Brève histoire de sept meurtres, Marlon James, 2014, 846 pages
« Est-ce le trac, ou serais-je en train de comprendre que même si le Chanteur est au coeur de cette histoire, ce n'est pas réellement la sienne ? Comme s'il en existait une autre version, qui ne le concerne pas lui mais concerne son entourage, ceux qui gravitent autour de lui et qui pourraient fournir un tableau plus intéressant que moi lui demandant pourquoi il fume de la ganja. »Le 3 décembre 1976, deux jours avant un concert pour la paix auquel il doit participer, sept hommes font irruption au domicile de Bob Marley pour l'abattre. Cet évènement historique est le point de départ de cette Brève histoire de sept meurtres qui évoque, de 1976 à 1991, les possibles raisons et conséquences de cette tentative d'assassinat, fictionnalisant sur ce qui semble être une très solide base historique.
Au contraire de ce qu'indique son titre, Brève histoire de sept meurtres est un ouvrage massif qui détaille les luttes de pouvoir jamaïcaines où les factions politiques sont étroitement liées aux gangs qui font la loi dans les quartiers pauvres de Kingston et dont l'influence s'étendra au fil du temps en dehors du pays. C'est un récit violent où se mélangent drogues, meurtres, viols, corruption et tout ce qui va avec. C'est surtout une somme de travail impressionnante qui a une grande qualité et un grand défaut.
Son défaut, c'est d'être aussi volumineux sans pour autant avoir un grand fil narratif clair. Brève histoire de sept meurtres ressemble souvent plus à une fresque qu'à un roman et cela peut parfois faire un peu décrocher. C'est heureusement rattrapé par sa plus grande qualité : l'écriture de ses personnages. Tout est narré via les points de vue internes de plus d'une dizaine de narrateurs différents. Et chacun a sa voix propre, sa manière de réfléchir et de s'exprimer, ce qui donne une lecture très vivante malgré l'éventuel manque de finalité romanesque. Un manque, une ampleur, qui est d'ailleurs admis et justifié à l'intérieur même du livre :
« Euh, à un moment donné on doit développer l'histoire. On ne peut pas seulement lui donner de la cohérence, il faut aussi de l'ampleur. Les choses n'arrivent pas dans le vide, il y a des conséquences, des répercussions, et parallèlement la planète continue à tourner, qu'on participe ou pas. Sinon, c'est juste le récit d'un truc qui s'est passé quelque part, et ça on peut le voir tous les jours au JT. »C'est là que se situe cette Brève histoire de sept meurtres. Marlon James n'enchaîne pas juste des faits, il leur donne une réalité et un impact. J'ai mis un peu de temps à connaître mon propre avis sur ce livre et à savoir exprimer ce qu'est finalement ce roman. J'ai fini par trouver une comparaison : c'est une sorte de The Wire version jamaïcaine. Il m'a peut-être manqué un petit quelque chose pour atteindre le coup de coeur mais je ne peux dans le même temps qu'admirer et respecter tout le travail et l'intelligence de Marlon James. C'est une fresque oui, mais quelle fresque !
Couverture : d'après le design de Gregg Kulick - © Rolf Nussbaumer - Getty Images / Traduction : Valérie Malfoy
D'autres avis : Gromovar, ...
J'avais eu beaucoup de mal avec son léopard noir loup rouge, j'en avais été fort désolée parce que ça envoyait bien, de la fantasy mythique africaine.
RépondreSupprimerPourquoi ce livre au fait ?
@Tigger Lilly : Parce que Gromovar en a fait une chronique dithyrambique. Et comme ma bibliothèque n'a pas "Léopard noir, loup rouge", c'était aussi l'occasion de tester l'auteur.
SupprimerJe ne connaissais pas cette histoire de tentative de meurtre sur Bob Marley.
RépondreSupprimerC'est tout de même trompeur d'appeler un pavé de 850 pages une "brève histoire" ^^'
@Ksidra : L'ironie est volontaire je crois. Enfin, ça va, en physique tu le remarques tout de suite. Mais imagine si tu ne fais pas attention sur une version numérique ? 🤭
SupprimerPareil que Ksidra, jamais entendu parler de cette histoire avec Bob Marley ! Bon, le sujet semble intéressant, mais 850 pages...... ça ira pour moi, merci !
RépondreSupprimer@shaya : On apprend des choses même sans le lire, c'est toujours ça de pris. ^^
SupprimerJamais entendu parler. Ça a l'air intéressant. C'est tout juste si je sais situer la Jamaïque sur une carte, lalalala...
RépondreSupprimerUn auteur qui a su te faire apprécier "un récit violent où se mélangent drogues, meurtres, viols, corruption et tout ce qui va avec", c'est quand même pas mal.
@Alys : La carte n'est pas fournie mais par contre de petites indications pour comprendre le contexte politique et les références sont données en note de bas de page. ^^
SupprimerLe programme donne envie, non ? 😆
Jamais entendu parler de ce roman. Pourtant Bob Marley et 850 pages sont deux éléments qui auraient pu alerter le lectorat. Merci de nous l'avoir présenté mais je ne pense pas que ce soit ma came. ;-)
RépondreSupprimer@Le Maki : Pas sûr que tu regardais autant les parutions de littérature générale quand il est sorti, c'est peut-être pour ça. ^^
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