lundi 27 décembre 2021

Écran de fumée #18 - Séries animées

Hilda, Saison 1 & 2, 2018-2020, 13 épisodes de 24 minutes par saison

Adaptée de la bande dessinée du même nom de Luke Pearson, Hilda est une série animée contant les péripéties d'Hilda, une jeune fille aventurière. Habituée à explorer la campagne et à rencontrer ses fantastiques habitants (elfes, trolls de pierre, géants, ...), elle va, dans les premiers épisodes, déménager dans la ville de Trollbourg avec sa mère et Twig, son animal de compagnie, un jeune renard-cerf. Elle y rencontrera Frida et David, et vivra plein de belles aventures.

Hilda est une série très simple sur le papier et très simple dans les faits, chaque épisode proposant une nouvelle intrigue. Elle n'en est pas moins très riche. Riche d'excellents personnages humains diversifiés. Riche d'excellentes créatures fantastiques - Wood Man ! - fascinantes à découvrir et qui offrent un vrai grand sense of wonder de fantasy. Riche de très beaux dessins et de couleurs pétillantes. Riche d'intrigues variées et d'un rythme toujours bon, ni trop lent ni trop rapide. Riche d'un univers qui se développe d'épisode en épisode et où le spectateur se sent chez lui. Riche de messages intelligents et positifs. Riche de sympathie et d'amusement. Riche de sourires qui se posent inévitablement sur les visages et dans les coeurs des spectateurs. Riche d'excellence tout simplement.

Arcane, Saison 1, 2021, 9 épisodes de ~40 minutes

Vi et Powder sont deux soeurs vivant dans les bas-fonds de Piltover. La vie est difficile, mais elle va le devenir encore plus après un cambriolage raté chez un scientifique, un cambriolage qui va les mettre dans le viseur des Pacifieurs, la police de la partie riche de la cité.

Arcane est la série qui a cartonné en cette fin d'année. À raison tant elle est exceptionnelle. C'est certainement la plus grosse baffe en matière d'animation depuis le chef d'oeuvre Spider-Man : New Generation.

Tout en étant largement différente, Arcane partage d'ailleurs de nombreux points communs avec ce film Spider-Man. Le premier étant que les deux se déroulent dans des univers préexistants - en l'occurrence celui du jeu vidéo League of Legends pour Arcane - dont la connaissance préalable n'est absolument pas nécessaire, n'apportant au mieux que quelques clins d'oeil aux connaisseurs mais n'excluant jamais les néophytes, qui pourront même découvrir plus librement l'univers et l'histoire.

À cela s'ajoute deux autres similitudes : un récit consistant, intelligent et sans rien à jeter ainsi qu'un style graphique inventif et possédant une vraie patte. Si l'intrigue est prenante et les personnages très bien écrits avec des motivations crédibles, c'est certainement l'animation qui reste la plus marquante. Sur un décor relativement classique mais très beau, les personnages sortent du lot avec leurs traits précis et détaillés, quasi-réalistes, mais parvenant tout de même à s'intégrer admirablement dans l'ensemble. Ajoutez à cela quelques effets de rupture habiles et créatifs, notamment lors des combats très rock, et vous obtenez une série unique, alliant complètement fond et forme, d'une qualité exceptionnelle.

D'autres avis : OmbreBones, ...

mardi 21 décembre 2021

Olga Tokarczuk - Histoires bizarroïdes

Histoires bizarroïdes, Olga Tokarczuk, 2018, 182 pages

Histoires bizarroïdes est un recueil de 10 nouvelles d'Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature 2018. Un recueil qui porte bien son nom, avec ses histoires qui tendent vers l'imaginaire, que cela soit de petits éléments sortant de l'ordinaire à des univers entiers. Dans tous les cas, les explications et la clarté ne seront pas au rendez-vous, le bizarre étant là pour le rester.

Que retenir alors de ces Histoires bizarroïdes ? C'est bien là la question que je me pose et à laquelle je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante - si ce n'est en relisant, après coup, la chronique de Gromovar. Les textes sont indéniablement bien écrits, avec un style assez riche, et sont prenants à lire. Pourtant, ça n'a guère fonctionné pour moi, n'arrivant que rarement à m'emporter et à me créer des émotions, restant bien souvent au stade de l'anecdotique ou au premier chapitre d'un roman n'existant pas.

Dans le même temps, tout n'est pas à jeter, loin de là. Sans atteindre une pleine satisfaction, Les Coutures, La Montagne de Tous-les-Saints ou Le Calendrier des fêtes humaines possèdent un truc, une aspiration. Quant à La Visite et Le Transfugium, ce sont deux nouvelles de belle qualité. Suffisamment pour me marquer sur la durée ? C'est loin d'être sûr.

Parfois les rencontres ne se font pas. Alors que j'aime les nouvelles d'Haruki Murakami, pleines elles aussi d'incompréhension et d'éléments bizarres jamais clarifiés, les nouvelles d'Olga Tokarczuk ne m'ont pas parlé. Étonnamment, malgré cette lecture en demi-teinte, je n'en ressors pourtant pas avec l'idée de ne plus jamais lire l'autrice, tant les qualités restent visibles. Qui sait, la rencontre se fera peut-être une prochaine fois ?

Couverture : Björn Wylezich / Traduction : Maryla Laurent
D'autres avis : Gromovar, ...

mercredi 15 décembre 2021

Guillaume Chamanadjian - Le Sang de la Cité

Le Sang de la Cité, Guillaume Chamanadjian, Tome 1/6 de la Tour de Garde, Tome 1/3 de Capitale du Sud, 2021, 394 pages
« Et dans une ville dont on disait que le sang des habitants était fait de vin, un épicier dévoué était plus précieux qu'un corps de garde dans son entier. »
Nohamux, dit Nox, est commis d'épicerie à Gemina, une gigantesque ville portuaire très vivante où chaque quartier est dirigé par une famille ducale. Pupille du Duc de la Caouane, Nox va par hasard être pris dans les jeux de pouvoirs de la Cité.

La Tour de Garde est un projet singulier, un univers partagé par deux auteurices, Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier. Chacun y propose une trilogie qui peut - à priori - se lire de manière indépendante, centrée chacune sur une des deux villes de ce monde, Gemina et Dehaven. Le Sang de la Cité est le premier volume de la trilogie de Guillaume Chamanadjian. Et ça commence fort, car c'est un très bon premier tome.

Ça commence moins fort niveau action, mais ce n'est nullement grave. Au contraire, car l'imprégnation de ce qu'est la cité de Gémina fait partie intégrante de la singularité de la lecture. Le livre démarre donc comme une visite de la ville, une ville florissante et débordante, où les rues sont encombrées tant de bâtiments que de populations et où les bruits et les odeurs sont tous aussi importants que les apparences. Une ville indéniablement vivante. Pour cette balade, Nox est un agréable et sympathique guide auquel on prend le temps de s'attacher.

Peu à peu, une part de mystère et une autre d'intrigues de pouvoir vont se développer et monter en puissance, jusqu'à donner au roman, dans son dernier quart, un ton étonnamment plus sombre que la promenade de santé initiale. Et ça fonctionne parfaitement, pour au moins deux raisons : la ville de Gemina qui est un personnage à part entière ; la galerie de personnages crédibles, avec en tête Nox, ayant à la fois des caractéristiques classiques des héros de romans d'apprentissage tout en étant suffisamment lucide et intelligent pour comprendre rapidement son rôle et ses limites et agir en conséquence. Est-ce que j'ai vibré pour lui ? Oui. Est-ce que j'ai envie de me jeter sur la suite ? Oui. J'imagine que ça donne quelques indications sur la réussite qu'est Le Sang de la Cité.

