Le Fleuve céleste, Guy Gavriel Kay, Tome indépendant 2/2 des Chevaux célestes, 2013, 695 pages
Ren Daiyan est un jeune garçon, fils d'un archiviste travaillant dans une lointaine province de l'Ouest de la Kitai. Si tout laisse à penser qu'il pourrait suivre les traces de son père et travailler à son tour au yamen, lui s'entraîne secrètement à l'arc et à l'épée avec un rêve en tête : restituer la gloire de la Kitai et reconquérir les Quatorze Préfectures des mains des barbares du nord.
Après la Chine du VIIIème siècle de la dynastie Tang dans Les Chevaux Célestes, Guy Gavriel Kay retourne de nouveau dans l'Empire du milieu mais cette fois au XIIème siècle avec la dynastie Song. Roman totalement indépendant, il comporte tout de même quelques sympathiques petits clins d'oeil à son précédent roman, la gloire passée des Tang étant au coeur des motivations et aspirations des protagonistes.
Le Fleuve céleste est une fiction historique où l'aspect fantasy/fantastique est quasi-inexistant. Basé en grande partie sur la vie de Yue Fei et écrit à partir d'une somme de recherches colossale, c'est un ouvrage qui met en avant une période historique à laquelle personne ne se serait intéressé sans lui et la rend absolument passionnante. Guy Gavriel Kay y parvient sans jamais être rébarbatif ou pédant, ne faisant pas étalage de son savoir mais l'intégrant naturellement dans le déroulé de son récit. Un récit qui est porté par ses personnages, aussi charismatiques et réels pour les premiers rôles que pour ceux qui ne font que passer, Guy Gavriel Kay ayant un vrai talent pour brosser des portraits évocateurs et donner du corps à ses protagonistes.
Ce soin apporté à l'Histoire et aux personnages sont loin d'être les seules qualités de ce livre. Il faut aussi évoquer sa construction. Si la calligraphie et la poésie sont les deux arts les plus centraux du roman, le travail de Guy Gavriel Kay se rapproche plus de la peinture. Chaque chapitre est comme un tableau, détaillant avec précision quelques scènes sur une petite période donnée, avant de faire un saut dans le temps et de présenter une nouvelle période, laissant habilement deviner ce qui a pu se passer entre les deux sans jamais créer de manque. Ce qui permet d'aller à la fois en profondeur sur les scènes choisies et de traiter une longue période de temps. Admirablement pensé et réalisé.
Enfin, il faut rapidement évoquer la réflexion qui parcourt en filigrane l'ouvrage : la différence entre un historien et un conteur, qui va de pair avec la création des légendes. C'est là aussi fort intelligent et s'inscrit éminemment bien avec le fait que Le Fleuve céleste est une fiction historique, prenant nécessairement quelques libertés pour mieux servir l'Histoire et réfléchir à ce qui peut s'y cacher. Fond et forme, coeur et cerveau, Le Fleuve céleste est indéniablement un roman passionnant qui excelle dans tous les domaines.
Couverture : Leraf / Traduction : Mikael Cabon
D'autres avis : L'ours inculte, Lorhkan, Apophis, Boudicca, Acr0, lutin82, ...