mercredi 28 mars 2018

Regarde le soleil - James Patrick Kelly

Regarde le soleil, James Patrick Kelly, 1989, 353 pages.
« Regarde le soleil. Regarde le soleil… » Wing ouvrit sa flasque. « Ça veut dire quoi, de toute façon ?
- C’est comme un koan. Une sorte de proverbe. C’est long à expliquer. »
Long à expliquer, je ne sais pas. Long à venir, c’est certain. Près de 100 pages avant d’enfin avoir quelques informations utiles et comprendre quelque peu le monde vers lequel veut nous faire voyager James Patrick Kelly. Le temps pour Phillip Wing, notre héros humain, de prendre la route pour la planète Aseneshesh où il doit mettre en pratique ses talents d’architecte.

Malheureusement, ce n’est pas mieux après. Il y a de bonnes idées dans Regarde le soleil, de bons axes : la découverte d’une nouvelle espèce avec son mode de vie, une mise en avant de l’architecture, une imagination technologique, une réflexion sur la religion, … Sauf que tout est survolé et que rien ne donne satisfaction. Pire : la fin est frustrante, entre non-réponse et résolution par le mysticisme.

La quatrième de couverture osait la comparaison à Ursula Le Guin et il est facile de voir pourquoi. Sauf que la réalisation n’est pas du tout la même. Plutôt que de lire Regarde le soleil, préférez (re)lire un Ursula le Guin.

dimanche 25 mars 2018

La Fille Automate - Paolo Bacigalupi

La Fille automate, Paolo Bacigalupi, 2009, 639 pages.

Étonnamment, la fille automate n’est pas le personnage principal de ce roman. Certes elle en est un élément central, pivot, mais on ne la voit finalement que peu. Elle n’est qu’une parmi tous les personnages que suit ce livre.

Le vrai personnage principal, c’est la ville de Bangkok, luttant pour sa survie et son indépendance, luttant contre les puissances extérieures et contre ses démons intérieurs. C’est notre monde, tel qu’il pourrait devenir…

Mais toute la force de La Fille automate, c’est de ne pas être moralisateur et d’être discret. Ian MacDonald Paolo Bacigalupi nous conte simplement l’histoire de personnages essayant chacun de survivre et d’avancer, sans chercher ouvertement à passer un message. Et c’est ainsi qu’il passe de manière encore plus frappante.

Pourtant le début de l’ouvrage parait parfaitement banal. Un peu ardu même, le temps de réussir à se repérer dans un univers dont on ne nous donne pas clairement les clés. Et puis les pages se tournent. Il ne se passe pas énormément de choses, mais pourtant les pages filent rapidement. Et, sans s’en rendre compte, la dernière page est tournée. Ne reste alors qu’une impression : pas celle d’avoir lu un roman banal, oh non, mais bien celle d’avoir lu un très grand livre. Chapeau !

jeudi 22 mars 2018

Bulles de feu #3 - Le Partisan

Le Partisan, Maurizio A. C. Quarello, 2017, 96 planches.

À l'image de l'excellent Un Océan d'amour de Wilfrid Lupano et Gregory Panaccione, Le Partisan est une BD sans aucun texte, si ce n'est les titres des chapitres. Un tour de force pleinement réussi puisque la compréhension n'est pas du tout gênée par cette particularité. Une compréhension qui est confirmée, et contextualisée, par une courte postface.

Le Partisan conte l'histoire de la résistance italienne fin 1944-début 1945, et plus particulièrement d'un couple : les grands-parents de l'auteur. C'est à prendre comme une tranche de vie qui permet de survoler une petite période de l'Histoire. Ça se lit très facilement et très rapidement, et mérite le détour pour la réussite du "sans parole" et la qualité du dessin. Cela manque tout de même de quelque chose en plus pour en faire une bd mémorable, d'un peu de corps, l'histoire étant trop "simple" et linéaire. Mais cela reste un bon emprunt à faire en bibliothèque.

lundi 19 mars 2018

Jack Vance - Les Langages de Pao

Les Langages de Pao, Jack Vance, 1958, 262 pages.

Les Langages de Pao n’a rien de particulier : il n’a pas d’énergie, pas de personnages attachants, pas de surprises, ... Ça se lit facilement, certes, mais sans grand plaisir. Il y a bien une réflexion intéressante sur le pouvoir des mots et du langage – et c’est tellement la seule particularité du livre que ça se retrouve dans le titre... -, mais elle est d’importance très mineure dans l’histoire et finalement trop peu utilisée.

Malheureusement, Les Langages de Pao est un livre anodin dont la lecture est loin d’être primordiale. On trouvera facilement de meilleurs Jack Vance à se mettre sous les yeux !

vendredi 16 mars 2018

Bulles de feu #2 - La Saga de Grimr

La Saga de Grimr, Jérémie Moreau, 2017, 221 planches.

Fauve d'or lors du festival d'Angoulême 2018, j'ai découvert La Saga de Grimr grâce au Bibliocosme, que je remercie grandement car la qualité est au rendez-vous !

Comme son titre l'indique, l'histoire suit la vie de Grimr, jeune islandais orphelin doté d'une force incroyable. Mais attention, nul grande épopée guerrière ici, "seulement" la survie d'un homme cherchant à faire sa place en ce monde. C'est pas joyeux joyeux, certes, mais c'est fort et beau.

L'histoire est portée par le dessin si particulier de Jérémie Moreau (qu'on avait notamment pu voir dans Le Singe de Hartlepool scénarisé par Wilfrid Lupano). Un dessin qui pourrait en rebuter certains mais auquel on s'habitue très rapidement et qui surtout accompagne parfaitement la narration et participe pleinement de son ambiance. Dépaysement garanti à la lecture devant ces paysages islandais, personnages à part entière de ce livre. Une aura de calme où jaillira encore plus fortement la tempête qui bout à l'intérieur de Grimr.

mardi 13 mars 2018

L.L. Kloetzer - CLEER

CLEER, L.L. Kloetzer, 2010, 406 pages.