Couverture : Elena Vieillard
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, Lune, Sometimes a book, Cédric, Le nocher des livres, Boudicca, Yuyine, Célinedanaë, Lianne, Le Chroniqueur, Vanille, Sabine, ...

jeudi 9 décembre 2021

Adam-Troy Castro - Émissaires des morts

Émissaires des morts, Adam-Troy Castro, Tome 1/3 d'Andréa Cort, 2002-2016, 709 pages

Témoin et actrice d'un génocide lorsqu'elle était enfant, Andréa Cort est depuis la propriété du Corps Diplomatique où elle travaille en tant que représentante du Procureur général du Corps Diplomatique de la Confédération humaine. Sous ce titre pompeux, Maître Andréa Cort parcourt la galaxie pour résoudre des problèmes de juridictions concernant des crimes impliquant des êtres humains. Et elle est très douée pour ça.

Le livre Émissaires des morts se divise en deux grandes parties. La première propose 4 nouvelles - Avec du sang sur les mains, Une défense infaillible, Les Lâches n'ont pas de secret et Démons invisibles - qui sont autant de petites énigmes juridiques à résoudre pour l'héroïne. Après une mise en place où tous les éléments sont rapidement à disposition, Andréa Cort pourra faire preuve de son intelligence et de son sens de la déduction surdéveloppés pour trouver la clé du mystère - à la Sherlock Holmes pour faire un parallèle facile. C'est très efficace tout en présentant et développant le personnage dans des proportions essentielles pour la suite.

La suite, c'est la deuxième partie du livre, le roman Émissaires des morts en tant que tel. Plus qu'une énigme, le récit propose cette fois un véritable polar, de type whodunit. Et si les nouvelles précédentes paraissaient déjà excellentes, le roman parvient à faire franchir un nouveau palier à l'univers. Tout autant pour ce mystère précisément, bien plus massif et complexe, que pour l'intrigue plus générale qui se développe autour d'Andréa Cort. Et qui en fait encore plus la figure de proue du récit, son histoire et son évolution étant une part au moins aussi importante du livre que les mystères auxquels elle est confrontée. Et même si j'ai légèrement moins apprécié certaines composantes de cette évolution, force est de constater que cela fait sens, apporte quelque chose et participe de l'excellence de ce début de série.
« - Ce n'est pas de la timidité, mais une question de préférence. Je n'ai simplement pas une très haute opinion de formes de vie sentientes en général.
Le front de son collègue se rida davantage.
- Toutes les formes de vie sentientes ?
- Si c'est capable de penser, c'est indigne de confiance.
»
Couverture : Manchu / Traduction : Benoît Domis
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, Lhisbei, Chut maman lit, Le chien critique, Lorhkan, Célinedanaë, OmbreBones, FeydRautha, Sabine, Xapur, L'Ours inculte, lutin82, Cédric, Apophis, Brize, Shaya, Dionysos, Yuyine, Lune, Yogo, Zina, La Geekosophe, Le nocher des livres, Le Chroniqueur, ...

vendredi 3 décembre 2021

Bulles de feu #38 - Animaux exotiques

Le Discours de la panthère, Jérémie Moreau, 2020, 105 planches

Un buffle pousse de toutes ses forces sur les flancs d'une montagne, pour déplacer l'île sur laquelle il se trouve et échapper à la comète qui semble se rapprocher. Il sera bientôt rejoint par un varan. Échapperont-ils au désastre ?

Ainsi démarre Le Discours de la panthère. Viendront ensuite une autruche, un éléphanteau ou encore un bernard-l'hermite, chacun vivant ses propres aventures. Car Le Discours de la panthère est en un sens un recueil de nouvelles mettant en scène divers animaux anthropomorphisés dans des aventures "philosophiques". Les Fables de la Fontaine ? Oui, il y a de ça, indéniablement, même si les morales sont moins explicites et frappantes.

Mais Le Discours de la panthère forme aussi un tout, les divers protagonistes se recoupant à l'occasion jusqu'au fameux discours final. Si le résultat peut paraitre un peu anecdotique ou gentillet, il n'en reste pas moins une bonne idée bien mise en place et très sympa à lire, avec une entrée en matière et une fin toutes deux marquantes. Le tout sublimé, bien sûr, par les très beaux dessins de Jérémie Moreau (La Saga de Grimr, Penss et les plis du monde) dans le style caractéristique de l'auteur-dessinateur, vaporeux et aérés, avec des airs quasi-enfantins par moment, mais qui donnent à l'ouvrage un ton unique et très agréable.

Quelques planches ici.

La Bête, Zidrou et Frank Pé, Tome 1/?, 2020, 150 planches

Belgique, 1955. Un cargo arrive au port d'Anvers en provenance d'Amérique du Sud, avec à son bord une cargaison d'animaux exotiques, dont un sort du lot : le Marsupilami. Celui-ci va parvenir à s'échapper et va être recueilli par un jeune garçon, François.

La couverture dit quasiment tout ce qu'il faut savoir de cette BD. La Bête revisite la fameuse figure du Marsupilami, dans un style bien plus sombre et réaliste que la joyeuse version initiale. Et le résultat est tout à fait réussi et plus que satisfaisant. Si elle conte une intéressante origin story, elle va au-delà du simple hommage. En situant l'action dans l'après seconde guerre mondiale, Zidrou en profite pour décrire une époque trouble de reconstruction où la violence et la rancune sont omniprésentes.

Les 150 planches de La Bête se lisent toutes seules. Grâce au scénario prenant de Zidrou donc, mais aussi au travail de Frank Pé qui peut s'illustrer dans les grandes largeurs grâce à une majorité de grandes cases très belles - où il parvient même à intégrer naturellement les visages aux traits un peu exagérés de certains personnages. Une très bonne BD qui n'a peut-être qu'un seul défaut : un léger goût de trop peu. Malgré une bonne consistance et s'il peut se lire comme un one-shot triste et amer, La Bête reste un tome 1. Et la dernière page tournée, une seule envie : lire la suite.

Quelques planches ici.

samedi 27 novembre 2021

Andrew Sean Greer - Les Vies parallèles de Greta Wells

Les Vies parallèles de Greta Wells, Andrew Sean Greer, 2013, 306 pages

New-York, 1985. Greta Wells doit coup sur coup surmonter le décès de son frère Félix et le départ de son petit ami Nathan. En dépression, elle finit par suivre un traitement par électrochocs. Sauf que le lendemain, elle se réveille dans le corps d'une autre Greta Wells, entouré d'un autre Félix et d'un autre Nathan... en 1918. La même chose se reproduit le surlendemain, cette fois en 1941. Trois vies parallèles pour se reconstruire, pour les reconstruire.

Le terme de "vies parallèles" résume parfaitement le fonctionnement de ce livre. Ce n'est ni une uchronie ni un véritable voyage dans le temps, mais bien plusieurs vies différentes, de personnages proches, tels qu'ils auraient pu être s'ils avaient vécu à d'autres époques. Avec une justification via les électrochocs, qui servent, intelligemment, autant d'élément perturbateur que de péripéties et d'élément de résolution.

