mercredi 8 mai 2024

Vlad Eisinger - Du rififi à Wall Street

Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger, 2020, 309 pages

Ancien journaliste, Vlad Eisinger est devenu un romancier dont la carrière végète. Il est heureusement contacté pour écrire la biographie d'un grand patron. Sauf que cela ne se passe pas très bien, Vlad ayant des envies de Littérature, et le projet s'arrête. Vlad va alors répondre à une autre commande et écrire un roman noir très codifié, mettant en scène un écrivain travaillant sur la biographie d'un grand patron et y découvrant des choses louches. Du rififi à Wall Street conte autant l'histoire vécue par Vlad que l'histoire écrite par Vlad.

Jusque-là, tout semble à peu près normal. Surtout si on ne sait pas que Vlad Eisinger était un des personnages de Roman Américain d'Antoine Bello. Antoine Bello qui est le traducteur de ce livre, expliquant en préface avoir reçu ce texte de Vlad Eisinger, aujourd'hui porté disparu. Il n'y a donc pas seulement un roman dans le roman, il y a un auteur d'un auteur d'un auteur.

Pourtant tout est extrêmement fluide et compréhensible à la lecture, bien plus que mes premiers paragraphes. Du rififi à Wall Street est un ouvrage très joueur, brouillant les frontières entre l'écrivain et sa création, questionnant sans cesse la frontière entre fiction et réalité (avec notamment une très intéressante explication de la "non-fiction" de Truman Capote). Le tout en rendant hommage au roman noir, en en décortiquant les codes et en les appliquant parfaitement. C'est d'une manière générale un roman très riche, mais qui ne perd jamais le lecteurice, restant simple en toutes circonstances.

Il y a énormément de points que je pourrais évoquer, mais Antoine Bello le fait bien mieux que moi. Car l'auteur est si lucide (et taquin) que les réactions que peut provoquer Du rififi à Wall Street se trouvent à l'intérieur même du livre. Rien ne vaut donc mieux que de le lire. Mais c'est en résumé une très grande réussite, un ouvrage très intelligent et bien mené, et ça l'est peut-être encore plus en connaissant le reste de la bibliographie de l'auteur. Ça m'aura en tout cas confirmé dans mon idée de continuer à la découvrir.

Couverture : / Traduction : Antoine Bello
D'autres avis : Alys, TmbM, ...

jeudi 2 mai 2024

Bulles de feu #61 - Avril 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Le ciel dans la tête - Antonio Altarriba et Sergio García Sánchez

La migration d'un enfant-soldat congolais vers l'Europe, désespérant comme il se doit, malgré le style graphique plutôt lumineux. Une BD tout à fait ok mais un peu trop décousue.
Très bien


Frieren T.10-11/? - Kanehito Yamada et Tsukasa Abe

Deux volumes qui prolongent le tome 9 et constituent quasiment un seul même grand arc. Et c'est peut-être le meilleur de la série, une histoire portée par des personnages forts, qui font sens, une vraie réussite.


Vinland Saga T.27/? - Makoto Yukimura

Un tome complètement dans le thème de la série, questionnant le pacifisme et la peur de l'autre, aussi juste qu'énervant.


Giant T.1-2/2 - Mikaël

Un très bel hommage à l'émigration irlandaise qui a contribué à la construction du New-York moderne, avec une histoire qui sonne vraie et une belle place laissée à la narration par l'image.


Hirayasumi T.4/? - Keigo Shinzô

Toujours du pur bonheur, doux et attachant.


Friday T.2/3 - Ed Brubaker, Marcos Martín et Vicente Muntsa

Un deuxième tome aussi réussi que le premier. Une enquête très prenante qu'on relira avec grand plaisir quand sortira le dernier volume.


Zero - Taiyô Matsumoto

Un excellent manga de boxe, un one-shot volumineux qui ne plaira pas à tout le monde, qui ne prône pas les grandes valeurs du sport, mais qui s'est avéré une lecture puissante et haletante.


