mardi 8 septembre 2015

Mike Resnick - Kirinyaga

Kirinyaga, Mike Resnick, 1998/2008, 407 pages.

Kirinyaga, c'est le nom que donnent les Kikuyus, ethnie kényane, au mont Kenya. C'est aussi le nom de la planète utopie créée par Koriba en 2123, pour recréer un monde uniquement peuplé par les Kikuyus, loin de l'influence néfaste de la civilisation européenne qui les a assimilés sur la Terre.

Kirinyaga souffre peut-être de sa carrière et de sa réputation : de l’œuvre la plus récompensée de l’histoire, un fait répété plusieurs fois au début et à la fin du livre, on s’attend à découvrir quelque chose d’extraordinaire qui bouleversera notre vie de lecteur de SF. À ce niveau, on peut continuer d’attendre.

Cela démarre pourtant très bien. Mike Resnick oriente son récit vers l’Afrique, son inspiration de toujours, pour proposer une œuvre dépaysante, au carrefour de la tradition kényane, de la conquête spatiale et de la notion d’utopie. L’idée est bonne, le déroulé lui aussi pour sa majeure partie et l’utilisation des fables est excellente. Mais…

Mais Kirinyaga est un fix-up de nouvelles. Si les courts récits affichent une certaine progression d’ensemble, ils n’en restent pas moins répétitifs dans leur forme et deviennent de simples petites aventures, avec peu de surprises, sur le thème : comment le sage va-t-il sauver son utopie cette fois-ci ? À ce titre, certaines histoires sont logiquement plus ou moins bonnes et plus ou moins réussies, perdant une partie de la cohésion de l’œuvre en tant qu’ensemble.

Mais le problème principal est ailleurs. Le destin de Kirinyaga en tant qu’utopie, son déclin et sa chute, est rapidement inéluctable, le lecteur le sait. Il est triste, voire désespérant, de voir ce vieux sage lutter contre son peuple et de le sentir perdre peu à peu du terrain, en restant fixer sur ses positions et en n’évoluant pas. Il est encore plus triste de voir le roman prendre le même chemin, n’évoluant pas lui non plus, n’apportant aucune nouveauté, aucune réflexion supplémentaire à ce que le lecteur a vite compris. Mike Resnick s’enferme dans un schéma et y enferme avec lui ses personnages et ses lecteurs.

C’est encore plus flagrant à la lecture de Kilimandjaro, la nouvelle qui suit Kirinyaga. Elle ne fait pas partie de l’œuvre initiale mais trouve parfaitement sa place ici puisqu’elle traite d’une autre tentative d’utopie kenyane. Et le chemin est parfaitement différent. Le traitement et le déroulé sont peut-être plus habituels mais ils apportent bien plus de chaleur et d’idées que le fix-up. Surtout, Kilimandjaro semble apporter bien plus de réflexions et de recherches sur la notion d’utopie que ne le fait Kirinyaga, avec pourtant bien moins de pages.

C’est du coup sur une bonne note que se tournent les dernières pages. Les précédentes n’auront pas été mauvaises, loin de là, Kirinyaga restant une sympathique lecture, mais elles semblent loin du chef-d’œuvre annoncé. Une légère déception de ce point de vue, pour malgré tout un bon moment à passer dans cette science-fiction africanisée.


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5 commentaires:

  1. A lire ton avis je fais bien de ne pas me précipiter dessus, ça m'évitera le syndrome de la déception due à de trop grandes attentes ^^.

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  2. @Lorhkan -> Toutes mes excuses Ô Lorhkan, impresario de "Kirinyaga". =P

    @Vert -> Oui, ce livre peut, à mon avis, facilement faire développer ce problème. ^^'

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  3. Ma belle-mère a peut-être eu une lecture proche de la tienne. Un sentiment de répétition qui a la longue lasse, d'autant que l'on voit venir les choses. Néanmoins, elle a apprécié les réflexions. Mais je pense avoir plus aimé que toi, surtout que cela fait réflécéchir ;-)

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  4. Cela fait réfléchir, oui et non, ça reste assez convenu je trouve. C'est peut-être ça mon vrai problème d'ailleurs : je m'attendais à bien plus de réflexion et d'apprentissage. J'en ai plus trouvé dans "Enfer" du même auteur, la comparaison n'a pas dû aider.

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