vendredi 15 août 2014

Écran de fumée #4 - Éloge d'une certaine lenteur

Innocemment, on aurait tendance à dire que la lenteur dans une série, c'est chiant. Synonyme d'ennui ou de contemplation assoupissante dans l'inconscient collectif, une série supposément lente n'est pas forcément notre premier choix dans notre liste de lecture.
Pourtant, la lenteur est loin d'être toujours un défaut. Bien utilisée, cela peut même être une qualité primordiale. Accordez lui un bon scénario, un cadre remarquable, un excellent dialoguiste et de non-moins excellents acteurs et vous aurez peut-être la chance de voir se réaliser un petit chef-d'oeuvre. Car, bien dosée, la lenteur permettra de magnifier ces éléments, d'en utiliser le plein potentiel et de faire monter la pression.

Bon, tout ça c'est bien joli, théoriquement c'est très facile, mais dans les faits, ça donne quoi ?
Petit tournée de 3 séries qui conjuguent lenteur et réussite.


AMC, 2008-2013, 5 saisons, 62 épisodes de 45 minutes

Breaking Bad n'est pas la première série lente à avoir existé. Pourtant, elle marque pour moi un tournant dans l'histoire des séries télé en remettant cette qualité sur le devant de la scène. Pour toutes les séries récentes et pour toute la vague à venir, Breaking Bad aura assurément été une précurseuse.

Breaking Bad raconte la vie et l'évolution de Walter White. Professeur de chimie, il apprend qu'il a un cancer du poumon. Pour assurer l'avenir de sa famille, il se lance, avec un ancien élève, dans la fabrication et la vente de méthamphétamines.

Tout est bon dans le "Breaking Bad" !
Les personnages sont forts, bien construits et en évolution constante. Celui de Walter White, sans fausse note, restera une référence pendant bien longtemps. Surtout, ils sont portés par une flopée d'excellents acteurs (Bryan Cranston et Aaron Paul en tête, mais ils sont loin d'être les seuls).
L'histoire est prenante, crédible la plupart du temps, capable d'un grain de folie quand il le faut. L'utilisation des flashforwards, en début de saison ou d'épisode, est judicieuse et crée quelques moments mémorables (Walter White en slip, ça rappelle quelques souvenirs ?).
Et puis il y a donc cette lenteur, cette manière de prendre son temps, de laisser les scènes mariner, de laisser de la place aux acteurs pour s'exprimer. La tension monte, les répliques sonnent, et les climax n'en sont qu'encore plus étourdissants.

Pour beaucoup, Breaking Bad est l'une des meilleures séries de tous les temps. Les autres ne l'ont pas encore vue. De quel côté êtes-vous ?


HBO, 2014-en cours, 1 saison, 8 épisodes de 60 minutes

True Detective, c'est la série qu'on se rappellera - peut-être - dans le futur comme un tournant.

D'abord pour avoir (re)popularisé le format de l'anthologie (des saisons indépendantes qui raconte chacune une histoire complète). Ce n'est pas la première à l'avoir fait ces derniers mois, mais c'est bien celle qui a suscité le plus d'engouement et de visibilité. Sous réserve, bien sûr, que la saison 2 soit à la hauteur.

Conséquence en partie de ce premier point, la série se permet un casting hollywoodien, avec des acteurs qu'on ne s'attendait pas à voir là. L'efficacité est au rendez-vous : Woody Harrelson et Matthew McConaughey sont épatants.

C'est aussi la preuve qu'on peut encore faire quelque chose de bien avec une histoire policière, sans tomber dans le procedurial routinier habituel. C'est toutefois facilité par un format compact, en peu d'épisodes, qui vient confirmer une tendance plus générale à la série courte.

Ainsi, True Detective conte l'histoire de deux inspecteurs, Rust Cohle et Martin Hart, dans la résolution d'un meurtre en 1995. Ambiance Louisiane marécageuse, sombre et morbide. Et l'ambiance, c'est l'un des plus grandes forces de la série. Le noir est de mise et c'est pourtant splendide à observer, la photographie est admirable.