Les Vies parallèles de Greta Wells se condense sur une période de temps assez courte, quelques mois, et sur un petit nombre de personnages, créant une petite bulle agréable à vivre, portée par une héroïne volontaire. Un personnage principal, ainsi que sa tante Ruth, qui acceptent d'ailleurs la situation étonnamment bien et de manière quasi-naturelle. Je ne sais pas si c'est des plus crédibles, mais c'est reposant.

Malheureusement, tout n'est pas parfait, avec en premier lieu une narration assez fade, en retrait, ce qui entraîne un certain manque d'émotions. Alors que les situations ne sont guère joyeuses, je me suis surpris à ne jamais trouver ça particulièrement dramatique, suivant les déboires des personnages sans leur être réellement attachés émotionnellement. Ce qui n'est pas aidé par le fait que toute l'intrigue - toutes les intrigues - tourne autour d'histoires de couples et d'amour, avec seulement de fines variations. Malgré la volonté de l'auteur de prendre de temps en temps un peu de hauteur, le roman reste au stade des petites préoccupations personnelles. Cela dit, et à défaut d'être véritablement marquant, il reste tout de même l'agréable ballet de ces vies qui se chevauchent et se recoupent.

Couverture : Cyril Magnier / Traduction : Hélène Papot
D'autres avis : Lune, Lhisbei, ...

dimanche 21 novembre 2021

Hadrien Klent - Et qu'advienne le chaos

Et qu'advienne le chaos, Hadrien Klent, 2010, 248 pages

Michael Korta est un scientifique à tendance sociopathe, vivant sa vie sans se soucier des autres. De là à dire qu'il préfèrerait la vivre seul, il n'y a qu'un pas. Secrètement, ses recherches en biométrie, lui le spécialiste des iris, vont dans ce sens. Sa théorie repose sur une répartition des êtres humains dans des calques superposés. Et s'il était alors possible de s'isoler de la masse ?

Et qu'advienne le chaos part d'une idée science-fictive assez folle et très visuelle. Si la crédibilité et la technicité ne sont certainement pas les deux principaux mots d'ordre, cela fait une base d'intrigue solide et intrigante. Ce qui correspond parfaitement au style de ce roman enlevé : les "chapitres" sont très courts, les changements de points de vue s'enchaînent toutes les deux pages, ça fuse dans un style simple et direct, pour une lecture facile et agréable.

Le roman n'évite pas quelques écueils. Outre des personnages aussi improbables que clichés, voire quelques rares remarques un peu limite, la fin est quelque peu ambivalente, tout autant en apothéose qu'en non-apothéose. Mais les bonnes idées restent majoritaires dans ce court roman, que ce soit l'hommage au Timon d'Athènes de Shakespeare ou quelques effets d'écriture, et font de Et qu'advienne le chaos une lecture agréable.

Couverture : Lola Duval
D'autres avis : Erwann Perchoc, ...

dimanche 14 novembre 2021

Walter Tevis - Le Jeu de la dame

Le Jeu de la dame, Walter Tevis, 1983, 433 pages

Après la mort de sa mère, Beth Harmon, 8 ans, est placée dans un orphelinat. C'est là qu'elle découvrira les échecs grâce au gardien de l'établissement, un jeu pour lequel elle fait preuve d'un véritable don. Mais ce don sera-t-il suffisant pour accéder au plus haut niveau mondial ?

Impossible de ne pas commencer en évoquant l'excellente série Netflix ayant adapté ce livre, tant elle fait partie de mon expérience de lecture. Oui, j'ai visualisé les personnages tels que représentés dans la série. Mais ce n'est nullement un problème, tant l'adaptation est d'une fidélité stupéfiante, reprenant précisément le déroulé du livre.

Ayant la série encore bien en tête, la lecture a-t-elle été moins enthousiasmante ? Absolument pas. C'est une lecture emballante et prenante malgré la connaissance préalable de l'histoire. Une preuve supplémentaire du talent d'écriture de Walter Tevis - l'auteur, faut-il le rappeler, du chef d'oeuvre L'Oiseau moqueur.

Un talent qui se retrouve dans la description des parties d'échecs, que le commun des mortels ne peut évidemment pas réellement saisir mais qui se lisent comme de la poésie, sans avoir besoin d'en comprendre précisément les implications pour apprécier le ballet des pièces et la tension sous-jacente. Ajoutez à cela des petites touches de féminisme intelligentes et une lucidité sur le monde d'hommes blancs dans lequel évolue l'héroïne, et vous obtenez Le Jeu de la dame, un très grand livre.

Couverture : Riki Blanco / Traduction : Jacques Mailhos

lundi 8 novembre 2021

Bulles de feu #37 - Honneurs mérités

Peau d'homme, Hubert et Zanzim, 2020, 152 planches

Italie, époque Renaissance. Bianca a 18 ans et va dans quelques jours se marier avec Giovanni, un jeune et riche marchand. S'il y a pire parti pour un mariage arrangé, Bianca aurait quand même voulu d'abord le connaître. Par chance, sa tante a la solution : un trésor de famille, une "peau d'homme", qui permet à celle qui la porte de passer pour un homme aux yeux de tous. Une expérience qui va changer la vie, et le regard, de Bianca.

Si les premières pages n'ont rien de particulièrement renversantes, Peau d'homme trouve rapidement son chemin et son rythme de manière convaincante et efficace. Même en étant acquis a priori aux idées développées, Hubert et Zanzim parviennent à proposer une oeuvre agréable à lire tant par son fond que par sa forme, pleine de bonnes idées et d'une mise en scène maline. Car si Peau d'homme est un récit évidemment féministe et égalitaire, c'est aussi un récit d'émancipation et de liberté de manière plus globale.

Multiplement primée et encensée, Peau d'homme est une très bonne BD à la hauteur de sa réputation. Sans fausse note, aérée tout en étant consistante, bien maitrisée et très intelligente, il serait dommage de passer à côté.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Yuyine, OmbreBones, Célinedanaé, ...

Les Indes Fourbes, Alain Ayroles et Juan Guarnido, 2019, 145 planches

Après ses aventures en Espagne, Don Pablos de Ségovie arrive en Amérique. Avec toujours un même but : s'élever de sa misérable condition, à n'importe quel prix. Enfin, à n'importe quel prix... tant que les pièces ne proviennent pas d'un travail honnête.

Quoi ? Vous ne connaissez pas Don Pablos ? Vous n'avez pas lu ses péripéties espagnoles ? Elles sont pourtant contées dans El Buscón, un roman de Francisco de Quevedo paru en... 1626. Heureusement, même si Les Indes Fourbes en constitue la suite jamais écrite par l'auteur, il n'est absolument pas nécessaire d'avoir lu El Buscón pour lire et apprécier cette BD.

Comme son prédécesseur, Les Indes Fourbes est un pur récit picaresque, narrant les extravagantes péripéties d'un anti-héros aux multiples défauts, mais néanmoins sympathique. Ce n'est pas pour autant un simple enchaînement de saynètes qui pourrait lasser : en plus d'un regard piquant sur la colonisation sud-américaine et les rapports de force sociétaux, une solide trame se dégage rapidement, avec une véritable envie pour le lecteur de savoir ce qui va bien pouvoir se passer dans la page suivante. Et même si la chute finale s'évente rapidement, l'envie ne retombe pas, car ce n'est pas là l'important.

