mardi 24 février 2015

Anne Fakhouri & Xavier Dollo - American Fays

American Fays, Anne Fakhouri et Xavier Dollo, 2014, 420 pages.

Chicago, 1925. Comme dans notre ligne temporel, l'époque est à la Prohibition et aux bandes qui se partagent la ville, Al Capone en tête. Il n'y a qu'une seule différence : les fays. Car oui, ici, les êtres féeriques en tout genre sont de la partie, intégrés comme - presque - n'importe quelle communauté humaine.

Dans cet ambiance fantastique, on suit les No Ears Four, une bande de chasseurs de fays sous la houlette de Capone, déjà rencontrés dans la nouvelle Du Rififi entre les oreilles d'Anne Fakhouri. Au programme cette fois : trouver le meurtrier de partisans de la Prohibition pour disculper Capone.

Le cadre du récit est incroyable et fait tout le charme de ce livre. American Fays, c'est la joie du Chicago des années 20, l'odeur de la poudre et des embuscades menées en vieille voiture, sous le patronage du mythique Al Capone, avec une bonne dose de fantasy pour apporter de l'inédit et des situations inimaginables. Si l'on n'est pas réfractaire à la fantasy urbaine, on aura de quoi s'évader de belle manière.

Si l'ambiance est forte, les personnages n'ont pas à rougir. Les No Ears Four sont parfois un peu cliché dans leurs grandes lignes mais n'en oublient pas d'être éminemment sympathiques. Au niveau de l'histoire, les péripéties s'enchaînent avec un sens du rythme certain, tout en ne donnant jamais l'impression d'être simplement une suite de scénettes mais bien une véritable histoire. Le seul petit bémol, qu'on excusera facilement, va à la scène finale, un chouïa longue, notamment à cause d'une conclusion inévitable et prévisible.

American Fays est une belle réussite. Un divertissement de qualité, dynamique et enlevé, dans une atmosphère qu'on ne croise pas tous les jours. On saluera aussi la beauté de l'objet-livre, autant dans le dessin de couverture que dans son toucher. Un livre agréable sur le fond et sur la forme, pourquoi se priver ?


Treizième participation au Challenge Francofou

Trente-deuxième participation au challenge SFFF au féminin

Quatrième voyage dans les landes du Winter Mythic Fiction

lundi 16 février 2015

Anthologie - Les Héritiers d'Homère

Les Héritiers d'Homère, Anthologie de Nathalie Dau et Jean Millemann, 2009, 325 pages.

Les Héritiers d'Homère est une anthologie consacrée, comme son nom le laisse imaginer, à la mythologie grecque. Au programme, 18 nouvelles mettant en scène dieux et héros antiques. À peu de choses près, un tiers sont des créations d'histoires antiques, un tiers des réécritures modernes et enfin un tiers d'autres choses plus ou moins indéfinissables (voire incompréhensibles à l'occasion).

Il y a donc une certaine variété dans cette anthologie même si, malgré un thème extrêmement large, certains personnages se voient utilisés plusieurs fois (coucou Orphée !). Un thème qu'on sent véritablement présent et qui donne une vraie unité à cette anthologie, qui n'est pas un simple amoncellement de textes mais un vrai hommage à une époque sous-utilisée. Retour de bâton, je pense que, malgré un bon mini-dictionnaire en annexe, on appréciera tout de même davantage ce recueil si l'on possède au préalable quelques connaissances sur le sujet.

Au vu du nombre important de textes, je ne vais pas détailler l'ensemble des récits, chose qui serait aussi laborieuse pour moi que pour vous. Généralement, un recueil se compose de hauts et de bas. C'est moins le cas ici : je n'ai pas eu de grand coup de coeur, mais je suis dans le même temps passé très rarement à côté des nouvelles (j'aurais même pu dire jamais s'il n'y avait pas eu les deux derniers textes, Sémélé de Philippe Guillaut et Firestarter de Céline Brenne).

