Ici n'est plus ici, Tommy Orange, 2018, 331 pages
Ici n'est plus ici est un livre qui met en scène douze personnages, dont les vies vont plus ou moins se croiser, liés par un évènement : le grand pow-wow d'Oakland. "Met en scène" n'est d'ailleurs peut-être pas le terme adéquat, puisque tout l'enjeu ici est de sortir ces personnages autochtones des clichés spectaculaires que l'on peut avoir à l'esprit. S'ils sont issus des Premières Nations, ils sont aussi pleinement citadins et vivent le plus normalement possible, en tentant néanmoins de conserver leur culture et leurs racines.
L'ambition de Tommy Orange est d'ailleurs explicite à travers la mise en abyme du personnage de Dene Oxendene, qui récolte les témoignages de vies de ces autochtones, le plus simplement et purement possible, sans finalité évidente si ce n'est de rendre la véritable vie - généralement guère reluisante - de ces personnes, d'en garder une trace et une existence.
Narrant les difficultés présentes de l'identité autochtone, Ici n'est plus ici est pourtant un ouvrage étonnamment doux en regard des drames qui se jouent. C'est une des multiples raisons qui m'ont évoqué Colson Whitehead - et particulièrement, sur la forme, Ballades pour John Henry - lui aussi talentueux pour présenter sans pathos les troubles d'une partie non-blanche et le plus souvent invisibilisée de la population américaine.
Si Tommy Orange n'a peut-être pas toute la puissance et la fulgurance d'un Colson Whitehead, il propose tout de même un très bon roman - dont je ne rends que trop peu les qualités - témoignage important d'un peuple qui vivait déjà ici avant qu'il ne soit plus ici.
Couverture : d'après le design de Tyler Comrie © Olio - E+ - Getty images / Traduction : Stéphane Roques