Les Indes Fourbes est indéniablement à la hauteur de sa réputation et mérite tous ses éloges. Alain Ayroles prouve une nouvelle fois sa science du récit et de la narration, avec notamment un rythme enlevé malgré une rédaction qui passe finalement peu par les bulles mais sans jamais perdre en fluidité pour autant. Et que dire du travail de Juan Guarnido - ah, Blacksad ! - aux dessins et à la couleur. Chaque case est un délice. Tout est beau, tout est richement détaillé, tout est admirable. Une très grande BD, dans tous les sens du terme.

Quelques planches ici.
D'autres avis : Gromovar, Alias, ...

mardi 2 novembre 2021

Emmanuel Chastellière - Célestopol 1922

Célestopol 1922, Emmanuel Chastellière, 2021, 414 pages

Retour dans la cité lunaire de Célestopol, cette ville mi-russe mi-indépendante développée autour du sélénium et dirigée par le mystérieux Duc Nikolaï. Une cité déjà arpentée précédemment dans le recueil Célestopol et que l'on retrouve de nouveau ici avec 13 nouvelles se déroulant en 1922.

Et c'est une nouvelle fois une belle réussite. L'atmosphère si particulière de cet univers, sorte de grand mélange de science-fiction, d'uchronie, de steampunk et de fantastique, fonctionne parfaitement et crée quelque chose d'assez unique. Un cadre où l'on déambule avec plaisir, découvrant toujours plus la cité et ses habitants. Chaque texte apporte sa pierre à l'édifice, chacun étant une histoire intéressante à suivre en soi, des petits drames à taille humaine à l'arrière desquels se trace la grande histoire de Célestopol.

Au-delà de son cadre, unissant parfaitement l'ensemble, la grande force de ce recueil est sa multiplicité. Chaque récit est sensiblement différent de son prédécesseur, que cela soit par son type de personnages, son lieu et/ou son genre d'histoire. Comme tout recueil, et peut-être encore plus ici où le renouvellement est de mise, chacun appréciera plus ou moins chaque texte. Personnellement, seuls deux-trois m'ont paru un chouïa en dessous, et même ceux-là furent de bonnes lectures. C'est dire le niveau de l'écrasante majorité. Est-ce que cela m'a donné envie de relire Célestopol pour en avoir encore plus ? Absolument.

Imaginez une bulle de savon. C'est beau à observer, c'est court, unique et tout à fait appréciable. Imaginez-en toute une flopée s'envoler et l’émerveillement est démultiplié. Par chance, les deux formes sont complémentaires et apportent chacune leur satisfaction. Célestopol 1922 est comme ces bulles de savon. Sauf qu'à défaut de bulles, Emmanuel Chastellière nous offre des nouvelles. Et c'est tout aussi agréable.

Couverture : Marc Simonetti
D'autres avis : Lhisbei, Gromovar, Lune, Le chien critique, Célinedanaë, Lorhkan, Yuyine, Sometimes a book, Mariejuliet, Le nocher des livres, Boudicca, Marc, Zina, ...

mercredi 27 octobre 2021

Lucius Shepard - Le Livre écorné de ma vie

Le Livre écorné de ma vie, Lucius Shepard, 2009, 136 pages

Thomas Cradle, écrivain à succès, découvre un jour un livre, La Forêt de thé, écrit par un certain... Thomas Cradle. Un homonyme dont les éléments biographiques correspondent étrangement avec les siens. Fasciné par sa lecture, il décide de partir sur les traces de cet homme dont le livre biographique retrace la descente du fleuve Mékong.

Le Livre écorné de ma vie est un livre de Lucius Shepard. Cette phrase à elle seule résume une bonne partie de son contenu. C'est poisseux, voire crasseux, c'est sexuel, c'est étrange et parfois même hallucinatoire. C'est un texte qui écrit par un autre auteur aurait tous les risques de ne pas fonctionner. Fort heureusement, c'est bien Lucius Shepard et sa plume unique qui est aux commandes, et cela donne une très bonne novella.

Si elle comporte des thématiques habituelles de l'auteur, Le Livre écorné de ma vie n'est pas pour autant une oeuvre lambda et déjà lue, bien au contraire. Si la descente de Thomas Cradle dans les tréfonds de l'humanité à la suite de son double littéraire est une expérience en soi, elle est démultipliée par un côté métaécriture assez fou. Car Le Livre écorné de ma vie est comme une autobiographie de l'auteur, ou du moins d'un Lucius Shepard potentiel. Avec une conscience acérée des réactions que peut susciter le texte auprès des lecteurs, et jouant avec cela.

Le Livre écorné de ma vie n'est pas le texte le plus abordable de Lucius Shepard mais n'en reste pas moins une très bonne novella pour qui apprécie le style cru de l'auteur. C'est un récit qui exerce une indéniable fascination, aussi forte pour le lecteur que peut l'être la fascination du narrateur pour son double. Et qui agit encore après la fin de la lecture, avec cette sensation que chaque nouvelle lecture pourrait faire découvrir de nouveaux éléments et un nouvel aspect de cette troublante expérience. En attendant, la compréhension instinctive de cette première lecture est déjà tout à fait satisfaisante.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Jean-Daniel Brèque
D'autres avis : FeydRautha, Gromovar, JMG, Célinedanaë, Vert, ...

jeudi 21 octobre 2021

Raphaël Bardas - Les Chevaliers du Tintamarre

Les Chevaliers du Tintamarre, Raphaël Bardas, 2020, 264 pages

Silas, la Morue et Rossignol sont trois amis qui aiment se retrouver dans leur taverne préféré, le Grand Tintamarre. Jamais contre une bonne bagarre, ils rêvent surtout - enfin, au moins Silas - d'aventures héroïques. Alors que la cité de Morguepierre voit s'échouer sur ses rivages des marie-morganes, sirènes des légendes, les trois apprentis-chevaliers vont se trouver sur la route d'une série de disparitions de femmes. Serait-ce l'aventure tant attendue ?

Les Chevaliers du Tintamarre est une très bonne surprise. Assez cru dans son démarrage - bastons, boissons et coucheries -, il dépasse rapidement cette présentation simpliste pour prendre de l'ampleur. Se développe alors tant des personnages hauts en couleur et finalement assez sympathiques qu'un petit polar à double fil narratif qui, malgré un tout petit peu de confusion sur certains personnages secondaires, fonctionne très bien.

Les Chevaliers du Tintamarre est un roman de fantasy qui navigue entre les genres pour trouver sa propre patte, créant un récit qui n'est pas la simple pochade qu'on serait tenté d'imaginer. C'est plaisant à lire et même plus : c'est satisfaisant. Ça a aussi le bon sens de tenir en moins de 300 pages, ce qui permet de garder de la fraicheur tout du long sans jamais paraître rushé pour autant. On en reprendrait. Ça tombe bien, d'autres aventures sont au programme, dont Le Voyage des âmes cabossées, déjà paru.

