mardi 27 avril 2021

George R.R. Martin & Lisa Tuttle - Elle qui chevauche les tempêtes

Elle qui chevauche les tempêtes, George R.R. Martin & Lisa Tuttle, 1981, 434 pages

Sur un monde constellé d'îles battues par les vents, les humains se divisent en deux catégories : les rampants, la majorité de la population, accrochés à leur terres, et les aériens, messagers pouvant voler d'îles en îles grâce à leurs ailes en métal tissé. Née rampante, Mariss a été recueillie par un aérien et a appris à voler. Mais son rêve est sur le point de s'achever quand elle apprend que c'est son demi-frère qui héritera des ailes et deviendra un véritable aérien.

Elle qui chevauche les tempêtes est un roman/fix-up composé de 3 récits - 5 en comptant les courts, mais bons, prologues et épilogues - narrant différentes étapes cruciales de la vie de Mariss. Une vie d'ampleur pour celle qui est née pour chevaucher les vents et qui aura des conséquences sur la marche du monde.

"Tempête", le premier récit, est une très belle novella de rêves et de luttes, très positive et fort touchante, valant déjà à elle-seule la lecture de ce roman. Difficile d'imaginer que la suite va être à la hauteur de cette entrée en matière. C'est exact : le deuxième récit, "Une-Aile", n'est pas à la hauteur, il lui est supérieur. Dans un ton bien moins gentillet, "Une-Aile" est une novella très intelligente sur les traditions, le respect et le pardon, tout en nuances et en teintes de gris, aux problématiques si réelles. "La Chute", troisième et dernier récit, ne peut logiquement pas rivaliser mais s'avère un texte malgré tout très bon, renouvelant une nouvelle fois les thématiques tout en gardant les qualités de l'ensemble.

À la fois intelligent dans ses idées, prenant grâce à ses personnages travaillés et ses intrigues dynamiques et fascinant par son univers décrit en peu de mots mais éminemment visuel, Elle qui chevauche les tempêtes est tout simplement un excellent livre. Où quand l'addition de deux grands talents produit une somme peut-être même supérieure au résultat escompté.

Couverture : Alain Brion / Traduction : Patrick Marcel
D'autres avis : Tigger Lilly, Xapur, Boudicca, Boudicca, ...

mardi 20 avril 2021

Amor Towles - Un Gentleman à Moscou

Un Gentleman à Moscou, Amor Towles, 2016, 573 pages

En 1923, à la suite de la révolution russe de 1917 et à l'instauration d'un régime communiste, le comte Alexandre Ilitch Rostov est condamné par un tribunal bolchévique en vertu de son statut d'aristocrate. Néanmoins, pour un poème aux accents révolutionnaires écrit des années auparavant, la sentence est plus clémente que prévu : le comte est condamné à ne plus quitter sa résidence, l'Hôtel Métropol en plein coeur de Moscou.

Est-il possible de rendre intéressant un roman se déroulant au sein d'un même hôtel pendant des décennies ? Oui, et c'est plus qu'intéressant, c'est passionnant. Un Gentleman à Moscou est un excellent roman qui met en scène un personnage principal exceptionnel. Le comte Rostov est un homme sensé, intelligent, fin observateur et agréable à vivre. Il est plein de classe et d'élégance, les vraies, pas de celles qui rabaissent leur entourage, bien au contraire.

Au fur et à mesure des pages, des personnages secondaires s'affirment, le passé se dévoile et l'évolution politique de l'URSS est habilement mis en scène en arrière-plan. Mais Rostov reste toujours l'élément central, frais et amusant, qui rend la lecture agréable de bout en bout. Il fait de cet hôtel un ilot de simplicité et de plaisir, et de ce livre un excellent roman, joli, touchant et optimiste.

Couverture : Mélissa Four / Traduction : Nathalie Cunnington
D'autres avis : Lune, Gromovar, Yogo, ...

mardi 13 avril 2021

Paul McAuley - Cowboy Angels

Cowboy Angels, Paul McAuley, 2007, 467 pages

En 1966, les États-Unis sont parvenus à créer des "portes de Turing", des portails vers des mondes parallèles où l'Histoire a suivi un cours différent. Cette découverte a amené la création d'une nouvelle force secrète, la Compagnie, visant à unir les États-Unis des différents mondes. Retraité de cette unité, Adam Stone va devoir reprendre du service quand un ancien équipier, à qui il doit la vie, est accusé d'avoir assassiné la même femme dans six univers différents.

