jeudi 27 décembre 2018

Thierry Di Rollo - Proscenium

Proscenium, Thierry Di Rollo, 2017, 22 pages.

Sorn est un semi-mort : son corps ne ressent plus rien, n'a plus de besoin et n'est maintenu en vie que grâce à des injections de succédanés toutes les six heures. Juste de quoi lui permettre de poursuivre sa quête : retrouver Naëva.

Proscenium est une nouvelle frustrante. Frustrante car on s'attache à cet étonnant héros qu'est Sorn. Frustrante car on aime découvrir cet univers. Frustrante car on voudrait que cela continue, qu'il se passe plus de choses, ... Mais la fin arrive vite, après une histoire simple, sans guère de rebondissements. Entendons-nous bien : Proscenium est une bonne nouvelle, douce-amère. Mais un peu frustrante - dans le bon sens ?

vendredi 21 décembre 2018

Yoss - Planète à louer

Planète à louer, Yoss, 2002, 265 pages.

La Terre n'appartient plus aux humains. Alors qu'une guerre nucléaire s'apprêtait à être déclenchée, les xénoïdes sont arrivés et en ont pris le contrôle d'une main de fer. La Terre est désormais un monde touristique où les humains survivent, misérablement, avec pour seul espoir de quitter la planète.
« Toute ressemblance entre la Cuba des années 1990 et cette Terre du XXIe siècle est purement intentionnelle. »
Tout est dit dans cet extrait de la courte préface écrite par l'auteur. Et si l'on pourrait s'inquiéter de la nécessité de préciser ce fait, il n'en est rien : cette précision ne fait que renforcer notre nécessaire perception du texte. Un texte ou même des textes d'ailleurs : Planète à louer est un fix-up de 7 nouvelles suivant chacune un personnage - prostituée, policier, sportif, scientifique, ... - cherchant à améliorer ses conditions de vie. Et un fix-up de qualité, les différents récits se faisant écho les uns les autres via leurs personnages secondaires.

L'analogie à Cuba est parfaitement compréhensible et frappante, à en faire froid dans le dos. Pour autant, Planète à louer n'est pas juste un triste constat - sans apitoiement - sur un pays au travers de ses habitants. Il est bien plus que ça. C'est Cuba mais c'est aussi tout le reste du monde. C'est le passé, le présent et le futur. Ce sont des propos forts qui n'oublient pas le plaisir de la lecture. C'est la forme - les formes mêmes, tant le style d'écriture varie au gré des récits - et le fond au service d'un même objectif : informer plaisamment.

Pour moi, Planète à louer représente l'intérêt même de la science-fiction. Grâce à l'universalité qui en découle. Grâce à cet aspect imaginaire qui permet un certain recul psychologique et un plaisir de lecture augmenté, mais sans jamais atténuer la force des propos, bien au contraire. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, Planète à louer est un chef-d’œuvre jusqu'à la dernière ligne. Une lecture indispensable. Gracias señor Yoss.

D'autre avis : Xapur, Lhisbei, Gromovar, Julien, ...

samedi 15 décembre 2018

Ayerdhal - Le Chant du Drille

Le Chant du Drille, Ayerdhal, 1992, 358 pages.
« En six ans, le seul intérêt que la mission a porté aux Drilles se résume aux examens qui lui ont permis d'exclure l'espèce des créatures intelligentes et, consécutivement, d'ouvrir en toute bonne foi la planète à la colonisation. »
Les Drilles, des sortes de lémuriens imberbes, sont l'espèce autochtone vivant sur Tehani, une planète nouvellement colonisée par les humains. Problème : ils viennent désormais s'amasser par vagues à proximité des villes des colons pour y rester immobiles jusqu'à leurs morts. C'est pour élucider ce mystère qu'est envoyée Lodève Dalellia, du département Xénologie de l'Inspection Générale des Colonies.

Il y a un fort côté Le Nom du monde est forêt d'Ursula Le Guin dans le contexte de départ. La suite s'avère différente, Ayerdhal déroulant lui un récit lorgnant vers le polar/thriller avec cette double enquête sur la compréhension des Drilles et sur la disparition de Vernang Lyphine, romancier et poète ayant vu une intelligence dans cette espèce. La comparaison à Le Guin n'est pourtant pas vaine, un intéressant côté ethnographique se retrouvant nécessairement ici.

Premier roman de l'auteur, Le Chant du Drille - paru initialement en deux tomes, Le Syndrome des baleines et Le Mystère Lyphine - n'est certainement pas son meilleur. La faute notamment à une certaine confusion entre les multiples entités œuvrant à la colonisation de Tehani ainsi qu'à un rythme assez bizarre, les évènements s'enchainant parfois trop rapidement bien que la longueur de l'ensemble n'aurait pas gagné à être augmentée. Mais malgré cela, la lecture reste bonne et sympathique.
« Les Drilles méritent plus que le respect zoologique accordé par l'humanité aux fossiles des espèces qu'elle a exterminées. »

dimanche 9 décembre 2018

Liu Cixin - Avec ses yeux

Avec ses yeux, Liu Cixin, 2011, 20 pages.
« Elle m’en donna la localisation ; je me mis en route avec ses yeux. »
Ses yeux, ce sont des lunettes capables de proposer au récepteur toutes les sensations perçues par leur porteur. L'occasion pour les nombreux individus vivants dans l'espace de passer des vacances à moindre frais sur notre bonne vieille planète bleue.

L'intérêt d'Avec ses yeux réside dans le mystère que l'on sent exister sur l'identité et la situation de cette jeune femme pour laquelle le narrateur utilise ses yeux. Pour autant, le dénouement est amené avec calme et simplicité, comme l'ensemble de la nouvelle, ce qui donne pas une réelle sensation de "Wahou !" propre aux nouvelles à chute. Si cela freine quelque peu l'enthousiasme immédiat vis-à-vis de ce récit, Avec ses yeux reste une très bonne nouvelle. Simple et touchante, elle propose un cadre rare tout en faisant la part belle aux petits plaisirs de la vie et à la beauté de la Terre. Et c'est déjà beaucoup.

lundi 3 décembre 2018

Hugh Howey - Phare 23

Phare 23, Hugh Howey, 2015, 233 pages.
« Et je me dis que jusqu'à ce qu'on arrive à surpasser l'Intelligence Artificielle, la Nasa aura toujours besoin de singes comme nous dans l'espace. Pour prendre ce genre de décisions stupides. »
Milieu du XXIIIème siècle. Le narrateur vit seul dans une balise, dans l'espace, au bord d'un champ d'astéroïdes. Gardien de phare moderne, il doit gérer les imprévus tout en ressassant son passé de soldat.

Le pitch n'est pas forcément des plus enthousiasmants, mais pourquoi pas. Surtout que le démarrage est plutôt actif, au contraire de ce que l'on pourrait imaginer dans l'histoire d'un gardien de phare solitaire. L'intérêt est là dans toute la première moitié, entre plaisir d'observer un phare de l'espace et quelques étrangetés du narrateur.