Est-il vraiment possible de parler de CLEER ? Le sous-titre, « Une fantaisie corporate », dit certainement tout ce qu’il y a à savoir. Je suis en tout cas heureux de n’avoir pas pris l’habitude de commencer mes « avis » par un résumé de l’histoire...

Fantaisie corporate donc. À la fois capitaliste et onirique, concrète et flou. Ayant déjà lu auparavant Anamnèse de Lady Star, je savais en partie à quoi m’attendre - et je n’ai pas été déçu. Je serais bien incapable de conseiller ce livre à quiconque : comment savoir s’il va plaire ? Personnellement, je l’ai trouvé hypnotisant. Et j’aime être hypnotisé par L.L. Kloetzer.

samedi 10 mars 2018

Vladimir Lortchenkov - Des Mille et une façons de quitter la Moldavie

Des Mille et une façons de quitter la Moldavie, Vladimir Lortchenkov, 2006, 250 pages.

Plusieurs fois au cours de ma lecture, je me suis posé une question essentielle : est-ce que j’aime ce livre ? Étonnamment, j’étais bien incapable d’y répondre - et je le suis toujours.

Des Mille et une façons de quitter la Moldavie se lit facilement, aidé en cela par des chapitres courts et des personnages hauts en couleur. C’est même assez souvent drôle, si on apprécie l’humour noir et loufoque. Il y a un peu des Groseilles de novembre d’Andrus Kivirähk - un excellent roman soit dit en passant ! - dans ce livre, dans la manière de conter un village entier avec un ton décalé.

Mais. Mais j’ai été aussi trop souvent mal à l’aise en lisant les tentatives de ces moldaves, dépeints comme la lie du monde, pour migrer en Italie. Un sentiment que je n’avais pas eu en lisant « Les Groseilles de novembre ». Peut-être parce que, malgré la loufoquerie, tout parait très premier degré et bien trop réel. Sans que je parvienne vraiment à déceler un autre but que de simplement se moquer.

Est-ce que j’ai aimé ce livre ? Je ne sais pas. Mais je crois qu’il me fait bien trop douter pour pouvoir répondre oui. Dommage.

mercredi 7 mars 2018

Estelle Faye - Les Seigneurs de Bohen

Les Seigneurs de Bohen, Estelle Faye, 2017, 592 pages.

Parlons-en tout de suite : oui, Marc Simonetti signe une nouvelle fois une magnifique couverture. Et en parfaite adéquation avec le roman. Car la joie n’est guère au rendez-vous dans Les Seigneurs de Bohen et le sombre est le ton du livre.

Pour autant, pas de déprime dans cette lecture qui reste parfaitement plaisante. Notamment grâce à sa ribambelle de personnages : chose rare dans un roman à autant de voix, je les ai tous appréciés et n’était jamais déçu en en renvoyant un. Certainement une nouvelle preuve de la finesse d’écriture d’Estelle Faye qui réussit une nouvelle fois un très bel ouvrage dans un style pourtant différent de ces précédentes œuvres.

Besoin d’une autre preuve de la qualité d’écriture d’Estelle Faye ? La fin de l’histoire nous est connue dès le début. Et pourtant, nul ennui à la lecture, bien au contraire. Quand c’est bien écrit, c’est bien le chemin qui est le plus important.

dimanche 4 mars 2018

Fredric Brown - Lune de miel en enfer

Lune de miel en enfer, Fredric Brown, 1944-1958, 366 pages.

Lune de miel en enfer est un recueil de 21 nouvelles, dont un certain nombre de très courtes (3-4 pages), dont les thématiques principales sont le voyage dans le temps et la rencontre avec des extraterrestres. La seule vraiment « longue » (61 pages) est la nouvelle éponyme qui ouvre le recueil... et est loin d’être la meilleure.

Comme dans tout recueil, il y a du bon et du moins bon. Par chance, la qualité a tendance à s’améliorer au fil des récits. Mais deux problèmes subsistent globalement : le manque de punch sur les chutes et le classicisme de certaines histoires, donnant une impression de « banalité ». Ce dernier problème étant à relativiser - ou à expliquer - au vu de la période d’écriture de ces nouvelles (1944-1958). De ce point de vue, le talent de Fredric Brown est indéniable. Pour le lecteur moderne, même si certaines nouvelles restent fort plaisantes (« Galerie de glaces », « Le dernier Martien », « Une souris », « Géométrie plane », « L’arène », « L’arme », « Bruissement d’ailes »), le recueil dans son entièreté n’est ni un chef d’œuvre ni une lecture indispensable, mais reste tout à fait lisible.

jeudi 1 mars 2018

Robert A. Heinlein - Double étoile

Double étoile, Robert Heinlein, 1956, 291 pages.

Encore un bon Heinlein ! Certes, ce n’est peut-être pas une œuvre incroyable et révolutionnaire, mais quel plaisir à lire ! Avec en prime, cette fois, une mise en avant du métier d’acteur saupoudrée d’un peu de coulisses politiciennes.

Mais qu’importe les thématiques. Robert Heinlein signe là un nouveau bon roman... ou bien est-ce un film ? Car Double étoile semble être taillé pour le cinéma, au moins dans sa première partie très rythmée, énigmatique et visuelle. Et même si la seconde partie est plus douce, on reste accroché à son siège jusqu’au bout, attaché sans s’en rendre compte à ce (ces ?) personnage principal qui n’inspirait pourtant pas forcément la sympathie au démarrage.