Couverture : Jeffrey Allan Love
D'autres avis : L'Ours inculte, Célinedanaë, Lhotseshar, OmbreBones, Dionysos, Yuyine, Marc, Boudicca, ...

vendredi 15 octobre 2021

Estelle Faye - Brouillard sur la baie

Brouillard sur la baie, Estelle Faye, 2016/2017, 37 pages

Brouillard sur la baie est un recueil de deux nouvelles d'Estelle Faye, Bal de brume (Asclépios) et Les Anges Tièdes, parues précédemment dans des anthologies. Il est offert par Albin Michel Imaginaire pour fêter la sortie de Widjigo de la même autrice, et disponible ici. Les deux nouvelles ont pour point commun la ville de San Francisco et son cadre brumeux.

Les Anges Tièdes est une bonne nouvelle de science-fiction qui renverse le principe de plongée dans un univers virtuel puisque, dans un futur où toute l'humanité vit littéralement en ligne, l'héroïne s'est déconnectée pour retrouver la terre ferme. Une ode simple à la vie telle qu'elle est, où le bonheur n'est possible que s'il existe une possibilité de malheur. Une nouvelle sans grande surprise mais joliment narrée par Estelle Faye. Bien, mais pas autant que l'excellente Bal de brume (Asclépios).

Gael est un étudiant en cinéma français. Il s'apprête à se rendre à un bal d'Halloween chez Daniel Moranges, grand antiquaire de renom avec qui il s'est lié d'amitié dans l'avion qui l'emmenait aux États-Unis. Un personnage charismatique entouré d'une aura mystérieuse qui semble renfermer un secret.

Bal de brume (Asclépios) est une nouvelle qui peut paraitre un peu lambda. Mais malgré sa relative simplicité et son sujet assez commun - avec tout de même un petit twist, lui aussi tout en simplicité, bien amené -, elle fonctionne parfaitement. Car le pouvoir d'évocation d'Estelle Faye dans ce récit est incroyable. La visualisation est très claire pour une atmosphère puissante et immersive. Mais l'autrice ne s'en contente pas et parvient à rendre tout autant une ambiance que des émotions, avec à la clé une nouvelle qui se regarde et se vit autant qu'elle se lit.
« Voilà pourquoi je suis devenu réalisateur. Pour capter ces vies, ces émotions vouées à disparaitre, et les transmettre aux spectateurs à venir. »
Ainsi parle Gael. Et ainsi est Estelle Faye, autrice hors pair pour saisir et transmettre le moment. Et qui prouve avec ce recueil que l'important n'est pas forcément tant ce que l'on raconte que comment on le raconte.

Couverture : ?
D'autres avis : FeydRautha, ...

samedi 9 octobre 2021

Bulles de feu #36 - Biographies ciblées

Nellie Bly - Dans l'antre de la folie, Virginie Ollagnier et Carole Maurel, 2021, 160 planches

1887, New-York. À la recherche de ses troncs, Nellie Brown est internée à l'asile psychiatrique de Blackwell. La jeune femme n'est pourtant nullement folle : il s'agit en fait de Nellie Bly, journaliste sous couverture qui va plonger dans les rouages d'une institution aux méthodes scandaleuses, tant dans les raisons des internements que dans le traitement des internées.

Nellie Bly - Dans l'antre de la folie est basée sur la vie de Nellie Bly, pionnière du journalisme d'investigation, et particulièrement sur son enquête au sein de l'asile Blackwell, immortalisée dans son livre-reportage 10 jours dans un asile. Cette aventure majeure dans la vie de Nellie est entrecoupée de flashbacks, parfaitement intégrés et dosés, développant quelques éléments biographiques de son passé.

Nellie Bly - Dans l'antre de la folie est une très bonne BD mettant en lumière une figure importante de l'Histoire. Si les BDs biographiques ont parfois le défaut d'être trop froides ou trop distantes, Virginie Ollagnier et Carole Maurel ont parfaitement évité cet écueil en créant une BD vive et prenante dans son déroulé et sa narration. Le dessin est lui aussi agréable, bien plus doux que les horreurs qu'il laisse entrevoir. Définitivement une très bonne BD, plaisante et instructive, qui met en avant un personnage admirable.

Quelques planches ici.

Le Combat du siècle, Loulou Dédola et Luca Ferrara, 2021, 110 planches

Joseph William Frazier nait en 1944 en Caroline du Sud, douzième enfant d'une famille d'agriculteurs noirs. Arrêtant l'école dès 13 ans pour travailler, il se passionne très tôt pour la boxe. Esprit rebelle, refusant les maltraitances des blancs, il prend la route à 16 ans direction New-York où il finira par devenir boxeur professionnel sous le nom de Joe Frazier. Une carrière marquée par un affrontement mythique, le 8 mars 1971 au Madison Square Garden contre Mohamed Ali, "Le Combat du siècle".

Si ce combat est le point d'orgue de la BD, Le Combat du siècle présente avant tout la vie de Joe Frazier et la montée en puissance de son amitié-rivalité avec Mohamed Ali. Elle va en cela au-delà d'une simple histoire de boxe, la rivalité Frazier-Ali étant tout autant politique et idéologique que sportive, avec l'opposition de deux visions de la lutte pour le droit des noirs, celle de Luther King et Malcolm X pour Frazier contre celle de la Nation of Islam pour Ali. Un Mohamed Ali qu'il est difficile de ne pas voir ici comme le "méchant" de l'histoire - il est d'ailleurs dommage qu'il n'y ait pas une petite postface pour nuancer quelque peu ce portrait - et qui cannibalise presque trop l'attention.

Le Combat du siècle est une bonne BD qui m'a bien plus convaincu que Fela back to Lagos des mêmes auteurs. Malgré un début un peu mou et un manque de caractérisation pour certains personnages, la sauce prend bien mieux et trouve assez vite son rythme de croisière, avec à la clé un beau (et gentil) portrait de Joe Frazier et d'un combat mythique.

Quelques planches ici.

samedi 2 octobre 2021

Pierre Léauté - Je n'aime pas les grands

Je n'aime pas les grands, Pierre Léauté, 2020, 369 pages

Augustin Petit est un soldat français, blessé lors de la Première Guerre Mondiale et revanchard. Revanchard ? Oui, car la guerre s'est terminée en 1919 par une victoire allemande. Pour Augustin, les coupables ne font aucun doute : les grands. Et il va, petit à petit, imposer sa vision au reste du monde.

Toute ressemblance avec des faits ayant existé n'est absolument pas fortuite. Car si le monde décrit par Pierre Léauté est uchronique, il n'en demeure pas moins un quasi-copier/coller de la montée du nazisme, très documenté et référencé, où Petit remplace Hitler et les grands remplacent les juifs. Cet improbable décalage accentue le caractère absurde des totalitarismes et apporte une légèreté bienvenue qui permet de réviser plaisamment les mécanismes nationalistes et la manière dont ils peuvent se porter aisément au pouvoir, n'importe où, de la même manière que le lecteur se laisse porter par le récit.

Si les deux premiers tiers du roman suivent une trame connue, Pierre Léauté s'offre un peu plus de liberté dans le dernier, amenant à réfléchir sur la capacité humaine à oublier les horreurs du passé et à les réitérer. Le tout en accentuant encore plus le côté humoristique de son livre, multipliant les utilisations étonnantes de personnages connus ou les références cinématographiques - jusqu'à Star Wars mais principalement vers du plus ancien comme Don Camillo ou La Traversée de Paris. Cet aspect reste toutefois fait de manière assez intelligente et tient plus du clin d'oeil, n'entachant pas le bon déroulé de la lecture s'il n'est pas remarqué.

