Notre part de nuit, Mariana Enriquez, 2019, 760 pages
Argentine, 1981. Malade, en proie notamment à de terribles migraines, Juan doit pourtant prendre la route avec son jeune fils, Gaspar, pour un long voyage vers le Nord. Mais Juan n'est pas n'importe quel père. C'est un médium qui est capable d'invoquer l'Obscurité, une terrible puissance démoniaque, et qui fait partie malgré lui de l'Ordre, une secte cherchant à contrôler l'Obscurité.
L'histoire de Notre part de nuit est à la fois bien plus importante que ce résumé tout en n'étant guère plus grande. C'est tout le paradoxe de ce roman : son volume est énorme, son intrigue est mince, et pourtant ça se lit tout seul et ça ne donne jamais l'impression de tirer à la ligne. C'est une plongée dans l'esprit et le coeur de quelques personnages, une dissection quasi-littérale qui nous fait vivre leurs joies et, surtout, leurs peines et leurs terreurs. Et le mot est faible.
Notre part de nuit propose des passages terribles, horrifico-gores. Si une présence indicible imprègne l'ambiance à tout moment ou presque, les scènes choquantes restent relativement rares - mais pas moins marquantes. J'ai toujours du mal avec l'horreur, ne comprenant pas le plaisir ou l'intérêt qu'il y a à lire de telles choses. J'y cherche une finalité qu'il n'y a peut-être pas. Il y en a tout de même deux ici à mon sens. L'une est de servir l'intrigue en soi et permet d'aborder l'emprise familialo-sectaire. L'autre se trouve dans la comparaison entre ces extrémités et celles de la dictature argentine (entre autres).
Car si son propos principal est de traiter de personnages, en filigrane Notre part de nuit conte aussi une époque, et même des époques, des années 60 aux années 90, en Argentine principalement avec un détour par le Londres des années 70. Si ça a été pour moi l'occasion de me perdre un peu dans le péronisme, il ne m'aurait pas déplu que cet arrière-plan historique et social soit encore plus présent.
Étant donné tous les freins qui auraient pu entacher ma lecture, Notre part de nuit est une franche réussite. Si la construction du récit, admirable et intelligente, y est pour beaucoup, il y a certainement aussi un peu de magie chamanique dans les mots de Mariana Enriquez, qui parvient à créer une fascination pour ce microcosme n'ayant pourtant rien d'attrayant. Il se passe quelque chose de puissant entre ces lignes, de vivant, de vrai. Et ne vous fiez pas à ses presque 800 pages : c'est encore plus grand à l'intérieur !
Couverture : Alexandre Cabanel / Traduction : Anne Plantagenet
D'autres avis : Tigger Lilly, Gromovar, itenarasa, Lune, ...
J'ai beaucoup entendu parler de ce livre dans la blogosphère et sur Twitter, mais il me fait un peu peur ;-(
RépondreSupprimer@FeyGirl : Si c'est au niveau de sa taille, il ne faut pas, ça se lit vraiment bien. Si c'est au niveau de son contenu... il y a quelques raisons d'avoir peur oui. 😅
SupprimerPersonnellement je ne suis pas du tout client d'horreur et c'est passé, parce qu'il y a largement plus que juste des scènes rudes, ça n'est pas l'essentiel (tout en étant primordial). Tout dépend de ta tolérance vis-à-vis de ça.
C'est bien le contenu qui m'effraie : l'horreur "à la Stephen King" passe, mais si c'est glauque ou trop désespéré, j'ai plus de mal.
Supprimer@FeyGirl : Je vais avoir du mal à faire la comparaison, je ne lis pas de Stephen King, je n'aime pas les romans d'horreur - oui, la situation est hautement ironique. 😄 Mais je pense que l'ambiance générale ne devrait pas te poser de problème du coup, il n'y a que les 3-4 passages (nombre non-contractuel) un peu plus crus qui peuvent te poser problème.
SupprimerAh OK.
SupprimerJe vais réfléchir.
🤗🤗🤗
RépondreSupprimerJe suis tellement contente que tu aies aimé ce livre formidable.
@Tigger Lilly : Merci de m'avoir poussé, je ne regrette pas. =)
SupprimerMerci Baroona pour ton éclairage.
RépondreSupprimerC’est sûr c’est pas un guide touristique sur l’Argentine mais la lecture vaut le détour Ah Ah.
J’avais bien aimé la relation du père et du fils,2 figures attachantes.
Concernant le peronisme, c’est un peu évoqué par l’oncle Luis,le syndicaliste.