Perpendiculaire au soleil - Valentine Cuny-Le Callet et Renaldo McGrith

Un ouvrage massif à tous les niveaux, dont ni l'épaisseur (plus de 400 planches, mais c'est aéré et ça se lit tout seul) ni le thème (la relation épistolaire entre l'autrice et un condamné à mort aux USA, en parallèle de la création de cette BD) ne doivent effrayer. C'est une grande oeuvre, qui donne à réfléchir et qui est graphiquement très riche.

vendredi 26 avril 2024

Régis Goddyn - Le Sang des 7 Rois : Livre Premier

Le Sang des 7 Rois : Livre Premier, Régis Goddyn, Tome 1/7 du Sang des 7 Rois, 2013, 400 pages

Tout commence par l'enlèvement de deux jeunes enfants dans le fief de Hautterre. Un évènement qui aurait pu se limiter à la poursuite des ravisseurs par le sergent Orville, promu pour l'occasion capitaine-ambassadeur-militaire. Mais c'est aussi le début d'un bouleversement de grande ampleur qui s'étendra à l'ensemble des sept royaumes et réveillera d'anciens secrets sur le sang bleu, aux propriétés surnaturelles, qui coule dans les veines d'une partie de la population.

J'ai recommencé Le Sang des 7 Rois avec deux envies : lire une grande épopée de fantasy et enfin terminer, en en profitant pleinement, cette série que j'avais arrêté après le quatrième tome. Et vu la qualité de ce premier tome, nul doute que ces deux souhaits sont et seront exaucés.

Ce Livre Premier a toutes les caractéristiques du genre : un monde d'inspiration médiévale, un héros aux capacités supérieures, une situation impossible, des antagonistes très puissants, des grands secrets à découvrir, ... Du classique mais qui n'apparait pourtant pas lambda ou quelconque à la lecture, avec un univers qui parvient à se démarquer et à proposer quelques suprises, notamment grâce à cette idée de sang bleu au sens littéral. C'est surtout extrêmement efficace, avec une écriture et un déroulé simple et clair à suivre, et déjà beaucoup de révélations et d'avancées dans l'histoire, ça n'a rien d'un longuet tome d'introduction.

Tout n'est peut-être pas parfait dans ce premier tome, mais l'impression générale est très largement positive. Sa réussite se mesure facilement : j'ai grandement envie de lire la suite. D’autant plus que, à une exception près, tout ce dont je me souvenais s'étant avéré se trouver dans ce Livre Premier, la suite aura bien plus des allures de lecture que de relecture.

Couverture : Yann Tisseron
D'autres avis : ...

jeudi 18 avril 2024

Claire Garand - Paideia

 

Paideia, Claire Garand, 2023, 321 pages

Dix jeunes filles vivent dans des stations orbitales, seules avec leurs parents. Alors que la Terre a été dévastée, elles sont le dernier espoir de l'espèce humaine, destinées à devenir les mères d'une nouvelle humanité sur la Lune. Mais une jeune fille, la narratrice, le souffre-douleur du groupe, a d'autres rêves : l'exploration et la conquête spatiale, à commencer par Mars.

Paideia est un ouvrage étonnant, un quasi-huis-clos spatial qui tourne autour d'enfants de 7 ans génétiquement modifiées, les rendant bien plus adultes que ce que leur âge laisse présumer, mais ayant aussi des comportements totalement enfantins. Au centre de ce groupe inhabituel, la narratrice est encore plus atypique, elle qui est continuellement rabaissée à sa condition de fillette moins intelligente que les autres et qui a des idées différentes, ne se rangeant ni à l'avis général, ni au bien commun. Elle n'est pas particulièrement sympathique, elle n'est pas une grande héroïne classique, mais sa manière de foncer malgré ses erreurs et d'aller au bout de ses idées lui donne une personnalité très forte et remarquable.