Je n'aime pas les grands est, aussi étonnant que cela puisse paraitre, un amusant et agréable livre sur la montée des nationalismes et des dictatures. Un rappel qui ne peut jamais faire de mal, surtout à notre époque où l'oubli fait son chemin.

Couverture : Kévin Deneufchatel
D'autres avis : Gromovar, ...

dimanche 26 septembre 2021

Bulles de feu #35 - Western

Stern, Tomes 1/2/3 (série en cours), Frédéric Maffre et Julien Maffre, 2015/2017/2019, 62/74/70 planches

Fin du XIXème siècle. Elijah Stern est croque-mort à Morrison, une petite bourgade du Kansas. Solitaire taiseux, mal-aimé du reste de la population, il trouve son plaisir dans la lecture. Alors qu'il s'apprête à inhumer un nouveau corps, il découvre que celui-ci a été assassiné et se retrouve malgré lui impliqué dans l'enquête.

Stern est une très sympathique série mettant en scène un personnage principal loin d'être un héros. Il n'est même presque pas un anti-héros tant il est en retrait, cherchant juste à éviter les ennuis et ne se retrouvant à chaque fois que malgré lui impliqué dans diverses aventures. Il est quasiment spectateur au même titre que le lecteur - une comparaison d'autant plus forte que Stern aime les livres. Et il a pourtant ce petit truc, ce charisme qui le rend sympathique et agréable à suivre.

Chaque tome conte une histoire complète, approfondissant à chaque fois le passé de Stern et la communauté qui l'entoure, tout en variant à chaque fois l'angle d'approche. Le premier tome est ainsi basé sur une enquête, le deuxième est plus une comédie - aux accents tragicomiques - franchement amusante alors que le troisième volume revient sur un schéma de western plus classique. Une belle réussite.

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Jusqu'au dernier, Jérôme Félix et Paul Gastine, 2019, 65 planches

Les lignes de chemins de fer se développant à toute vitesse, c'est la fin de l'ère des cow-boys. Alors Russell prévoit d'acheter une ferme dans le Montana, où il vivrait avec Kirby, un bon compagnon de route, et Benett, un jeune orphelin un peu simplet qu'il a recueilli quelques années auparavant. Mais sur le chemin de leur nouvelle résidence, lors d'une halte à Sundance, Benett est retrouvé mort...

Jusqu'au dernier est un bon western, parvenant à proposer une histoire complète avec véritablement un début, un milieu et une fin. Les codes du genre sont au rendez-vous, tout comme un certain sens de la (non-)morale. Rien d'exceptionnel toutefois, une lecture à réserver aux fans du genre.

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D'autres avis : JMG, ...

Wanted Lucky Luke, Matthieu Bonhomme, 2021, 66 planches

Un mot sur la deuxième incursion de Matthieu Bonhomme dans l'univers de Lucky Luke après l'excellent L'Homme qui tua Lucky Luke. Cette fois, après le choc de sa mort, le choc de sa tête mise à prix !

Wanted Lucky Luke est une bonne aventure qui aurait tout à fait sa place dans la série classique, tant elle a un côté "à l'ancienne", avec un déroulé simple et efficace, en plus de nouveaux clins d'oeils à la mythologie luckylukienne. Matthieu Bonhomme n'en apporte pas moins sa touche avec en premier lieu son style graphique mais aussi le développement de la psychologie du héros, sans compter ses propres références qui se développent - non, Luke ne mâchonne pas une fleur. Moins surprenant et percutant que le tome inaugural, mais une sympathique lecture néanmoins.

Quelques planches ici.

dimanche 19 septembre 2021

Céline Minard - Le Dernier Monde

Le Dernier Monde, Céline Minard, 2007, 464 pages

En mission dans une station spatiale, Jaume Roiq Stevens refuse les ordres d'évacuation d'urgence et se retrouve seul dans l'espace. Jusqu'au jour où des phénomènes étranges semblent se dérouler sur Terre et qu'il ne capte plus aucune source de vie humaine. Il se décide alors à rentrer, sur une planète désormais vide.

Est-ce que cette situation de départ vous parait absolument improbable ? C'est pourtant ce qu'il y a de plus rationnel dans ce livre. C'est alors encore plus dommage que ce début soit complètement hystérique et ne donne absolument pas envie de suivre le personnage principal.

Je suis passé complètement à côté de Le Dernier Monde, dont j'ai lu les deux tiers en diagonale - ce qui ne m'a pas empêché, à mon avis, d'en comprendre autant que si j'en avais lu scrupuleusement tous les mots. C'est un livre complètement dingue et halluciné qui part dans tous les sens, une plongée dans la folie dont l'aspect SF n'est qu'une base pour les divagations de l'autrice - rien d'étonnant à ce qu'il ne soit pas publié en FolioSF. Cette lecture est à peu près l'idée que je me fais d'un trip sous acide. Et l'acide, ça n'a pas l'air pour moi. Un point positif tout de même : ma lecture d'Aleph Zero d'Olivier Caruso m'apparait désormais parfaitement sensée et claire.

Couverture : d'après photo Gaëlle Magder / Picturetank

lundi 13 septembre 2021

Olivier Caruso - Aleph Zéro

Aleph Zéro, Olivier Caruso, 2013, 10 pages (epub)

Des années après s'être connus au lycée, deux personnages se retrouvent à bord d'un train Paris-Marseille. L'occasion de parler du passé, aux souvenirs quelque peu différents pour chacun, mais aussi de mondes parallèles. Et de homard.

Si ce résumé ne parait pas clair, c'est normal : Aleph Zéro n'est pas une nouvelle qui brille par sa clarté. Si en filigrane on devine les tourments de la vie lycéenne, Olivier Caruso plaque là-dessus une sombre histoire d'ouverture de portail entre les mondes. L'ensemble est particulièrement foutraque tout en étant assez tragique. Il y a certainement de bonnes idées dans cette nouvelle, mais elles ne sont pas faciles à saisir. Et malheureusement la fin fait complètement retomber le soufflé. À réserver aux aventuriers de l'étrange.

Nouvelle offerte en téléchargement gratuit par Le Bélial' jusqu'au 30 septembre pour fêter la parution de "Symposium, Inc" du même auteur dans la collection Une Heure-Lumière.

Couverture : Olivier Jubo

mardi 7 septembre 2021

Bulles de feu #34 - Action !

Bookhunter, Jason Shiga, 2007, 148 planches

L'Agent Bay appartient à la Police des Bibliothèques. Sa mission ? Traquer les livres disparus et trouver les coupables de ces méfaits. Son enquête du jour le mettra sur la route d'un précieux incunable mystérieusement volé à la Bibliothèque Publique d'Oakland.

Bookhunter est une sympathique enquête qui reprend bon nombre de codes des films policiers et d'action - tendance old school - avec gadgets, armes, cascades, courses-poursuites et toute la panoplie imaginable. Non, ça ne rigole pas à la Police des Bibliothèques. Si c'est parfois un peu confus, ça fonctionne grâce à cet improbable décalage entre ces gros moyens et l'univers des bibliothèques. Ça n'est pas voué à rester profondément dans les mémoires, mais c'est une amusante BD, bien pensée et qui rendrait certainement très bien sur grand écran.

D'autres avis : Lune, Vert, ...

