vendredi 28 novembre 2014

Recueil collectif - Super-Héros

Super-Héros, Recueil collectif, 2014, 168 pages.

Alors que les super-héros sont plus que jamais à la mode et que les films, notamment, qui leur sont consacrés déferlent sur nos écrans, Elenya Editions a eu la bonne idée de consacrer un recueil de nouvelles à cette thématique. Avec l'ambition de s'éloigner des habituels clichés et de s'approprier le sujet de diverses manières. Notons dès à présent que chaque récit est accompagné d'un superbe dessin de Jimmy Rogon (à chaque fois sous la forme d'une couverture de comic).

Et l'originalité est au rendez-vous. Ici, point d'aventure classique de gentil contre méchant pour sauver le monde. Car, avant tout, le super-héros, ou tout du moins son pouvoir, n'est pas forcément si exceptionnel que cela. Et puis, il faut réussir à se l'approprier ce pouvoir qui fait rêver les foules. Sans compter que les super-vilains ne sont jamais loin, ni l'attrait du côté obscur de la force. Jusqu'au jour où il faut penser à sa succession...

Attardons-nous rapidement sur chaque texte, en commençant par ceux pour lesquels je dois avouer être passé plutôt à côté. "Colorman" de Christophe Gallo m'a essentiellement mis mal à l'aise et je n'ai pas réussi à envisager un quelconque double sens. "Le Cambrioleur masqué" de Tiphaine Levillain (le plus "classique" des textes avec une tentative de polar en quelques pages) et "Mauvais plan" de Doris Facciolo pâtissent d'un manque de surprise général, deux nouvelles à chute dont les chutes n'étonnent pas vraiment. Quant à "Thérapie" de Rémy Garcia, le texte est maîtrisé et sympathique, mais j'ai eu le problème d'être absolument certain de la chute au bout de la deuxième page...

Je suis plus enthousiaste avec tout le reste. Dans un genre (presque) aussi troublant que la nouvelle de Christophe Gallo, "Mille éclats" de Davy Artero a réussi à me garder jusqu'au bout malgré son étrangeté. "Worms" de John Steelwood et "L'Apocalypse selon Jonas" de O'Scaryne font partie des rares textes du recueil à avoir des fins assez ouvertes : j'ai aimé le côté machiavélique du premier ; le deuxième réussit à avoir une ampleur inattendue pour un sujet déroutant au premier abord.

Si j'ai déjà cité quelques nouvelles à chute ayant fait un flop, il y en a tout de même qui sont parvenus à mieux. "L'interview" de Louise Laurent, où je suis fait avoir comme un débutant, en est le parfait exemple. "Retraite anticipée" de Camille Courtain et "Apprenti" de Florent Baudry, deux nouvelles à la thématique proche, ont tout aussi bien fonctionné. Mais ma préférée du recueil n'est pas un récit qui tient sur sa chute : "Super 8" de Thomas Geha est une nouvelle très drôle de bout en bout, une utilisation parfaitement déjantée du super-héros (j'ai même envie de dire qu'avec cette nouvelle, "ça plane pour moi").

Super-héros est un recueil vif où l'on ne s'ennuie pas. En onze courts textes, on retrouve quasiment onze visions différentes du super-héros, onze idées originales que ce soit dans le style, le genre ou le sujet. Et même si aucune des nouvelles n'est véritablement exceptionnelle, la grande majorité est de bonne qualité et l'on passe un sympathique moment à la lecture de ce recueil.


Livre gagné chez Doris, merci à elle (Ô ingrat que je suis).

Sixième participation au Challenge Francofou

Vingt-sixième participation au challenge SFFF au féminin

mardi 25 novembre 2014

Stefan Platteau - Manesh

Manesh, Stefan Platteau, Tome 1/3 de "Les Sentiers des astres", 2014, 460 pages.

Deux gabarres, transportant une vingtaine de guerriers, remontent un fleuve en quête du Roi-diseur, un oracle qui pourrait changer le cours de la guerre. Sur le chemin, elles secourent un homme qui se fait appeler "Le Bâtard". Il est confié au Barde, qui doit lui soutirer son histoire.

Deux fils narratifs s'entrecroisent. Celui du Barde, qui conte le présent de l'intrigue et l'avancée des gabarres. Celui du Bâtard, son histoire personnelle et le pourquoi de son errement au fil de l'eau. Mais plus que deux récits qui s'affrontent, se rythment et jouent au ping-pong, cette double narration offre une découverte plus ample de l'univers si particulier de Manesh par deux regards bien différents.