Et puis ça se tasse. Ce n'est pas mauvais en soi, mais le désintérêt pointe un peu dans la seconde moitié. La lecture n'est pas nécessairement désagréable mais il manque quelque chose d'accrochant, de marquant, de réellement intéressant. Un sentiment qui n'est pas aidé par un cinquième chapitre - ou cinquième nouvelle tant on peut considérer, dans la forme et dans le fond, que Phare 23 est un fix-up de 5 nouvelles - qui est sûrement le plus faible malgré une bonne idée de fond. Reste au final une lecture mitigée sans réellement réussir à cerner les points négatifs.

D'autre avis : Lune, Samuel Ziterman, Yogo, AcrO, ...

mardi 27 novembre 2018

Mike Resnick - Santiago

Santiago, Mike Resnick, 1986, 271 & 245 pages.

Livre lu il y a plusieurs mois, mais non-chroniqué ici-bas. Par souci d'exhaustivité, en voici quelques bafouilles encore plus courtes que d'habitude, sur la base de mes souvenirs.

Qu'est-ce que c'est bien ! En même temps, comment peut-il en être autrement quand Mike Resnick associe western et space opera dans un véritable western spatial, avec chasseurs de primes et personnages étonnants à chaque coin de planète ?

Le tout dans un univers qui apparait comme immense et riche, avec ses propres légendes distillées à chaque début de chapitre par les quatrains d'Orphée Noire. Et pourtant, tout est fluide et dynamique, notamment car les points de vue varient et que les dialogues l'emportent aisément sur les descriptions. Du très bon divertissement !

mercredi 21 novembre 2018

Stéphane Beauverger - Le Déchronologue

Le Déchronologue, Stéphane Beauverger, 2009, 554 pages.

Cela dit, Le Déchronologue est une lecture sympathique. Ça aurait été encore mieux avec une centaine de pages de moins ou une fin plus marquante, mais cela reste un bon roman de pirates dans un cadre fort documenté - chapeau - qui est agréable à lire pour le(s) mystère(s) qui l'entoure(nt).

Si ce succinct résumé ne dévoile pas les véritables enjeux du roman, c'est que le principal intérêt du Déchronologue réside dans la découverte, la surprise et la compréhension de cet univers à la fois connu et inconnu. On peut tout de même dire, sans rien divulgâcher puisque le titre l'évoque, qu'il sera question de temps.

D'autre avis : Nikao, Lorhkan, Julien, Thom, Vert ...

Caraïbes, milieu du XVIIème siècle. Ayant quitté la France après la chute de La Rochelle, le capitaine Henri Villon est devenu flibustier et aide les huguenots à s'implanter dans les Caraïbes. Mais une chose l'intéresse davantage : la découverte de maravillas, ces petits objets étonnants qui apparaissent de plus en plus fréquemment dans les alentours.
« - Je pourrais le faire maintenant ?
- Non,
capitan. (...) Il faut que les choses se fassent dans l'ordre. »
Et puisqu'on parle de temps, il faut nécessairement signaler la particularité du roman qui est d'avoir ses chapitres mélangés, ne suivant pas l'ordre chronologique. C'est marrant, ça ménage un peu plus le suspense, ça rebondit, ça donne l'impression de lire un livre avec plusieurs points de vue (alors qu'il s'agit en fait toujours du même personnage). C'est marrant un temps. Et puis ça s'essouffle dans la seconde moitié, tant dans le procédé que dans l'histoire. Jusqu'à me faire dire, une fois le live refermé, que c'est une jolie fantaisie mais que ça n'apporte pas grand chose, voire rien.
« Je suis le capitaine Henri Villon et je mourrai bientôt. »

jeudi 15 novembre 2018

Philip K. Dick - Le Dernier des maîtres

Le Dernier des Maîtres, Philip K. Dick, 1952-1967, 363 pages.

Le Dernier des Maîtres est un recueil de 11 nouvelles qui pourrait presque être confondu avec une anthologie tant les textes semblent tous se rapporter aux mêmes thématiques : Réalités et Guerres. C'est cette dernière qui est la plus présente avec des récits montrant, en tant qu'élément central ou en arrière-plan, des conflits d'ampleur se préparer, se prolonger ou se dénouer.

Au-delà de ces conflits, c'est le danger du nucléaire - et particulièrement les bombes H - qui apparait omniprésent dans bon nombre de nouvelles. Rappelons qu'à l'exception de deux récits - Le Retour du refoulé et Match retour, parus en 1965 et 1967 - toutes les nouvelles ont été publiées entre 1952 et 1957, de quoi certainement expliquer cette obsession. Et cela reste toujours - toujours plus ? - d'actualité, tant dans la forme que dans le fond.

Si évidemment 2-3 nouvelles sont en-dessous - La Révolte des jouets qui ouvre l'ouvrage est parfaitement banale et Les Rampeurs n'apporte pas grand chose - il faut noter que le recueil est dans son ensemble de bonne, voire très bonne, qualité. De quoi me réconcilier avec l'auteur, avec lequel j'avais été quelque peu frustré en version longue, au travers de récits plus efficaces. Avec une mention spéciale pour Les Assiégés, ma préférée du recueil. À découvrir.

vendredi 9 novembre 2018

Kij Johnson - Magie des renards / Mêlée / Poneys

Magie des renards, Kij Johnson, 1993, 33 pages.

Magie des renards conte l'histoire d'une famille de renards, et plus précisément de kitsune. Plongée donc dans un imaginaire japonisant pour un drame onirique où l'héroïne, une renarde, tente de séduire un homme. C'est moins bien qu'Un Pont sur la brume - forcément - mais ça se lit très bien malgré des contours tragiques.

Nouvelle parue, en français, dans l'anthologie "Extrême-Orient" des Éditions de l'Oxymore, puis distribuée gratuitement en août 2016 par Le Bélial' et reprise dans l'anthologie 2018 des Utopiales.

D'autre avis : Lorhkan, Elessar, Lhisbei, ...

Mêlée, Kij Johnson, 2009, 11 pages.

Une femme et un alien se retrouvent coincés dans une capsule de sauvetage au milieu de l'espace. Sans moyen de communication entre eux, ils se retrouvent à "communiquer" de manière "tactile".

Enfin, je crois, peut-être. À vrai dire j'ai essayé de lire cette nouvelle le plus rapidement possible - ne l'ayant pas stoppée seulement parce qu'elle est courte - avec la volonté de l'éloigner de mon esprit au plus vite. C'est très cru, très particulier, et s'il y a quelque chose à en tirer n'hésitez pas à me le signaler. Personnellement j'ai trouvé ça bien trop horrible à lire pour en retirer quoi que ce soit.

La nouvelle est lisible gratuitement sur le site d'Angle Mort.

