jeudi 17 août 2023

Emilie Querbalec - Les Chants de Nüying

Les Chants de Nüying, Émilie Querbalec, 2022, 463 pages

Vingt-sept années. C'est le temps qu'il faudra au Yùtù, le gigantesque vaisseau-monde dirigé par Jonathan Wei, pour rejoindre la planète Nüying où une sonde a, des années plus tôt, enregistré d'étranges chants qui pourraient signaler une forme de vie. C'est pour étudier ces chants que Brume, bioacousticienne, est du voyage. Mais Jonathan Wei n'a peut-être pas que ce seul objectif en tête.

Les Chants de Nüying est un ouvrage étonnant, voire perturbant, car il ne faut pas se fier à ce qu'il laisse entrevoir par son titre, sa couverture et son résumé. Les Chants de Nüying n'est pas un roman de premier contact tel qu'on l'envisage habituellement. En tant qu'élément concret, les fameux chants ne sont qu'une fraction de la troisième partie du roman. Car avant l'exploration de Nüying, il faut d'abord préparer le lancement puis voyager. Ce n'est pas nécessairement un problème, mais il vaut mieux savoir où l'on met les yeux pour éviter une possible déception.

Cette différence entre les attentes et la réalité, cette manière dont les éléments moteurs des débuts laissent finalement la place à d'autres problématiques, m'a un peu rappelé une autre lecture récente, La Débusqueuse de mondes. Dans les deux cas j'ai autant eu de la sympathie pour un déroulé imprévisible et un changement de voies finalement assez réaliste qu'une légère frustration devant la non-concrétisation de ces mêmes voies. Un mot résume bien mon sentiment : c'est déstabilisant. Plutôt négativement au premier abord, à chaud. Plutôt positivement à froid, en y réfléchissant après coup.

Car une fois comprise et acceptée cette différence, et malgré une fin potentiellement grandiose mais surtout assez obscure, Les Chants de Nüying est un livre prenant et agréable à lire. Il n'est pas pleinement satisfaisant, il laisse des questions en tête, mais il crée aussi une aventure assez unique, tant par la culture dans laquelle il puise que par ses nombreuses pistes de réflexion sur la vie - rien que ça.

Il est des romans qui sont carrés, qui suivent leur cours de manière limpide, où chaque chose va gentiment à sa place. Il en est d'autres qui sont là pour surprendre le lecteurice, pour lui faire prendre des chemins qu'il n'aurait pas pu imaginer lui-même. Les Chants de Nüying est clairement de cette deuxième catégorie.

Couverture : Manchu
D'autres avis : FeydRautha, Lorhkan, Célinedanaë, Lullaby, Brize, Le Maki, Le chien critique, FeyGirl, Anudar, Le nocher des livres, Marc, Elwyn, Boudicca, Zoé, Sometimes a book, ...

Deuxième escale pour le Summer Star Wars Andor

lundi 7 août 2023

Bulles de feu #52 - Juillet 2023

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct



Le Maître des livres T.9-10/15 - Umiharu Shinohara

Toujours bien, dans la continuité de la série.



March comes in like a lion T.1-2/16 - Umino Chica

Une série sur fond de shogi qui ne doit pas être jugée sur son dessin et quelques scènes un peu loufoques, c'est bien plus dramatique que ça. C'est un peu difficile de rentrer dedans par manque d'exposition et je ne suis pas totalement emballé, mais il y a un petit quelque chose d'intrigant.



Lost Children T.10/10 - Tomomi Sumiyama

Un dernier tome qui a un peu pâti du délai de lecture avec les 9 premiers volumes mais qui est tout de même une bonne conclusion d'une chouette série qui restera comme une bonne surprise.



The Promised Neverland T.17-20/20 - Kaiu Shirai et Posuka Demizu

Un arc final assez classique, un peu facile et moins surprenant, plus dans l'action. On est loin de l'excitation des débuts mais la série a tout de même le mérite de conserver ses valeurs jusqu'au bout.



