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mercredi 22 janvier 2025

Chris Vuklisevic - Du thé pour les fantômes

Du thé pour les fantômes, Chris Vuklisevic, 2023, 439 pages

Félicité et Agonie sont deux soeurs qui ne se sont pas vues depuis des dizaines d'années. Deux soeurs un peu particulières : l'une dialogue avec les fantômes pour leur permettre de partir en paix quand l'autre est une sorcière recluse au fond des montagnes. Mais la mort de leur mère va réunir les jumelles et les mettre en quête de leurs origines.

C'est peu dire que Du thé pour les fantômes commence de manière déstabilisante. Les personnages sont peu sympathiques, les capacités d'Agonie font frissonner, la place et le rôle du narrateur est peu clair, l'enjeu du récit n'est pas évident et le tout n'est pas conté de manière linéaire. L'ensemble donne une sensation vraiment étrange qui a eu du mal à m'accrocher. Mais pourquoi autant de personnes ont bien pu adorer ce roman ? C'est en poursuivant que j'ai compris.

Du thé pour les fantômes est un roman qui ne cesse de s'améliorer au fil de ses pages. Il m'aura défintivement acquis à sa cause lors d'un sublime passage à deux voix, aussi réussi sur le fond que sur la forme, qui dit parfaitement les rancoeurs et les points de vue différents que deux personnes peuvent acquérir, sans que l'une ait plus raison que l'autre. C'est un point de bascule pour moi mais ce n'est pas une rupture, c'est seulement l'aboutissement - le premier aboutissement - d'une grande maitrise de la part de Chris Vuklisevic dans sa construction du récit.

Du thé pour les fantômes est donc un livre qui se dévoile peu à peu, au niveau de ses personnages comme de son histoire. Si tout parait d'abord un peu bizarre, l'impression finale est tout autre : chaque mot est dosé, chaque mot compte, chaque mot est utilisé à bon escient. D'une manière extrêmement satisfaisante, tout finit par faire totalement sens et avoir ses raisons d'être jusqu'à se terminer en apothéose.

Il y aurait énormément de choses à dire sur ce roman. Je n'ai pas évoqué le cadre ultra-réaliste de la région niçoise, je n'ai pas évoqué toutes les bonnes idées liées aux thés et aux fantômes, je n'ai pas évoqué ces passages qui parviennent à donner du baume au coeur malgré l'ambiance tragique, je n'ai pas évoqué la réflexion globale sur l'identité, la sérénité et l'acceptation. Je n'ai pas évoqué tout ce qui fait que ce roman est un très très beau roman. Mais je n'ai pas besoin de le faire parce qu'il n'y a qu'une seule chose que vous vous devriez faire : le lire.

Couverture : Cécilia Leroux
D'autres avis : Sabine, Yuyine, Sometimes a book, Célinedanaë, Boudicca, Snow, Vert, shaya, ...

samedi 24 août 2024

Katherine Arden - L'Hiver de la sorcière

L'Hiver de la sorcière, Katherine Arden, Tome 3/3 de la Trilogie d'une nuit d'hiver, 2019, 442 pages

L'Hiver de la sorcière est la suite directe et immédiate de La Fille dans la tour (qui suivait lui-même L'Ours et le Rossignol). Réellement directe : le temps écoulé entre les deux tomes ne se compte pas en jours mais en heures (et encore). Ce qui est bien moins long que le temps passé entre ma lecture du tome 2 et de ce tome 3 (à seulement trois ans près). Pourtant, à ma plus grande surprise, c'est une série qui se reprend très facilement. C'est aidé par deux choses : malgré sa continuité, ce volume est quasiment indépendant ; il y a très peu de personnages importants, une dizaine tout au plus, ce qui facilite grandement la prise de repères.

Poursuivre une série des années plus tard est un bon test pour savoir si celle-ci est un minimum marquante. C'est le cas de cette trilogie d'une nuit d'hiver. Les évènements importants - au-delà de ma détestation de Konstantin, indélébile - me sont revenus en mémoire assez vite et je m'y suis rapidement replongé sans aucune frustration. Le seul problème de ce délai, c'est que je ne peux pas assurer à 100% que ce troisième tome est le meilleur de la série, mon avis sur La Fille dans la tour semblant aussi très positif. Mais ça a tout de même de bonnes chances de l'être.

