mardi 29 octobre 2024

Nana Kwame Adjei-Brenyah - Friday Black

Friday Black, Nana Kwame Adjei-Brenyah, 2018, 258 pages

Friday Black est un recueil de 12 nouvelles teintées de science-fiction. Une utilisation de l'imaginaire qui permet d'exacerber certains aspects de notre monde dans un futur proche. Et pas les aspects les plus enviables, évidemment. Nana Kwame Adjei-Brenyah y expose sans fard, entre autres, le consumérisme, la violence et le racisme.

Comme dans tous les recueils, tous les textes ne s'apprécient pas de manière égale. Mais, à l'exception peut-être de Lark Street qui m'a laissé dubitatif, toutes les nouvelles sont au minimum vraiment bonnes à lire - je dirais bien "plaisantes" mais ce n'est pas un terme particulièrement approprié vu les contextes. Le plus souvent elles sont même très bonnes.

Si toutes offrent un point de vue individuel qui permet de tirer des conclusions d'ordre plus général, je distingue tout de même deux catégories dans ces 12 nouvelles. Il y a d'un côté des nouvelles plus "personnelles", des histoires de vie quotidienne aux fins ouvertes et aux finalités un peu nébuleuses. De l'autre il y a des textes plus frontaux, sans équivoque sur leurs messages. C'est dans ce deuxième groupe que se trouve mes nouvelles préférées, les plus puissantes, celles qui donnent des coups et me resteront en tête : Zimmer Land et son parc d'attractions pour blancs voulant se défendre contre l'envahisseur non-blanc ; Les 5 de Finkelstein et son racisme d'état, tristement réaliste, un chef-d'oeuvre qui vaut à elle-seule la lecture du recueil.

Mes attentes initiales me faisaient espérer plus de textes de ce genre, très marquant. Ce n'est pas nécessairement le cas, il y a de l'alternance et des choses relativement plus légères. Mais cela n'enlève finalement rien à la qualité générale du recueil qui vaut largement le détour. Notamment pour un dernier point que Gromovar a parfaitement explicité et que je me permets de citer pour conclure puisque je ne pourrais rien dire de mieux et qu'il résume très bien l'essence de ce recueil :
« Dans les nouvelles de Adjei-Brenyah, la parole officielle, juridique, historique, peut tuer ou meurtrir encore et encore, mais la parole humaine, celle qu'on donne intuitu personæ, celle qui nécessite qu'on se mette en état d’attention à l'autre qui parle et à qui l'on parle, est source de reconnaissance, de soin, d’apaisement. C'est parce qu'ils ne se parlent pas que les humains souffrent, c'est parce qu'ils ne s'écoutent pas qu'ils se divisent en clans irréconciliables ou parviennent à chosifier l'autre jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un obstacle ou un moyen. »
Couverture : Favor Nnebedum - EyeEm - Getty Images / Traduction : Stéphane Roques
D'autres avis : Gromovar, FeydRautha, Lhisbei, Yuyine, TmbM, ...

mercredi 23 octobre 2024

Elisa Beiram - Le premier jour de paix

Le premier jour de paix, Elisa Beiram, 2023, 184 pages

Fin du XXIème siècle. Le dérèglement climatique a entraîné un bouleversement du monde, entre exodes, guerres et famines. Dans un territoire isolé de Colombie, Aureliano rêve encore, difficilement, d'une issue à l'autodestruction de son village. Esfir parcourt elle le monde pour résoudre des conflits. Quant à América, c'est au plus haut niveau des instances mondiales survivantes qu'elle essaye de faire entendre raison.

Le premier jour de paix se divise en trois parties. La première, celle d'Aureliano, est un peu déconnectée des deux suivantes mais elle permet de présenter l'état du monde et le désespoir qui s'y déploie. Ce n'est pas joyeux mais c'est nécessaire pour montrer les choses telles qu'elles sont. La suite continuera dans cette direction mais en y apportant de l'espoir, prenant le point de vue d'émissaires de la paix oeuvrant à trouver des solutions. Et la solution finale, c'est la paix.