Car si l'intrigue est forcément une chose importante, elle est ici limitée et seulement d'une importance secondaire. Ce qui étonne et captive dans Manesh, c'est cet arrière-plan fouillé et débordant d'informations à digérer. Un peu trop. Entre les conflits et rivalités bien réelles des humains et les présences brumeuses des Dieux et autres puissances supérieures et mythiques, il est difficile d'avoir une vision précise du tableau présenté par Stefan Platteau.

Un livre compliqué à maîtriser donc. Et ce malgré sa longueur, un beau pavé de près de 500 pages, dont on sort en commençant tout juste à avoir l'impression de comprendre ce qui se trame. Entre temps, on l'aura justement trouvé un peu long (le temps), l'univers foisonnant ne suffisant pas à garder l'intérêt d'une histoire en manquant sensiblement.

Si Manesh n'est qu'une introduction à la suite de la trilogie, c'est une introduction un peu longue, dont j'ai peur (voire la certitude) d'oublier les informations essentielles avant que le deuxième tome n'arrive. Pourtant, tout n'est pas à jeter dans ce livre qui comporte quelques qualités, notamment une ambiance forte pouvant sans mal évoquer des tas de récits mythiques, L'Odyssée d'Homère en tête.

L'avis bien plus enthousiaste de Julien.

Cinquième participation au Challenge Francofou

jeudi 20 novembre 2014

Lauren Beukes - Les Lumineuses

Les Lumineuses, Lauren Beukes, 2013, 374 pages.

Chicago, 1931. Harper Curtis, marginal violent et cinglé, découvre une maison abandonnée qui lui permettra de voyager dans le temps. À l'intérieur, il visualise des objets et des femmes, dans des halos de lumière, qu'il pense être destiné à tuer. Durant sa folle quête, l'une de ses cibles survit et ne désespère pas de le retrouver.

Lauren Beukes oblige, Les Lumineuses est un livre particulier, à la croisée des genres et ne rentrant pas aisément dans des cases. Pourtant, en comparaison de Zoo City et Moxyland, Les Lumineuses est peut-être le roman de l'auteur le plus abordable et le plus simple d'accès. Pour cause : il n'est question "que" d'un serial killer et de voyage dans le temps. Un polar donc, avec une pointe de fantastique qui n'est là que pour les besoins de l'intrigue "policière".

Conséquence partielle de cette moindre surprise concernant l'univers, j'ai sensiblement moins apprécié ce roman. À quelques rares exceptions, le voyage dans le temps n'apporte rien, si ce n'est encore plus de prévisibilité. Et comme cela concerne une bonne moitié du récit... Cette même moitié qui, faute d'un grand intérêt, tourne même au malaise devant cet enchaînement de meurtres violents et gratuits.

Malgré tout, et bien qu'étant mitigé pendant toute ma lecture, le sentiment général n'est pas si mauvais. Kirby et Dan, les deux "enquêteurs", sont sympathiques à suivre. Bien que n'atteignant pas pleinement son point, le voyage dans le temps permet de mettre en avant quelques femmes fortes au sein de l'Histoire américaine. Enfin, il y a une vraie atmosphère particulière qui se dégage et qui reste à l'esprit une fois le livre refermé.

Si Les Lumineuses n'est pas le roman le plus marquant de Lauren Beukes et comporte plusieurs faiblesses, il n'en reste pas moins un livre très correct. Surtout, il me semble une porte d'entrée intéressante et facile pour découvrir le style spécifique de l'auteur.


Vingt-cinquième participation au challenge SFFF au féminin

Premier décalage temporel pour le challenge Retour vers le Futur

lundi 17 novembre 2014

Glendon Swarthout - Homesman

Homesman, Glendon Swarthout, 1988, 281 pages.

Dans les plaines de l'Ouest américain, au milieu du XIXème siècle, l'hiver touche enfin à sa fin. Durant cette période d'isolement et de solitude pour les nouveaux propriétaires terriens, quatre femmes sont tombées dans la folie. Il est décidé de les renvoyer à l'Est, où leurs familles pourront s'occuper d'elle. Mary Bee Cuddy, ancienne institutrice, les y accompagnera, avec l'aide de Briggs, un voleur sans morale qu'elle a sauvé de la pendaison.