Poneys, Kij Johnson, 2010, 7 pages.

Une petite fille et son poney ailé sont invités, pour la première fois, à une fête avec d'autres petites filles et leurs poneys. Sauf qu'on est bien loin de My Little Pony. Très loin.

Si je suis pas certain de ce qu'il faut comprendre de cette courte nouvelle (métaphore des difficultés d'intégration au sein d'un groupe ? de la perversité des enfants/adultes ?), elle reste avant tout un monument d'atrocité. C'est horrible sans être horrifique, très marquant, et je n'ai aucune idée de s'il faut en conseiller la lecture ou non.

La nouvelle est lisible gratuitement sur le site d'Angle Mort.

samedi 3 novembre 2018

David Gemmell - Légende

Légende, David Gemmell, 1984, 475 pages.
« - Restons-en aux faits. La Dros est défendue par un effectif au tiers de ce qui est nécessaire. Le moral est bas ; la peur règne. Ulric a une armée de plus d'un demi-million de guerriers, qui souhaitent tous - ça les excite - mourir pour lui dans la bataille. Je suis un maître d'armes et j'étudie la guerre. Dros Delnoch va tomber. Libérez votre esprit de toute autre conclusion. »
Sous l'impulsion d'Ulric, les tribus Nadir se sont unifiées et regardent désormais vers le sud. Devant eux se dresse Dros Delnoch, verrou de l'empire Drenaï, en large infériorité numérique. Légende conte leur impossible résistance.

À noter que si le coeur du roman est la fameuse bataille de Dros Delnoch, ingagnable pour les défenseurs, il faut tout de même attendre plus de 250 pages pour qu'elle commence réellement. Ce qui est loin d'être un défaut, la construction des personnages étant primordiale au fonctionnement dramatique de la suite. Je n'ai qu'un point négatif à soulever mais je ne peux pas l'énoncer clairement sans divulgâcher. Sachez juste qu'il s'agit d'un élément fantastique, lors de la toute fin, qui n'est nullement nécessaire à mon sens. Et je ne vous parle pas de la place des femmes...

Y'a-t-il vraiment besoin d'en dire plus sur Légende ? Si ce n'est que sa réputation n'est pas usurpée, loin de là : c'est très bien et ça se lit tout seul.
« - Un héros, un vrai. Enfin non, pas un héros, imbécile. Un guerrier, c'est tout. Parce que le héros, c'est toi. Toi qui as quitté ta famille et la ferme que tu aimes tant, pour venir mourir ici afin de les protéger. Qui écrira une chanson pour toi - ou pour moi ? »

D'autre avis : Xapur, Lorhkan, Boo, Lutin82 ...

dimanche 28 octobre 2018

Bulles de feu #11 - Votre BD, avec ou sans morale ?

L'Ombre d'Hippocrate, Undertaker Tome 4, Xavier Dorison et Ralph Meyer, 2017, 48 planches.

Suite et fin du deuxième diptyque d'Undertaker, après le gros suspens laissé à la fin de L'Ogre de Sutter Camp. Et la qualité ne diminue pas, que cela soit au scénario ou au dessin. Une autre chose qui ne diminue pas, c'est la "violence", surtout morale. Cela reste parfaitement lisible, sans presque broncher, mais on est très loin d'un western spaghetti et les personnages sont loin d'être des enfants de chœur...
Quoiqu'il en soit, ce quatrième tome prouve, s'il en était encore besoin, qu'Undertaker est l'une des meilleurs séries de ces dernières années.
« - La mère a le pouvoir de donner la vie, le soldat, de donner la mort. Le médecin est le seul à pouvoir donner les deux.
- Pas selon Hippocrate.
- J'emmerde Hippocrate ! »

 Miami, Tyler Cross Tome 3, Fabien Nury et Brüno, 2018, 88 planches.

Oubliez ce que j'ai dit : Undertaker est un enfant de choeur à côté de Tyler Cross. Et ça ne s'arrange pas dans ce troisième tome, car même si Tyler voudrait bien pouvoir se reposer un peu, les ennuis semblent le suivre à la trace. Des ennuis qui laissent des traces de sang et des corps dans la nature.

Tyler Cross est une série violente où la morale n'existe pas et où personne n'est à l'abri, même les innocents (mais y'a-t-il vraiment des innocents dans le monde de Tyler Cross ?). C'est du polar noir des années 60, jubilatoire là où ça ne le devrait pas. Cela fonctionne parce que le scénario et la narration de Fabien Nury sont millimétrés. Mais cela fonctionne surtout parce que le dessin si particulier de Brüno vient parfaitement contrebalancer cette violence, apportant à la fois un style graphique fort et une échappatoire mentale.

Ce troisième tome reste exactement dans la lignée des deux premiers. Vous en trouverez une très bonne chronique sur Bédéthèque. Il n'y a rien à ajouter : lisez Tyler Cross. Car si Undertaker est l'une des meilleures séries récentes, Tyler Cross est peut-être la meilleure.

lundi 22 octobre 2018

Robert Silverberg - L'Homme programmé

L'Homme programmé, Robert Silverberg, 1972, 316 pages.

Après quatre ans de thérapie, Paul Macy sort du Centre de Réhabilitation pour commencer sa vie. Créé de toute pièce, son esprit occupe le corps appartenant jadis à Nat Hamlin, sculpteur de génie mais aussi violeur en série, dont l'esprit a été totalement annihilé suite à son jugement. Sauf que ce dernier n'a peut-être pas tout à fait disparu...

Plusieurs esprits en un corps ? Comment ne pas penser à un trouble dissociatif de l'identité ? Bien qu'il s'agisse ici d'un cas créé - malencontreusement - scientifiquement et que tous les "codes" ne soient pas complètement respectés, le parallèle est inévitable. Si ce trouble est assez régulièrement utilisé en fiction - notamment dans des oeuvres dont on doit taire les noms au risque de divulgâcher le twist - cela évoque pour moi principalement le fascinant Les mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes. Mon avis est de ce point de vue quelque peu "faussé" car L'Homme programmé ne peut tenir la comparaison sur le sujet.

Malgré cela, L'Homme programmé possède des qualités propres et offre une réflexion intéressante sur ce qui fait l'humain. Néanmoins, le récit est loin d'être parfait, notamment à cause de l'accumulation de scènes sexuelles, dont certaines assez violentes. Si je peux envisager le pourquoi de ces scènes (et encore...), j'ai tout de même l'impression que beaucoup ne sont pas nécessaires. Ajoutez à cela une résolution peu satisfaisante et vous obtenez un roman qui m'a laissé un goût un peu amer. Ce n'est pas mauvais, loin de là, mais c'est très imparfait.

mardi 16 octobre 2018

Jean-Pierre Andrevon - Šukran

 
Šukran, Jean-Pierre Andrevon, 1989, 296 pages.