8 heures pour résoudre un meurtre, on ne peut pas contredire l'idée d'une certaine lenteur. L'intrigue prend son temps, fait même quelques détours, ne se limite pas à raconter une enquête mais bien à construire et déconstruire ses deux personnages principaux. Alors ces 8 heures passent à une vitesse folle. Il ne faut rien enlever à Woody Harrelson, très bon et absolument essentiel au rayonnement de son collègue. Mais Matthew McConaughey est simplement exceptionnel et mérite à lui seul le visionnage de la série. Hypnotisant à chaque apparition, ses monologues sont à chaque fois des pépites.

La saison 1 est bien construite, lente et captivante. L'exploit peut-il être répété dans la saison 2 ?


FX, 2014-en cours, 1 saison, 10 épisodes de 45 minutes

Alors que la saison 2013/2014 semblait avoir fourni sa perle avec True Detective, il s'est avéré qu'une deuxième se cachait dans son ombre : Fargo. Si le nom vous dit quelque chose, c'est normal. C'est en effet aussi le titre d'un film des frères Coen, ici producteurs, et la série est basé sur ce dernier. Mais pas d'inquiétude, la série se regarde indépendamment.

Difficile d'en faire un pitch très précis sans dévoiler un grand rebondissement. Simplement : un tueur à gage, Lorne Malvo, arrive dans la ville de Bemidji, transformant la vie de toute une frange de la population.

Au jeu des comparaisons, Fargo et True Detective ont pour commencer beaucoup de similitudes. Le format déjà, une anthologie, et un nombre d'épisodes restreint. Elles tirent aussi leurs forces des mêmes ingrédients : des personnages remarquables (la galerie est bien plus large dans Fargo), des excellents acteurs (dont Martin "je-ne-sais-pas-être-mauvais" Freeman, Billy Bob Thornton en tueur hypnotisant, Allison Tolman et Colin Hanks), des dialogues forts et une photographie léchée.

Mais au final, les deux séries n'ont rien à voir. Pour parler de l'atmosphère générale, si True Detective est noire, Fargo est blanche : grandes étendues de neige et paysages sublimes en perspective. Quant à l'histoire, elle ici complètement tragi-comique et pleine d'humour noir.

Et la lenteur donc. Même si la série ne manque pas d'actions d'éclat, elle repose tout de même grandement sur les dialogues et confrontations entre personnages. La réalisation leur laisse une grande place pour s'exprimer et n'hésite pas à faire durer ces moments. On a donc le droit à de nombreuses scènes de dialogues, de véritables duels verbaux aux répliques acérées. Et des silences tout aussi éloquents.

« Because some roads you shouldn't go down. Because maps used to say "there be dragons here". Now they don’t. But that doesn’t mean the dragons aren’t there. »

6 commentaires:

  1. Difficile de faire la fine bouche sur les exemples choisis...
    Ceci dit, je n'ai pas encore vu Fargo, mais il n'y a sans doute aucune peur d'être déçu.

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  2. Ah j'ai beaucoup aimé Breaking bad :) (et je vais faire comme tout le monde, et te dire qu'elle est ma saison préférée : la 4e !)
    Je suis aussi amoureuse de True Detective, j'ai trouvé les acteurs géniaux, l'intrigue bien ficelée - et glauque à souhait - et le bayou est en soi, un background qui fonctionne déjà tout seul. Je ne sais pas ce que la saison 2 saura me charmer (Californie et trois autres acteurs). On sait bien que l'enquête n'est pas le point fort, mais bien la relation entre ces deux personnages que tout sépare. Ceci dit, j'ai des amis qui s'y sont ennuyés, la résumant à "si tu aimes les discussions qui n'en finissent pas dans une voiture" ;)
    Par contre, je ne connais pas Fargo, alors je note :)

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  3. Je viens de regarder le pilote de Fargo :) C'est pas mal !

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  4. @Lorhkan -> Tu peux y aller sans crainte !

    @AcrO -> En comparaison de "Breaking Bad", "True Detective" est une série plus facilement critiquable et dont je peux comprendre que certains n'adhèrent pas. J'ai lu pas mal d'articles de déception et j'ai souvent trouvé les arguments justes. Mais j'ai, tout comme toi, accroché et énormément apprécié, et c'est bien l'essentiel.
    J'espère que tu trouveras ton plaisir avec "Fargo". =)

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  5. @Baroona
    Breaking Bad et True Detective sont dans ma liste à voir, je ne désespère pas de m'y mettre un jour :D.

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