dimanche 28 juin 2020

Écran de fumée #13 - For All Mankind / The Marvelous Mrs Maisel

For All Mankind, Saison 1, 2019, 10 épisodes de 60 minutes

For All Mankind est une uchronie qui démarre en juin 1969. C'est en effet à cette date que les russes sont les premiers hommes à poser le pied sur la lune, un mois avant les américains. Ces derniers refusant de s'avouer vaincus, la course à l'espace se poursuit.

For All Mankind est une excellente série, si ce n'est plus, multipliant les qualités. Sans ordre de préférence : elle est prenante et touchante, de plus en plus au fil des épisodes et de l'attachement croissant aux personnages, et saupoudrée de scènes d'espace littéralement haletantes ; elle est visuellement très réussie - à l'exception de quelques rares plans un peu étonnants - belle et spectaculaire ; elle met habilement les femmes en avant - et les minorités, même si l'histoire d'Aleida est le petit point faible de la série pour le moment en étant surtout une préparation pour la suite -, réussissant à être immanquablement féministe tout en dépassant le "simple" stade de la revendication en s’efforçant d'acter de l'égalité active.

Oui, il y a malgré tout quelques petites imperfections, notamment quelques moments un peu mous dans les premiers épisodes, quelques ellipses un peu rapides et une concentration quasi-exclusive sur les vols, presque jamais sur la préparation des astronautes, qui pourra étonner - un parti-pris qui s'avère compréhensible, et qu'on pourra compenser en lisant l'excellentissime manga Space Brothers, parfait complément. Mais ces détails restent des détails et sont très largement compensés par la qualité générale de la série. Son seul vrai défaut est d'être diffusé sur AppleTV+, une plateforme que personne n'a. Mais si vous avez l'occasion, un jour ou l'autre, de pouvoir regarder For All Mankind, n'hésitez pas, c'est simplement excellent.

D'autres avis : Lhisbei (grâce à qui j'ai découvert la série, un grand merci !), ...

The Marvelous Mrs Maisel, Saison 1-3, 2017-2019, 8/10/8 épisodes de 45-55 minutes

The Marvelous Mrs Maisel conte, comme son nom l'indique, l'histoire de Mrs Maisel, une mère au foyer juive à New-York, en 1958, se découvrant un talent pour le stand-up et débutant une carrière sur scène. Si vous imaginez que cela sera loin d'être facile, vous ne vous trompez guère.

The Marvelous Mrs Maisel est une série franchement sympathique, souvent amusante, parfois touchante, toujours emplie de fraicheur. Elle repose sur une ribambelle de personnages hauts en couleur, un peu déstabilisants aux premiers abords mais qui s'avèrent attachants au bout de quelques épisodes. Au-dessus d'eux se tient Midge Maisel et l'incroyable performance de Rachel Brosnahan, époustouflante.

La saison 3 aurait pu - dû -  aller plus loin sur certaines thématiques, mais peu importe : il est bien trop plaisant de suivre Mrs Maisel & Cie - surtout Midge et Joel, avouons-le - pour avoir envie de se plaindre. The Marvelous Mrs Maisel réussit le difficile pari d'être engagé tout en étant agréablement superficiel. Et surtout d'être pleinement feel-good. À ne pas manquer.

lundi 22 juin 2020

Xavier Mauméjean - Les Mémoires de l'Homme-Éléphant

Les Mémoires de l'Homme-Éléphant, Xavier Mauméjean, 2000, 286 pages
« Je suis Ganesha, le dieu à tête d'éléphant, dieu de prospérité et d'abondance. Les hommes s'inquiètent de mon sommeil, car si je dors mal, l'univers entier risque de s'effondrer. Je suis un monstre. Les hommes ont peur, et c'est pourquoi ils rient de moi. »
Ganesha vit à Londres, au fin fond de son hôpital, sous les soins de Frederick Treves. À moins que l'étonnant résident soit plutôt Joseph Merrick, plus connu sous le surnom d'Elephant Man. Quoiqu'il en soit, il écrit ses mémoires, distillant quelques éléments de son passé tout en contant son quotidien ponctué de visiteurs, tous venant demander conseil à l'Homme-Éléphant, l'amenant à résoudre quelques enquêtes dont les quatre présentées ici.

Les Mémoires de l'Homme-Éléphant est un ouvrage étonnant, doucement atypique, à la frontière entre réalité et imaginaire, comme sait si bien en faire Xavier Mauméjean. Un ouvrage difficile à décrire, relativement simple tout en ayant une part indéniable de différence. C'est une plongée hypnotisante dans la vie de Joseph Merrick, personnage hors du commun, mais aussi dans un Londres scabreux, entre belle folie divine et terrible folie humaine. Parsemé de quelques passages sensiblement plus rudes, le tout parvient toujours à rester aérien - un comble pour un éléphant - et à garder son aura, rendant la lecture plaisante de bout en bout.

Couverture : d'après document de Tony Hutchings / Fotogram-Stone Images

mardi 16 juin 2020

Gaston Leroux - Le Mystère de la chambre jaune

Le Mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux, 1907, 446 pages

Première aventure du reporter Rouletabille - un mélange de Tintin et de Sherlock Holmes - Le Mystère de la chambre jaune est aussi sa plus connue. Et pour cause. En cherchant à surpasser Edgar Allan Poe et Arthur Conan Doyle, Gaston Leroux propose un mythique mystère en chambre close : comment Mathilde Stangerson a-t-elle pu être victime d'une tentative d'assassinat dans la chambre jaune alors que la porte était fermée de l'intérieur, tout comme la fenêtre, qu'il n'y a pas de cheminée et que l'assassin est introuvable ?