Surtout, elle permet de créer une réflexion globale sur l'égoïsme et l'altruisme, sur le libre arbitre et la liberté individuelle. Paideia est un roman qui donne à réfléchir et à aller au-delà de ses premières impressions - un peu, dans un genre totalement différent, comme le faisait L'Incivilité des fantômes de Rivers Solomon. Je ne peux pas dire que j'ai trouvé ma lecture particulièrement enthousiasmante, plutôt même un peu laborieuse par moment. Mais, à froid, je respecte énormément la proposition que Claire Garand fait avec Paideia. L'atypisme est toujours bon à prendre.

Couverture : Anna Parraguette
D'autres avis : Vert, Yuyine, Lhisbei, Marc, Le Maki, ...

vendredi 12 avril 2024

Tristan Garcia - 7

7, Tristan Garcia, 2015, 570 pages

Une nouvelle drogue qui fait rajeunir, une archéologie de la musique, deux visages liés entre eux, une révolution uchronique, la croyance envers les extraterrestres, des bulles communautaires et un homme immortel. C'est le (vague et imparfait) programme des 7 textes qui composent 7. Un ouvrage qui doit être considéré comme un recueil de nouvelles, même si le dernier texte, La Septième, est bien plus long - la moitié du livre environ - et qu'il dévoile quelques éléments "méta", reliant l'ensemble, qui restent toutefois assez anodins.

Il y a pas mal de bonnes choses dans 7. À commencer par des petites idées fantastico-SF qui servent de base aux différentes histoires. Agrémentées d'une écriture qui sait se faire captivante par moment, cela donne six nouvelles tout à fait correctes à lire, avec Sanguine et L'Existence des extraterrestres un cran au-dessus des autres.

Malheureusement, la novella qui conclut l'ouvrage est à mon goût le texte le plus faible du recueil. Là où les autres récits peinaient seulement dans leurs démarrages, la longueur de La Septième fait revenir plus d'une fois une certaine lassitude et désintérêt - surtout à la 42ème évocation de l'odeur de la cannelle. Il y a indéniablement des idées et un projet mais, pour être dans le cliché, là où il existait une certaine balance entre littérature blanche et littérature de genre dans les textes précédents, elle semble pencher ici vers la littérature générale, avec des considérations et des thématiques qui ne m'ont pas emballées. Une lecture en dents de scie qui se termine sur une note un peu négative, pour un ouvrage qui n'a pourtant pas que du négatif à proposer.

Couverture : /
D'autres avis : Vert, ...

samedi 6 avril 2024

Bulles de feu #60 - Mars 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


L'Oxalis et l'Or T.1-2/10 - Eiichi Kitano

Un manga consacré à l'émigration irlandaise et à la ruée vers l'or, qui sans être mauvais est à deux doigts du "mouais", à cause surtout de son mélange des tons perturbant, à la fois très dramatique mais aussi très loufoque par moment.


Panda Detective Agency T.1/? - Pump Sawae

Un manga dont les "enquêtes" sont une excuse pour proposer de petites tranches de vie sur des individus atteints de métamorphie, une maladie les faisant se changer peu à peu en animaux. Ce n'est pas mauvais mais c'est trop rapide et survolé pour être réellement attachant.


Fends le vent ! T.1/5 - Wataru Midori

Un bon premier tome pour ce manga de sport assez classique mais qui a un mérite : parler de handisport avec son héros amputé d'une jambe.


Insomniaques T.10/14 - Makoto Ojiro

Un tome un peu vide, mais tout de même toujours agréable.
Très bien


Hirayasumi T.2-3/? - Keigo Shinzô

Une série vraiment agréable à lire, feel-good, aux personnages attachants.


Friday T.1/3 - Ed Brubaker, Marcos Martín et Muntsa Vicente

Un tome introductif mais très prometteur pour ce polar/thriller fantastique sur une base très maline d'un duo de jeunes détectives type Sherlock/Watson qui a grandi et dont la relation a changé.


