Analog/Virtuel, Lavanya Lakshminarayan, 2020, 380 pages
« - Ce n'est qu'une question de temps jusqu'à ce que cela nous affecte à Apex City.Alors que les pays sont de l'histoire ancienne, des Cités-États règnent. Bangalore est ainsi devenue Apex City, une ville qui se veut méritocratique, où les outils numériques sont omniprésents et dont la devise peut se résumer en un mot : la productivité. Cela vaut en tout cas pour une moitié de la ville, celle des Virtuels, les castes majoritaires. Tous ne redoutent qu'une chose : devenir un Analog, les Dix-pour-Cents inférieurs, et rejoindre l'autre côté d'Apex City, au-delà du bouclier énergétique, où la technologie n'existe pas.
- Quelle serait la timeline pour cela ?
- Quarante ans, dans le meilleur des cas, avant que l'eau de l'atmosphère...
- On s'en occupera dans trente-neuf ans. »
Il n'aura fallu que quelques pages pour qu'Analog/Virtuel m'harponne. Le temps d'un premier chapitre ou d'une première nouvelle, au choix. Le temps pour une voleuse Analog de faire un aller-retour dans la zone Virtuel et d'en ramener la graine d'un arbre, la graine d'une révolution, qui sera le fil rouge du livre. Quelques pages qui m'ont fait le même effet que L'Été de la fusée, le sublime texte qui ouvre les Chroniques martiennes de Ray Bradbury. C'est tout aussi beau et cela commence un tout aussi excellent fix-up.
Analog/Virtuel est, pour moi en tout cas, un fix-up, c'est-à-dire un enchaînement de nouvelles indépendantes dont la juxtaposition permet de créer quelque chose de plus grand. En l'occurrence ici, ce quelque chose c'est tout autant la compréhension du fonctionnement de ce système dystopique que l'émergence d'une rébellion visant à le mettre à bas. Pour ce faire, chaque nouvelle est une tranche de vie d'un personnage - parfois Analog, parfois Virtuel - cherchant à maintenir ou améliorer sa condition, cherchant à survivre au mieux, à faire avec ses peurs. Et d'un texte à l'autre, des éléments se répondent, se répercutent, se font écho. Tout est lié. Tout est indépendant.
Analog/Virtuel est une réussite sur tous les aspects. Sa forme est admirable, renfermant autant les qualités d'un roman que celles d'un recueil de nouvelles. Son fond est riche, multiple, portant un regard lucide sur notre présent et notre futur, avec la technologie en tête de proue, mais pas que. Son fil rouge apporte une note d'espoir toujours bienvenue en temps de dystopie. Et chacune de ses histoires, chaque texte, chaque page fait la part belle à l'humain. Roman, recueil, fix-up, appelez-le comme vous voulez. Mais une chose est certaine : Analog/Virtuel est un excellent livre.
Couverture : ? / Traduction : Lise Capitan
D'autres avis : Alys, FeydRautha, Le Maki, Célinedanaë, ...