Le roman a tout un tas de qualités, notamment dans sa réflexion globale sur la haine et l'acceptation, mais il y a trois éléments qui m'ont été particulièrement marquants et en ont fait une lecture plus qu'agréable. Premièrement Vassia a grandi et a pris de l'indépendance. Il y a moins d'atermoiements, moins de secrets et plus de libertés, ce qui donne un roman d'autant plus plaisant à vivre. Deuxièmement il y a une évolution, à tendance romance, qui m'a d'abord gêné, me semblant contradictoire avec d'autres éléments, pour finalement me gagner à sa cause grâce à une gestion très intelligente. Enfin troisièmement il y a la fin du livre. Un final épique et une conclusion en forme d'apothéose, admirablement construite et donnant un dénouement d'une rare satisfaction. Un véritable aboutissement. Il fallait au moins ça pour rendre honneur à cet excellent roman.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Jacques Collin
D'autres avis : Vert, FeyGirl, Lhisbei, Lune, Célinedanaë, Lullaby, Yuyine, Boudicca, Cédric, Zoéprendlaplume, Alys, ...

jeudi 13 juin 2024

Mary Robinette Kowal - L'Homme superflu

L'Homme superflu, Mary Robinette Kowal, 2022, 470 pages

Dans un gigantesque vaisseau de croisière, Tesla Crane, une ingénieure faisant partie des femmes les plus célèbres et riches du monde, est en direction de Mars pour y passer sa lune de miel. Tout se passe bien jusqu'à ce qu'un meurtre soit commis et que le coupable désigné soit Shal, son mari, détective à la retraite.

L'Homme superflu est un petit whodunit dans l'espace, avec tous les éléments les plus classiques du genre, notamment la galerie de personnages ayant tous leurs petits secrets. L'aspect science-fictionnel, même s'il semble (à la lecture des remerciements de l'autrice) reposer sur de solides bases, reste cependant assez anecdotique, l'intrigue pouvant assez facilement être transposée lors d'une croisière terrienne classique.

Une intrigue qui n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel. Elle est correcte, voire sympathique, mais elle est loin d'être ciselée comme un excellent polar, utilisant notamment quelques artifices et facilités. Cela n'est pas forcément grave si vous prenez plaisir à suivre les personnages. Ce qui ne fut pas mon cas, en tout cas pas concernant Tesla Crane, une héroïne que j'ai trouvé hautaine et insupportable (et dont la backstory ne rattrape rien, au contraire). L'Homme superflu a certainement le potentiel d'être une sympathique lecture, mais pour moi ce fut un livre seulement "ok sans plus".

Couverture : Pascal Guédin / Traduction : Patrick Imbert
D'autres avis : L'ours inculte, Yuyine, Le Maki, Le nocher des livres, Chut... maman lit, ...

samedi 14 octobre 2023

Jack Finney - Le Voyage de Simon Morley

Le Voyage de Simon Morley, Jack Finney, 1970, 473 pages

Simon Morley est un jeune dessinateur new-yorkais dont l'existence n'a rien de particulière. Jusqu'au jour où un homme lui propose d'intégrer un projet ultra secret dont le but est le voyage dans le temps. Avec une méthode inédite qui ne nécessite pas de machine, seulement le conditionnement de l'esprit.

Si une vieille histoire de famille servira d'excuse à créer une petite intrigue au sein de ce voyage temporel, Le Voyage de Simon Morley est surtout un guide touristico-historique du New-York de 1882, clichés à l'appui. Jack Finney y promène le lecteurice en long, en large et en travers, avec un luxe de détails sur les bâtiments et technologies de l'époque. C'est sans conteste un impressionnant travail de recherche et de restitution.

D'un point de vue romanesque, c'est bien moins resplendissant, puisqu'il est régulièrement possible de sauter des pages entières sans rien perdre de l'intrigue, si ce n'est un déplacement de quelques rues. C'est aussi vide d'histoire que c'est plein d'Histoire. Si vous adorez Connie Willis mais que vous trouvez que ses intrigues sont si neutres qu'on pourrait les réduire sans rien y perdre, alors Le Voyage de Simon Morley est fait pour vous.

Couverture : Benjamin Carré / Traduction : Hélène Collon
D'autres avis : Lune, Xapur, Acr0, ...

dimanche 9 mai 2021

Richard Matheson - Journal des années de poudre

Journal des années de poudre, Richard Matheson, 1991, 265 pages

En 1876, plusieurs années après leur dernière rencontre, Frank Leslie croise dans un saloon Clay Halser, as de la gâchette et véritable légende de l'Ouest. La rencontre est de courte durée puisque Clay sera tué quelques minutes plus tard. Chargé de ses affaires suite à son décès, Frank va tomber sur les carnets intimes du pistolier et découvrir la dure réalité derrière la légende.

Chose étonnante vu la collection où il est édité, Journal des années de poudre n'est nullement un roman d'imaginaire mais bien un western. Loin des représentations parfois idéalisées, Richard Matheson propose un Far-West sombre et cruel où il ne fait pas bon vivre. Plus encore, l'auteur détricote le mythe de la "légende", rendant son sens premier au terme, plein d'embellissement et d'exagération.