Le premier jour de paix est un ouvrage qui a à la fois des airs d'apocalypse et de feel-good. Le parallèle avec Becky Chambers est facile sur de nombreux points mais Elisa Beiram trace sa propre route. C'est un roman qui peut sembler parfois naïf et facile mais ça n'est pas vraiment un problème car l'enjeu est ailleurs. Le but n'est pas d'être photoréaliste mais de proposer des idées et une réflexion globale sur la notion de paix. Et ça fonctionne, parce que le propos est intéressant et donne lieu à quelques très bons passages, notamment lors des moments de doute des personnages, mais aussi car l'histoire (et les protagonistes) est plaisante à suivre en elle-même, avec même une petite surprise dans sa troisième partie. La frontière entre espoir et niaiserie est souvent mince, et je ne doute pas que certains tomberont du deuxième côté de la pièce. Pour ma part, Le premier jour de paix est totalement resté du côté de l'espoir, ce qui en a fait une vraiment bonne lecture.

Couverture : Thomas Dambreville
D'autres avis : Alias, Le nocher des livres, Zoéprendlaplume, Lectures du Panda, ...

jeudi 17 octobre 2024

Lucius Shepard - Aztechs

Aztechs, Lucius Shepard, 1999-2003, 491 pages

Aztechs est un recueil de 6 (longues) nouvelles, entre science-fiction et fantastique, qui fait visiter du pays, du Mexique au Congo, des États-Unis à la Russie. Mais la visite n'a rien de touristique car ce sont plutôt les recoins mal famés qui sont à l'honneur, des prisons aux décombres de Ground Zero, des territoires des cartels à ceux de la mafia. En toute logique, les personnages ne sont pas des enfants de choeur. Ce qui n'en fait pas pour autant des personnages antipathiques. Car ils en ont conscience. Car ils ne sont pas le mal incarné. Ce sont juste des êtres qui cherchent à (sur)vivre dans des vies qui sont loin d'être manichéennes mais qui tendent bien plus vers le noir que vers le blanc.

C'est sûrement là qu'est l'unité de ce recueil qui peut sembler partir dans tous les sens. Il est question de (sur)vie d'individus face à des considérations bien trop grandes pour eux, face à des entités qui flirtent avec le divin ou en tout cas d'une ampleur proche. Comment résister à cela, comment trouver sa place ? Des questions qui se posent pour eux comme elles peuvent se poser pour nous - et dont la réponse shepardienne est presque toujours dans l'amour. C'est bien pourquoi on peut malgré tout se sentir proche de ces personnages avec lesquels on n'a à priori rien en commun et adorer ces textes alors qu'ils sentent à plein nez la drogue, l'alcool et le sexe.

Il faut lire du Lucius Shepard pour vraiment se rendre compte de ce qu'est le style de Lucius Shepard. C'est à la fois cru, violent, direct mais c'est aussi magnifiquement écrit, d'une écriture riche qui emporte et qui peut se faire hypnotisante dans des longs paragraphes hallucinés. Aztechs est un excellent recueil sans fausse note dont les fins ouvertes - à l'exception peut-être du dernier texte, plus déstabilisant - ne laissent aucune frustration. Plus qu'un voyage à travers le monde, c'est un voyage tout court, une expérience comme nul autre que Lucius Shepard ne sait en procurer.

Couverture : Marc Simonetti / Traduction : Jean-Daniel Brèque
D'autres avis : Gromovar, Boudicca, ...

vendredi 11 octobre 2024

Une Heure-Lumière - Hors-Série 2024 (Rich Larson - Comment Quini le Calmar a égaré son Klobucar)

Comment Quini le Calmar a égaré son Klobucar, Rich Larson, 2020, 61 pages

Comme chaque année, Le Bélial' devient le démon le plus gentil de l'édition et offre à ses lecteurices un hors-série - pour l'achat de deux novellas de l'excellente collection Une Heure-Lumière, il ne faut pas pousser non plus. Au programme, comme d'habitude, un mot du patron, le catalogue de la collection et une nouvelle, en l'occurrence de Rich Larson.