Tsugai - Deamons of the Shadow Realm T.1-2/? - Hiromu Arakawa

Une très bonne surprise que cette nouvelle série de l'autrice, avec toujours ses dessins caractéristiques mais un univers bien différent, plus urban fantasy moderne que ce que la couverture et le titre laissent penser ; un très gros potentiel.

dimanche 31 mars 2024

Becky Chambers - Archives de l'exode

Archives de l'exode, Becky Chambers, Tome 3/? des Voyageurs, 2018, 364 pages

Il y a fort longtemps, lorsqu'ils ont quitté leur Terre dévastée, les humains sont partis à bord de gigantesques vaisseaux-mondes, la Flotte d'exode. Si les descendants des terriens ont désormais essaimés sur d'autres planètes, la Flotte est toujours là, en orbite autour d'un soleil, formant un territoire aux moeurs particulières. Archives de l'exode suit 5 personnages vivant sur l'Asteria, un vaisseau de cette Flotte.

Archives de l'exode est dans la droite lignée des précédents romans de la série des Voyageurs mais n'en est nullement une répétition, ne serait-ce que dans son schéma général. Alors que L'Espace d'un an suivait un petit équipage au complet et que Libration suivait un personnage principal, Archives de l'exode suit plusieurs personnages qui ne sont pas liés entre eux même s'ils se croiseront aux détours de leurs vies respectives. Ce n'est pas une différence révolutionnaire mais cela donne tout de même le sentiment de lire des romans réellement différents et ayant leurs identités propres. Le même constat vaut pour les idées développées, proches dans leur thématique générale mais pourtant sensiblement différentes à chaque fois. Ce renouvellement est une des grandes qualités de la série.

Cette lecture m'a aussi confirmé pourquoi je préfère très largement les romans de Becky Chambers à ses novellas Histoires du moine et du robot, les deux partageant pourtant une même thématique de recherche de sa place dans le monde. Outre qu'elle y a plus de temps pour développer son propos, Becky Chambers y propose surtout plus de situations concrètes et variées, qui sonnent bien plus vraies notamment car il y a - très modérément - un peu d'antagonisme. Et avec aussi un peu plus de subtilité, où tout du moins une meilleure intégration des idées au récit, permettant une lecture à la fois prenante dans son déroulé, attachante par ses personnages et touchante lors de quelques très beaux passages, parfois pourtant assez anodins. Archives de l'exode est une nouvelle fois une combinaison du meilleur de ce que Becky Chambers a à proposer.
« Grâce au sol, debout ; grâce aux vaisseaux, vivants ; par les étoiles, l'espoir. »
Couverture : Nicolas Sarter / Traduction : Marie Surgers
D'autres avis : Shaya, Yuyine, OmbreBones, Alys, ...

lundi 25 mars 2024

Terry Pratchett - Les petits dieux

Les petits dieux, Terry Pratchett, Tome 13/35 des Annales du Disque-Monde, 1992, 390 pages

Omnia est un pays dirigé par des religieux croyant en Om, leur dieu. Frangin y est un simple novice, jusqu'à ce qu'une tortue borgne se mette à lui parler. Une tortue qui s'avère être une incarnation de Om, en mal de vrais fidèles pour lui permettre de regagner ses pouvoirs.

Les petits dieux est un tome indépendant du Disque-Monde, n'appartenant à aucun sous-cycle. Si tous les romans peuvent se lire indépendamment, c'est une caractéristique qui se prête particulièrement bien à celui-ci tant il aurait pu être publié à part, sous un autre nom, et fonctionner tout aussi bien. Notamment car l'humour y est moindre, en tout cas moins marqué par le style caractéristique - et propre à diviser - de Terry Pratchett.

Sans surprise, Les petits dieux traite principalement de religion, mais aussi de philosophie, de pouvoir et d'obscurantisme. Il ne révolutionne rien dans son propos, mais il propose une sorte de résumé complet de ce qu'est la religion et ses dérives. C'est très malin et extrêmement bien fait, parodiant de nombreuses références et critiquant l'ensemble tout en douceur. Ce n'est pas forcément le volume le plus excitant mais c'est éminemment respectable.