Il y a tellement de thèmes soulevés,et les stigmates de ces dictatures sont encore présents dans les générations actuelles. C’est ainsi que j’ai compris.
@Carmen : Oui, le péronisme est évoqué, juste évoqué, c'est bien pour ça que je me suis perdu sur Wikipédia ensuite. Mais c'est en effet riche dans toutes les allusions et évocations aperçues.
SupprimerOui le péronisme est un courant assez protéiforme et il y a de quoi s’y perdre.
Supprimer@Carmen : Ça je l'ai bien compris. 😅
SupprimerIl faudra vraiment que je le lise celui-ci !
RépondreSupprimer@Elwyn : Il faut bien que tu mettes à profit ta rencontre avec l'autrice !
SupprimerJ'aimerais essayer mais je doute que ce soit pour moi...
RépondreSupprimer@Le Maki : Les nouvelles non plus n'étaient pas pour toi et... Mais je n'aurais pas spontanément pensé à toi pour ce livre, je l'admets. ^^
SupprimerJe ne suis pas sûre que ce soit pour moi mais il faut reconreconnaître que c'est intriguant
RépondreSupprimer@Zina : J'ai eu la même réflexion en le découvrant via des chroniques, et je ne regrette pas de m'être lancé - je dis ça innocemment, bien sûr. 😇
SupprimerTa chronique confirme mon envie de le découvrir! Bon bon bon... j'ai quand même vu la version papier et je pense que je vais soit attendre la version poche, soit opter pour la version ebook... il est énorme oui! ;-)
RépondreSupprimer@Valeriane : Comme je te comprends. La première fois que je l'ai vu, j'ai fui et j'ai pris autre chose. xD Heureusement ça se lit étonnamment bien, l'écriture est fluide.
Supprimeroui ça c'est plutôt rassurant ;-)
SupprimerGénial!! Holàlà il faut que je le lise, moi aussi!!
RépondreSupprimer@Alys : Un beau pavé pour bien bosser ton espagnol. ^^
SupprimerC'était un truc que je m'étais dit quand Tigger Lily l'a chroniqué: c'est un pavé en espagnol, et en espagnol d'Argentine en plus! Mais j'écoute déjà un podcast argentin et ça va 😎 Je ne comprends pas du tout, et de loin, mais ça ne me semble pas pire que quand j'écoute de l'espagnol d'Espagne.
Supprimer(Bonus: je te mets le lien du podcast pour que tu voies quel cliché sur les traducteurs ces deux consœurs perpétuent avec humour: https://en-pantuflas.com/ 😉)
Ce lapsus.............. Je ne voulais pas écrire "Je ne comprends pas du tout, et de loin".... Je voulais écrire "Je ne comprends pas tout, et de loin".............. 🙈
Supprimer@Alys : Beau lapsus oui. J'espère bien que tu comprends un minimum. Quoique, tu peux juste apprécier les sonorités, en fond sonore. ^^
SupprimerÇa a l'air sympa comme podcast !
C'est un livre-Tardis, c'est ça ? Un jour je tenterai !
RépondreSupprimer@shaya : Exactement ! Et la référence n'est même pas fortuite concernant un certain passage du livre...
SupprimerFaut que je le lise, un jour... (il est dispo en numérique à la bibliothèque, faut juste résoudre le problème du temps xD)
RépondreSupprimer@Vert : C'est bien en numérique, ça résoud le problème de la peur du pavé déjà. xD
SupprimerJ'adore ta chronique ! "C'est encore plus grand à l'intérieur !" Haha! 😍😄😂
RépondreSupprimerBon, tu sais que je sais que je dois le lire, mais tu donnes très envie 😊. Bravo !
@Sabine : Merci. 😊 On n'est jamais sûr de rien, mais je pense que ça a de bonnes chances de te plaire en plus.
SupprimerIl est très plaisant de lire que tu as su trouver ton compte de plaisir dans ce roman. Merci
RépondreSupprimer1 pour le lien wikipedia sur le Péronisme (je pense avoir à peu près capté le fond de ce mouvement)
2 pour me faire figurer parmi les blogeur.es l'ayant chroniqué
Je pense que je n'oublierai pas cette histoire et surtout ses personnages : vraiment ce lien père/fils, comme une lutte de sentiments, ça m'a bien marquée (outre tout le reste sur le pays).
Oh et le passage par le Londres des seventies, fort plaisant itou
@ite : Avec plaisir. C'est un ouvrage marquant oui, j'ai encore une certaine présence des personnages à l'esprit ainsi que quelques scènes, ce qui n'arrive clairement pas pour tous les livres. Bon, par contre ne me demande pas d'expliquer le péronisme... 😅
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