Contrairement à ce que peut laisser penser son titre, Comment Quini le Calmar a égaré son Klobucar est une nouvelle assez limpide qui se situe en majorité sur la terre ferme. C'est une bonne histoire de casse qui réussit à proposer une préparation, des rebondissements et une conclusion, à développer plusieurs personnages et à dépeindre une Catalogne science-fictive qui conserve un accent local. Le tout en seulement quelques dizaines de pages, dans un format compact qui ne réduit en rien tout le plaisir de ce genre d'histoire. Encore une belle réussite de la part de Rich Larson.

Couverture : Aurélien Police
D'autres avis : Le Maki, Le nocher des livres, Célinedanaë, ...

samedi 5 octobre 2024

Bulles de feu #66 - Septembre 2024

Un petit récapitulatif de mes lectures BDs/mangas/comics du mois, pour en garder une trace.
Le classement est absolument imparfait, insatisfaisant et un peu aléatoire mais peut donner un ordre d'idée. Les avis sont (ultra)brefs, n'hésitez pas à demander un complément d'informations en commentaire si nécessaire.

Bien / Ok / Correct


Kaiju n°8 T.11/? - Naoya Matsumoto

Du pur combat, encore.


Insomniaques T.12/14 - Makoto Ojiro

Dans la continuité, bien sans être incroyable, mais avec une petite ellipse temporelle qui laisse entrevoir la fin de la série.


Tsugai - Deamons of the Shadow Realm T.4/? - Hiromu Arakawa

C'est bien et ça reste plaisant à lire mais ce n'est quand même pas facile à suivre, il y a beaucoup de pièces en mouvement dont les objectifs ne sont pas forcément clairs.


Blue Lock T.9-10/? - Muneyuki Kaneshiro et Yûsuke Nomura

C'est toujours aussi dommage pour l'esprit/cadre parce que la partie purement sportive est vraiment solide.


La Route - Manu Larcenet

Une excellente adaptation, tant dans l'aspect graphique parfait pour l'ambiance que dans le peu de paroles, qui rend parfaitement toute la noirceur et le désespoir du roman. Je ne peux pas dire que j'ai apprécié le moment passé, mais c'est objectivement une très grande oeuvre. N'hésitez pas à aller lire l'avis dithyrambique de Gromovar.


La Nuit des hiboux, Batman DC Renaissance T.2/9 - Scott Snyder, James Tynion IV, Greg Capullo, Becky Cloonan, Rafael Albuquerque, Andy Clarke et Jason Fabok

La "fin" de l'arc des hiboux entamé dans le tome 1, plus dans l'action que dans l'enquête mais toujours bien. Suivi de deux courtes histoires bonnes mais plus insignifiantes (pour le moment ?).
Très bien


Frieren T.12/? - Kanehito Yamada et Tsukasa Abe

Un bon tome avec une péripétie qui apporte de la fraicheur et permet de se rendre compte d'une partie du chemin parcouru depuis le début de la série.


Le Fils de Pan - Fabrizio Dori

La pas-vraiment-suite de Le Dieu vagabond qui peut se lire de manière indépendante. Une bonne aventure aux accents psychédéliques, tant dans le dessin que dans les couleurs ou les péripéties, et pourtant ça reste palpable et facile à lire. Fabrizio Dori crée vraiment un univers à part, une oeuvre à lui, et c'est forcément une bonne chose.


Les Quatre de Baker Street T.10/? - Olivier Legrand et David Etien

Une aventure très simple mais c'est toujours aussi agréable et joli à lire.


Eight Billion Genies - Charles Soule et Ryan Browne

Un excellent comics qui part d'une idée simple aux possibilités infinies - tous les humains se voit accorder un voeu - pour proposer une solide histoire qui va (très) loin mais sans se perdre en chemin, en gardant la dose de cohérence nécessaire et en parvenant même à conclure joliment.


Space Brothers T.43/? - Chûya Koyama

Un excellent tome, plein de tension et qui promet un nouveau très grand moment dans le tome suivant.