Couverture : Josh Kirby / Traduction : Patrick Couton
D'autres avis : Lullaby, ...

mardi 19 mars 2024

Claire North - Les Quinze premières vies d'Harry August

Les Quinze premières vies d'Harry August, Claire North, 2014, 570 pages

Harry August est sur le point de mourir. Pour la 11ème fois. Car à chaque fois qu'il meurt, il renait dans les mêmes circonstances que la première fois, mais avec une particularité : il conserve tous ses souvenirs. Sauf qu'avant de s'éteindre une nouvelle fois, il reçoit une visite. Une jeune fille qui a un message à lui transmettre : la fin du monde approche, de plus en plus vite.

Sur cette base très intrigante, Claire North crée une histoire encore plus timey-wimey qu'un 'simple' voyage dans le temps et revisite de manière très maline ce genre, avec toutes les problématiques habituelles mais des implications peut-être encore plus importantes. Le tout en restant parfaitement compréhensible et palpable. Il n'y a guère qu'un élément qui soit un peu plus complexe à appréhender, mais le roman est dans son ensemble étonnamment simple et abordable.

Il y a une raison à cela. Les Quinze premières vies d'Harry August se lit bien plus comme un thriller que comme un récit de voyage dans le temps. Dans une forme qui ne manquera pas de rappeler La Maison des jeux à celleux qui l'ont lue tant il partage d'innombrables points communs avec cette excellente trilogie. Cela se retrouve aussi bien dans le style vif de l'autrice que dans la manière plus générale de narrer une intrigue d'ampleur mondiale à taille humaine, portée par quelques personnages forts.

Et à l'image de La Maison des Jeux, Les Quinze premières vies d'Harry August est un excellent roman. C'est prenant et excitant à lire, satisfaisant de la première à la dernière ligne.

Couverture : Fabrice Borio d'après © Magdalena Russoka - Trevillon Images / Traduction : Isabelle Troin
D'autres avis : Le chien critique, Célinedanaë, Lianne, Anudar, Le Maki, ...

mercredi 13 mars 2024

Marguerite Imbert - Les Flibustiers de la mer chimique

Les Flibustiers de la mer chimique, Marguerite Imbert, 2022, 453 pages

Ismaël, en mission pour Rome, l'un des derniers bastions de la civilisation, est naufragé en plein océan. Il est recueilli et capturé par un sous-marin, le Player Killer, domicile des Flibustiers de la mer chimique, où il fera connaissance avec leur excentrique capitaine, Jonathan. Sur la terre ferme, un autre individu est aussi capturé, par Rome cette fois : Alba, une graffeuse, une des rares personnes ayant des connaissances sur l'ancien temps.

Les Flibustiers de la mer chimique est un roman post-apocalyptique - où l'eau est toxique et où la nature a repris ses libertés, dangereuses pour les humains survivants - qui a le mérite de ne pas être réellement angoissant. Il y a une certaine excentricité générale et un ton globalement haut en couleur qui font un contrepoids efficace à ce qui pourrait sinon être assez oppressant, notre futur étant au coeur des préoccupations du roman. Ça se lit comme un roman d'aventures, un Jules Verne sous amphets.

En tout cas pour la partie "flibustiers", qui constitue une moitié du roman, intéressante à suivre et dont la réussite repose en grande partie sur l'aura du personnage de Jonathan. L'autre moitié est consacrée à Alba, un personnage dont la pénibilité est extrêmement bien rendue par Marguerite Imbert, pour le meilleur et pour le pire - le pire étant que j'avais seulement envie de repasser à l'autre fil narratif du roman - et dont l'intérêt est plus limité. Cette dualité résume finalement bien mon avis sur Les Flibustiers de la mer chimique : loin d'être mauvais mais loin d'être très bon, l'ayant lu sans mal mais sans jamais être pleinement emballé. "Juste" un bon roman.