Point de cap à l'Ouest pour ce western. Au contraire, c'est vers l'Est que chevauchent les protagonistes. Mais cela ne change rien au décor et à l'ambiance, poussiéreuse à souhait. On y croise des indiens, des caravanes de colons, des paysans éparpillés dans les grandes plaines, des hommes qui prennent les armes,... Et même une paire de mules attachante.

Si la quatrième de couverture annonçait l'aventure d'une femme forte, j'ai trouvé que ce n'était nullement le cas. Refrénez vos ardeurs féministes, la population féminine de ce roman est loin d'être mise en valeur. Au contraire, elles n'apparaissent que comme incapables de survivre aux conditions difficiles de l'Ouest ou nécessitant en toutes occasions la protection d'un homme.

Peu importe. Briggs est là. Voleur sans scrupule, bandit sans morale, taiseux et sale, il est l'archétype du personnage qu'on ne devrait pas aimer mais qu'on ne peut s'empêcher d'adorer. Surtout, l'évolution de son caractère et de son attitude est menée de main de maître par Glendon Swarthout. Il est rare d'apprécier pleinement le devenir d'un personnage mystérieux qui, à la fin de son aventure, ne correspond souvent plus à ce qui nous avait charmé au départ. Pourtant, Glendon Swarthout y parvient, ne perdant rien de l'attrait de son "héros" tout en parvenant à le faire évoluer sans tomber dans certaines facilités.

L'évolution, c'est l'une des plus grandes forces d'Homesman. Car outre celle de ses personnages, il faut évoquer la qualité croissante de ce roman qui ne cesse de s'améliorer et d'être de plus en plus prenant au fil des pages. Pourtant, ce n'est pas un voyage de tout repos ou d'agrément que nous propose l'auteur, qui n'épargne pas ses personnages et se tient loin de toute gentillesse inutile. Mais malgré la dureté et la rudesse du récit, de celles qu'on peut attendre de ce genre de livre, la lecture s'avère toujours agréable. Et Homesman d'être un grand western.

vendredi 14 novembre 2014

Thomas Day - Sept secondes pour devenir un aigle

Sept secondes pour devenir un aigle, Thomas Day, 2013, 328 pages.

Sept secondes pour devenir un aigle est un recueil de 6 nouvelles de Thomas Day, dont 3 inédites, agrémenté d'une postface de Yannick Rumpala intitulée "Et la science-fiction entra elle aussi dans l'anthropocène...". Une thématique commune à toutes ces nouvelles : l'écologie, l'écologie humaine plus particulièrement, le rapport de l'être humain à la nature, la question environnementale.

Si l'on peut facilement qualifier ce recueil d'écologique, le terme ne doit pas effrayer le potentiel lecteur. Le ton n'est ni moralisateur ni trop didactique, permettant au message de passer bien plus naturellement et efficacement. Jamais Thomas Day ne nous dit quoi penser, jamais il ne nous assomme de bien-pensance. Au lecteur d'y trouver ce qu'il veut : de simples histoires ou un peu plus que cela.

L'autre grande force de ce recueil, c'est la variété de ses textes. Tout d'abord sur les lieux des intrigues (Amérique, Asie, Océanie), loin des terres américano-européennes habituelles. Mais surtout dans les situations abordées (voire au "genre" auquel elles se rapportent), parfaitement éloignées les unes des autres et pourtant toutes rattachables à ce thème central de relation à la nature. Aussi, les six nouvelles narrent six histoires précises aux enjeux propres, six cas particuliers mais non restrictifs.

La seule faiblesse, et c'est parfaitement subjectif, provient de l'ordre des nouvelles, les plus percutantes et marquantes se retrouvant toutes au début. Mais qu'à cela ne tienne, le recueil est globalement homogène et l'on prendra plaisir à lire chacune des 6 nouvelles. Car Sept secondes pour devenir un aigle est un recueil intelligent, qui donne à réfléchir sur notre devenir et celui de la planète, réaliste sans jamais se montrer inutilement pessimiste et, surtout, n'oubliant jamais le plaisir de lire de bonnes histoires.


Quatrième participation au Challenge Francofou

mardi 11 novembre 2014

Mika Biermann - Un Blanc

Un Blanc, Mika Biermann, 2013, 132 pages.