Spy X Family T.4-5/? - Tatsuya Endo

Je n'aime pas vraiment les histoires basées sur des quiproquos donc ce n'est fondamentalement pas pour moi. Mais ça reste bien fait et agréable si je lis la série à petite dose, les personnages étant sympas.
Très bien



Asadora ! T.7/? - Naoki Urasawa

Il ne se passe pas grand chose et ça n'avance pas beaucoup, mais ça reste un vrai plaisir.



L'Attaque des titans T.19/34 - Hajime Isayama

Toujours très bien.



Insomniaques T.8-9/? - Makoto Ojiro

Toujours adorable. C'est particulièrement très bon dans les dessins sans texte, qui en disent beaucoup.



Bride Stories T.14/? - Kaoru Mori

Pas le tome le plus marquant de la série - sauf pour les amoureux de chevaux - mais ça se lit (et s'admire vu le niveau de détails des dessins) toujours aussi bien.



Les 5 Terres T.10/? - Lewelyn et Jérôme Lereculey

Toujours solide.

mardi 1 août 2023

Laurine Roux - L'autre moitié du monde

L'Autre moitié du monde, Laurine Roux, 2022, 252 pages

Espagne, années 1930, dans le delta de l'Èbre. Sur les terres des Ibáñez, les paysans triment à longueur de journée sous la houlette d'une Marquise sans pitié et les 'dérapages' perpétrés par son fils Carlos. Alors que la colère gronde et monte dans tout le pays, elle pourrait bien atteindre cette petite région, surtout après l'arrivée dans l'école locale d'un nouveau jeune professeur.

L'Autre moitié du monde conte une période cruciale de l'Histoire espagnole, celle de la montée des idées socialistes et anarchistes d'un côté et des idées fascistes de l'autre, qui entraînera une guerre civile et la prise de pouvoir de Franco. Cette lutte nationale nous est racontée en filigrane, à la fois très présente mais surtout en arrière-plan. Ce vent de changement, Laurine Roux nous le présente à hauteur d'êtres humains - particulièrement par les yeux de Toya, une jeune fille au début de l'histoire - dans cette communauté du delta dont les aspirations à la liberté sont entravées par la puissance de l'aristocratie en place.

L'Autre moitié du monde est un drame. C'est énoncé clairement dès le prologue - étonnant mais qui fera pleinement sens plus tard, tout comme une certaine rupture temporelle déstabilisante mais finalement parfaite - un prologue qui évoque les bouquets de fleurs attachés au bord des routes. La lutte sera dure, la lutte sera violente et la lutte ne sera pas victorieuse. Mais la lutte a du coeur, la lutte a de la force, la lutte a de la vie. Et elle donne envie de lutter malgré tout, malgré les difficultés externes et les stupidités internes.

L'Autre moitié du monde ne doit pourtant pas être vu comme un pur roman de lutte politique. C'est aussi, surtout, un livre sur la vie et sur la mémoire, le souvenir. Et c'est un ouvrage de Laurine Roux. Si, en comparaison avec Une immense sensation de calme et Le Sanctuaire, il est sans aucun doute le texte de l'autrice qui a le plus fort ancrage dans le réel, dans notre réalité, il conserve toutefois cette importante présence de la nature.

Et c'est un ouvrage de Laurine Roux (bis). Ce qui veut dire qu'il possède l'impressionnante écriture de l'autrice. Je suis incapable d'en rendre toute la force et l'intelligence, mais c'est une nouvelle fois puissant, évocateur, mélodieux, ... Ce n'est jamais difficile à lire, ce n'est pas plein d'esbroufe et d'effets tape-à-l’œil, mais il y a pourtant indéniablement quelque chose d'unique et de majestueux dans ses lignes. Laurine Roux est une autrice exceptionnelle et L'Autre moitié du monde est une nouvelle fois un excellent roman.

Couverture : Hulton Deutsch / Getty Images