Couverture : Sparth
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, Zina, Alys, Shaya, FeydRautha, FeyGirl, Lhisbei, L'ours inculte, Anne-Laure - Chut maman lit, Sometimes a book, Le nocher des livres, Célinedanaë, OmbreBones, Boudicca, Lectures du panda, Anudar, ...

jeudi 7 mars 2024

Daniel O'Malley - Agent double

Agent double, Daniel O'Malley, Tome 2/? de Les Dossiers de la Checquy, 2016, 881 pages

Si Au service surnaturel de sa majesté pouvait se suffire à lui-même, une révélation finale laissait la porte totalement ouverte pour une suite évidente. Une suite qui porte donc le nom d'Agent double et qui nous replonge dans cette Angleterre où existe une organisation étatique secrète, hiérarchisée comme un jeu d'échecs, gérant toutes les menaces surnaturelles : la Checquy.

Agent double reprend donc dans la continuité quasi-immédiate du premier tome - on ne remerciera jamais assez les gens qui font des résumés complets des livres sur Wikipédia, permettant de replonger bien plus facilement dans les suites. Mais là où Au service surnaturel (...) suivait essentiellement la Tour Myfanwy Thomas, dont l'amnésie permettait au lecteur d'avoir le même niveau de non-information, son point de vue est cette fois-ci plus en retrait. Deux nouveaux personnages, Odette et Felicity, sont les héroïnes principales de ce tome. Deux femmes qui vont intégrer des sphères inconnues, ce qui permet une nouvelle fois à Daniel O'Malley d'informer son lecteur en même temps que ses personnages et fait d'Agent double un tome tout aussi facile à aborder que son prédécesseur.

Une fois évacué ce qui aurait pu être le plus gros problème de cette suite - passer après le concept d'amnésie très bien utilisé dans le tome 1 - le reste est à l'avenant de Au service surnaturel (...). C'est de la très bonne urban fantasy, sans romance, avec son lot de bonnes trouvailles et de petites folies. C'est un mélange parfait d'action sérieuse et crédible et d'une atmosphère générale toujours fun. C'est vraiment le mot qui correspond le mieux à ce roman, le fun. C'est du pur plaisir à lire, ça provoque quelques vrais éclats de rire par certaines répliques tout en proposant une intrigue solide et entrainante. On en reprendrait une troisième dose avec grand plaisir.

Couverture : Jeanne Mutrel / Traduction : Valérie Le Plouhinec
D'autres avis : Alias, ...

vendredi 1 mars 2024

Bulles de feu #59 - Février 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Black Star - La véritable histoire de Satchel Paige - James Sturm et Rich Tommaso

Une BD qui a le mérite de faire découvrir Satchel Paige mais qui n'en est nullement une biographie, s'en servant plus comme un prétexte pour évoquer la ségrégation. L'idée n'est pas mauvaise, sauvant la BD d'un "mouais", mais ça reste décevant et un peu limité dans ce que ça raconte.


March comes in a like a lion T.5-6/16 - Umino Chica

Un manga toujours aussi "bizarre", dont je ne suis toujours pas sûr quoi penser, à la fois peu enthousiasmant et en même temps ayant une certaine profondeur, abordant des sujets difficiles comme le harcèlement.


Ama - Le souffle des femmes - Franck Manguin et Cécile Becq

Une bonne BD tout en jolies nuances de bleu. Ça manque de quelque chose de marquant et peut-être d'un dossier complémentaire, mais ça a le mérite de mettre en lumière les amas.


La Venin T.1/6 - Laurent Astier

Un bon premier tome, du western assez classique dans les figures proposées mais avec une héroïne forte et un mystère qui laisse présager un potentiel plus marquant pour les tomes suivants.


La louve boréale - Núria Tamarit

Une bonne BD par la dessinatrice de Géante, avec son dessin caractéristique. Une histoire de sororité et de respect, agréable à lire mais qui manque d'un petit quelque chose pour être pleinement marquant.
Très bien


Un été sans maman - Grégory Panaccione

Un exercice de style réussi - une BD quasiment sans dialogue - qui ne propose pas une intrigue lambda mais conte une vraie aventure aux accents miyazakiesque tout en proposant un hommage à un drame historique.