À bord du navire l'Astrofant, une expédition scientifique prend la route pour le pôle sud. Objectif : y déclencher un feu d'artifice le 31 décembre 2000 pour fêter l'entrée dans le nouveau millénaire.

L'histoire se déroule selon trois points de vue, comme les différents groupes qui se créent très rapidement : le commandant du navire, qui doit survivre après avoir été débarqué malencontreusement sur un iceberg avec trois compagnons d'infortune ; le second, que l'objectif du feu d'artifice rend sensiblement monomaniaque et complètement fou ; le cuisinier, un nain lubrique qui n'a d'autre ambition que son bien-être.

Un Blanc est un livre parfaitement fou. Envoyez une quinzaine de fugueurs d'un asile de fous en Antarctique et leurs aventures devraient être bien moins étranges que ce roman. Car les personnages sont ici tous plus timbrés les uns que les autres. Et bien que le nain lubrique est surement le plus fascinant et le plus "amusant" à suivre, la palme va tout de même au second dont l'obsession est... obsessive.

Un Blanc est un roman qui se lit bien, rythmé par le changement incessant de point de vue et par l'affluence de mini-péripéties. Plus long, on serait facilement tomber dans l'overdose et le désintérêt, mais sa longueur restreinte parvient à en faire seulement une sympathique (et surtout très barrée) aventure que l'on est content de lire chez soi, bien au chaud. Rien d'extraordinaire, mais un petit moment de folie polaire.

Livre lu suite à la chronique d'Efelle.

samedi 8 novembre 2014

Estelle Faye - Un Éclat de givre

Un Éclat de givre, Estelle Faye, 2014, 245 pages.

« Alors la Nature s’est révoltée. Oh, pas d’un coup. Pas dans un grand chambard général, pas comme dans les films-catastrophes étranges et exagérés qui se multipliaient autour de 2012. L’Apocalypse n’a pas eu lieu dans une immense explosion, une déflagration réduisant à néant, en quelques années, la civilisation entière. Non, le monde a mis du temps à mourir. C’est ça que l’homme n’a pas compris. »

2267. La nature a repris ses droits. Les populations survivantes s'agglutinent dans les capitales. À Paris, Chet est chanteur de jazz la nuit et vivote le jour dans diverses activités plus ou moins légales. Jusqu'au jour où il se retrouve embarqué, bon gré mal gré, dans une mission pour sauver la ville. Et comme il n'a rien de mieux à faire...

Une nouvelle fois, l'écriture d'Estelle Faye fait mouche pour dépayser le lecteur. Après la Chine douce et magique de Porcelaine, elle nous entraîne cette fois dans un Paris aux teintes musicales et sales, entre club de jazz et cour des miracles, où la beauté et la noirceur se mélangent en toute normalité. Saluons aussi la magnifique couverture d'Aurélien Police qui préfigure parfaitement ce cadre avant même d'en lire les premières lignes.

Si le cadre est déjà un argument presque suffisant pour apprécier ce livre, l'histoire n'est pas en reste. Suivre le sympathique et humain Chet, je ne trouve pas d'adjectif plus juste pour le qualifier, chercher son chemin vers la quiétude et la sérénité, tel Ulysse bataillant sur la route du retour, est un vrai régal. D'autant plus que l'intrigue a le bon sens de rester, malgré les implications fortes, à taille humaine. Ce qui n'interdit nullement un sens de l'extraordinaire, littéralement, mais sans jamais tomber dans l'incroyable, littéralement.

Un Éclat de givre est une nouvelle réussite pour Estelle Faye. Même si à froid on peut y déceler quelques faiblesses, la plongée est telle que l'on n'y prête aucune attention lors de la lecture. N'est-ce pas là l'essentiel ?

« Le sort m’offre un second round. L’occasion de me prouver que je peux rentrer là-bas, et en ressortir indemne. L’occasion de solder une partie de mes mauvais rêves. Je suis Chet et je marche seul. Je ne dois plus jamais l’oublier. »

Vingt-quatrième participation au challenge SFFF au féminin

Troisième participation au Challenge Francofou

mercredi 5 novembre 2014

Laurent Kloetzer - Le fer, la neige et le sang

Le Fer, la neige et le sang, Laurent Kloetzer, 2014, 23 pages (pdf).