Marseille, futur proche. Roland Cacciari est un "démo", un militaire démobilisé de la dernière guerre/croisade contre la fédération panislamique, survivant comme il peut en jouant de son guitarion devant les restaurants. Jusqu'à ce qu'un concours de circonstances le fasse engager comme vigile pour un patron d'extrême-droite et que sa vie bascule dans un engrenage de complications.

Je ne peux pas dire que le démarrage fut glorieux. La faute peut-être à un cadre qui m'a mis un peu mal à l'aise, sans que je ne sache expliquer pleinement pourquoi. Parce qu'il se rapproche bien trop d'une certaine réalité ? Peut-être. Là est finalement le génie de Jean-Pierre Andrevon, où ce futur imaginé en 1989 a des consonances très actuelles, malheureusement. Et aussi parce que, comme le héros, je n'avais surement pas envie de me faire rattraper par des questions de géopolitique. Pourtant, comme lui, on se retrouve obligé de les prendre en pleine tête. Sauf que lui prend aussi des coups, des vrais, dans la figure et ailleurs.

Šukran est un roman qui monte en puissance au fil des pages, jusqu'au bout, pour notre plus grand plaisir. Une fois passée la première impression, on s'attache à Roland et sa gouaille. Cela se lit comme un thriller noir, avec une certaine tension qui augmente sans cesse et un fort penchant pour la castagne et le sexe. Ça peut paraitre un peu cru par moment, et on se demande ce que l'on doit en tirer/comprendre. Peut-être rien après tout, si ce n'est un reflet, anticipé, de ce que devient notre monde. Reste à apprécier l'histoire, et c'est déjà très bien.

mercredi 10 octobre 2018

Cory Doctorow - Dans la dèche au Royaume Enchanté

Dans la dèche au Royaume Enchanté, Cory Doctorow, 2003, 230 pages.

Livre lu il y a plusieurs mois, mais non-chroniqué ici-bas. Par souci d'exhaustivité, en voici quelques bafouilles encore plus courtes que d'habitude, sur la base de mes souvenirs.

Dans la dèche au Royaume Enchanté est un roman indéniablement étonnant, et fascinant, pour son cadre et son concept. Tout se déroule à Disney World, dans une société où l'argent a disparu et où tout tourne autour du Whuffie, un indice de réputation/sociabilité qui régit toutes les relations et interactions entre individus dans un "nouveau" monde hyperconnecté.

Ce n'est pas toujours hyper simple à saisir au départ, mais c'est innovant et cela vaut pour cela seul le coup d'oeil, tant cela regorge d'idées. D'autant plus que, bien qu'écrit en 2003, tout semble de plus en plus réel sur certains points...

De vrais avis : Gromovar, Lorhkan, ...

jeudi 4 octobre 2018

Écran de fumée #8 - Luke Cage S2

Luke Cage, Saison 2, 2018, 13 épisodes de ~60 minutes.

C'était bien. Si, je vous jure, cette saison 2 était bonne. Remarquez, moi aussi si on m'avait dit avant de la regarder que j'en penserais ça, je n'y aurais pas cru. Il faut dire que la première saison était tellement mauvaise...

Le fameux "Syndrome Superman" : comment créer un intérêt quand le héros est invincible ? Cette saison 2 y répond de deux manières : avec un ennemi et des personnages secondaires intéressants, comme on peut s'y attendre, mais surtout avec un héros qui trouve son style, qui se démarque.

Alors oui, on se serait passé de revoir Mariah en pièce centrale - même si cela permet d'avoir Shades par la même occasion - mais heureusement le personnage est lui aussi un peu mieux réussi que dans la saison 1. Et puis, la compensation est à la hauteur : Bushmaster.

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Les parties musicales, excellentes, donnent un style à la série mais apparaissent aussi souvent artificielles - sans même parler d'une certaine chanson au piano. Un élément (indice non-divulgâcheur : bras) est totalement sous-utilisé. Et on aurait facilement pu faire tenir le tout avec 2/3 épisodes de moins. Mais ne nous plaignons pas trop : le rythme reste bon dans l'ensemble, gardant de l'intérêt et du sens, surtout, jusqu'au bout - un chouïa moins dans le dernier tiers peut-être, mais ça passe.

Et cette fin. Cette fin ! Ce n'est peut-être pas grand chose, ça fera peut-être un flop, mais peu importe. Le moment était très bon à vivre, c'est bien là l'essentiel.

vendredi 28 septembre 2018

Alfred Bester - Terminus les étoiles

Terminus les étoiles, Alfred Bester, 1956, 358 pages.

XXVème siècle. Dans un futur où l'homme a conquis le système solaire et développé des capacités, limitées et sous condition, de téléportation (ici appelée fuggue), Gully Foyle est lui dans l'espace, à la dérive, seul survivant à bord du Nomad. Lorsqu'un autre vaisseau, le Vorga, finit par croiser sa route et ne pas venir à son secours, Gully Foyle trouve une nouvelle et unique raison de (sur)vivre : la vengeance.

Personnage principal, Gully Foyle est un personnage (d)étonnant, bien plus anti-héros qu'héros typique, dont l'évolution est phénoménale au fil des pages, finissant bien loin de "l'homme moyen" le caractérisant au démarrage. Pour autant, il n'est pas le seul intérêt du livre. Car s'il en occupe une place centrale, Terminus les étoiles est aussi l'histoire d'un monde en mouvement, sur le fil d'une guerre interplanétaire.

Cela peut paraitre contradictoire, mais Terminus les étoiles est simple, limpide, et pourtant foisonnant. C'est une histoire - et même un univers - qui ne reste pas figée, qui évolue et grandit sans cesse, qui se développe avec et contre son personnage principal. Ce n'est peut-être pas parfait, on pourrait notamment lui reprocher quelques facilités et une fin qui en rebutera certains, mais il ne faut pas bouder son plaisir : c'est du très bon !

lundi 24 septembre 2018

Dernier Discord avant la fin du monde !


Oui, vous vous en rendez compte instantanément, nous ne reculerons devant rien - pas même un gif de chat - pour vous attirer et vous annoncer la grande nouvelle : l'ouverture du Dernier Discord avant la fin du monde !

Quoi ? Tu ne sais pas ce qu'est Discord ? Cela va pourtant devenir ton nouvel endroit préféré sur les internets !
Discord est une application - accessible sur ordinateur et téléphone - proposant des serveurs privés de tchat. Créée à l'origine pour les jeux vidéos, elle est tellement pratique et fonctionnelle que ses utilisations se répandent à d'autres domaines. Et comme il n'en existait pas pour nos genres préférés, il n'en fallait pas plus pour qu'avec Tigger Lilly nous mettions fin à cette absence.

Alors si tu veux venir discuter avec des passionnés du triptyque maléfique (Science-Fiction, Fantasy et Fantastique) de ce qui en fait l'actualité et bien plus, cela s'appelle Le Dernier Discord avant la fin du monde et ça se passe ici : https://discord.gg/c9md4PC.