Le Maître des livres T.13-15/15 - Umiharu Shinohara

Une très bonne fin de série, comme toujours entre rire et émotion, débordant d'amour pour les livres et les bibliothèques, et parvenant jusqu'au bout à intégrer des récits jeunesse dans son intrigue.

samedi 24 février 2024

Ayerdhal - Balade choreïale

Balade choreïale, Ayerdhal, 1994, 380 pages

L'humanité a pris son envol dans l'espace et découvert sa première planète habitée, Azir, où vit une espèce humanoïde moins avancé technologiquement. Méline, vice-consul, est l'ambassadrice de la Fédération terrienne sur Azir, avec l'objectif officiel d'y préparer une coopération commerciale. Face à un peuple morcelé en chorês, des petits territoires, Nerbrume devient son interlocutrice principale, une azirie ayant pleinement conscience que les terriens peuvent apporter autant de bienfaits que de calamités.

Peut-on débarquer sur un territoire déjà habité de manière éthique ? Peut-on coloniser sans dénaturer ? Comment se défendre face à une colonisation technologique aux bénéfices indéniables et préserver ses particularités ? Ce sont ces questions et ces thématiques qui sont au coeur de Balade choreïale. Une réflexion qui se joue à l'échelle d'une planète mais se vit à taille 'humaine' - tant terrienne qu'azirie - par le prisme d'individus au coeur du grand changement en cours.

Au-delà de ce fond, il y a une intrigue maitrisée avec son lot de rebondissements, sur fond d'amicale manipulation constante entre Méline et Nerbrume, parvenant à rendre compte du temps qui passe sans jamais paraitre précipitée. Mais l'autre point fort du roman, ce sont ses personnages. Des personnages aux caractères affirmés, ne restant pas assignés à un rôle de gentil ou de méchant, évoluant aux fils des évènements - et leurs relations entre eux évoluant avec - pour un résultat qui fait pleinement sens.

Balade choreïale est un très bon planet-opera, alliant parfaitement un plaisir simple et immédiat de lecture à des réflexions finement distillées au fil des pages. Et je n'ai même pas évoqué le Lo-Yendi, le sport local, qui jouera un rôle imprévu mais sera surtout l'occasion d'un des plus beaux passages du roman. Une franche réussite.

Couverture : Olivier Fontvieille

Première lecture pour le challenge 365 jours avec Ayerdhal organisé par le RSF Blog

dimanche 18 février 2024

Claire North - Le Maître

Le Maître, Claire North, Tome 3/3 de la Maison des Jeux, 2015, 159 pages

Après Le Serpent et Le Voleur, Le Maître clôt la trilogie de la Maison des Jeux. Sans surprise, les deux premiers tomes ayant mis en place les pièces du jeu, c'est l'heure de la partie finale.

Qui aurait cru que les échecs et le cache-cache ont tant de similitudes ? Le Maître a, au moins dans sa première partie, des airs de Le Voleur, en plus. Plus grand, plus violent, plus planétaire. Si les deux premières novellas avait déjà mis en scène des terrains de jeux et des enjeux d'une ampleur bien supérieure à la moyenne, ce n'est rien en comparaison du gigantisme de cette partie là. C'est si énorme, si explosif, si 'toujours plus' que ça a totalement des airs de blockbuster, ce qui donne un cachet unique à cette troisième novella.

