à une terrible sécheresse et à des tempêtes de poussière, poussant de nombreux habitants à déserter les lieux.
« Une image en dit plus qu'un millier de mots... pas vrai ? »C'est le point de départ de Jours de sable. Pour convaincre du bien fondé de ses réformes, la FSA va utiliser la photographie, dans une proportion inédite et dans une démarche qui marquera la discipline. Certains de ces clichés sont reproduits à l'intérieur de l'ouvrage, Aimée de Jongh construisant même chaque début de chapitre à partir de ceux-ci, dans des fondus très réussis.
L'art et l'impact de la photographie sont le premier aspect de Jours de sable, mais c'est loin d'être le seul. Le deuxième aspect le plus évident est l'aspect historique. Comme indiqué dès la première page, Jours de sable est une fiction historique : les personnages sont imaginaires mais le cadre est lui tout à fait véridique. C'est un petit cours d'Histoire que nous offre Aimée de Jongh, de manière simple et efficace. Oui, ces tempêtes ont bien existé, conduisant des millions de personnes à la misère voire à l'exode. C'est le troisième aspect de cette BD, un aspect social. D'ailleurs, ces tempêtes pourraient bien revenir, puisqu'elles ne sont pas arrivées par hasard. C'est un quatrième aspect, l'aspect écologique.
Je ne développe pas plus ces aspects, puisque vous allez lire Jours de sable et qu'Aimée de Jongh le fait bien mieux que moi. D'ailleurs, au-delà des informations glanées au sein de la BD en elle-même, cette triple thématique (historique/sociale/écologique) est développée succinctement en fin d'ouvrage, apportant de manière digeste un éclairage et un développement bienvenus.
Un cinquième aspect ne doit pas être oublié : l'aspect humain. Dans "fiction historique", Aimée de Jongh n'oublie nullement la partie fiction, en l'occurrence le séjour de John Clark en terres hostiles. Un travail qui deviendra rapidement bien plus qu'un simple job et sera une vraie expérience de vie grâce aux rencontres qu'il fera. Pourtant rapidement brossés, Aimée de Jongh parvient à dépeindre une vraie galerie de personnages touchants qui rendent la lecture poignante.
C'est donc une réussite sur le fond, sur l'intrigue et sur les personnages. Que reste-t-il ? La forme. Et la forme en BD, c'est principalement le dessin et les couleurs. Ça tombe bien, les deux sont somptueux. Le trait est globalement doux, et pourtant il rend pleinement la force et la dureté de l'environnement et son impact. Le point d'orgue étant le rendu des tempêtes de poussière, magistrales. Le sable s’infiltre partout sous nos yeux, et l'obscurité galopante des cataclysmes est terrifiante. C'est si bien fait que ça en croquerait presque sous la dent.
Dois-je préciser que Jours de sable est une excellente BD ? Fourmillante d'aspects, elle les réussit tous, tout en conservant à chaque instant un équilibre parfait. "Une image en dit plus qu'un millier de mots" dit la citation. Si Aimée de Jongh questionnera la justesse de cette idée, une autre semble elle incontestable : cette BD en dit plus qu'un millier d'images, voire plus qu'un millier d'ouvrages, au minimum.
Quelques planches ici.