Aldobrando, Gipi et Luigi Critone, 2020, 200 planches
Aldobrando est un jeune orphelin confié dès son plus jeune âge à un vieux sorcier chargé de l'élever. Garçon simple, voire simplet, et peu dégourdi, ne connaissant rien en dehors de la cabane où il vit, Aldobrando va pourtant, après une préparation magique ayant mal tournée, devoir prendre la route pour chercher de l'herbe du loup, seule plante pouvant guérir l'oeil blessé de son maître.
Aldobrando a indéniablement des airs de conte de fées très classique, en reprenant des thèmes et éléments habituels. Et pourtant elle a aussi une indéniable fraicheur et une vraie sensation d'inédit à la lecture. C'est solide de bout en bout, c'est très prenant avec notamment un héros étonnamment attachant, et ça se dévore avec un immense plaisir.
Si la qualité du scénario en fait déjà une très bonne BD, elle passe au statut d'excellence grâce au travail de Luigi Critone, Claudia Palescandolo et Francesco Daniele. Les dessins sont beaux, d'une beauté qui n'est pas éclatante, qui ne saute pas forcément aux yeux au premier regard, mais qui s'avère simplement très plaisante à parcourir. Le découpage est lui intelligent, parvenant à donner du rythme et du mouvement, lent - ce qui n'est nullement négatif ici - mais présent, alors que chaque dessin pris individuellement pourrait sembler assez statique. Reste,
last but not least, les couleurs, douces et absolument somptueuses, variant les teintes dominantes pour créer différentes atmosphères bien différenciées. Sans oublier le travail sur les lumières, lui aussi magnifique. Une excellente BD, tout simplement.
Quelques planches ici.
D'autres avis : Gromovar, Yuyine, ...
Vois comme ton ombre s'allonge, Gipi, 2013, 113 planches
Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre presque indescriptible. Elle conte l'histoire d'un homme interné qui se remémore son passé, des fragments dispersés aux thèmes récurrents, arbre et station-service en tête. Le tout dans un certain désordre. Ça ne vous parait pas évident ? Ça l'est encore moins à la lecture. Tout du moins au début. Parce que si l'incompréhension règne, elle devient peu à peu compréhensible, en partie et imperceptiblement, par ressenti plus que par logique.
Vois comme ton ombre s'allonge est une BD perturbante. Mélange de superbes aquarelles, sombres mais sublimes, et de crayonnés minimalistes, il faut un peu de temps pour prendre ses marques au sein de cet univers - et soyons honnêtes : certain.e.s lecteurices ne les prendront jamais. Mais la magie peut opérer. Car de ce mélange à l'aspect foutraque, où l'on ne sait pas vraiment ce que l'auteur nous raconte, se dégage aussi, surtout, quelque chose de puissant, une vraie force étincelante.
Inclassable, inconseillable,
Vois comme ton ombre s'allonge est une oeuvre à part. Mais quelle oeuvre !
Quelques planches ici.