Les Dépossédés, Ursula le Guin, 1974, 391 pages.
Le cycle de l'Ekumen a une constante : Ursula Le Guin nous emmène chaque fois à la découverte d'une nouvelle planète, avec son habitat, son mode de vie et toute une étude anthropologique qui s'y rapporte. Et c'est super. Avec Les Dépossédés, c'est double ration de plaisir puisque l'on part à la découverte d'une planète, mais de deux !
D'un côté Urras, la planète mère, aux accents de la Terre : contrôlée par une élite riche, misogyne, peuplée de guerres nationales et de luttes de classes. De l'autre Anarres, la planète fille, peuplée quelques générations auparavant par des révolutionnaires urrastis : une utopie anarcho-communiste, basée sur la liberté, le partage, la solidarité et l'égalité, pauvre, en retard technologique et aux conditions de vie difficiles. Chacune est la lune de l'autre. Hormis un cargo de temps en temps pour échanger des marchandises, aucun contact.
Pour partir à la découverte de ces deux planètes et de leurs fonctionnements opposés, on suit le personnage de Shevek, un physicien annaresti. Un premier fil narratif le voit partir pour Urras, le premier à jamais faire le voyage en ce sens. Un deuxième nous montre sa jeunesse sur Anarres et les raisons l'ayant poussé à prendre le risque de partir.
Il faut bien le dire, ces presque 400 pages ne sont pas remplies de grandes actions et de multiples rebondissements. Il ne se passe même pas grand chose. Le rythme est lent. Et pourtant. Pourtant c'est une nouvelle oeuvre d'art ciselée par Ursula Le Guin. L'écriture est riche, précise, attentive.
Mais c'est bien le propos qui est au centre et qui est le plus remarquable. Les Dépossédés est éminemment politique. Encore plus concrètement que d'habitude. Cette communauté anarchiste annarestie qui fonctionne est un vrai exemple de modèle de société alternatif. En opposition avec le capitalisme détestable d'Urras, il est simple de savoir de quel côté le coeur de l'auteur la porte.
Mais ce roman n'est absolument pas une bête éloge de l'anarchisme. Pas de manichéisme ici : Ursula Le Guin montre aussi les limites du système et les sacrifices nécessaires. Ainsi que tous les aspects qui peuvent de près ou de loin se rapporter à cette "politique", le langage et l'éducation en tête.
Les Dépossédés est un roman riche qui regorge de bonnes choses et dont on pourrait tirer des lignes et des lignes. En résumé, ce sont deux modèles de société scrutés à la loupe. Mais cette macrosociologie est portée en parallèle par le développement d'un petit être humain qui nous montre les choses à son échelle. Micro et macro sont réunis. Pour un livre qui n'a rien de petit mais bien tout d'un grand.
Quinzième participation au challenge SFFF au féminin
Deuxième participation pour le Summer Star Wars : Episode II
Premier emprunt à la bibliothèque pour le challenge Morwenna's List
Ursula Le Guin, what else ?
RépondreSupprimerÇa va devenir ton slogan. ;)
Je n'ai pas lu ce roman mais ton billet donne vraiment très envie. D'ailleurs, j'ai peu lu Ursula Le Guin, et j'avoue bien volontiers que c'est un tort...
RépondreSupprimerC'est tentant...
RépondreSupprimer@Lorhkan -> Fais attention, cela pourrait très prochainement aussi devenir le tien. =P
RépondreSupprimer@Sandrine -> Je ne te jetterai pas la pierre (ou le pavé, pour être livresque), j'étais encore parfaitement inculte de l'auteur il y a peu. ^^
Mais c'est en effet une bibliographie à découvrir, les chefs-d'oeuvre s'accumulent !
@Xapur -> Tu peux craquer, c'est une saine tentation. ^^
Mon premier Le Guin, et y a pas à dire, c'est le top. Je crois que pour le défi Morwenna, je vais lire tout ce que je n'ai pas lu d'elle :p
RépondreSupprimerIl n'est pas impossible que je fasse de même. ^^
RépondreSupprimer@Baroona et Kissifrott
RépondreSupprimerDamned j'avais un peu prévu de faire la même chose xD
Sinon Ursula parle d'une utopie ambigüe je crois pour les Dépossédés, je trouve que c'est un excellent résumé.
Je me souviens avoir sué à le lire, mais ça en valait la peine, ça fait bien deux ans et j'y pense encore à ce bouquin de temps en temps...
Etonnant Vert, je n'ai eu aucune difficulté à lire Les Dépossédés tant j'ai trouvé cette anticipation politique d'une clarté incroyable. le terme d'utopie ambigüe est en effet particulièrement juste tant on sent un idéal personnel derrière l'oeuvre, tout en ayant un esprit rationnel jugeant cette utopie avec recul.
RépondreSupprimerPersonnellement, Ursula Le Guin représente pour moi LA Voix de l'Humanité :)
Pas encore lu celui-là. J'avoue avoir une grande appréhension pour "Les dépossédés" et "La main gauche de la nuit". Mes attentes sont tellement élevées que j'ai peur d'être trop critique envers ces deux livres (oui, je sais, c'est une raison stupide ^_^).
RépondreSupprimer@Vert -> Plutôt bon résumé en effet.
RépondreSupprimerEt j'ai aussi dû quelque peu batailler par moment, c'est loin d'être une lecture facile mais le résultat est largement à la hauteur de l'effort. ^^
@Cachou -> Je ne trouve pas ça stupide, au contraire (suis-je influencé par le fait que cela m'arrive aussi ?).
Mais bon, tu peux te lancer, ces deux-là ont toutes les qualités d'autres oeuvres de l'auteur, ce ne seront au pire que de très bonnes lectures. =P
Je viens de le finir pour le challenge Morwenna aussi...
RépondreSupprimerTu as très bien résumé le livre, c'est une belle chronique. Et ce livre, c'est un vrai bijou qui fait réfléchir...
Merci ! Content qu'il t'ait plu. ^^
RépondreSupprimerEn plus, je peux désormais rajouter qu'il reste parfaitement bien en mémoire. ^^