Tu n'es pas tout à fait convaincu ? Tu hésites encore ? Tu ne devrais pas, fonce, c'est ouvert à tous. Mais j'ai quand même un dernier argument dans ma manche. Pour fêter l'ouverture, nous y organisons un quiz SFFF ce samedi 29 septembre à partir de 20h ! Et personne ne résiste à un bon quiz, n'est-ce pas ?

Au plaisir de se croiser sur Le Dernier Discord avant la fin du monde ! ;-)


lundi 17 septembre 2018

Helene Wecker - Le Golem et le Djinn

Le Golem et le Djinn, Helene Wecker, 2013, 525 pages

Livre lu il y a plusieurs mois, mais non-chroniqué ici-bas. Par souci d'exhaustivité, en voici quelques bafouilles encore plus courtes que d'habitude, sur la base de mes souvenirs.

Vous prendrez bien une histoire d'amour entre une golem et un djinn ? Oui, dis comme ça, ce n'est pas vendeur. Et pourtant, ne vous fiez pas à cette mauvaise "catchphrase" : Le Golem et le Djinn est un petit bijou, humain - étonnamment humain -, sensible, absolument pas gnangnan, simpliste ou caricatural. C'est une véritable histoire, une double histoire même, bien menée et touchante.

Son seul défaut ? Les coquilles d'orthographe et de mise en page, qui ne rendent pas hommage au travail d'Hélène Wecker. Passez outre, cela en vaut très largement le coup.

De vrais avis : Xapur, Cédric, Gromovar, Lhisbei, ...

mardi 11 septembre 2018

Écran de fumée #7 - Jessica Jones S2

Jessica Jones, Saison 2, 2018, 13 épisodes de ~45 minutes.

« Ouais, cool, ça va enfin démarrer, ça va être bien je le sens ! Hein ? Quoi ? C'est terminé ? C'était le dernier épisode ça ? Ah... »

C'est à peu près ma réaction, véridique, à l'issue de cette deuxième saison de Jessica Jones. Cela résume quasiment tout, tant l'intérêt de cette saison que le potentiel - inexploité - de cet univers. 

Les personnages sont pourtant là, bien construits et globalement sympathiques - si on fait exception de Trish "Viens ici que je te baffe" Walker. On ne peut dire que cela soit désagréable à suivre. Mais, attention petit divulgachage dans la suite de cette phrase, il y a forcément un problème quand on est très heureux de voir réapparaitre un ancien méchant dans l'épisode 11.

Le problème est simple et tient en deux points : l'histoire est inintéressante et trop longue (encore une fois, #SyndromeMarvelNetflix). Enfin, ce n'est pas totalement inintéressant, mais pourquoi encore et toujours se concentrer sur le passé quand on voudrait simplement aller vers l'avant et tabasser quelques méchants ? Pourquoi passer 13 épisodes sur ce qui devrait en prendre la moitié ? Pourquoi les intrigues secondaires sont-elles plus intéressantes et actives que l'intrigue principale ? 

Quand on pense que malgré tout cela le visionnage n'est pas si désagréable, voire même plaisant par moment. Bien le bonjour à toi le potentiel inexploité, en espérant te rencontrer dans la saison 3.

jeudi 6 septembre 2018

Jack Vance - Les Baladins de la Planète Géante

Les Baladins de la Planète Géante, Jack Vance, 1951, 288 pages.

Retour sur La Planète Géante, cette planète sauvage où chaque peuplade à des moeurs bien particulières, déjà visitée dans le roman éponyme. Mais nulle suite ici : la comparaison s'arrête au cadre - et encore, la région explorée ici est complètement nouvelle.

Les Baladins de la Planète Géante suit Apollon Zamp et sa troupe sur son bateau-théâtre, L'Enchantement de Miraldra, voguant tranquillement de ville en ville pour présenter leurs oeuvres. Jusqu'à ce qu'un concours, organisé par un grand seigneur, leur fasse mettre le cap plus au nord... avec de nouvelles embuches à la clé.

Il n'est pas nécessaire de s'attarder trop longuement sur la finalité de leur voyage, qui n'est quasiment qu'une excuse pour faire vivre à Apollon Zamp et ses camarades des aventures sur le chemin qui les y mènera. Mieux vaut le savoir, car la fin est vraiment mauvaise, presque bâclée. Quant au chemin... Ça se lit, certaines (més)aventures sont sympathiques, mais ça n'a rien d'exceptionnel. Le problème vient surtout des personnages qui sont dans leur grande majorité - pour ne pas dire tous - antipathiques.

Tout n'est pas à jeter. L'écriture m'a semblé ici meilleure, plus posée, que dans La Planète Géante et dans son ensemble cela se lit sans peine. C'est de la pure aventure où Jack Vance se fait une nouvelle fois plaisir à explorer sa Planète Géante et ses différents peuples. Rien de transcendant, rien de primordial, mais ça reste sympathique.

jeudi 30 août 2018

Franck Ferric - Trois oboles pour Charon

Trois oboles pour Charon, Franck Ferric, 2014, 301 pages.

Livre lu il y a plusieurs mois, mais non-chroniqué ici-bas. Par souci d'exhaustivité, en voici quelques rapides bafouilles encore plus courtes que d'habitude, sur la base de mes souvenirs.

J'avais en tête, avant lecture, que beaucoup avait souligné le côté répétitif du roman, le récit contant les différentes vies, sans cesse recommencées, du héros. La bonne surprise, c'est que je n'ai pas eu cette impression, trouvant le récit équilibré et s'arrêtant avant de tomber dans la routine.

Trois oboles pour Charon est un bon livre, tant dans la forme que dans le fond. Le seul "bémol" : c'est un peu déprimant, comme on peut s'en douter vu le thème et le mythe revisité.

jeudi 23 août 2018

Fabien Clavel - Feuillets de cuivre

Feuillets de cuivre, Fabien Clavel, 2015, 329 pages.
« - Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. (...) Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ? »
Ainsi parle, pense et agit Ragon, le policier héros des Feuillets de cuivre, un livre où tout tourne, d'une manière ou d'une autre, autour de la littérature. Tout en restant, fort heureusement, parfaitement lisible pour qui n'a pas les références : Fabien Clavel n'étale pas son savoir, il l'utilise à bon escient en n'oubliant pas ses lecteurs et en ne les rabaissant pas.

Mais avant Fabien Clavel, je dois remercier Étienne Barillier pour cette lecture, lui qui signe une magnifique préface m'ayant convaincu au moment où je doutais de lire un nouveau roman "steampunk lambda". Et lambda il en est loin, l'aspect steampunk, un steampunk fantastico-ésotérique, étant ici un arrière-plan et non pas l'élément primordial du livre. Mais Étienne Barillier détaille ça bien mieux que moi et vous convaincra assurément, donc n'hésitez pas à lire la préface si vous passez devant le roman !