Citons tout de même quelques textes qui se démarquent. La Bouteille, le barbu et le sens du monde de Franck Ferric, malgré sa fin ouverte, ouvre de bel augure le recueil par son récit alcoolisé qu'on écouterait bien au coin d'un feu. Le Syndrome de Midas de Jess Kaan relie habilement passé et présent. Prisonnier de son image de T.K. Ladlani est une utilisation ingénieuse du thème de Narcisse. L'Hospitalier de Yan Marchand et Les Sept derniers païens de Romain Lucazeau content deux destins inexorables. La Descente aux Enfers d'Orphée et Eurydice d'Anthony Boulanger s'avère sympathique même si elle aurait mérité un peu plus de subtilité. Enfin, si Pierce's Track de Nicolas Eustache est une actualisation un poil folle, la palme de l'incroyable revient à la marrante La mort d'Héraclès de Claire Jacquet, où Héraclès doit combattre un ennemi imprévu : la lessive.

Malgré la prépondérance des écritures "littéraires" sur les quelques oeuvres sonnant plus "orales", les aèdes peuvent se réjouir : leur héritage est bien porté. Car il faut noter que, pour des noms pas ou peu connus dans l'ensemble, la qualité de l'écriture est au rendez-vous et fait de ce recueil une réussite dans sa globalité.


Livre gagné lors de la saison 1 du Winter Mythic Fiction, merci Lhisbei.

Douzième participation au Challenge Francofou

Trente-et-unième participation au challenge SFFF au féminin

Troisième voyage dans les landes du Winter Mythic Fiction

vendredi 13 février 2015

Philip K. Dick - Blade Runner

Blade Runner, Philip K. Dick, 1968, 251 pages.

La Terre est désormais sous-peuplée, les humains étant poussés à coloniser Mars pour échapper aux retombées nucléaires qui s'étendent sur la planète bleue, où les espèces animales s'éteignent les unes après les autres. Sur cette Terre dégénérescente, il reste tout de même des êtres. Mais tous ne sont pas humains. Et pour chasser les androïdes, les blade runner sont là.

Blade Runner, originellement Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, communément renommé suite au film de Ridley Scott, est un classique de Philip K. Dick. Au même titre qu'un Maître du Haut-Château, bien que les deux appartiennent à des thématiques différentes de l'auteur. Même combat dans mon esprit, puisque la conclusion est la même : Dick n'est pas pour moi.

Blade Runner n'est pas un mauvais roman en soi, pas quelque chose d'illisible. Il est juste banal à mes yeux. Je me suis passablement ennuyé pendant le premier tiers, puis n'ai rien trouvé d'exceptionnel à la suite. L'intrigue, un thriller d'action un peu flou, ne m'a pas accroché plus que ça. Et ce ne sont pas les personnages qui peuvent sauver le livre puisqu'ils ne font éprouver aucune empathie (un peu ironique, n'est-ce pas ?).

Dans le même temps, je suis passé très loin du questionnement qu'entreprend - que tente d'entreprendre - Dick sur l'humain et sur la conscience. Blade Runner m'est apparu seulement comme la course contre la montre d'un chasseur de primes d'androïdes, sans que mon esprit ait envie de réfléchir à quoi que ce soit de plus. Je peux à la rigueur envisager où est le potentiel, mais je ne vois absolument pas où est le génie. C'est un simple roman d'action. Et encore, pas vraiment un de qualité dans le genre. Vraiment, Dick n'est pas pour moi.

Livre gagné chez Lorhkan, merci à lui.

mardi 10 février 2015

Bruce Machart - Le Sillage de l'oubli

Le Sillage de l'oubli, Bruce Machart, 2010, 335 pages.

Karel Skala naît en 1895, au Texas. Cette même nuit, sa mère meurt en le mettant au monde et le laisse seul avec son père et ses trois frères. Ils sont désormais cinq hommes à hanter leurs austères terres, vivant autant comme des bêtes que comme des humains. Jusqu'à ce qu'un riche mexicain vienne modifier leur existence à tous.

Le Sillage de l'oubli, c'est la vie de Karel Skala pendant toute la première partie du XXème siècle, narrée par le biais de trois fils chronologiques qui s'imbriquent. C'est une dure vie de labeur et de solitude, où le jeune Skala doit apprendre à vivre avec, contre ou sans son père et ses frères.

En parallèle de la vie de Karel (et non en arrière-plan), c'est un Texas rude et désertique que nous fait visiter Bruce Machart. Des terres inamicales et pourtant hypnotisantes. Où, évidemment, les chevaux sont essentiels, qu'ils travaillent aux champs ou servent pour des courses.