Cowboy Angels est un roman qui coche un paquet de cases, en traitant à la fois d'uchronies, d'univers parallèles et de voyages dans le temps. Le mélange est globalement réussi, avec pas mal de bonnes idées, et sert de cadre à une intrigue entre roman d'action et thriller d'espionnage qui parvient à rester claire de bout en bout.

Si le récit est efficace, les deux premiers tiers ne sont pourtant pas vraiment satisfaisants. Un peu longuets, le problème vient surtout des personnages, absolument lambdas et ne créant aucune émotion. Heureusement, la dernière partie est bien plus prenante et se termine sur une fin plus humaine et un peu plus profonde que tout ce qui a précédé. Dommage qu'il faille passer par une première partie désespérément froide pour en arriver là.

Couverture : ? / Traduction : Bernard Sigaud

mardi 6 avril 2021

Ken Liu - Jardins de poussière

Jardins de poussière, Ken Liu, 2011-2018, 520 pages

Jardins de poussière est un recueil de 25 nouvelles du prolifique Ken Liu, composé spécialement pour la France par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, les Quarante-Deux. L'information est d'importance car le sommaire est particulièrement soigné et réfléchi, organisant des nouvelles bien diverses en une suite tout à fait logique et qui fait sens à la lecture.

Ainsi on peut globalement discerner trois parties thématiques. La première parle de l'évolution des temps et de comment trouver sa place dans un monde en perpétuel mouvement. La deuxième se focalise plus spécialement sur des problèmes sociétaux, écologie et racisme en tête, avec bien souvent la relation sino-américaine en toile de fond. La troisième et dernière partie quant à elle élargit l'angle de vue et évoque les débuts et fins de la vie, qu'elle soit humaine, terrienne ou universelle. À noter que les genres évoluent aussi globalement au fil des pages, d'une science-fantasy dans les premières nouvelles à des textes bien plus hard-SF pour terminer.

Cette construction fait déjà de Jardins de poussière un très bon recueil. Et en plus, les textes sont largement à la hauteur. À part peut-être "Messages du Berceau (...)" et "Printemps cosmique" pour lesquelles je suis un peu passé à côté, toutes les nouvelles sont au minimum bonnes - pour les plus anecdotiques - jusqu'à excellentes pour un nombre conséquent de récits. Pour n'en citer que quelques-unes et ne pas rentrer dans un listing imbuvable, les trois nouvelles qui ouvrent le recueil - "Le Jardin de poussière", "La Fille cachée" et "Bonne chasse" - sont certainement parmi mes favorites. Sans surprise, ce sont aussi parmi les nouvelles les plus sensibles et touchantes, même si le recueil est globalement bien moins froid que ce que je pouvais craindre.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Pierre-Paul Durastanti
D'autres avis : Vert, FeydRautha, Gromovar, Marc, Sabine, Yogo, ...

jeudi 1 avril 2021

Bulles de feu #32 - Malgré tout

Malgré tout, Jordi Lafebre, 2020, 125 planches

Malgré tout est donc un sublime ouvrage qui a sa place au panthéon des plus belles histoires d'amour en BD, aux côtés par exemple de Un océan d'amour de Lupano et Panaccione. Une très belle histoire qui est magnifiée par un exercice de style superbement réalisé. Simplement parfait de la première à la dernière case. Ou inversement.

Agréables, les premiers chapitres sont surtout très surprenants, avec cette plongée dans une situation déjà établie et ce temps qui ne cesse de reculer. Pourtant, le procédé se fait très vite oublier pour laisser seulement place au pur plaisir de la lecture et à l'attachement imparable qui nait pour ces deux personnages et leur histoire aussi belle qu'étonnante. Le procédé n'est pas pour autant qu'accessoire : Jordi Lafebre multiplie les clins d'oeil et les échos pour lier intrigue et exercice de style, les deux ne faisant finalement qu'un, juste comme il faut, ajoutant de la poésie à la positivité du récit.

C'est sur ces deux cases que se termine le premier chapitre de Malgré tout, qui voit Ana et Zeno, deux sexagénaires - elle tout juste retraitée de son poste de mairesse, lui venant de valider sa thèse de doctorat - se retrouver enfin pour vivre leur histoire d'amour. Si vous trouvez qu'il y a comme un air de fin de récit dans ce point de départ, c'est normal : le "premier chapitre" est en fait le chapitre 20, celui qui conclut l'histoire. La suite - chapitre 19, puis chapitre 18, puis ... - reviendra, à rebours, sur la vie de ces deux individus et comment ils en sont arrivés là.
Quelques planches ici.
D'autres avis : Laetitia Gayet, ...