Yojimbot, Sylvain Repos, Tome 1/?, 2021, 147 planches

Dans ce parc d'attractions à l'abandon d'un Japon post-apocalyptique, les robots continuent d'effectuer leurs tâches habituelles, à l'image de ce robot-samouraï qui simule des combats avec ses confrères. Jusqu'à ce qu'un jeune garçon et son père surgissent de nulle part, pourchassés par une troupe armée. La première des trois lois de la robotique va alors le pousser à les sauver.

Des robots-samouraïs. Faut-il vraiment ajouter quelque chose pour démontrer l'intérêt de cette BD ? Ils sont classes, ils sont multiples, ils se battent bien, ils sont robots, ils sont samouraïs. Voilà.

Yojimbot est une bande-dessinée axée purement sur l'action, avec un soupçon d'aventure, mais surtout de l'action. Un petit peu trop à mon sens, même pour une BD de ce genre, ça manque d'un peu de respiration et d'un petit plus pour tenir sans lassitude et avec un véritable attachement les presque 150 planches de l'album. Malgré quelques cases un peu chargées et trop colorées, il n'en reste pas moins une bonne BD qui offre des cases majoritairement fluides et compréhensibles, aspect essentiel vu le nombre de scènes de combats. À voir si le tome 2 parviendra à gommer ces quelques bémols et à développer cet univers à fort potentiel. En attendant, il y a des robots-samouraïs.

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D'autres avis : Yuyine, ...

mercredi 1 septembre 2021

Serge Lehman - Aucune étoile aussi lointaine

Aucune étoile aussi lointaine, Serge Lehman, 1998, 373 pages

Héritier d'une dynastie d'explorateurs ayant découvert et régnant sur la planète Murmank, le destin d'Arkadih est tout tracé : il sera un naute, arpentant l'espace pour protéger son peuple et ramener les récits de ses aventures. Tout bascule pourtant lorsqu'est installé sur Murmank un Toboggan, liant la planète au reste de l'Omnium en permettant à chacun de voyager instantanément à l'autre bout de la galaxie, rendant de fait inutiles les nautes et leurs vaisseaux.

Une grande aventure attend pourtant Arkadih. Une aventure qui emmènera le héros, et le lecteur avec lui, loin, très loin, et ce tant dans l'espace que dans le temps. Une impression de grandeur très bien rendue par Serge Lehman, qui parvient à faire pleinement ressentir ce gigantisme tout en ne délayant pas son récit et en gardant un rythme satisfaisant. Un excellent dosage pour du pur sense of wonder.

Aucune étoile aussi lointaine est un roman qui m'a pris par surprise et m'a gagné à sa cause sur la longueur, passant d'un roman correct mais assez lambda à une oeuvre touchante et captivante, grâce à la variété de ses péripéties, aux développements de ses personnages et au grand tout qui se forme peu à peu. J'ai un peu peur qu'il ne me marque pas durablement, par manque d'un vrai choc, mais ce serait bien dommage vu la qualité du texte, un space opera qui met des étoiles aussi bien dans les yeux que dans le coeur.

Couverture : ?
D'autres avis : Vert, ...

Première escale pour le SSW 2021

jeudi 26 août 2021

Priya Sharma - Ormeshadow

Ormeshadow, Priya Sharma, 2019, 170 pages

Contraint de quitter Bath avec ses parents, Gideon va désormais vivre dans la région d'Ormeshadow. Loin de son ancienne vie citadine, il va découvrir la ferme d'Ormesleep, dont la légende dit qu'elle est située sur les flancs de l'Orme, un dragon endormi depuis des siècles et qui cacherait un trésor.
« - C"est une histoire triste. Tout ce que tu racontes sur l'Orme est triste.
- Triste, joyeux : cela n'a pas de sens. Les choses sont ainsi.
»
Et ainsi est Ormeshadow. C'est dur et c'est triste, certes, c'est beau aussi par moment, mais c'est surtout très vrai.

La plupart des textes sont écrits pour paraitre plausibles, mais Priya Sharma parvient à rendre son récit et ses personnages, jusqu'à l'Orme, tout à fait réels, existants. Palpables. Il n'est pas question ici de paraître plausible : les choses sont, de toute évidence. Cela donne un superbe texte sur un garçon qui doit devenir homme au milieu de l'amertume et des non-dits des adultes qui l'entourent. Et c'est poignant.

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Anne-Sylvie Homassel
D'autres avis : Gromovar, FeydRautha, Yuyine, Lhisbei, Célinedanaé, Vert, Boudicca, Anouchka, ...

vendredi 20 août 2021

David Mitchell - Cartographie des nuages

Cartographie des nuages, David Mitchell, 2004, 660 pages

Après avoir mené à bien des affaires en Océanie, Adam Ewing attend que le navire qui le transporte soit en état de le ramener à San Francisco. Il en profite pour faire la rencontre du docteur Goose et en apprendre un peu plus sur les peuples autochtones de la région.

Ainsi commence Cartographie des nuages. Sauf que ce bout d'intrigue du XIXème siècle n'est en fait qu'1/6ème - et pas le plus attractif - de ce qui constitue l'ouvrage. Car Cartographie des nuages est un livre étonnant qui multiplie les temporalités et localités, chacune ayant son intrigue propre tout en étant aussi liée de manière intradiégétique aux autres.

Toutes évoquent pourtant des histoires d'avidité et de cupidité, de pouvoir, de cette folie humaine de contrôler et posséder toujours plus. Les cas sont extrêmement variés, dans la forme et dans le fond, mais ils reviennent toujours à ça. Et ce n'est guère brillant pour l'humanité, plus réaliste que pessimiste malheureusement, même si dans le brouillard de l'idiotie collective pointe quelques éclaircies d'espoir individuel.

Si je pense avoir préféré L'Âme des horloges du même auteur, plus excitant à la lecture immédiate, Cartographie des nuages n'en demeure pas moins une oeuvre admirable, au sens premier du terme. Elle est comme un tableau dont le spectateur peut admirer la composition, de la finesse du moindre détail jusqu'au somptueux panorama qui se dégage de l'ensemble. Et David Mitchell est un excellent peintre.

Couverture : Cédric Scandella / Traduction : Manuel Berri
D'autres avis : Vert, Yogo, Brize, FeyGirl, Alys, ...

samedi 14 août 2021

Bulles de feu #33 - Gipi et compagnie

Aldobrando, Gipi et Luigi Critone, 2020, 200 planches

Aldobrando est un jeune orphelin confié dès son plus jeune âge à un vieux sorcier chargé de l'élever. Garçon simple, voire simplet, et peu dégourdi, ne connaissant rien en dehors de la cabane où il vit, Aldobrando va pourtant, après une préparation magique ayant mal tournée, devoir prendre la route pour chercher de l'herbe du loup, seule plante pouvant guérir l'oeil blessé de son maître.

Aldobrando a indéniablement des airs de conte de fées très classique, en reprenant des thèmes et éléments habituels. Et pourtant elle a aussi une indéniable fraicheur et une vraie sensation d'inédit à la lecture. C'est solide de bout en bout, c'est très prenant avec notamment un héros étonnamment attachant, et ça se dévore avec un immense plaisir.