La nouvelle gratuite du mois de novembre offerte par Le Bélial' est Le fer, la neige et le sang, une nouvelle de Laurent Kloetzer, à télécharger ici. Elle est extraite de Le Royaume blessé et autres récits de brumes et de barbares, publié en 2014, reprenant le roman Le Royaume blessé (paru en 2006) agrémenté de 12 nouvelles se déroulant dans le même univers, dont 10 inédites.

Depuis sa récente conquête, Kendall d'Harmorée est le nouveau roi de Dol, une contrée jadis prospère, avant l'arrivée de ces barbares pilleurs. Parmi ses alliés, il compte Grendel l'Elmédien, vassal indocile qui n'attend qu'une occasion pour prendre sa tête. Cette nouvelle conte cette occasion.

Le fer, la neige et le sang est presque essentiellement un combat à l'épée, une embuscade, une lutte dont l'objectif est la mort de l'adversaire bien avant sa propre survie. Point de grande réflexion, point de géopolitique complexe, point de philosophie et de morale. Ici, on se bat. Et c'est excellemment bon.

Après une courte introduction posant efficacement le cadre et une fois passée l'affluence de noms étrangers, les armes se déploient et s'envolent au rythme des mots acérés de Laurent Kloetzer. La tension monte, la conclusion est inéluctable. Mais si le plaisir brut et barbare de ce combat est déjà fort enthousiasmant en lui-même, il l'est encore davantage grâce à un petit plus, la présence d'un observateur quasi-anonyme, un laboureur qui apportera une certaine dose d'ironie (ou de morale ?) à toute cette histoire.

Le fer, la neige et le sang est une nouvelle qui est fidèle à son titre. À recommander à tous ceux qui en ont marre des pavés de fantasy qui ne font que parler mais ne passent jamais à l'action et aux combats. Un authentique "récit de brumes et de barbares", un texte court et simple pour un vrai grand plaisir.


Deuxième participation au Challenge Francofou

dimanche 2 novembre 2014

Walter M. Miller - Un Cantique pour Leibowitz

Un Cantique pour Leibowitz, Walter M. Miller, 1959, 347 pages.

États-Unis, dans le futur. Frère Francis, jeûnant dans le désert, rencontre un étonnant voyageur qui l'amène à découvrir un abri souterrain. À l'intérieur, des fragments d'une ancienne civilisation, de la vie avant l'Apocalypse. Potentiellement des reliques de Saint Leibowitz, dont l'abbaye qui porte son nom se concentre justement sur la conversation des mémoires du passé.

Ce piètre résumé n'est que le point de départ de la première partie d'Un Cantique pour Leibowitz, sur les trois que le livre comporte. Trois parties comme autant de nouvelles rassemblées dans ce fix-up, ayant comme unité de lieu commune l'abbaye de Leibowitz, à différentes époques.

Un Cantique pour Leibowitz est un post-apo en douceur. On en fait la découverte dans la première partie, où des moines tentent de conserver les reliques du temps passé. On en revivra, de loin, les raisons dans la deuxième et troisième partie. Car pour Walter M. Miller, l'espoir n'est pas permis et l'apocalypse n'est qu'un éternel recommencement.

L'influence de la guerre froide est évidente. La menace et la peur de la bombe atomique, l'utilisation négative de la science, la propension de l'homme à détourner toute chose en faveur du mal, ainsi que la question de la mémoire sont une grande partie des sujets abordés par l'auteur. En tant que conte philosophique, ce livre a des qualités indéniables.

Malheureusement, l'ensemble n'est pas si bon que cela. Si les sujets de réflexion sont intéressants, ils manquent bien souvent d'apporter quelque chose de nouveau à la question, de dépasser le stade des "banalités". Aussi, le pessimisme général et l'absence de solutions apportées (si ce n'est "l'Église est la seule capable d'être raisonnable") font perdre de l'intérêt au roman. Enfin, l'histoire en elle-même est relativement faible, quelques questions restent sans réponse et les personnages ne sont pas plus attachants que cela.

En tant que symbole d'une époque ou en ayant à l'esprit la volonté de lire un petit conte philosophique, Un Cantique pour Leibowitz comporte certainement des qualités. En tant que roman pur, en comparaison du reste de la production, on trouvera certainement mieux ailleurs.

Lecture faite dans le cadre de la lecture commune du mois d'octobre du Cercle d'Atuan. Les avis des autres Atuaniens : Euphemia, Vert

Quatrième emprunt à la bibliothèque pour le challenge Morwenna's List