Roman ou fix-up d'ailleurs, la frontière est mince. La première partie étant un enchainement de courts chapitres - nouvelles - détaillant chacun une enquête avant que la seconde partie ne se concentre sur un duel Moriarty-esque. Car osons la comparaison facile : lire les aventures de Ragon, c'est comme lire du Sherlock Holmes, où le plaisir n'est pas, en tant que lecteur, de résoudre l'énigme mais bien d'admirer les démonstrations d'intelligence et de logique du détective. Et elles sont ici à la hauteur.

Ces Feuillets de cuivre sont donc un grand livre - jusque dans son écrin - qui ne peut se résumer à du steampunk, du polar ou un hommage à la littérature. C'est un savant assemblage de tous ces ingrédients, et bien d'autres, par le maître horloger Clavel qui ménage ses effets et garde toujours un tour dans sa manche. Il mérite de passer outre quelques scènes un peu - très - crues : la récompense vaut très largement l'effort.

« - Et comment procédez-vous lorsque la victime ne possède pas de publications ?
- Dans ce cas, il s'agit d'un meurtre sans intérêt et sans finesse. Ces affaires ne méritent même pas d'être mentionnées. Elles reposent toujours sur les mêmes canevas primitifs. On les résout en un claquement de doigts. »

jeudi 16 août 2018

Lisa Tuttle - Ainsi naissent les fantômes

Ainsi naissent les fantômes, Lisa Tuttle, 1984-2007, 280 pages.

Ainsi naissent les fantômes est un recueil de 7 nouvelles fantastiques lorgnant sur l'horrifique, ou tout du moins sur le très étrange (pléonasme ?). Je m'attendais à ne pas apprécier, n'étant pas du tout mon genre de prédilection, mais j'ai tout de même voulu lui laisser sa chance devant les innombrables bons retours le concernant.

Et comme prévu - malheureusement - l'expérience fut ratée. L'écriture n'est pas mauvaise, indéniablement, et il y a même de bonnes idées de départ, mais soit je n'ai pas été touché, soit je me suis juste senti mal à l'aise, un sentiment que je ne recherche pas en lisant. Au moins maintenant je suis fixé, ce n'est définitivement pas pour moi.

Pour de vrais avis, de personnes ayant appréciées voire adorées, c'est par ici :

jeudi 9 août 2018

G.R.R. Martin, Gardner Dozois et Daniel Abraham - Le Chasseur et son Ombre

Le Chasseur et son Ombre, G.R.R. Martin, Gardner Dozois et Daniel Abraham, 2008, 390 pages

Je n'ai pris aucun risque en tentant ce livre : au pire, pensais-je, je pourrai dire que j'ai lu un roman écrit par six mains, un fait rare en soi. Et puis patatra, le manque de bol : en plus c'est une bonne lecture.

Sur une planète vierge, colonisée depuis seulement une génération par l'homme, Ramon Espejo est un prospecteur solitaire, cherchant tout autant des gisements que l'éloignement d'une ville où ses vices ont trop facilement l'occasion de ressortir. Mais qui sait sur quelle découverte on peut tomber au beau milieu de nulle part...

Volontairement, je n'évoque pas trop le contexte SF de l'oeuvre, bien qu'il soit intéressant, car ce n'est pas pour cette raison qu'il faut lire Le Chasseur et son Ombre, au risque d'être déçu. Imaginez que l'on vous expose les grandes lignes d'une gigantesque guerre et que l'on ne vous conte qu'une petite escarmouche, sans jamais avoir le dénouement de la grande guerre. Potentiellement frustrant, non ? C'est un peu le cas ici.

Ce qui n'empêche pas "l'escarmouche" - toujours métaphoriquement, hein - d'être tout à fait passionnante. Et si Le Chasseur et son Ombre peut surement se classer dans les romans d'aventure, il est pour moi bien plus que ça, bien meilleur que ça, tant il fait la part belle à l'humain, dans les faits comme dans les réflexions.

Certes, on peut avoir le sentiment que cela aurait pu être encore plus grand, encore plus incroyable - ce qui est loin d'être sûr, d'ailleurs. Mais ce n'est nullement le ressenti principal. Avant tout, Le Chasseur et son Ombre est une très bonne lecture, plaisante et sensée. Et c'est tout ce qui compte.

Nota : Cette édition ne comporte pas d'explication sur les coulisses de l'écriture à six mains. Heureusement, la grande réponse de l'Internet nous en dit plus. En très résumé, Dozois a écrit l'idée de départ, Martin l'a développée puis Abraham l'a terminée sous forme de novella et enfin Dozois a repris le tout pour en faire un roman plus conséquent.

D'autres avis : Gromovar, Lorhkan, gepe, ...

dimanche 5 août 2018

Alfred Bester - L'Homme démoli

L'Homme démoli, Alfred Bester, 1953, 309 pages.

New-York, 2301. Mars et Vénus ont été conquises, tout comme divers satellites. Surtout, le crime a été aboli grâce à la présence de plus en plus importante de télépathes, détectant les envies de meurtres avant qu'ils aient lieu. Pourtant, Ben Reich, à la tête d'un puissant conglomérat, doit tuer Craye D'Courtney, son rival de toujours.

Si l'homme s'est envolé dans les étoiles et a progressé technologiquement, le futur n'est ici qu'un cadre qui ne sera guère développé. Alfred Bester préfère se concentrer sur l'humain et l'apparition des télépathes, évolution de l'homme, via le duel entre un meurtrier et un policier télépathe, le premier cherchant à échapper au second. Ça se lit comme un bon polar ou thriller, avec en prime un cadre SF et quelques passages étourdissants en fin d'ouvrage.

L'Homme démoli a été le tout premier lauréat du Prix Hugo, en 1953. Et il n'a pas pris une ride depuis. À une exception près - une machine qui fait son âge - le cadre présenté est toujours cohérent et plausible. N'est-ce pas déjà la preuve d'un grand livre ?
« Existent et ont existé des mondes et des cultures sans fin, chacun d'eux cultivant l'orgueilleuse illusion qu'il est unique dans l'espace et dans le temps. Et des hommes sans nombre ont souffert de la même mégalomanie ; des hommes qui s'imaginaient uniques, irremplaçables, inimitables. D'autres viendront... et d'autres encore, à l'infini. Voici l'histoire d'un tel moment et d'un tel homme... L'homme démoli. »

mardi 31 juillet 2018

Kij Johnson - Un Pont sur la brume

Un Pont sur la brume, Kij Johnson, 2011, 124 pages.
« Kit arriva à Procheville avec deux malles et un porte-documents en tissu huilé contenant les plans du pont sur la brume. »
Et ainsi je fus conquis, allez savoir pourquoi. Peut-être car toute la simplicité de cette novella tient dans cet incipit, qui résume - presque - entièrement l'intrigue : un ingénieur, Kit Meinem d'Atyar, vient construire un pont, le premier entre l'Ouest et l'Est de l'Empire, au-dessus d'une dangereuse et mystérieuse brume navigable.