Heureusement, Le Maître n'est pas qu'un texte bourrin. L'affrontement, instillé depuis le début de la trilogie, se révèle métaphorique de deux visions de la vie et donne une certaine raison d'être - ou tout du moins une raison de questionner - à toute la brutalité de ce tome. Jusqu'à une fin sublime, qui n'a pas besoin que ses derniers rebondissements soient surprenants pour être efficace et mémorable. Le point d'exclamation parfait d'une excellente trilogie dont chaque tome aura su avoir son identité sans jamais se départir d'une même grande qualité.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Michel Pagel
D'autres avis : Vert, Yuyine, Zoéprendlaplume, FeydRautha, Chut maman lit, Xapur, Le Maki, Célinedanaë, lutin82, Lullaby, Boudicca, OmbreBones, ...

lundi 12 février 2024

Colum McCann - Apeirogon

Apeirogon, Colum McCann, 2020, 504 pages

Rami Elhanan est israélien. Bassam Aramin est palestinien. Le premier a perdu une fille, Smadar, dans un attentat terroriste en plein Jérusalem. Le deuxième a perdu une fille, Abir, touchée par une balle d'un soldat israélien. Depuis, les deux hommes sont devenus amis, frères, et partagent leurs histoires au plus grand monde pour entamer le dialogue, espérer un arrêt de la colonisation et une réconciliation.
« 181
Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés. »
En 1001 parties de longueur variable, de deux-trois lignes à deux-trois pages, Colum McCann raconte l'histoire de ces deux hommes existant réellement. Mais il ne la raconte pas de manière linéaire, ni ne raconte que cela. Apeirogon portant bien son nom. Chaque élément raconté, chaque moment concret de leurs vies, est l'occasion d'un zoom ou d'un dézoom, d'un pas de côté, d'un parallèle. C'est une forme fourmillante que livre Colum McCann, aux accents kaléidoscopiques, qui représente aussi bien la multiplicité du conflit que le sacerdoce des deux hommes, répétant inlassablement leurs histoires.

Apeirogon n'est pas exempt de quelques défauts, le principal étant que le message est passé et digéré bien avant la fin de ses 500 pages. Mais peu importe. Le message, et ses messagers, est éminemment respectable et mérite d'être partagé au plus grand monde. C'est ce que parvient à faire Colum McCann avec, en prime, un livre qui ne laisse pas avec un sentiment de désespoir alors que la situation a pourtant tout de désespérant.

Couverture : ? / Traduction : Clément Baude

mardi 6 février 2024

Bulles de feu #58 - Janvier 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Mouais


Shi T.6/? - Zidrou et José Homs

Dans la continuité de ma perte d'intérêt pour la série. Malgré de bonnes idées de fond, un tome assez vide et anecdotique.
Bien / Ok / Correct


Soloist in a Cage T.2-3/3 - Shiro Moriya

À la limite du "mouais". Des qualités, ça se lit sans mal, mais aussi pas mal de défauts, dont des changements de tons perturbants et une vraisemblance parfois douteuse, qui ont mis à mal ma suspension d'incrédulité.


Frieren T.8-9/?- Kanehito Yamada et Tsukasa Abe

Toujours ce ton si particulier qui rend parfaitement la sensibilité différente de Frieren. Le tome 9 entame un arc plus important qui apporte un changement de rythme bienvenu.
Très bien


L'Attente - Keum Suk Gendry-Kim

Une BD importante, entre autobiographie et témoignages, sur la séparation de familles coréennes lors de la partition de la Corée en deux états. Un témoignage touchant, révoltant, qui fait écho à de nombreux autres conflits.


Lost Lad London T.1-3/3 - Shima Shinya

Un très bon petit manga polar, simple et peu retors mais avec un style graphique inhabituel qui donne un vrai ton et surtout porté par un duo de personnages très attachant.


Le Travailleur de la nuit - Matz et Léonard Chemineau

Une excellente BD retraçant la vie d'Alexandre Jacob, un anarchiste français dont la vie a des airs d'Arsène Lupin. Fascinant et passionnant, porté par un dessin doux et agréable, une totale réussite.


Vei - Sara Bergmark Elfgren et Karl Johnsson

Une grande saga nordique, avec un point de vue plus rare du Jötunheim. Une grande aventure bien rythmée, très joliment dessinée et colorée, consistante et constante de qualité. Ça ne demande aucune connaissance préalable en mythologie nordique mais c'est certainement un indispensable pour celleux qui l'apprécie... et pour beaucoup d'autres personnes.