Le déroulé, conté par Sainclair - ami et suiveur de Rouletabille - tout comme Watson conte les aventures d'Holmes, est carré et mathématique - au risque d'être un peu froid, ce qui l'empêche d'être pleinement enthousiasmant sur le plan émotionnel. Il est surtout fort efficace et fonctionne toujours aussi bien même plus d'un siècle après son écriture. Et son dénouement, à défaut d'être flamboyant à l'image du reste du récit, est à la hauteur de l'attente, rigoureux et rationnel. Une oeuvre qui n'a pas démérité son statut de classique.

Couverture : Faucheux (dessin de Michel Siméon)

mercredi 10 juin 2020

Bulles de feu #25 - Parfum africain

Fela back to Lagos, Loulou Dédola & Luca Ferrara, 2019, 105 planches

Adedola est un Area Boy, un adolescent de Lagos, Nigéria, chef d'un petit groupe commettant divers méfaits pour gagner leur vie. Son seul rêve est de quitter l'enfer de la ville pour aller vivre avec son grand-père, pêcheur isolé qui lui raconte ses souvenirs de Fela Kuti. Mais les choses tournent mal...

Fela back to Lagos démarre tranquillement en mettant en scène les derniers jours de Fela Kuti, puis en présentant le personnage d'Adedola. Le rythme est assez calme, le dessin est clair et lisible. Tout bascule dans la deuxième partie : le rythme s'accélère, bien trop, ne laissant pas assez de temps au lecteur pour digérer tous les évènements et informations. Quant au dessin, il prend des formes plus sombres ou fantasmagoriques, qui correspondent au récit mais ne sont pas toujours des plus simples à appréhender.

J'en ressors avec un sentiment mitigé. Je ne peux malheureusement pas dire que j'ai apprécié ma lecture et que je la recommande. Et c'est d'autant plus dommage qu'elle se construit sur d'excellentes bases en voulant mettre en lumière la ville de Lagos. Mais à vouloir parler tout autant, entre autres, de Fela Kuti, de la mythologie yoruba, de la mainmise des gangs et des prêcheurs, de la misère sociale et de la corruption, Fela back to Lagos n'a le temps de se concentrer sur rien et aucun sujet ne semble pleinement abouti. Si le message passe malgré tout, l'histoire est noyée et il reste l'impression tenace qu'il y avait les ingrédients pour faire plus satisfaisant à tous les niveaux.

Le Dernier Atlas, Gwen De Bonneval, Fabien Velhmann, Hervé Tanquerelle et Fred Blanchard, Tome 1/?, 2019, 205 planches

Lieutenant d'une bande mafieuse, Ismaël ne fait pas de vagues. Il se retrouve malgré lui en relation directe avec "Dieu le père", le grand chef, qui lui confie une mission : trouver une source nucléaire pour la revendre. Une seule solution : les Atlas, ces gigantesques robots abandonnés suite à la catastrophe de Batna.

Le Dernier Atlas est un thriller uchronique où l'uchronie est discrète. Enfin, aussi discret qu'un robot géant puisse être. Il faudra d'ailleurs attendre la postface pour avoir de vrais détails sur le point de divergence de l'Histoire, mais sans que cela ne se ressente comme un manque pendant la lecture. Et pour cause : l'uchronie est essentiellement là pour insérer des robots géants nucléaires dans un passé proche d'une intrigue qui, pour le moment du moins, aurait très bien pu se dérouler simplement dans le futur.

Le Dernier Atlas est donc surtout un thriller sur fond de souvenirs de la guerre d'Algérie, de grande criminalité, de recherches scientifiques et... d'un grand évènement mystérieux qui se développe. Une intrigue riche sans le paraitre, multipliant avec maitrise les personnages et parvenant à leur donner du volume en peu de planches et quelques grandes cases. Cela se lit sans mal et semble bien maitrisé, à défaut d'apparaitre comme exceptionnel. Un premier tome qui fait office d'un peu plus qu'une simple grande présentation, suffisamment en tout cas pour avoir envie de voir ce que donnera la suite.

Quelques planches ici.

jeudi 4 juin 2020

Jean-Laurent Del Socorro - Le Vert est éternel

Le Vert est éternel, Jean-Laurent Del Socorro, 2015, 15 pages
« Si les ingénieurs militaires pouvaient contrôler la peste - et être sûrs qu'elle ne se retournerait pas contre eux -, nul doute qu'ils la jetteraient en première ligne. »
En 1597, un an après Royaumes de vent et de colères, la compagnie du Chariot est à Amiens, participant au siège de la ville alors aux mains des Espagnols. Mais un siège, c'est moins des combats qu'une longue attente. C'est lors de celle-ci que se dérouleront les évènements principaux de cette nouvelle, de l'humanité en temps de guerre.

Le Vert est éternel est une somptueuse nouvelle, fort touchante, à mettre la larme - voire plus d'une - à l'oeil, contant une histoire aussi simple que belle dans un style épuré cinglant de quelques belles formules. Tout simplement magnifique. Et comme elle est totalement indépendante et disponible gratuitement, vous n'avez aucune excuse : vous aussi, venez découvrir pourquoi le vert est éternel.
« - Tu devrais lire ce recueil. Les poèmes ce sont des morceaux de rêves. Si les hommes écoutaient davantage les poètes et moins leur soif de pouvoir peut-être pourraient-ils vivre ensemble.
- Oui, mais les poètes ne financent pas la paix comme les banquiers financent les guerres.
»
D'autres avis : Xapur, Shaya, Vert, MarieJuliet, Boudicca, ...