Si la qualité du scénario en fait déjà une très bonne BD, elle passe au statut d'excellence grâce au travail de Luigi Critone, Claudia Palescandolo et Francesco Daniele. Les dessins sont beaux, d'une beauté qui n'est pas éclatante, qui ne saute pas forcément aux yeux au premier regard, mais qui s'avère simplement très plaisante à parcourir. Le découpage est lui intelligent, parvenant à donner du rythme et du mouvement, lent - ce qui n'est nullement négatif ici - mais présent, alors que chaque dessin pris individuellement pourrait sembler assez statique. Reste, last but not least, les couleurs, douces et absolument somptueuses, variant les teintes dominantes pour créer différentes atmosphères bien différenciées. Sans oublier le travail sur les lumières, lui aussi magnifique. Une excellente BD, tout simplement.

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D'autres avis : Gromovar, Yuyine, ...

Vois comme ton ombre s'allonge, Gipi, 2013, 113 planches

Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre presque indescriptible. Elle conte l'histoire d'un homme interné qui se remémore son passé, des fragments dispersés aux thèmes récurrents, arbre et station-service en tête. Le tout dans un certain désordre. Ça ne vous parait pas évident ? Ça l'est encore moins à la lecture. Tout du moins au début. Parce que si l'incompréhension règne, elle devient peu à peu compréhensible, en partie et imperceptiblement, par ressenti plus que par logique.

Vois comme ton ombre s'allonge est une BD perturbante. Mélange de superbes aquarelles, sombres mais sublimes, et de crayonnés minimalistes, il faut un peu de temps pour prendre ses marques au sein de cet univers - et soyons honnêtes : certain.e.s lecteurices ne les prendront jamais. Mais la magie peut opérer. Car de ce mélange à l'aspect foutraque, où l'on ne sait pas vraiment ce que l'auteur nous raconte, se dégage aussi, surtout, quelque chose de puissant, une vraie force étincelante.

Inclassable, inconseillable, Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre à part. Mais quelle oeuvre !

Quelques planches ici.

dimanche 8 août 2021

Émile Zola - L'Argent

L'Argent, Émile Zola, Tome 18/20 des Rougon-Macquart, 1891, 500 pages

Ayant tout perdu à la fin de La Curée, Aristide Saccard est bien décidé à se refaire. Ne pouvant pas compter sur l'aide de son frère Eugène Rougon, il va se lancer corps et âme dans un grand projet : monter une banque pour financer des projets au Moyen-Orient.

Au programme : le monde éminemment sympathique de la finance et de la Bourse, avec son lot de manigances, de spéculations et de crises. Évidemment, ça va mal finir. Enfin, pour les gens lambdas, car les gros poissons s'en sortent toujours d'une manière ou d'une autre. La constance entre cette fin du XIXème siècle et notre XXIème siècle est frappante.

L'Argent est un roman d'Émile Zola correct, marquant par sa maitrise du sujet et sa résonance moderne, en plus des qualités habituelles de l'auteur. Il ne parvient pourtant pas à dépasser ce stade, la faute à une histoire bien trop linéaire et évidente, à une technicité financière très importante et à un manque de sentiments, même négatifs, envers les personnages. Mais après tout, ça se tient : tout le monde sait qu'on ne mélange pas affaires et sentiments.

Couverture : Honoré Daumier, Panique à la Bourse, 1845
Lecture commune avec la Zolerie, Tigger Lilly et Alys.

dimanche 1 août 2021

Eoin Colfer - Mauvaise prise

Mauvaise prise, Eoin Colfer, Tome 2/? de Daniel McEvoy, 2013, 318 pages

Deuxième aventure pour Daniel McEvoy après les évènements de Prise directe. Soucieux de se ranger et de mener une vie plus calme, McEvoy s'apprête à ouvrir son club. Mais avant cela, il faut rester en vie et solder une ancienne dette, qui l'entraînera dans un puits apparemment sans fond d'improbables péripéties.

Mauvaise prise est un deuxième tome qui se lit de manière totalement indépendante. La preuve ? Je n'avais pas le moindre souvenir du premier volume. Et pourtant ça se lit très bien, de manière fluide et sans jamais donner l'impression de manquer quelque chose. De toute façon, il n'y a pas grand chose à manquer.

Mauvaise prise est un roman qui va pied au plancher du début à la fin, dans une avalanche de situations toujours plus débridées où la gouaille et les fanfaronnades du héros font le style et le plaisir du livre. Du pur divertissement, un peu (totalement) fou, qui atteint efficacement son objectif.

Couverture : © Image Source - Getty Images / Traduction : Sébastien Raizer

samedi 24 juillet 2021

Écran de fumée #17 - Imaginaire netflixien

Sweet Tooth, Saison 1/?, 2021, 8 épisodes de 40-50 minutes

Deux évènements majeurs arrivent simultanément sur la planète : un virus très mortel et contagieux décime une grande partie de la population et des hybrides, mi-humains mi-animaux, naissent inexplicablement. Les deux sont-ils liés et, si oui, dans quelle mesure ? Mystère. Quelques années plus tard, dans un monde effondré, Gus, hybride mi-garçon mi-cerf vivant au fin fond d'une forêt, va devoir prendre la route pour essayer de retrouver sa mère.

Oui, on ne sait pas vraiment comment ce monde post-apocalyptique continue de vivre aussi bien en matière de pétrole et d'électricité. Voilà pour le défaut de la série - avec les, rares, effets spéciaux sur les animaux sauvages, à la rigueur. Si vous êtes capables de passer outre cela, pour le reste c'est du tout bon.

Certes, Sweet Tooth est une série sensiblement calibré qui coche tout un tas de cases du bingo des séries. Mais ce n'est pas grave parce que ça fonctionne excellemment bien. C'est prenant, entraînant, frais, tout en étant joyeux et dur à la fois. Et, surtout, Gus a une bouille incroyable, la mignonitude incarnée, en plus d'un caractère particulièrement attachant. Ce qui ne doit rien enlever au reste du casting, lui aussi de qualité. Il n'y a pas à bouder son plaisir : ça fonctionne très bien et je reprendrai une saison 2, Ô combien nécessaire, avec grand plaisir.

Disponible sur Netflix


Katla, Saison 1/1, 2021, 8 épisodes de 40-45 minutes

Depuis un an, le Katla, volcan islandais enfoui sous une calotte glaciaire, est réveillé. La petite ville de Vik, à proximité, subit de plein fouet ses effets, avec en premier lieu les cendres volcaniques qui obstruent le ciel et recouvrent tout, donnant au paysage des allures apocalyptiques. Alors que la plupart sont partis, quelques habitants continuent d'y vivre, espérant la fin prochaine de l'éruption. Une vie presque tranquille. Jusqu'à ce qu'une femme recouverte de cendres apparaisse à proximité du volcan.

Si ce mystère est un élément essentiel et important de la série, le focus principal se porte sur les différents personnages principaux. Impossible néanmoins d'en dire beaucoup plus, le thème du récit étant lui-même une clé de la série et doit se découvrir au visionnage. Notez seulement que le sujet est fort, essentiel, et très bien pensé. Surtout, pour une série "à personnages", l'intrigue n'est pas en reste et permet de conserver une tension permanente et régulièrement ravivée, ajoutant une agréable facilité de visionnage.

Katla est une excellente série teintée d'imaginaire. Puissante et sans compromis dans son propos - attention, le dernier épisode est particulièrement violent psychologiquement, au point de démarrer par un trigger warning -, elle est aussi somptueuse dans son cadre islandais cendreux. Assurément une série à voir.

Disponible sur Netflix
D'autres avis : Poutine Hurlante (merci à lui pour la découverte !), ...