Mais ne croyez pas que cette "simplicité" soit un défaut. Bien au contraire, surtout quand elle est proposée avec un tel talent. Ajoutez à cela une belle sensibilité dans l'aspect humain, et vous n'avez aucune raison de ne pas vous y précipiter. Cerise sur le gâteau, j'ai ressenti un même sentiment d'intérêt et de fascination envers la construction du pont que j'en avais eu pour la cathédrale de Les Piliers de la Terre de Ken Follett. Amis auteurs, n'hésitez pas : les constructions de grands ouvrages font de parfaits sujets de livres.

Comme Kij Johnson, disons-le simplement : Un Pont sur la brume est un grand livre, bien plus grand que son petit format.
« C'est à cette époque que Kit remarqua qu'une grande partie de la structure constituant un pont ou une tour était faite de gens. »

mercredi 25 juillet 2018

Ugo Bellagamba - Tancrède

Tancrède, une uchronie, Ugo Bellagamba, 2009, 374 pages.

Connaissez-vous Tancrède de Hauteville, chevalier normand et membre de la première croisade ? Si ce n'est pas le cas, Tancrède pourra vous le faire découvrir. Enfin, en partie. Mettons jusqu'à Jérusalem. Car après, l'histoire diffère quelque peu de l'Histoire : Tancrède est une uchronie.

Je ne livre jamais ici de grandes analyses de livre, trouvant même souvent le principe ennuyant chez mes "confrères". Pourtant, j'aurais aimé ici savoir le faire, ou au moins pouvoir livrer un avis pertinent, tant Tancrède est un livre érudit qui mériterait d'être décortiqué et analysé.

Notez que malgré cela, et malgré un manque d'émotions et un ton quasi-didactique bien que le récit soit à la première personne, Tancrède est un livre abordable et plaisant, parole de lecteur inculte sur les croisades. On y découvre un pan de l'Histoire dans ses différentes facettes religieuses et politiques, vu d'un peu tous les angles, au fil d'une histoire et d'un personnage intéressants.

Et même si mon cerveau a du mal a posteriori à se faire une idée de ce récit et de ses implications, j'ai apprécié la lecture sur le moment - c'est là le plus important - même si elle n'est pas exempte de quelques défauts, notamment un changement de sensibilité étonnamment rapide. Quant à l'analyse... vous serez obligé de le lire ! ;-)

samedi 21 juillet 2018

Bulles de feu #10 - Pluto

Pluto, Naoki Urasawa, 2003-2009, 8 tomes

Pluto est la réécriture d'un arc narratif, "Le robot le plus fort du monde", d'Astro Boy, célèbre manga d'Osamu Tezuka, par Naomi Urasawa. Ou la rencontre, virtuelle, de deux mangakas mythiques : Tezuka est LA légende du manga japonais quand Urasawa est l'un des plus fameux mangakas de l'ère "moderne" (Monster, 20th Century Boys, Billy Bat, ...). Néanmoins, si les références au manga d'origine sont forcément présentes, Pluto est parfaitement lisible sans en connaître la source (et sans en ressentir un manque).

L'histoire suit l'inspecteur Gesicht, robot de haute technologie, qui enquête sur des meurtres commis sur les robots les plus forts du monde ainsi que sur leurs concepteurs. Le tout donne un thriller SF sur fond d'une géopolitique qui ne peut manquer de rappeler une situation actuelle ou un passé proche.

Pluto est un bon manga dans tous ses aspects. L'enquête est prenante et mystérieuse, avec un mindfuck typique d'Urasawa. Les messages, la morale, sont certes souvent évidents, mais il n'est jamais mauvais de rappeler des évidences quand cela est fait de belle manière. Et la réflexion sur les robots, leur place dans la société et leurs sentiments, est un classique indémodable de la science-fiction.

Plaisant, intelligent, touchant. Pourquoi se priver ?

lundi 16 juillet 2018

J.M. Erre - Le Grand n'importe quoi

Le Grand n'importe quoi, J.M. Erre, 2016, 294 pages.

Prenez un personnage qu'on pourrait cruellement définir comme un "raté". Mettez-le dans un petit village, Gourdiflot-le-Bombé, pour une soirée chez des culturistes. Expulsez-le de cette même soirée - tout en se faisant larguer par sa copine - puis faites apparaitre des extraterrestres kidnappant un habitant. Ajoutez des personnages tous plus dingues les uns que les autres et secouez bien fort. N'oubliez pas d'agrémenter votre livre avec des éléments de science-fiction et quelques surprises.

Alors, vérité ou mensonge que ce supposé "grand n'importe quoi" ? Eh bien, étonnamment, la promesse est plutôt bien tenue : c'est absurde, c'est loufoque ou c'est grotesque, voire les trois à la fois par moment, mais ça fonctionne et c'est marrant, les bons mots s'enchaînant sans cesse. Surtout, ça ne tombe pas dans le lourdingue et ça parvient à ne pas se répéter et à maintenir l'intérêt.

Difficile de dire si Le Grand n'importe quoi est vraiment un livre de science-fiction. Mettons que la question importe peu. En tout cas, il apporte une initiation, ou un rappel, de quelques concepts basiques de science/SF. Il m'a même semblé vouloir donner une bonne image de la SF à des lecteurs non-initiés, mais je ne pourrais jurer que c'est bel et bien le cas ou tout du moins savoir si le lecteur lambda en sortira avec une vision améliorée.

Peu importe. Le livre est plaisant à lire, c'est là l'essentiel. Certains trouveront peut-être la fin un peu trop facile, mais elle reste bien amenée et bien réalisée. Je n'ai qu'un reproche à faire à ce roman : un name dropping trop important, une pratique que je déteste. Mais à part ça, c'est une bonne surprise !
« Tu ne trouves pas curieux que beaucoup de gens refusent d'en lire a priori ? Quand j'entends "j'aime pas la science-fiction", ça me fait penser à ceux qui disent "j'aime pas les légumes", comme si tout avait le même goût. »

mercredi 11 juillet 2018

Jack Vance - La Planète Géante

La Planète Géante, Jack Vance, 1951, 277 pages.

Une commission terrienne se rend sur la Planète Géante, une planète "anarchique", aux dimensions gigantesques, où se sont installés tous ceux qui n'ont pas trouvé leur place sur notre Terre. Problème : au lieu d'atterrir dans l'Enclave terrienne, elle se retrouve à l'autre bout de la planète avec 65000 kilomètres à faire en territoires hostiles et un possible traitre dans ses rangs.

