Le Dit d'Aka / Le Nom du monde est forêt, Ursula Le Guin, 2000/1972, 310 pages.
Escale n°2 dans mon voyage dans l'Ekumen d'Ursula le Guin. Ou plutôt escales n°2 et n°3 puisque ce roman, Le Dit d'Aka, est suivi d'un autre court roman plus ancien, Le Nom du monde est forêt. Double dose de plaisir.
En commençant Le Dit d'Aka, j'étais content d'avoir déjà fait mon entrée dans le cycle avec La Main gauche de la nuit. Un peu compliqué et un peu brouillon comme début, où les situations politiques de la Terre, d'Aka et de l'Ekumen se mélangent. Et puis, après une vingtaine de pages, on se plonge tout entier sur Aka et la magie opère.
On suit Sutty, une Envoyé terrienne, sur Aka, une planète qui se veut ultra-moderne et tournée vers l'au-delà, quitte à supprimer et oublier son passé. On trouve, entre autres, deux axes de réflexion principaux. Sur un plan politique, le totalitarisme, qu'il soit religieux ou scientifique, et ses conséquences. À la fois via la situation d'Aka mais aussi via les souvenirs de Sutty concernant la Terre (et donc notre futur). Mais le thème principal, c'est la littérature. Ses rôles, ses pouvoirs. La transmission, le souvenir, le partage. Impossible de ne pas penser à Fahrenheit 451 tant leurs objectifs semblent identiques (tout comme le plaisir à les lire).
Le Dit d'Aka est une grande oeuvre et une lecture indispensable, comme l'est Fahrenheit 451. Elle représente pour moi l'essence de la science-fiction : aller voir ailleurs pour mieux nous questionner ici. Un questionnement multiple dont une large part est ici consacré à un sujet qui vous est forcément cher si vous lisez ceci : les livres et les histoires.
« Erreur. Elle n’aurait pas dû le remercier. Les remerciements appartenaient au registre du « discours servile ». Les formules honorifiques, les salutations, les demandes de permission et les expressions de fausse gratitude, tous ces fossiles de l’hypocrisie primitive étaient des obstacles à la franchise entre producteurs-consommateurs. C’est ce qu’elle avait appris, en ces termes, presque dès son arrivée. »
Le Nom du monde est forêt a la difficile tâche de suivre ce moment d'excellence. Malgré avoir reçu le Prix Hugo, il est pour moi légèrement en dessous. De la manière que le "très bon" est juste en dessous de "l'excellent".
À la différence du "schéma classique" d'Ursula Le Guin, on ne suit pas ici la rencontre d'une nouvelle planète avec l'Ekumen. À la place, on découvre le Monde 41, une planète où toutes les terres sont couvertes de forêts. Exactement l'inverse de l'actuelle Terre, qui l'a colonisé pour le déboiser. Mais quid des pacifiques autochtones ?
Encore plus que dans Le Dit d'Aka, les terriens sont au premier plan et offrent une comparaison d'autant plus facile avec notre présent. Outre quelques considérations d'ordre métaphysique, on réfléchira principalement sur les thèmes de l'écologie et du colonialisme. Si les réflexions peuvent sembler évidentes de notre point de vue contemporain et de fait moins percutantes que d'habitude (ce qui n'enlève rien à leur justesse), il faut se rappeler que ce texte a été écrit en 1972. On peut alors crier au génie.
Deuxième participation au challenge SFFF au féminin
Je viens de lire son "Livre d'Or", une bonne introduction je pense, sans être non plus absolument géniale.
RépondreSupprimerMais j'ai quand même décidé de me mettre à lire ce cycle d'ici quelque temps. Parce qu'il y a un petit quelque chose qui me fait dire que ça va être du lourd... ;)
Quelle bonne idée !
RépondreSupprimerJe confirme, Le nom du monde est forêt fait un peu pitié à côté du Dit d'Aka, d'autant plus que c'est deux textes écrits à des époques très différentes (je trouve qu'on sent bien les problématiques actuelles dans le Dit d'Aka).
RépondreSupprimerLes dépossédés maintenant ?
Le Nom du monde est forêt est finalement aussi pas mal d'actualité (sur la question écologique, moins peut-être sur la colonisation), mais a un côté beaucoup plus (trop ?) naïf et simple.
RépondreSupprimerEn effet, le suivant sera surement Les Dépossédés ^^