S'il n'a rien de transcendant, Journal des années de poudre reste un western plus que correct qui se lit de manière tout à fait agréable. Outre les qualités du récit en lui-même, il possède un très bon rythme notamment grâce à un astucieux système de coupes et de résumés réalisés par Frank Leslie dans le journal de Clay Halser. Un journal qui sent toujours la poudre mais qui n'a nullement pris la poussière.

Couverture : Benjamin Carré / Traduction : Brigitte Mariot

mardi 27 avril 2021

George R.R. Martin & Lisa Tuttle - Elle qui chevauche les tempêtes

Elle qui chevauche les tempêtes, George R.R. Martin & Lisa Tuttle, 1981, 434 pages

Sur un monde constellé d'îles battues par les vents, les humains se divisent en deux catégories : les rampants, la majorité de la population, accrochés à leur terres, et les aériens, messagers pouvant voler d'îles en îles grâce à leurs ailes en métal tissé. Née rampante, Mariss a été recueillie par un aérien et a appris à voler. Mais son rêve est sur le point de s'achever quand elle apprend que c'est son demi-frère qui héritera des ailes et deviendra un véritable aérien.

Elle qui chevauche les tempêtes est un roman/fix-up composé de 3 récits - 5 en comptant les courts, mais bons, prologues et épilogues - narrant différentes étapes cruciales de la vie de Mariss. Une vie d'ampleur pour celle qui est née pour chevaucher les vents et qui aura des conséquences sur la marche du monde.

"Tempête", le premier récit, est une très belle novella de rêves et de luttes, très positive et fort touchante, valant déjà à elle-seule la lecture de ce roman. Difficile d'imaginer que la suite va être à la hauteur de cette entrée en matière. C'est exact : le deuxième récit, "Une-Aile", n'est pas à la hauteur, il lui est supérieur. Dans un ton bien moins gentillet, "Une-Aile" est une novella très intelligente sur les traditions, le respect et le pardon, tout en nuances et en teintes de gris, aux problématiques si réelles. "La Chute", troisième et dernier récit, ne peut logiquement pas rivaliser mais s'avère un texte malgré tout très bon, renouvelant une nouvelle fois les thématiques tout en gardant les qualités de l'ensemble.

À la fois intelligent dans ses idées, prenant grâce à ses personnages travaillés et ses intrigues dynamiques et fascinant par son univers décrit en peu de mots mais éminemment visuel, Elle qui chevauche les tempêtes est tout simplement un excellent livre. Où quand l'addition de deux grands talents produit une somme peut-être même supérieure au résultat escompté.

Couverture : Alain Brion / Traduction : Patrick Marcel
D'autres avis : Tigger Lilly, Xapur, Boudicca, Boudicca, ...

dimanche 31 janvier 2021

Katherine Arden - L'Ours et le Rossignol

L'Ours et le Rossignol, Katherine Arden, Tome 1/3 de la Trilogie d'une nuit d'hiver, 2017, 351 pages

Vassia est une jeune fille vivant avec sa famille dans les contrées froides du Nord de la Rus'. À une époque où le christianisme supplante peu à peu les vieilles traditions, elle a hérité de sa mère la faculté de voir les anciennes divinités qui peuplent le village et la forêt avoisinante. C'est cette capacité qui la placera au coeur d'une lutte entre deux de ces mythiques entités.

L'Ours et le Rossignol est un sympathique ouvrage qui vaut principalement pour son héroïne, une jeune fille/femme énergique et volontaire, ainsi que pour son cadre, la campagne russe et son folklore, particulièrement des esprits de la maison et de la nature. Une ambiance de conte pour un livre qui se lit d'ailleurs un peu comme un conte.

L'ouvrage se divise en trois parties. La première est une mise en place agréable, qui laisse du temps et de la place à son héroïne pour grandir quand la dernière est une conclusion active qui termine de manière satisfaisante l'intrigue et fait de ce livre un one-shot tout à fait acceptable. Malheureusement, entre les deux se déroule la plus longue partie du récit qui est d'un niveau moindre : une inéluctable suite de péripéties qui traine à accomplir quelque chose de surprenant, s'avérant surtout lassante, d'autant plus que la situation vécue par Vassia n'est guère agréable à suivre.

Un bémol qui empêche L'Ours et le Rossignol d'être une excellente lecture, mais ne l'empêche pas d'être tout de même un bon livre. Et si la fin est satisfaisante, elle donne aussi envie d'en lire plus, en espérant réaliser pleinement les promesses de plus grande qualité que les premières et dernières dizaines de pages laissent entrevoir. Ça tombe bien, il existe deux autres tomes.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Jacques Collin
D'autres avis : Vert, Lune, Gromovar, Cédric, Célindanaé, lutin82, Boudicca, Lorhkan, Elhyandra, Anudar, Lhisbei, Yuyine, Alys, ...