La Planète Géante est un pur roman d'aventure et d'exploration, saupoudré d'un léger aspect "thriller". La raison du voyage n'est quasiment qu'une excuse pour parcourir cette Planète Géante où se côtoient des ethnies et des environnements étonnants. Le fin mot de l'histoire apporte quelques petites surprises qui, bien qu'anticipables si l'on garde son cerveau sur ON pendant toute la lecture, restent satisfaisantes.

Le roman n'est malheureusement pas exempt de défauts, notamment des descriptions un peu floues (mais cela n'est peut-être que personnel) et des personnages trop peu développés (si l'on peut même dire qu'ils sont développés). Rien d'exceptionnel donc, mais La Planète Géante reste un roman d'aventures lisible, sympa, qu'on appréciera si on aime le style de Jack Vance.

À noter que si ce roman peut se lire seul, Jack Vance a plus tard écrit un autre livre dans le même univers : Les Baladins de la Planète Géante.

mercredi 4 juillet 2018

Ursula Le Guin - Tehanu

Tehanu, Ursula Le Guin, Tome 4 du Cycle de Terremer, 1990, 258 pages.

Tehanu est le quatrième tome du Cycle de Terremer après Le Sorcier de Terremer, Les Tombeaux d'Atuan et L'Ultime rivage. On y retrouve les personnages rencontrés précédemment ainsi qu'un nouveau personnage principal, Therru, jeune fille sévèrement brulée, entre autres monstruosités subies. On y retrouve surtout la plume d'Ursula Le Guin qui fait toujours des merveilles. Et même plus que des merveilles : qui d'autre pourrait rendre intéressant, fascinant, un roman de 250 pages où il ne se passe rien ? Pas grand monde, surtout à un tel niveau de qualité.

Le calme est donc au rendez-vous, à l'exception d'une tornade finale dans les toutes dernières pages. Une nouvelle fois, le chemin est bien plus important que la destination. Ce qui ne veut pas dire que l'ennui est là, au contraire. Il est envoutant de suivre ces personnages en construction ou en reconstruction, dans leurs peines et leurs joies, le tout filé de réflexions diverses sur, notamment, la nature humaine, toujours discrètement et humblement.

Ursula Le Guin, tout simplement.

mardi 26 juin 2018

Bulles de feu #9 - Du mouais


Sur les ailes du monde, Audubon, Fabien Grolleau et Jérémie Royer, 2016, 184 planches.

Biographie de J.J. Audubon, franco-américain du XIXème siècle, "premier scientifique américain", ornithologue ayant eu pour folle ambition de découvrir, et de peindre, tous les oiseaux des Etats-Unis. Ça se lit bien, c'est joliment dessin - heureusement, vu le thème - mais il reste un sentiment de "mouais", de n'avoir rien lu d'exceptionnel, rien qui emporte complètement. Sans compter un certain parti pris, une certaine "folie", qui personnellement ne m'a guère emballé.
La lecture se justifie et se conseille malgré tout, ne serait-ce que pour la mise en lumière d'un personnage méconnu.

 Valentine Pitié (intégrale, 2 tomes en version originale), Benn, 2010-2011, 120 planches

Une BD qui repose essentiellement sur le personnage de Valentine Pitié, jeune fille/femme survivant dans le Grand Nord canadien puis vivant une vie "rebelle" à Paris, dans un début du XXème siècle voyant d'un mauvais oeil une jeune femme indépendante et désirant vivre sa vie comme elle l'entend.
Si l'idée et le "message" auraient pu être intéressants, j'ai été bloqué par cette Valentine Pitié que je n'ai jamais pu encadrer et certains comportements/réactions qui m'ont quasiment "choqué" et ne rendent pas honneur aux propos...

Hindenburg, Patrice Ordas, Patrick Cothias et TieKo, 3 tomes, 2013-2015, 46/46/46 planches.

Prenez la catastrophe du Hindenburg et les penchants d'Hitler pour le surnaturel, accentuez ce dernier point en créant de vrais personnes capables d'utiliser des pouvoirs psychiques, et vous obtenez l'histoire d'Hindenburg où des descendants d'un vieil indien vont lutter contre une troupe de guerriers psychiques nazis.
L'idée semble tenir la route sur le papier, au moins à peu près. Sauf que c'est un peu la foire à l'improbable, tout se passe vraiment trop bien, trop facilement, comme de par hasard, et les personnages sont plats, ne provoquent aucune empathie. Dommage, l'idée était plutôt bonne.

SinBad, Christophe Arleston, Audrey Alwett et Pierre Alary, 2008-2010, 56/52/52 planches.

Aventurier, crapule, collectionneur d'objets magiques, SinBad part la recherche de ses parents. Il y rencontrera, au passage, quelques visages légendaires des contes orientaux, pas toujours dans leurs représentations habituelles.
Hormis le cadre et les références, c'est du classique, du très classique. Presque trop classique : ça se lit, mais on n'en gardera pas un souvenir impérissable.

samedi 23 juin 2018

Bulles de feu #8 - En mer

En Mer, Drew Weing, 2010, 134 planches.

En Mer conte l'histoire d'un poète, à la carrure très imposante, qui cherche l'inspiration sur un port et se retrouve embarqué de force sur un navire. Mais En Mer est surtout un OLNI (Objet Livresque Non Identifié), et ce dès sa prise en main avec son format "petit rectangle" de 17cm sur 13cm. La surprise ne s'arrête pas là puisque chaque page comporte exactement... une case, et donc un seul dessin. Autant vous dire que l'art de l'ellipse est à son paroxysme.

Et ça fonctionne, tant au niveau du récit (simple mais agréable) qu'au niveau de son format étonnant. Une jolie prouesse aux accents poétiques qui lorgne même du côté de la méta-écriture, même si ce point aurait pu, aurait dû, être encore plus développé pour en faire véritablement un livre exceptionnel.

Alors, coup de génie ou grande arnaque que ce En Mer ? À mon sens cela vaut le coup d'oeil pour la performance et la douceur de l'ensemble. Vous n'avez plus qu'à le lire pour vous faire votre propre idée. Ça tombe bien : il peut se lire sur place, en librairie (sans avoir à débourser les 13€ qui paraissent très cher au rapport quantité/prix) ou en bibliothèque, en quelques minutes.

mercredi 20 juin 2018

Eric Faye - Quelques nobles causes pour rébellions en panne

Quelques nobles causes pour rébellions en panne, Éric Faye, 2002, 148 pages.

Quelques nobles causes pour rébellions en panne est un recueil de 9 nouvelles qui oscillent entre léger fantastique et parfois une pointe de SF. Et il ne s'y passe pas grand chose : soit les histoires sont anodines et inintéressantes, soit on a l'impression que l'auteur écrit pour le plaisir d'écrire.

Soyons positif et admettons que De la vitesse en toute chose sort du lot et qu'il y a quelques bonnes idées par-ci par-là - malheureusement sous-exploitées à mon sens. Mauvaise pioche, vous pouvez aisément vous en dispenser il me semble...