Le Sillage de l'oubli est un livre étonnant. Bien plus souvent dans la contemplation que dans l'action, il est pourtant rythmé et jamais ennuyant. Mieux, il s'avérera même fortement touchant dans sa dernière partie, le personnage de Karel Skala, en lutte avec ses origines et sa mémoire, parvenant à s'immiscer dans notre coeur sans qu'on s'en rende compte. À l'image de son intrigue et de son décor, c'est un roman qui ne fait pas de bruit mais parvient à sonner juste.

jeudi 5 février 2015

Thomas Day - Forbach

Forbach, Thomas Day, 2014, 35 pages (pdf)

Lauréate du Prix des lecteurs Bifrost 2014 dans la catégorie "meilleure nouvelle francophone", Forbach est une nouvelle de Thomas Day téléchargeable gratuitement jusqu'au 28 février sur le site du Bélial'.

2002, dans la région de Forbach, en Lorraine. À la mort de son grand-père, Matteo hérite d'un vieux manoir doté notamment d'un observatoire astronomique et d'une corbetière. Une vieille demeure au passé trouble, à l'image de cette région minière où l'on ne peut jamais vraiment savoir ce qui se cache dans l'obscurité de ses profondeurs...

Quand Lovecraft est cité comme comparatif, j'ai toujours un peu peur. Mais cette fois, la rencontre s'est bien passée, grâce à une présence horrifique très faible et a une ambiance qui n'est que rarement pesante. À vrai dire, je n'arrive pas à considérer Forbach comme une nouvelle horrifique. Fantastico-historique à la rigueur, avec un brin d'histoire familiale.

La vraie réussite, c'est l'écriture de Thomas Day qui propose ici une histoire chronologiquement inversée et pleine de maîtrise. L'histoire en elle-même ne restera pas dans les annales, mais c'est un moment sympathique à passer en compagnie de l'étrange.


Onzième participation au Challenge Francofou

lundi 2 février 2015

Poul Anderson - L'Épée brisée

L'Épée brisée, Poul Anderson, 1954, 301 pages.

L'Épée brisée est une saga, dans son sens littéraire de légende scandinave. Ouvrir ses pages, c'est plonger en plein coeur de la mythologie nordique. Car, comme dans toutes les sagas, Ases et Jötunn, Dieux et Géants, s'affrontent dans leur guerre perpétuelle qui ne pourra que les mener au Ragnarök.

Au premier plan, la légende est ici celle de Skafloc et Valgard. Skafloc, enfant humain volé discrètement par Imric, un seigneur elfe, et élevé comme l'un des leurs. Valgard, le changelin utilisé pour camoufler le vol, mi-elfe mi-troll élevé comme un viking : une bête assoiffée de sang. La destinée les réunira dans une lutte acharnée, qui a tout de fratricide si ce n'est les liens du sang, qui se conclura logiquement par la réalisation de la prophétie de l'épée brisée.

Au contraire d'oeuvres habituelles de fantasy, nulle lutte du bien contre le mal ici. Les frontières sont trop floues pour cela. Pendant bien longtemps, les deux antagonistes apparaissent comme aussi mauvais l'un que l'autre. Ainsi, rien ne semble anormal quand, devenus bien visiblement deux pièces sur l'échiquier des puissants, tous les tourments du monde s'abattent sur eux. Tout est possible et rien ne leur sera épargné, à eux comme à ceux qui les entourent.

L'Épée brisée est une lutte. La lutte de Skafloc et Valgard. La lutte des Ases et des Jötunn. Mais aussi la lutte du Nord contre le Sud, d'une croyance qui s'enfonce dans sa mort tandis qu'une autre voit croître son aire d'influence. Les luttes sont à tous les niveaux, et cela se ressent dans ce roman brutal, guerrier, violent.

L'Épée brisée est une réussite. Un grand roman loin des clichés habituels, que cela soit par son cadre que par le développement de son intrigue. Une véritable légende, une épopée qu'on imagine très bien contée par un Homère nordique autour d'un grand feu.


Septième emprunt à la bibliothèque pour le challenge Morwenna's List

Deuxième voyage dans les landes du Winter Mythic Fiction